Lay low (Reyn)

JAGUARS DU SUD

lay low ;
année 41- jour 86

Le moment était mal choisi pour se faire coincer sur le territoire. Rekk le savait pertinemment. Vu les circonstances, il aurait sans doute pu s'en sortir sans trop de mal mais il aurait dû s'expliquer. Se justifier faisait partie de ce qu'il détestait le plus au monde. Après l'enfer de ces dernières heures, il ne se sentait même pas de faire le voyage de retour. Comme si il avait envie de retourner chez les jaguars tout court. Le boulot à abattre risquait d'être monstrueux sur le territoire. En l'absence de April, il aurait aussi à perdre son temps en réunion avec Noâ. Il avait toutes les raisons du monde de se tenir à carreau à l'ouest. Pour ça, il connaissait l'endroit parfait.

Il n'avait pas perdu son temps à jouer sur la discrétion. Il marchait dans les rues comme si il y avait sa place, comme s'il n'avait pas choisi de partir des années plus tôt. Se considérer comme innocent était une bonne façon d'en aborder l'air. En son fort intérieur, il n'était pas convaincu qu'il faisait quelque chose de mal de toute façon. Rekk n'avait même pas l'espionnage en tête. Il allait simplement rendre visite à une vieille amie comme il le faisait très souvent. L'habitude était tellement ancrée qu'il entra après deux coups rapides sur la porte.

— Sors pas ta lame, c'est juste moi.

Il avait haussé le ton, juste ce qu'il fallait pour se faire entendre dans toute la maison. Après s'être débarrassé de sa veste et de ses chaussures, Rekk progressa enfin plus loin.

— Faut que je fasse profil bas pour quelques heures. Tu me laisses passer la nuit ici ?

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Reyn & Rekk

année 41 ; saison intermédiaire ; fin de journée 86

lay low

Il avait fallu revenir de l'hôpital, une fois la tempête calmée et une fois que tout le monde était paré. L'angoisse était heureusement retombée, un peu grâce à ce sous-infirmier rencontré dans le couloir et surtout parce qu'elle n'avait pas grand-chose en fin de compte. Une fois de retour sur le territoire ouest, j'avais décidé de me changer et de me reposer quelques instants avant d'attaquer la suite qui promettait de m'épuiser. Il me fallait de l'énergie pour m'y attaquer. J'étais précisément en train de me changer quand on frappa à la porte avant que la porte ne grince, signe que la personne n'avait pas cru bon d'attendre que je donne le signal. J'avais enfilé en triple vitesse mon t-shirt, un pantalon avant de descendre minutieusement, la lame à la main, prête à me défendre. Une sentinelle ne se serait pas permis une telle intrusion, ça ne pouvait qu'être un intrus.

« Sors pas ta lame, c'est juste moi. » J'avais soupiré de soulagement. « Bordel, abruti ! » C'était la première chose qui m'était venue à cause de l'adrénaline. Il aurait pu s'annoncer avant de débarquer. « Faut que je fasse profil bas pour quelques heures. Tu me laisses passer la nuit ici ? » J'avais rangé ma lame avant d'apparaître dans la salle de vie, haussant les épaules. « Comme si j'allais te chasser. J'suis pas un monstre, entre potes, c'est la moindre des choses. Tu cherches à fuir les gradés ? » Je lui affichai un sourire narquois, persuadée qu'il n'avait pas envie de croiser les gradés en question, surtout depuis le départ de celle qui faisait office de boss direct. Je m'étais installée dans un fauteuil sans un mot de plus, pas besoin de lui signaler qu'il pouvait faire comme chez lui, il le savait déjà sinon il ne serait pas entré de cette façon.

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année 41- jour 86

Charmant accueil. Venant de Reyn, ce n'était pas si surprenant. Rekk avait de toute façon l'habitude de voir des insultes plus vicieuses volées vers lui. Il n'avait jamais été le plus apprécié des hommes et ce n'était que justice. Souvent, il laissait une impression détestable derrière lui.

Reyn était apparue devant lui et il ne pu pas s'empêcher de la détailler une seconde. Ses blessures étaient superficielles. La garce avait été en veine. Comme si il ne pouvait pas se vanter de la même chance. Son état était ridiculement bon si on le comparait à celui des gens croisés dans les rues.

