Romuel

année 41 ; saison intermédiaire ; journée 87

lost

Elain me regardait avec un air dépité depuis qu'elle était arrivée, comme si j'allais y laisser la peau si elle fermait les yeux juste un instant et à force, la culpabilité grandissait forcément avec tout ça. Dès que je l'avais retrouvée, je m'en étais voulue d'avoir souhaité de lui en coller une à cause de toute cette histoire concernant Samuel et moi. Quelle histoire ? Levi n'avait pas réussi à semer le doute, pas exactement, je me demandais seulement si je n'étais pas la seule à m'être attachée à l'autre. Peut-être que pour Samuel, je n'étais rien de plus que cette soigneuse qui avait pris soin de lui mettre un peu de plomb dans la cervelle. Sans parler de la rage que j'avais pu éprouver quand j'avais appris qu'Elain en avait parlé à quelqu'un comme lui. C'était un ami pour elle, je le savais bien mais c'était à se demander si elle avait si peu confiance en moi, si je ne me trompais pas sur toute la longueur. Malgré tout cette colère, la voir pleurer à mon chevet m'avait renvoyée à cette période où nous étions toutes les deux des enfants et j'avais perdu toute envie de lui exploser à la figure. Mes doutes ne regardaient que moi et je ne pouvais pas lui reprocher quoi que ce soit quand je me faisais peut-être des films. J'étais plutôt soulagée de la savoir avec moi.

Quelqu'un rompit ce silence en frappant et en entrant sans attendre bien longtemps, Elain n'eut même pas le temps d'ouvrir la porte. « Elle est en haut. » A entendre sa voix, j'avais cru comprendre de qui il s'agissait mais j'étais forcément étonnée. Elle avait heureusement décidé de rester dans la salle de vie, dans l'un des fauteuils. Quand il pénétra dans ma chambre, j'avais voulu me relever trop brusquement de mon lit, sous mes couvertures, embarrassée. « Désolée pour l'accueil. Elle est un peu remuée. Tu devrais t'asseoir, je te fais un peu de place. » Il n'avait pas l'air en grande forme, alors j'avais collé mes jambes au mur pour qu'il puisse s'installer. « Qu'est-ce que tu fais là ? Tu devrais être en train de te reposer. » Tout ça n'avait aucun sens. Je ne comprenais pas trop pourquoi il avait pris le risque de s'essuyer des reproches en venant jusque-là et il avait certainement mieux à faire.

Lost

Il avait claqué la porte. Quelque chose de satisfaisant après tant de temps en présence d'Anciens qui dictaient leurs lois et lui faisaient payer les conséquences. Cela restait terrifiant en cette période troublée, le moment restant idéal pour se débarrasser de lui. Le clan était confus et le verrait sans doute disparaître sans broncher. En plus, il leur avait désobéi, il avait refusé de prendre part à la suite de leur plan. Il n'avait peut-être pas toujours été bon pour le Nord, mais ce qu'ils prévoyaient restait dangereux. A croire qu'ils étaient encore moins conscients que lui de ce qu'il se passait hors des frontières. Partir était lâche, il le savait bien, mais il se sentait démuni face à eux. Ils étaient plus nombreux, avaient des soutiens qu'il ne possédait plus. Même se tourner vers ses Lieutenants paraissait impossible. Il savait bien qu'il était le seul à blâmer pour tout ça. Il avait déconné et il n'avait pas été fichu de se rattraper par la suite. Pas qu'ils lui en avaient laissé l'occasion. Comment était-il censé retrouver le respect de ses pairs alors qu'il avait toujours une mauvaise nouvelle de plus à leur annoncer ? Qu'il portait toute la responsabilité, comme un Chef le devait, sauf que les autres n'étaient pas pieds et poings liés. Il en avait assez de subir pour une cause en laquelle il ne croyait plus. Alors il était parti. Il avait suivi sa première intuition et tant pis si cela le faisait passer pour une faible. Il n'était plus à ça près. Ici, au moins, on ne viendrait pas le chercher. Romane devait aussi être la dernière personne sur le territoire à le voir comme ce qu'il était réellement et non comme le Chef raté.

