montrer pattes blanches (libre)

Elan & libre

année 41 ; saison intermédiaire ; zénith 92

montrer pattes blanches

Tout était maladroit dans ma démarche, je ne savais même pas par où commencer. J'avais tourné en rond dans ce campement de fortune avant de me lancer et d'enchaîner les pas en direction du territoire des Jaguars. Même si tout semblait s'être relativement bien passé avec Asha, je savais qu'elle aurait le temps de changer d'avis si j'attendais encore avant de me lancer. Elle avait peut-être même déjà un autre point de vue, c'était certainement ce qui me faisait le plus peur. J'appréhendais de tomber sur elle et qu'elle me poignarde dans le dos, qu'elle me rejette une nouvelle fois. Ca aurait été la fois de trop. J'étais conscient du risque que je prenais, pas tant vis-à-vis d'un refus de la part des Jaguars, parce qu'ils étaient les plus ouverts vis-à-vis des Libres. Les Vipères n'étaient pas mauvaises mais elles permettaient moins de liberté et on racontait des choses et d'autres au sujet de leur comportement avec les hommes. Je connaissais plus de Jaguars que de Vipères. Quant aux Dragons, l'option n'était même pas envisageable. Si j'étais plus sincère avec moi-même, ce qui me poussait instinctivement vers le Sud, c'était la possibilité que dans un futur plus ou moins lointain on réussisse à se rapprocher, même si elle n'était plus en rien la sœur que j'avais connue. Ce n'était peut-être pas une si mauvaise chose. Après tout, elle m'avait abandonnée.

Malgré les bonnes vibes que dégageait ce clan, je n'arrivais pas complètement décontracté. J'avais trop peur de renvoyer la mauvaise image. Je savais bien que j'étais à leur merci mais c'était une bien meilleure option de vie que de rester à la merci de la nature et de sombres connards qui nous voyaient comme des déchets qu'on pouvait buter sans s'attirer de réels ennuis. C'était encore mieux que de crever de faim pour l'éternité. J'étais arrivée aux frontières et d'une voix ni trop brusque, ni trop timide, j'avais attiré l'attention des sentinelles postées là. « Je voudrais juste parler à votre chef ou à n'importe qui d'autre. Je connais pas bien la démarche habituelle. » La seule chose dont j'étais certain c'était de ne pas vouloir croiser Asha ou je risquais de prendre mes jambes à mon cou.

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spencer ∞ elan

Année 41, seconde saison tempérée (jour 92 - zénith) ✻✻✻ Mettons les choses au clair directement. Elle était pas sensée être là, Spenc', mais ça l'avait pas empêché de chausser ses grosses bottines et de se mettre en route dans matinée parce qu'elle s'emmerdait comme un rat mort. Quoi que sa cheville ait pu dire. Elle était quand même passé à l'infirmerie pour un check-up où on lui avait refait un bandage tout net et bien serré. Juste ce qu'il fallait pour accompagner le mouvement jusqu'aux frontières où elle avait été papoté avec les potes pendant qu'ils étaient de piquet. Faisait calme ces derniers temps, elle était pas la seule à ronger son frein. Les docs pouvaient dire ce qu'ils voulaient, elle bossait pas ce qu'elle leur avait promis de pas faire. « Et là, Matt a- » Qu'elle racontait lorsqu'elle avait été coupée par les mouvements de Scott. Il s'était redressé de la vigie contre laquelle ils étaient tous appuyés, une main en avant pour imposer le silence. Son regard était posé au loin et Spencer le suivit jusqu'à repérer la silhouette en approche. Un maigrichon un peu crado, autrement dit, un Libre.