— On sait jamais qu'ils veulent me faire bosser. dit-il de sa voix râpeuse tout en continuant à s'aventurer dans la maison.
J'ai mieux à foutre que d'aider des idiots incapables de se démerder.

Peu de gens l'intéressaient réellement chez les jaguars. Chez les vipères aussi, soit dit en passant. Même le cas de Jaeger le laissait peu affecté. Il avait encore l'attitude son ami en-travers de la gorge.

— Avec un peu de chance, ils me croiront crevé quelque part. Ça leur fera les pieds quand je reviendrais comme une fleur.

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Reyn & Rekk

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« On sait jamais qu'ils veulent me faire bosser. » C'était typique de lui. Comme si j'étais l'élément le plus parfait. « J'ai mieux à foutre que d'aider des idiots incapables de se démerder. » Je ne pouvais pas lui donner tort, au vu de ce qu'il me racontait au sujet de cette belle bande. Je savais dans le fond qu'il exagérait sûrement les choses parce qu'il n'était tendre avec personne mais l'idée qu'ils n'aient encore rien fait de concret vis-à-vis de ce qui était du foutage de gueule complet, c'était bien la preuve qu'ils étaient soit à court de remplaçants éventuels, soit naïfs. Pour ne pas dire stupides. Il avait réussi à me faire rire cet abruti.

« Avec un peu de chance, ils me croiront crevé quelque part. Ça leur fera les pieds quand je reviendrais comme une fleur. » C'était connu de tous ceux qui le rencontraient qu'il n'aimait pas grand monde mais ces rappels constants étaient toujours un peu drôle d'une certaine façon. J'avais parfois l'impression qu'à ce niveau précisément, il était une version encore plus foireuse que moi mais j'étais quand même attaché à ce bougre. Quand on connaissait ses mauvaises habitudes et qu'on ne le prenait pas personnellement, on pouvait survivre dans son environnement. J'eus un nouveau sourire narquois, penchant la tête dans sa direction. « Quand j't'entends, j'me demande qui est le plus à blâmer. Eux ou toi. » J'avais haussé les épaules. « Par contre, je vois que t'es aussi increvable que moi. A croire que c'est jamais les crevards qui se chopent quelque chose. Je préfère ça, t'aurais sûrement été trop pénible à soigner. »

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Avec elle, Rekk n'avait pas de difficultés. Reyn le comprenait et il le sentait bien. Elle l'acceptait comme il était sans chercher à le changer. Les gens avaient toujours des prétextes pour ça. Dans le cas contraire, ils avaient cette tendance insupportable à prendre la mouche. Mais Reyn l'accueillait et rigolait et, parfois, c'était tout ce dont il avait besoin.

A la remarque, Rekk eut le sourire mauvais.

— Eux. railla-t-il, sérieux malgré son air.

Il était bien conscient de la réalité. Il n'était qu'une plante indésirable qui s'étendait un peu trop sur le parterre que représentait les jaguars. Ils ne pouvaient pas le blâmer pour ça par contre. Il était dans sa nature d'agir de la sorte et ils l'avaient laissé s'installer plutôt que de l'arracher. A partir de ce moment là, Rekk n'avait plus de remords.

— On a les qualités qu'on peut, ma chère.

Comme s'il était en terrain conquis, il alla s'asseoir dans un fauteuil avant de poser ses longues jambes sur la table basse. Son comportement n'aurait pas été différent ailleurs. Rekk avait la fâcheuse tendance de se croire chez lui où qu'il aille.

— J'ai vite trouvé un endroit où me planquer. Ça m'a juste coûté de devoir tenir compagnie à un vieux.

Il avait haussé les épaules, comme pour souligner qu'il s'agissait d'un sacrifice nécessaire.