Désireux de ne pas se faire remarquer dans la rue et conscient qu'elle était blessée, il avait au moins eu l'occasion de questionner Klaus à ce sujet, il s'était contenté de toquer rapidement avant de se glisser à l'intérieur. Tombant nez à nez avec une gradée. C'était une mauvaise blague. Il ne s'était pas attendu à cette option, pourtant ce n'était pas illogique que la rousse ne soit pas seule.

- Je viens voir Romane.

Il n'y avait pas plus stupide à dire. Il avait tâché de ne pas trop se dégonfler en parlant, malgré l'anxiété que la présence de l'Espionne lui provoquait. Il ne pouvait qu'espérer qu'on irait pas lui poser des questions à son sujet ou qu'elle ne déciderait pas de vendre la mèche d'elle-même. C'était son boulot après tout, il n'aurait même pas pu le lui reprocher. Qu'elle lui permette d'aller plus loin et lui indique même où était Romane tenait du miracle, bien qu'il sentit bien que sa présence n'était pas appréciée. Elle n'avait pas fait beaucoup d'efforts pour le camoufler.

- T'en fais pas pour ça. Je comprends.

De son point de vue, il ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'elle avait fait un certain effort en le laissant monter. Il s'était de toute façon fait à l'attitude froide et aux reproches des autres. Il s'installa au bord du lit, soulagé dans le fond de pouvoir faire une pause.

- Je pensais que c'était évident, je viens voir comment tu vas.

Malgré tout ce qu'il se passait dehors et même cette animosité qu'il avait ressenti à son égard en bas, il n'avait pas pu s'empêcher de sourire un peu. Un certain poids levé de ses épaules maintenant qu'il était à ses côtés.

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« T'en fais pas pour ça. Je comprends. » J'avais envie de lui dire qu'il n'avait sûrement pas idée de ce que l'attitude d'Elain sous-entendait mais ce n'était pas le moment pour ce genre de révélations. Il n'avait pas fait tout ce chemin pour entendre ce genre de vérités et malgré tout ce que je pensais des cachotteries de ma cousine, je n'avais pas envie de créer un conflit sans précédent, encore moins dans ma propre maison. Elle n'était pas assez grande pour supporter tout ça et ma colère si ça tournait mal. Le moins qu'on puisse dire, c'était que Samuel avait changé, en mieux. Je n'aurais pas imaginé une telle réaction lors des premiers jours de sa convalescence.

« Je pensais que c'était évident, je viens voir comment tu vas. » J'avais l'impression que les rôles s'étaient inversés sans qu'on ne m'ait prévenue, alors qu'il était dans le même sale état que moi. Une petite voix me poussait à croire que j'aurais dû aller le voir moi-même mais avec le chien de garde, ça aurait été impossible. Sans parler de ce qui aurait pu être raconté si on m'avait vue une fois de plus dans les environs de sa maison. On ne pouvait pas m'enlever de la tête que Levi avait des yeux partout et qu'il aurait pu être au mauvais endroit au bon moment. C'était définitivement mieux comme ça. Ça aurait pu être parfait s'il n'avait pas été en mauvaise posture. « Prendre de tels risques pour moi, c'est pas très intelligent. Tu devrais savoir que je suis increvable depuis tout ce temps. » J'avais d'autres mots sur le bout de la langue mais mes lèvres ne collaboraient pas. J'avais peut-être de trop m'impliquer et me rendre compte que j'étais la seule à m'attacher.

Lost

Il ne pu s'empêcher de lever les yeux au ciel sous le commentaire, plus amusé qu'agacé par une telle réaction. Il s'étonnait toujours aussi qu'elle n'ait toujours pas compris et continue à se voir comme une personne lambda au sein de sa vie, elle n'était pourtant plus juste une soigneuse à ses yeux depuis des semaines et il n'avait pas manqué de le prouver autant par ses actions, qu'en lui confiant des pensées beaucoup trop personnelles pour une simple relation de patient à soignant. Ce n'était même pas la première fois qu'il se présentait de la sorte chez elle, juste parce qu'il ressentait le besoin de la voir. Il allait finir par croire qu'il était seul à voir les choses de cette façon.