« Je voudrais juste parler à votre chef ou à n'importe qui d'autre. Je connais pas bien la démarche habituelle. » Scott avait fait quelques pas pour s'approcher de lui, son arme bien en vue. Méfiant, il fallait l'être, mais elle le trouvait un poil hostile, Spencer. « La démarche habituelle ? » « Fais pas l'con, Scott. T'sais ce qu'il veut. » Ils voulaient tous la même chose, les Libres. La sécurité, un repas chaud, et un lit. Bref, tout ce qui allait avec la marque que tout le monde avait gravé dans la peau. Faire ce choix était pas facile, elle pouvait au moins comprendre ça, Spencer. Elle aimait donc pas trop le fait que Scott ait la tronche de quelqu'un qui était à deux doigts d'utiliser des mots déplaisants à base de rats et autres nuisibles. Elle avait jamais trop compris le rapport, personne pouvait se vanter de jamais avoir bouffé un rat dans sa vie. Fallait pas aller diminuer la bidoche qui vous remplissait le bide. Heureusement que ce couillon de sentinelle était jeune et encore malléable. On arriverait peut-être à le recadrer à temps. « J'le ramène au QG. » Tiff grommela à côté d'elle. « T'es pas de garde. » Elle haussa les épaules avant de répondre. « Faut quand même que je rentre. Puis j'ai mon arme. » Si le dire suffisait pas, elle avait soulevé sa veste pour révéler la lame accrochée à sa cuisse. Les autres la bouclèrent après ça. Scott s'assura juste de fouiller le Libre avant de se tirer vers son poste en haussant les yeux au ciel. De là où elle était, Spencer fit juste un signe de la main au gars pour qu'il la suive et on leur ouvrit le passage.

« Pardon pour l'accueil, c'pas toujours comme ça. T'en as qui se sentent plus pisser lorsqu'on leur donne une arme. » Elle avait attendu qu'ils aient marché un peu pour le balancer. Elle l'aimait bien Scott dans le fond, puis surtout elle voulait pas qu'il lui fasse la gueule la prochaine fois qu'ils auraient à monter la garde ensemble. Lui recadrer la gueule s'il jouait trop au pigeon la dérangeait pas mais elle était pas sûre que Noâ apprécie. Aux frontières, y avait des trucs qui faisaient tache. Les patates, ça se distribuait en famille, un peu plus loin. « T'as un nom, mon gars ? »

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année 41 ; saison intermédiaire ; zénith 92

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« La démarche habituelle ? » J'avais bien ressenti la tension et le malaise qu'avait engendré ma présence et je me sentais con d'avoir voulu tenter l'expérience. « Fais pas l'con, Scott. T'sais ce qu'il veut. » Je ne m'étais pas attendu à être accueilli les bras ouverts par des personnes qui ne connaissaient que la vie confortable au sein d'un clan et nous voyaient probablement comme des éléments nuisibles. Des déchets. C'était encore plus surprenant que quelqu'un avec un tempérament tout feu tout flamme comme Asha n'ait pas eu d'emmerdes à ses débuts. La fille qui avait calmé son coéquipier avait l'air d'avoir un avis moins tranché mais ça ne m'empêchait d'appréhender la suite des événements. Noâ n'allait peut-être écouter que son point de vue. Elle aurait probablement raison de d'écouter quelqu'un de confiance qu'un inconnu qui n'avait pas toujours été irréprochable.

Penser à la suite était ce que j'avais de mieux à faire pendant qu'ils m'observaient en silence. Un trop long silence. C'était logique qu'ils ne veuillent pas de toute la misère de la ville et qu'ils ne me fassent pas confiance mais l'expérience n'était pas forcément agréable. Si je n'avais pas le sentiment que j'allais y passer, j'aurais probablement réfléchi encore quelques jours en me demandant si j'étais prêt à subir les jugements. Malheureusement je n'avais pas ce luxe. « J'le ramène au QG. » Je les écoutais échanger parce que ça me concernait mais je ne m'étais jamais senti aussi mal, comme si je n'étais pas à ma place, au beau milieu de pièges destinés aux animaux. « T'es pas de garde. » C'était con parce que je savais même pas quoi faire de mes mains, où les mettre sans que ça paraisse suspect ou dangereux. Alors je les gardais l'une dans l'autre, posées contre mon abdomen. « Faut quand même que je rentre. Puis j'ai mon arme. » Le moins ouvert de la bande m'avait fouillé et j'aurais menti si j'avais prétendu ne pas avoir été dérangé. Difficile de lui accorder sa confiance quand, en peu de temps, il m'avait envoyé un message très clair.