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« Eux. » Je ne pouvais pas lui donner tort et je n'allais pas m'offusquer à leur place parce qu'il se comportait comme un con. S'ils n'étaient pas capables d'établir des limites claires, il avait toutes les raisons de se moquer aussi ouvertement d'eux. En plus, il avait encore le droit de faire ce qui le chantait sous mon toit. Et l'espion, en l'occurrence, c'était lui. Au lieu de m'énerver, j'avais ri sans prendre de pincettes avant de sourire, un sourire qui en disait long sur ma mentalité. C'était sympa de se moquer un peu, ce n'était pas comme si j'étais celle qui les insultait.

« On a les qualités qu'on peut, ma chère. » J'avais haussé les épaules. Encore une fois, il n'avait pas vraiment tort. J'étais aussi chiante que lui, peut-être pas sur les mêmes sujets mais je n'étais pas totalement blanche non plus. Je n'étais pas la plus sainte de Paris et j'avais fait des coups de pute dans ma vie, je ne m'en cachais pas. Je n'avais pas une réputation d'enfant de cœur et à raison. Je n'allais donc pas jouer les blessées parce qu'il avait dit une vérité que d'autres n'assumaient pas forcément, contrairement à nous.

« J'ai vite trouvé un endroit où me planquer. Ça m'a juste coûté de devoir tenir compagnie à un vieux. » Forcément, il devait se plaindre d'un truc ou l'autre. En même temps, c'était pas le gars le plus sociable du monde. En plus de ne pas avoir que des alliés. Quand on se moquait des autres gradés de son clan et quand on traînait trop sur le territoire des Vipères, on s'attirait tôt ou tard des ennuis. « A t'entendre, on devine que tu t'es emmerdé. C'est pour ça que t'es venu te réfugier ici, hein ? »

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La vraie raison de ma présence ici. Sous cette pensée, Rekk s'enfonça un peu plus profondément dans le fauteuil, changeant l'orientation de ses jambes pour gagner encore un peu de confort. Il ne faisait jamais rien par hasard. Il y avait aussi toujours plusieurs raisons derrière ses actions. Une stratégie typique d'un espion. April ne lui avait rien appris d'elle-même mais il avait eu des occasions de l'observer. Il s'était nourri d'elle d'un très mauvais gré. Même visiter Reyn tenait de réflexions multiples. Humain malgré tout, Rekk était venu s'assurer qu'elle allait bien avec la tempête. Il y avait le fait de ne pas se faire repérer sur le territoire à un tel moment. Une sécurité qu'il s'offrait. Comme souvent, il ne voulait pas non plus rentrer chez les jaguars. Encore moins aujourd'hui à cause des conditions qui le forceraient à se plier aux directives des plus gradés que lui. L'idée d'aider lui déplaisait trop fortement. Il n'était pas le bon samaritain.

Rekk aurait menti si il avait prétendu qu'un dernier détail ne le gardait pas loin des frontières. Cette brouille avec Jaeger l'emmerdait bien trop. Il avait toujours la colère de son ami en travers de la gorge. L'affaire aurait pu aller plus loin et se retourner contre la légitime coupable mais la garce était trop loin pour ça. Sa mauvaise humeur se dirigeait donc toujours vers Jae. L'idiot qu'il était allait tout gâcher à force.

— J'ai pas envie de voir la gueule de quelqu'un. soupira-t-il comme un gamin. On s'est pris la tête avec un pote.

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« J'ai pas envie de voir la gueule de quelqu'un. On s'est pris la tête avec un pote. » Je n'étais pas en mesure de le juger, je ne valais pas franchement mieux que lui à ce niveau. Quand quelqu'un m'énervait, j'étais du genre à prendre des distances et je craignais qu'il était en grande partie en tort, tout comme je l'étais très souvent moi-même. On n'était pas exactement des Membres faciles, on n'avait pas nos langues dans nos poches, que du contraire et ça n'aidait pas à se faire des amis. Nous avions un sale caractère également. Je ne savais pas s'il avait toujours eu aussi peu d'ambition mais je n'en avais pas beaucoup depuis que Gaëlle avait fait son apparition dans mon quotidien. Le tout nous faisait naturellement passer pour des fainéants et des personnes peu fréquentables mais je m'en moquais bien. Mes années de service s'achevaient bientôt, je n'avais qu'à survivre jusque-là et après, mon quotidien, j'en ferais ce que je veux. Forcément, je n'aurais pas été contre l'idée d'avoir plus de potes mais il fallait encore pouvoir me supporter.

