oksana & saskya
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Rôder dans ces ruines avait quelque chose de bizarrement satisfaisant. L'endroit aurait sans doute pu abriter ce qu'était devenu la ville, mais les événements n'avaient pas tournés de la même façon. On voyait clairement des signes de vie, d'une communauté qui avait tenté sa chance et échoué. Cela rendait l'ambiance bien différente et, même si un tri avait déjà été fait et certains matériaux pillés avec le temps, il restait des trésors cachés un peu partout. Pour quelqu'un comme moi, tomber sur des carcasses de véhicules auxquelles on avait à peine touché suffisait à me faire battre le cœur un peu plus vite. Je ne pouvais pas m'empêcher de voir des opportunités pour le clan, des chances de faire durer un peu plus longtemps les voitures Jaguars, voire peut-être d'en remettre une autre en service. Mais, pour ça, il allait falloir faire quelques efforts. Heureusement que Anya n'était pas dans les parages où elle se serait encore fait un plaisir de critiquer ce qu'elle considérait comme un manque d'entraînement. Tout le monde ne pouvait pas être une Membre d'élite.

« - Hé, t'aurais un peu de temps et d'énergie devant toi ? J'aurais besoin d'un back-up pour aller récupérer des pièces. »

Je n'étais pas idiote, je n'allais pas m'enfoncer dans un lieu inconnu sans un coéquipier pour m'aider. Ne serait-ce que pour transporter plus de pièces. Passer les obstacles serait aussi plus facile.

« - Va falloir descendre un peu. J'comprendrais si t'es pas chaude. »

Surtout après ce qu'il s'était produit quelques jours plus tôt, lorsque nous avions traversé cette drôle de ville. L'éboulement avait dû en traumatiser plus d'un. Le parcours semblait ici un peu plus sécurisé.

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année 41 ; deuxième saison tempérée ; journée 89

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« Hé, t'aurais un peu de temps et d'énergie devant toi ? J'aurais besoin d'un back-up pour aller récupérer des pièces. » C'était peut-être stupide de s'imaginer ça mais pour moi, c'était un miracle qu'on ait pensé à se tourner vers moi, qu'on ait pu me remarquer dans tout ce bazar, moi qui me pensais complètement fondue dans la masse. C'était encore plus surprenant qu'on ait pensé à moi comme soutien pour une mission, qu'importe la nature de cette mission. On repérait généralement beaucoup plus vite Sloan que moi mais il avait dû aider quelqu'un d'autre, inquiet de me laisser de côté après ce qu'il m'était arrivé. Il m'avait fallu du temps pour atterrir et comprendre qu'il n'y avait que moi dans les environs et, par conséquent, qu'elle ne pouvait parler qu'à moi. J'avais voulu me redresser mais je m'y étais pris beaucoup trop vite pour mon propre bien et je dus me retenir contre un mur des ruines pour ne pas m'écrouler. Cette maladie m'avait fatiguée.

« Va falloir descendre un peu. J'comprendrais si t'es pas chaude. » Elle était attentive, ça se voyait mais j'espérais ne pas lui avoir laissé l'impression que j'étais faible. Ce voyage était l'occasion rêver de prouver aux autres, et à moi-même en premier lieu, que je n'étais pas qu'une vulgaire poupée, incapable de faire des choses. Etre Membre aurait dû être suffisant, sans parler de la rébellion mais, cette fois, je n'avais pas le regard plein de jugement de Sorcha. Elle n'était pas là pour gâcher une petite victoire sous des coups de traîtresse qui me faisaient vaciller. « Non, j'ai besoin d'bouger sinon j'vais devenir folle. J'ferai attention mais je suis restée beaucoup trop longtemps allongée. » J'attendais qu'elle m'indique l'endroit à fouiller, toujours aussi droite, peut-être trop droite.

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Ce n'était peut-être pas idéal comme situation, elle n'avait pas l'air d'être au mieux, les traces de sang auraient dû m'orienter dès le début sur cette piste, mais je pouvais comprendre son besoin de s'activer un peu. En plus, je n'étais personne pour estimer ce qu'elle était capable ou non de faire. Si elle était sûre de son coup, je ne pouvais qu'être reconnaissante de l'aide et garder un œil sur elle, juste au cas où. D'un signe du menton et d'un sourire, je l'invitais à me suivre jusqu'à la fosse, là où une pente un peu ardue commençait.

« - C'est bizarre de garder des voitures sous le sol, mais je vais pas m'en plaindre. Malgré les éboulements, il y a l'air d'en avoir suffisamment pour que beaucoup de pièces soient restées entières. »

J'avais commencé à descendre, jetant un rapide regard par-dessus mon épaule pour m'assurer qu'elle suivait.