J'avais ensuite spontanément suivi celle qui comptait se charger de me conduire jusqu'au quartier général sans un mot de plus. Je ne connaissais pas la fameuse démarche. Tout le monde ne voulait pas communiquer avec un sombre inconnu trop crade pour leur norme. « Pardon pour l'accueil, c'pas toujours comme ça. T'en as qui se sentent plus pisser lorsqu'on leur donne une arme. » Elle était donc drôlement patiente et me donnait l'impression d'avoir de vraies bonnes intentions. J'eus un soupir de soulagement. Je n'étais pas totalement décontracté mais elle ne renvoyait pas l'image d'une fille qui prenait les autres de haut. Ça ne m'empêchait pas de rester silencieux pendant quelques secondes encore. Je savais pas quoi lui répondre à ça. J'allais pas lui dire que j'avais pas toujours été si conciliant, même si ma survie était en jeu. J'avais cherché la merde pendant plusieurs saisons à cause de ma rancœur que je balançais trop rapidement à tous ceux qui étaient plus ou moins proches d'Asha. « Elan. Et merci. Tu sais, d'avoir été-. Enfin, d'avoir agi comme tu l'as fait. J'ai appris à connaître les préjugés à propos des Libres. Et toi, tu t'appelles comment ? » Je me sentais con. Con d'être soudainement presque intimidé. Je devais surtout contrôler. Donner la meilleure image de moi-même. Pour avoir toutes les chances de mon côté.

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Année 41, seconde saison tempérée (jour 92 - zénith) ✻✻✻ Le petit nouveau n'avait pas l'air d'un mauvais gars. Elle le pensa, tout en le zieutant à la recherche d'indications. Un truc de sentinelle peut-être. Elle avait toujours été curieuse des autres. Elle aimait bien les gens, Spencer, même si ça faisait chelou présenté de la sorte. Elle le jugeait pas d'être un peu calme, valait mieux ça. Puis Scott n'avait pas fait bonne impression, ça pouvait refroidir. La situation en elle-même devait être stressante. Malgré les années d'emmerdes, elle avait jamais été une étrangère pour la ville. Le système l'avait oublié trop souvent mais elle avait toujours été une Jaguar et ça valait un truc. La maison avait pas toujours été littérale mais elle avait eu un endroit où rentrer depuis qu'elle était née parce qu'elle était chez elle sur le territoire. Rien à voir avec lui qui débarquait. Du moins, elle pensait un truc du genre, Spencer. « Elan. Et merci. Tu sais, d'avoir été-. Enfin, d'avoir agi comme tu l'as fait. J'ai appris à connaître les préjugés à propos des Libres. Et toi, tu t'appelles comment ? » Il causait quand il le voulait, c'était le plus important. Elle sourit un coup, sympathique à l'effort. Elle captait bien les préjugés, il y en avait toujours eu pour les Jaguars. « Spencer. » Les mains fourrées dans les poches de son vieux pantalon, elle continua. « Ils sont un peu cons. Jeunes. Ils ont eu le temps d'oublier qu'à une époque c'était pas mieux d'être un Jag' qu'un Libre. J'suppose que c'est normal. On s'habitue au confort et on cherche à oublier les emmerdes. Un peu ingrat si tu veux mon avis. T'en viens à zapper comment t'en es arrivé là. C'que les autres ont dû faire pour que t'ais le cul confortable. » Elan ne devait pas être là pour avoir une discussion philosophique. Elle en haussa métaphoriquement les épaules. Il apprenait quand même des trucs au passage. Au pire, il se dirait qu'elle n'était qu'une emmerdeuse qui causait trop. « Tu viens d'ici ? De la ville, j'veux dire. »