- Aussi increvable que tu sois, tu restes blessée. Tu penses vraiment que c'est suffisant que tu sois vivante ?

Bien sûr que la savoir vivante était mieux que la savoir morte, mais il y avait des nuances et il aurait nettement préféré qu'elle s'en soit sortie indemne et soit occupée à houspiller des patients comme à son habitude dans l'aile médicale. C'était la version normale de Romane, pas celle qui était actuellement alitée. Un changement de plus dans une vie qui partait décidément dans une vrille pire encore que celle qu'il avait dû encaisser après la rébellion. Malgré son impression, elle n'avait sans doute jamais cessé sa descente, il s'était juste habitué à la chute par moment.

- Laisse-moi m'inquiéter pour toi si j'en ai envie.

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Je me sentais bien bête en le voyant lever les yeux au ciel, j'avais merdé, c'était clair. J'étais persuadée de ne pas répéter les mêmes erreurs depuis qu'on se parlait mais j'étais toujours à côté de la plaque. C'était en tout cas ce que je comprenais en l'observant. « Aussi increvable que tu sois, tu restes blessée. Tu penses vraiment que c'est suffisant que tu sois vivante ? » Je n'étais pas exactement surprise qu'il se soit inquiété pour moi mais je sentais quelque chose d'autre, plus qu'une simple inquiétude. Je comprenais que j'étais importante à ses yeux mais c'était difficile de s'imaginer qu'il pouvait ressentir la même chose que moi à son sujet. J'avais peur de me tromper. Avec Kaiden, ça avait été beaucoup plus simple, peut-être parce qu'il n'était pas Chef.

« Laisse-moi m'inquiéter pour toi si j'en ai envie. » J'avais l'impression que les rôles s'étaient inversés. Non, c'était encore différent. Une petite nuance que j'avais peur de saisir à tort. « Merci. » Le mot le plus stupide dans ce genre de contexte. Il n'attendait pas que ça.

« Je. C'est con et c'est maladroit. » J'avais pris une bonne inspiration, non sans râler parce que ça me faisait toujours un mal de chien. J'avais pourtant besoin de ça pour me lancer dans quelque chose de terrifiant. « Tu t'es inquiété de la même façon pour Andrea que pour moi ou ? » Je me sentais idiote. Comme jamais. Samuel avait le don de me mettre dans des états indescriptibles. On aurait pu croire que c'était la première fois que je vivais ce petit jeu.

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Depuis combien de temps dansaient-ils de cette façon ? Il avait l'impression que cela faisait une éternité que les signes étaient là, mais que d'autres venaient les contredire à la moindre occasion. Il était conscient de développer quelque chose pour elle depuis un moment déjà, mais il n'était parfois pas certain que ses sentiments seraient les bienvenus. Il y avait ce petit quelque chose qui flottait toujours entre eux, mais il aurait pu se tromper et voir juste ce qu'il désirait parce qu'elle était devenue trop importante et qu'il avait la sensation qu'il serait vraiment paumé cette fois si il venait à la perdre. Doucement, mais sûrement, elle était devenue un incontournable dans sa vie, l'un des seuls piliers qu'il lui restait. A vrai dire, il ne pouvait bien compter que sur elle et sur Andrea. Qu'elle en parle justement le fit rire, même si cela ne dura pas longtemps. Il avait été pris de court par cette question soudaine. Pourtant, elle était bienvenue et répondait enfin à ses propres questions. Il n'y avait rien d'anodin là-dedans.

- Bien sûr que non.

Il aimait Andrea, oui, probablement plus comme une sœur que comme une cousine, mais cela n'avait rien à voir avec l'affection qu'il éprouvait pour Romane. L'amour partait de deux racines différentes.

- Tu n'es ni ma cousine, ni ma sœur, ni mon amie, Romane. J'aurais voulu que ce soit plus clair que tu occupes une place à part pour moi. Depuis un moment déjà.