J'avais haussé les épaules, le sourire mauvais. « Est-ce que c'est une surprise ? » J'aurais sûrement pas dû enfoncer le clou mais il tendait une énorme perche. « Plus sérieusement, depuis quand tu te prends la tête comme ça ? Vous avez dû parler d'un truc vachement important pour que tu le prennes de cette façon. » Je ne connaissais pas toute sa vie mais j'étais curieuse de savoir ce qui avait pu mettre Rekk dans un tel état. Il prenait tout trop à la légère. C'était moi mais en mec. Alors forcément, il avait réussi à piquer ma curiosité.

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Rekk ne s'était pas attendu à mieux de sa part. Sans doute à pire. Reyn aurait pu sans mal profiter de la situation pour s'étonner qu'il ait d'autres potes qu'elle, d'autres gens supportant ses magouilles et son mauvais caractère. Soit elle se ramollissait avec l'âge, soit il avait vraiment la tête d'un homme qu'il ne fallait pas trop titiller non plus. Dans tous les cas, rien de positif à ses yeux.

Cette épreuve de la sincérité qu'elle lui demandait de passer n'était pas plus agréable. Rekk n'avait jamais aimé parler de ses sentiments. En ne le faisant pas, il était plus facile de prétendre qu'il n'en éprouvait pas. Il n'y avait que ses mauvais côtés qu'il assumait avec aisance. Être un connard, il savait faire. Se foutre de tout aussi. Il aurait eu bien du venin à cracher mais cela allait le faire passer pour un fragile. Il n'avait néanmoins pas beaucoup à perdre avec Reyn. Avec ce passé derrière eux et les souvenirs d'enfance, elle en savait plus que tout autre. Certains secrets restaient siens naturellement. Mais la vipère était ce qu'il avait de plus proche d'une confidente.

— Il s'est entiché de Kyra. Depuis il s'est mis dans la tête qu'on devait être réconciliés ou je sais pas quelle connerie. bougonna-t-il. Je sais pas comment j'ai fait pour supporter ce type jusqu'ici. Idéaliste débile.

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« Il s'est entiché de Kyra. Depuis il s'est mis dans la tête qu'on devait être réconciliés ou je sais pas quelle connerie. » Le pote en question n'avait pas certainement pas cerné à quel point ce qu'il faisait était dangereux ou alors les sentiments le rendaient sentimental. Rekk n'avait jamais aimé parler de Kyra et cette dernière était elle-même une vraie fille paumée. L'un comme l'autre étaient perdus et arrivaient plus facilement à cracher du venin, à blesser les autres qu'à chercher à maintenir une vraie relation. Ils avaient leurs exceptions mais même ces exceptions ne tenaient qu'à un fil. Nous avions trouvé notre compte à force de traîner mais il n'aurait pas fallu que je me mêle de leurs affaires de famille, il aurait tôt fait de m'en coller une et d'aller crécher ailleurs quand il était sur le territoire.

« Je sais pas comment j'ai fait pour supporter ce type jusqu'ici. Idéaliste débile. » Je n'avais pas pu m'empêcher de rigoler. C'était drôle de l'imaginer être proche d'un gars aussi diamétralement opposé à lui. A nous. Je ne valais pas franchement mieux. A part mes mères, Rekk dans son genre, je n'avais pas de réelles attaches et ce n'était pas à une année de la retraite que j'allais m'enticher de qui que ce soit. La vie avait été assez bordélique sans ça.

« Tu vois, je pensais que je serais la première de nous deux à faire cette erreur. Je sais pas, je fais peut-être plus peur que toi en fin de compte. Ou. Ou. Ils ont compris que j'étais irrécupérable. C'est mignon qu'on veuille t'aider à changer, comme ils le disent si bien, ces gentils petits Jaguars. » C'était d'autant plus risible qu'il ne les aidait pas, qu'il ne participait pas du tout à la collectivité. A la rigueur, même moi, j'étais plus utile à mon clan parce que j'avais deux mères que je ne voulais pas décevoir et que mon ambition avait été tuée dans l'œuf.

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