« - Si on réussit notre coup, ça pourrait faire la différence au niveau du clan. On a toujours des voitures qu'on essaye de retaper, mais qu'on finit par piller à chaque nouvelle panne dans celles qui roulent vraiment. »

Après la pente, il y avait une longue langue de béton à suivre avant que les vraies épreuves ne commencent.

« - Désolée, je dois t'emmerder avec mes histoires. Et, en plus, je connais même pas ton prénom. Je sais juste que je t'ai déjà croisée au QG. »

On faisait mieux comme introduction. Malgré tous mes efforts pour fréquenter un maximum de gens, connaître tout le monde était impossible et il y avait toujours des Membres qu'on aurait pas pu associer à un nom pour peu qu'on ait pas bossé avec eux, qu'on ait une relation en commun ou qu'ils n'aient pas une réputation.

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J'avais attendu un signe de sa part pour m'assurer qu'elle acceptait que je l'accompagne malgré mon état. Tout le monde n'était pas prêt à endosser une quelconque responsabilité, même si le choix avait été mûrement réfléchi. Je la connaissais de vue mais pas assez que pour connaître ses habitudes et ses éventuelles réticences. Alors, quand elle me fit signe, je ne me fis pas prier et je la suivis du mieux possible, à mon rythme, sans prendre trop de risques inconsidérés. « C'est bizarre de garder des voitures sous le sol, mais je vais pas m'en plaindre. Malgré les éboulements, il y a l'air d'en avoir suffisamment pour que beaucoup de pièces soient restées entières. » Je l'écoutais, tout en veillant à ne pas me prendre le pied dans un éventuellement renfoncement ou autre piège de la nature. Paris n'était pas toujours extraordinairement sécure, l'extérieur était encore pire. Je voyais bien qu'elle surveillait mes arrières et, d'une certaine façon, elle me rendait foi en l'humanité ou quelque chose de ce genre. Ce qui ne m'empêchait pas de me sentir toujours un peu vulnérable en présence des autres. Tous ceux qui n'étaient pas Sloan, autrement dit.

« Si on réussit notre coup, ça pourrait faire la différence au niveau du clan. On a toujours des voitures qu'on essaye de retaper, mais qu'on finit par piller à chaque nouvelle panne dans celles qui roulent vraiment. » Le moins qu'on puisse dire c'était qu'elle était prise ou passionnée, qu'importe le mot, par sa tâche. J'aurais voulu avoir une telle passion dans la vie mais je n'étais pas ce type de fille. Je n'avais jamais rien ressenti d'égal à ça. Toujours dans la survie et selon les ordres des autres.

« Désolée, je dois t'emmerder avec mes histoires. Et, en plus, je connais même pas ton prénom. Je sais juste que je t'ai déjà croisée au QG. » Je n'aidais pas exactement à lui renvoyer la bonne image, celle où je l'écoutais sans être emmerdée par ce qu'elle racontait. Je ne parlais pas. Je ne réagissais pas. Enfin, si, mais à ma manière. En silence. De manière un peu passive mais avec intérêt malgré tout. « Je t'écoute. Désolée, je suis pas la fille la plus bavarde et je n'ai rien à partager contrairement à toi et ta passion. C'est pour ça que je t'écoute sans te couper. » C'était une fois de plus maladroit mais on ne se refaisait pas. « Saskya. » Je me frottais nerveusement le bras gauche, embêtée de la mettre dans une telle situation d'inconfort à cause de ma tendance à m'effacer.

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Des jours clairement difficiles m'avaient laissé un peu fragilisée, je m'en rendais bien compte et ça devait d'autant plus se ressentir dans cette situation. Combler un silence par réflexe pour ensuite se rattraper aussi maladroitement n'était pas optimal pour les autres, elle n'avait vraiment pas à supporter mes doutes. Je n'aurais su dire si elle se montrait simplement sympa ou si elle était sincère, mais j'avais tout de même souri, peut-être un peu plus timidement. Qu'elle ne soit pas réfractaire à mes bavardages n'était pas déplaisant, surtout au vu du sujet choisi. Depuis que nous avions quittés la ville, je n'avais pas vraiment eu le temps de parler de tout ça, il y avait eu des choses plus importantes à gérer et j'étais restée plus longtemps avec ma famille qu'avec d'autres Membres. Je n'avais pas vraiment contribué au rapprochement avec les Vipères et encore moins avec les Dragons, même si ce n'était pas exactement le but du voyage. Il semblait évident qu'ils étaient tout juste tolérés.

« - Oksana. »

Toutes les excuses étaient par contre bonnes pour rencontrer de nouveaux Jaguars, même si c'était possible en tout temps. Même au sein de son propre clan, il fallait parfois des circonstances extraordinaires pour faire réellement la connaissance de quelqu'un. J'aurais sans doute pu la croiser dans les couloirs pour le restant de mon service sans avoir de raison de lui adresser la parole. C'était à se demander comment les choses se passaient ailleurs, dans les clans où les Membres ne vivaient pas tous ensemble.