Le dire était bien plus facile qu'il ne le pensait. A côté de ce qu'il se passait dans le reste de sa vie, cette relation qui s'était tissée était simple et saine. Une sorte d'évidence pour lui. Il se trouva pourtant soulagé d'avoir pu le verbaliser, que ses sentiments existent en dehors de lui aussi, sans subtilité.

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« Bien sûr que non. » Il avait rigolé juste avant ça et je me sentais drôlement idiote. Ma réponse était idiote, je ne pourrais jamais être comme Andrea, leur lien était trop particulier parce qu'ils étaient de la même famille et se connaissaient depuis qu'ils étaient gamins. En plus, j'étais certaine que nous n'étions pas les mêmes. J'étais une vraie plaie, je le savais bien et Violette me l'avait bien démontré. Je n'étais pas facile, mon style ne plaisait que rarement et Samuel était sûrement le seul à être passé d'un sentiment totalement négatif à mon sujet à ça. J'étais plus souvent habituée à me confronter à des éléments comme Violette qui ne supportait pas cette intrusion, même quand les intentions étaient bonnes. Il m'avait acceptée, nous nous étions rapprochées mais ça n'avait pas de sens de lui demander s'il s'inquiétait de la même façon. Même pas autant.

« Tu n'es ni ma cousine, ni ma sœur, ni mon amie, Romane. J'aurais voulu que ce soit plus clair que tu occupes une place à part pour moi. Depuis un moment déjà. » Une place à part ? C'était plus clair mais plus que jamais je me sentais stupide. Ma question n'avait pas beaucoup de sens et là, c'était encore plus flagrant. Trop flagrant. Je sentais bien que mes joues chauffaient et ce n'était pas dû au hasard. Je mettais cette lenteur sur le compte de ce qu'il représentait pour le clan. J'avais appris à connaître Samuel mais ça n'empêchait pas qu'il soit le chef du clan et que je puisse paraître opportuniste aux yeux de certains autres Dragons, ceux qui ne me connaissaient pas. Je n'avais pas envie, ni besoin d'une ascension au sein du clan, mon rang de Soumise me convenait. « Je suis désolée. C'est stupide de ma part. Je suppose que j'avais peur de l'image que je pouvais donner alors que je suis la première à m'en moquer. De mon côté, je me suis attachée au vrai Samuel. Je ne pourrai pas imaginer passer un jour sans toi dans les environs. »

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Les signes avaient beau être là depuis un moment déjà, l'entendre le dire restait rassurant. Il sentit quelque chose en lui se détendre, comme si une part de doute s'était envolée, inutile désormais. Elle savait, lui aussi, cela aurait dû être simple, une direction logique s'imposait, mais elle était venue aussi lui rappeler un problème qui avait toujours été central dans leur relation. Ou plutôt une sorte d'obstacle. Aujourd'hui, il le voyait pourtant de moins en moins comme tel car les choses changeaient, elles changeaient vite, et il n'avait jamais été aussi incertain vis à vis de l'avenir. Même à l'époque où sa vie s'était écroulée au moment où la tête de son père était tombée et, avec elle, tout ce qu'il avait prévu et tout ce qui avait été normal pour le gamin qu'il était. Il se sentit soupirer, le regard tombant sur ses genoux plutôt que de la regarder en face. Il faudrait bien qu'ils en parlent à un moment ou à un autre, garder ça pour lui semblait même injuste. Elle avait le droit de savoir dans quoi elle s'engageait.

- Je ne pense pas que le problème va se poser. Pas comme tu l'entends en tout cas.

Il se força à relever la tête, cherchant un instant son regard, puis sa main qu'il serra doucement. C'était lui qui se rassurait par ce geste, le sujet restant compliqué et, surtout, c'était la première fois qu'il l'abordait avec quelqu'un. Il devenait désormais réel et dire qu'il était paumé était un euphémisme.

- Je ne retournerais pas au QG. Ca fait un moment que je ne suis plus réellement Chef de tout façon. J'en ai juste le titre. Ce qui s'est passé ces derniers temps, les décisions actuelles pour le clan, tout ça ne vient pas de moi. J'ai fait des conneries, je le sais bien, et je suis prêt à les assumer, mais ça... Je voulais plus de ça. Être juste un pantin qu'ils agitaient devant le clan pour divertir l'attention de tout le monde pendant qu'ils continuent leurs petites manœuvres sans jamais être inquiétés par l'opinion publique.

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« Je ne pense pas que le problème va se poser. Pas comme tu l'entends en tout cas. » J'avais bien compris que, d'une certaine façon et jusqu'à un certain niveau, il avait été soulagé de m'entendre lui avouer ce que j'avais sur le cœur. Mais il était difficile de ne pas remarquer que quelque chose le travaillait. Entre cette révélation et son attitude, ça crevait les yeux. Ce qu'il ne disait pas n'était pas une évidence pour moi parce que je ne voyais pas ce qui pourrait réellement agir en tant qu'obstacle hormis son rôle au sein du clan. Et au final, j'avais décidé de m'en accommoder, de vivre avec cette réalité.

« Je ne retournerais pas au QG. Ca fait un moment que je ne suis plus réellement Chef de tout façon. J'en ai juste le titre. Ce qui s'est passé ces derniers temps, les décisions actuelles pour le clan, tout ça ne vient pas de moi. J'ai fait des conneries, je le sais bien, et je suis prêt à les assumer, mais ça... Je voulais plus de ça. Être juste un pantin qu'ils agitaient devant le clan pour divertir l'attention de tout le monde pendant qu'ils continuent leurs petites manœuvres sans jamais être inquiétés par l'opinion publique. » Et là, tout fut soudainement plus clair. Je comprenais que ce soit compliqué à exprimer. Je comprenais également qu'il ait mis du temps à m'en parler. Je ne savais pas si j'étais la première personne à entrer dans la confidence, ni même si j'étais la première personne chez qui il avait trouvé refuge mais j'étais flattée et honorée qu'il me fasse confiance à ce point. On pouvait se rapprocher de quelqu'un, éprouver quelque chose pour cette personne sans pour autant lui avouer un secret aussi lourd que celui-là. J'avais serré sa main à mon tour, partagée entre la colère, la peine et l'envie d'en coller une aux personnes concernées mais je savais ce que cela impliquerait. « Je te soutiendrai. Tu as ma parole. » Je lui avais souri, toujours aussi faible mais particulièrement convaincue que c'était la meilleure solution.

Lost

Dans un monde où il pouvait compter les gens qui le supportaient encore sur les doigts d'une seule main, l'entendre dire ça était particulièrement rassurant et lui réchauffa le cœur. La vie devait vraiment être mal foutue pour qu'il ait la chance de compter quelqu'un comme elle dans ses proches, malgré toutes les misères qui lui avaient faites au début de leurs échanges.

- Merci.

La réponse était sincère et il la fixa simplement un instant en souriant avant d'exhaler un soupir lourd. Qu'elle sache et l'ait accepté étaient deux choses, mais cela ne changerait pas grand chose à la situation.

- Je ne sais pas trop ce qui va m'arriver. Nos règles ne prévoient pas qu'un Chef quitte ses fonctions, mais elles ne prévoient pas non plus que les Anciens prennent autant de place. Je suppose qu'elles sont juste ce qui les arrange. A vrai dire, je ne sais pas ce qui va arriver à qui que ce soit. Je doute que Klaus accepte ce qui va se passer. Quand à Levi...

Il haussa simplement les épaules. Il ne connaissait pas assez le nouveau Tireur pour pouvoir juger de sa fidélité au Conseil des Héros ou même de son sens moral. S'il avait été choisi par Hunter, il ne devait pas être si mauvais.

- En tout cas, tu ferais mieux de garder tes amis proches de toi. Vous aurez sans doute besoin d'un plan de secours plus vite que vous ne l'imaginez.