« - Tu bosses dans quel domaine ? »

Cela restait basique, mais, après le prénom, c'était sans doute l'une des premières choses que l'on apprenait sur les autres. La tâche représentait quand même un sacré morceau de notre emploi du temps.

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« Oksana. » Ce n'était pas la première fois que j'entendais ce nom depuis le début du voyage et même au quartier général on pouvait entendre qu'on criait après elle dans les couloirs. Je n'aurais pourtant jamais pu mettre un visage sur ce nom avant que nous n'échangions pendant cette petite escapade. Rien de très surprenant, nous étions beaucoup trop nombreux au sein du quartier général et c'était la même chose pour le groupe de voyageurs. Quant à moi, j'étais constamment fourrée avec Sloan et nous évitions autant que possible de nous faire remarquer. Ca fonctionnait plutôt bien en temps normal.

« Tu bosses dans quel domaine ? » Cette curiosité était typique des nouveaux Jaguars et je ne savais jamais trop comment y réagir. En apparence, je tentais tant bien que mal de duper le public, en l'occurrence, Oksana, mais quand on cherchait à gratter les murs, les vieux démons reprenaient le dessus. Lors des années plus sombres, Baba m'avait bien prouvé qu'il ne s'intéressait pas à moi pour les bonnes raisons et j'avais naturellement ancré dans ma caboche que je ne valais rien, que les autres ne me voyaient que comme un vulgaire objet qu'on se passait entre les mains, sans réellement y toucher, l'abîmant du regard. Ca suffisait amplement.

A cause de ça, dès qu'on me posait des questions, surtout quand il s'agissait d'un Jaguar, je me crispais. C'était con. Je ne l'imaginais pas aussi pourrie que Baba, parmi tant d'autres, mais j'appréhendais ces moments. Comme une enfant. « Rien d'extraordinaire. Je suis qu'une vulgaire surveillante. » Sans le vouloir, ma voix était plus cassante qu'au début de cette discussion. C'était dommage mais j'avais du mal, on ne m'avait pas appris à parler de moi de la bonne façon.

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Le sujet se voulait banal, juste une façon d'en apprendre un peu plus et de lui donner une occasion d'occuper l'attention, mais il déclencha une réaction pour le moins inattendue. Par réflexe, j'avais jeté un œil derrière mon épaule, tentant de comprendre où cela avait dérapé. Peut-être qu'elle n'aimait vraiment pas parler d'elle, mais je restais un peu perturbée par cette tournure de phrase. La question ne lui donnait aucune raison de se descendre de la sorte. Elle était peut-être calme de nature, mais il n'était pas difficile d'imaginer maintenant qu'il puisse y avoir un petit quelque chose en plus. Pour autant, je n'étais pas vraiment en droit de me mêler de tout ça. Je retournais donc à ma progression pour me laisser glisser le long d'une pente un peu raide qui nous conduit plus profondément encore sous terre. Heureusement, la lumière du jour parvenait encore jusqu'ici grâce aux larges failles trouant le plafond. Et nous étions enfin arrivées au bon étage. Dès la première voiture, j'eu vite fait d'abandonner mon sac à dos sur le sol, ne gardant que quelques outils à coincer dans ma ceinture ou à fourrer dans les poches les plus profondes de mon manteau.

« - Tu peux m'aider à soulever ça ? »

Le capot avait dû se prendre un mauvais coup vu comme il était enfoncé et il avait résisté lorsque j'avais essayé de l'ouvrir. A deux, il serait peut-être possible de faire des miracles. Je ne manquais pas de choix en ce qui concernait les véhicules à piller, mais plus il faudrait s'enfoncer, plus le risque de rencontrer des problèmes augmenterait. Nous n'avions pas non plus toute la journée, le soleil aurait vite fait de descendre un peu trop.

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« Tu peux m'aider à soulever ça ? » Le changement d'attention m'arrangeait vraiment cette fois. Je préférais qu'on s'intéresse à cette voiture qu'à moi, une question de survie mentale. Je n'avais donc pas traîné pour m'approcher d'elle et de la voiture drôlement amochée. Même si je n'étais pas la fille la plus causante, ni la plus sociable, aider dans ce genre de cas ne me posait pas de problème, au contraire, c'était plaisant d'être utile. En plus, Oksana ne me forçait pas, elle méritait donc bien qu'on l'aide.

Je m'étais posée d'un côté de la voiture, à hauteur du capot, attendant un signe ou un mot de sa part pour y aller franchement. J'y mettais toutes mes forces, c'est-à-dire pas grand-chose. J'allais probablement m'épuiser rapidement mais ce ne serait pas le premier effort depuis mon début de vie de Membre. Certaines nuits étaient compliquées, dans un autre genre depuis plusieurs saisons. Avec son énergie, on aurait sûrement des chances d'y arriver. Je la regardais, cherchant un autre indice concernant notre avancée.