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« Merci. » Aussi brefs qu'ils furent, ce sourire et ce merci étaient sincères, difficile de le nier. Mais c'était surtout une parenthèse joyeuse, c'était ce que son soupire laissait sous-entendre. La tension palpable était un autre indice. J'avais beau être parfois un peu trop brutale, sûrement trop selon plusieurs patients, je n'en restais pas moins attentive aux signes qui m'entouraient et aux autres sinon c'était certain que je ferais une piètre soigneuse. L'un des premiers conseils de mon père.

« Je ne sais pas trop ce qui va m'arriver. Nos règles ne prévoient pas qu'un Chef quitte ses fonctions, mais elles ne prévoient pas non plus que les Anciens prennent autant de place. Je suppose qu'elles sont juste ce qui les arrange. A vrai dire, je ne sais pas ce qui va arriver à qui que ce soit. Je doute que Klaus accepte ce qui va se passer. Quand à Levi... » J'étais convaincue d'une chose, il n'avait pas besoin de me donner plus de détails pour que je puisse me positionner. Je n'avais pas la sagesse de Klaus ou, en tout cas ça ne se voyait pas forcément directement parce que j'étais un peu plus frontale que lui sur certains aspects. Ce n'était pas anodin si le Lieutenant avait toujours cherché à m'appâter pour rejoindre son équipe, nous étions d'accord sur pas mal de points et nous avions globalement la même philosophie. Si Samuel le voyait agir à l'encontre des décisions des Anciens, je n'allais pas être enchantée non plus.

« En tout cas, tu ferais mieux de garder tes amis proches de toi. Vous aurez sans doute besoin d'un plan de secours plus vite que vous ne l'imaginez. » Son conseil en disait long. J'étais certaine qu'il n'était pas bête, il devait bien savoir que les amis dont il parlait devraient probablement m'attacher quand j'étais sur le territoire et me surveiller sur le chemin entre la maison et l'hôpital ou l'infirmerie. Je craignais qu'Elain trouve des solutions à ce sujet. « Je suppose que tu sais ce que ça signifie si Klaus est probablement contraire ? » J'y allais franchement, sans prendre de pincettes, frontale comme toujours. Tourner autour du pot ne nous avancerait pas.

Lost

Si le tempérament de Romane avait été ce qui l'avait charmé et avait planté des graines qui lui avait en partie permis de se remettre en question, il était aussi une source d'inquiétude. En temps normal, être une femme trop directe et refusant de plier l'échine - d'autant plus une Soumise - n'était pas toujours bon chez les Dragons, mais le danger n'avait jamais été aussi réel qu'aujourd'hui. Les idiots que rien n'inquiétaient se multipliaient à vue d'œil et, bien qu'elle ait un entourage solide, il ne pourrait rien pour elle si elle avait déjà été réduite au silence. Sur son trône de mensonges, il n'aurait rien pu faire pour la protéger, sa simple présence avait même tout d'une source de danger supplémentaire. On allait sans doute chercher à utiliser ses proches pour le faire revenir sur le chemin qu'on lui avait choisi. Il avait pris sa décision en étant conscient de tout cela, mais il avait choisi de leur faire confiance. Dans le cas de Romane, il n'empêchait que ce moment ne se reproduirait plus, il n'était pas prêt à lui mettre une cible dans le dos et, aussi doux soit son soutien, il ne l'accepterait pas réellement de si tôt.

- Tu n'es pas plus favorable, je m'en doute, et tu n'accepteras pas de rester silencieuse.

Il aurait pu lui énoncer toutes les raisons pour lesquelles elle aurait pourtant dû se taire. Elle n'était pas Klaus, elle n'avait ni ses responsabilités, ni sa position privilégiée. Malgré tout le bon travail qu'elle accomplissait, elle aurait pu se glisser dans les mailles du filet et échapper à ce qu'il se produisait dehors en fermant les yeux et en continuant d'avancer. De cette façon, elle pourrait faire bien plus de choses qu'en se rebellant contre l'ordre mis en place. Seulement, tout ça, elle était la mieux placée pour le savoir, mais elle n'aurait plus été elle si elle avait accepté les œillères proposées. Il n'était personne pour lui réclamer un changement, même si il aurait préféré la savoir en sécurité.

- Mais, s'il te plaît, n'oublie pas de penser aussi à la valeur de ta propre vie. Beaucoup de gens seraient dévastés de te perdre.

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« Tu n'es pas plus favorable, je m'en doute, et tu n'accepteras pas de rester silencieuse. » C'était bien la preuve que même quelqu'un comme lui pouvait évoluer, quoi que les autres puissent en penser, j'en avais la preuve sous les yeux. Je l'avais énervé pendant tout un temps mais il avait fini par me comprendre et par accepter que j'étais une femme bornée et qu'il ne me changerait jamais. Je n'avais pas pu m'empêcher de sourire, victorieuse, un peu trop fière qu'on me dépeigne comme il venait de le faire. Ce n'était pas une victoire pour beaucoup de personnes, ma mère trouvait que je jouais avec le feu, Elain aussi mais ça l'était pour moi, parce que ça signifiait que j'étais capable de les emmerder et de garder mes principes par la même occasion.

« Mais, s'il te plaît, n'oublie pas de penser aussi à la valeur de ta propre vie. Beaucoup de gens seraient dévastés de te perdre. » J'avais serré le poing, levé les yeux au ciel avant de soupirer. Cette phrase, j'étais certaine que d'autres la sortiraient aussi. Dans le fond, je le savais, ils avaient raison, je risquais ma vie avec les Anciens à la tête. Ils ne se gêneraient pas pour me tuer et me remplacer, je ne valais pas Klaus, ni les Spécialistes. Ça ne signifiait pas que c'était facile à avaler. J'aurais voulu avoir la possibilité de me défendre toute seule et de tenir bon, de garder mes principes. Je refusais de fléchir face à ces abrutis. Je n'aimais pas non plus qu'on me rappelle que mes proches seraient choqués.

« Je déteste entendre ça. Je déteste me dire que vous avez raison. Je déteste être impuissante. J'aurais peut-être dû être Jaguars. » J'avais soupiré. Les Dragons commençaient vraiment à me saouler, même si je les aimais trop, pour la plupart. Rares étaient ceux que je détestais vraiment. « Ne le répète pas à Elain. Ni à propos des risques, ni à propos de la blague de changement de clan. » Je disais ça plus par principe parce que je n'imaginais ni Samuel discuter spontanément avec ma cousine, ni celle-ci se tourner vers lui, même dans le pire des scenarii. Elle ne le prenait clairement pas au sérieux et je lui aurais donné raison quelques mois avant.

Lost

Il n'y avait pas grand chose qu'il pouvait dire à ça. Pourtant, une part de lui pouvait comprendre. Même en étant théoriquement au sommet de la chaîne alimentaire, il restait impuissant. La seule différence était qu'il était bien plus responsable qu'elle de cette impuissance. Elle était la conséquence des erreurs qu'il avait commises. Peut-être pas entièrement car le Conseil des Héros avait toujours eu beaucoup de pouvoir dans les décisions prises pour les Dragons, mais il aurait pu faire mieux, il aurait pu ne pas se reposer sur ses lauriers et prendre conscience bien plus vite de ce qu'il se tramait. Dans ces conditions, il aurait peut-être pu lutter plus qu'il ne pouvait le faire aujourd'hui. Tout ceci restait néanmoins des hypothèses qui ne changeraient rien à la donne, il avait merdé et en payait le prix, point final. L'impuissance de la rousse provenait d'un problème plus général contre lequel elle n'aurait pu aller qu'en ravalant tous ses principes. Encore une fois, rien assurait que cela aurait suffi. Tout ça au final parce qu'il avait échoué à développer un clan dans lequel des femmes comme Romane pouvaient s'épanouir.

- Pour ce que ça change, t'aurais sans doute été une bonne Jaguar. Et je dis pas ça comme une insulte.

Il avait revu sa copie sur trop de choses, y compris le Sud pour qui il avait éprouvé une forme de respect à une époque qui lui paraissait si lointaine. Si il avait du mal avec celui qu'il avait été jusqu'à il y a peu, celui qui était venu avant, le Samuel qui avait presque tout eu dans le creux de ses mains et avait tout détruit, lui paraissait être un étranger. Un paradoxe quand il ne pouvait nier qu'il se rapprochait de plus en plus de sa plus jeune version, lorsqu'il ne s'était pas encore laissé dévorer par trop de sentiments dont il n'avait su que faire. Il devenait évident que le pouvoir ne lui avait pas réussi et, après tout ce n'était pas ce qu'il avait cherché à faire en s'élevant dans la société dragonne, il n'avait voulu que redorer le blason familiale, mais, malgré un passif tout aussi difficile, ce n'était pas le cas de Noâ. Pour un enfant qui avait passé tant de temps à la suivre dans ses jeux et à s'inspirer d'elle, il l'avait bien mal imité en tant que leader et en tant qu'homme. Il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'elle le haïsse aujourd'hui.

- Egoïstement, je suis heureux que tu sois restée Dragonne. Je doute que nos chemins auraient pu se croiser sans ça. Sans toi, j'aurais été quelqu'un de différent. Pas en bien, je le crains. Ou mort. On va pas se mentir, tu as vraiment donné de ta personne pour m'aider à guérir.

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année 41 ; saison intermédiaire ; journée 87

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« Pour ce que ça change, t'aurais sans doute été une bonne Jaguar. Et je dis pas ça comme une insulte. » Je ne doutais pas un instant de la raison derrière la précision, il n'avait jamais été de ceux qui se montraient plus modérés au sujet des Jaguars et je ne comprenais pas bien ce délire. Noâ et Ezekiel, pour ne citer qu'eux, m'avaient toujours renvoyé une bonne image du Sud. Je ne connaissais pas tous les Jaguars, encore moins toute la réalité du clan mais il y avait de bons et de mauvais spécimens dans tous les clans. Il suffisait de voir les décisions arbitraires et complètement débiles des anciens qui n'arrivaient pas à tourner la page. Ca ne m'empêchait pas d'être profondément attachée aux miens. J'avais simplement répondu avec un sourire, me retenant de justesse de hausser les épaules, ça aurait été fatal.

« Egoïstement, je suis heureux que tu sois restée Dragonne. Je doute que nos chemins auraient pu se croiser sans ça. Sans toi, j'aurais été quelqu'un de différent. Pas en bien, je le crains. Ou mort. On va pas se mentir, tu as vraiment donné de ta personne pour m'aider à guérir. » Je ne savais pas quoi en penser. J'avais bien conscience que Samuel avait évolué mais c'était nouveau et soudain. J'avais presque l'impression qu'il me disait ça pour ne pas avoir de regret s'il devait y passer à cause de cons égocentriques. Des morts, j'en voyais à la pelle. Des gens que je ne pouvais pas sauver. C'était la triste réalité des soigneurs, des infirmiers et des sous-infirmiers. Nous étions si peu de choses face à la vie. J'avais serré le poing droit, l'impuissance et la réalité des événements me revenaient en pleine figure. Que des inconnus y passent était une réalité que j'avais appris à accepter mais je me rendais bien compte que lui, c'était différent. Je m'étais attachée. Beaucoup plus que de raison.

J'allais le regretter, je le savais mais je devais bouger. Mon corps me le criait. C'était sûrement con aussi parce que ça ne changerait rien à la situation mais j'en avais vraiment besoin. Mon cœur s'affolait beaucoup trop que pour le nier. Chrom me tomberait dessus s'il l'apprenait. Klaus aussi mais ils ne m'effrayaient pas. Plus depuis les années. « Je t'interdis de crever. » Je lui avais dit ça après l'avoir enlacé, deux premières larmes coulant. « Sinon, je viendrai te rouer de coups à mon tour. » J'étais ridicule. Il n'avait pas besoin de ma détresse en plus de la sienne. Incapable de soutenir correctement les autres.