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année 41 ; saison intermédiaire ; zénith 92

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« Spencer. » Si je tentais tout ce que je pouvais pour être le plus ouvert et le plus sympathique possible malgré la peur qui m'habitait en ce moment précis, là, alors que j'avais franchi les frontières du territoire des Jaguars, j'étais soulagé de voir que cette Spencer y mettait du sien aussi. C'était peut-être plus naturel pour elle que pour moi mais dans tous les cas, elle réussissait là où d'autres se plantaient, je gardais le cap, un pied après l'autre, le tout en l'écoutant pour ne pas penser qu'à l'idée que je pouvais croiser celle qui avait nié mon existence pendant tout ce temps et qui en ferait sûrement de même si j'arrivais à convaincre Noâ, celle que j'avais prise pour cible jusqu'à présent dans un délire de déni complet de notre situation, de m'accepter et, par la même occasion, de m'accorder la chance de devenir au moins Soumis. Ce n'était pas gagné. Entre les mensonges d'Asha et mon comportement à ces mensonges, elle aurait eu toutes les raisons de me rejeter. De ne pas casser cette boucle mais de la relancer.

« Ils sont un peu cons. Jeunes. Ils ont eu le temps d'oublier qu'à une époque c'était pas mieux d'être un Jag' qu'un Libre. J'suppose que c'est normal. On s'habitue au confort et on cherche à oublier les emmerdes. Un peu ingrat si tu veux mon avis. T'en viens à zapper comment t'en es arrivé là. C'que les autres ont dû faire pour que t'ais le cul confortable. » Exactement ce que j'avais reproché à Asha. D'avoir délibérément choisi de me mettre de côté, d'avoir choisi cette vie trop confortable, le tout en prétendant n'avoir jamais eu de frère. Elle avait choisi d'oublier d'où elle venait pour s'intégrer au sein d'un clan qui ne discuterait probablement jamais son choix. Seulement, en parler avec cette fille ne m'aiderait pas. Tout au plus, elle me traiterait de menteur si elle la connaissait. Et ça devait être le cadet de ses soucis.

« Tu viens d'ici ? De la ville, j'veux dire. » Ce ne serait pas la première à fouiller dans le passé des autres dans le but plus ou moins sincère d'en apprendre plus sur eux. Rien ne m'empêchait de lui répondre en restant vague à propos de cette ancienne vie. « Disons que je m'en suis éloigné pendant un petit moment. Les circonstances l'imposaient. » Parler de la Troupe, parler de mon obsession et de tout ce qui me rattachait négativement à la ville ne nous aiderait pas à y voir plus clair et je ne voulais pas nécessairement qu'elle me voie déjà comme un gars complètement dérangé. On ne pouvait pas comprendre ce que ça faisait d'être écarté sciemment de la vie de sa sœur jumelle quand on n'en avait pas.

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Année 41, seconde saison tempérée (jour 92 - zénith) ✻✻✻ « Disons que je m'en suis éloigné pendant un petit moment. Les circonstances l'imposaient. » Mystérieux. Ce sont là ses raisons, sa vérité, et elle n'allait pas pousser, Spencer. Elle était quand même qu'une sentinelle qu'il venait de rencontrer. Même pas elle était en service à l'heure actuelle, sa curiosité, elle pouvait donc se la carrer ailleurs. Il répondait aux questions mais ça se voyait bien qu'il n'était pas à l'aise. Avec Noâ, il aurait déjà droit à un interrogatoire, valait mieux qu'elle s'arrête là.

Revenir à des sujets plus concrets l'aiderait sans doute plus. Elle aurait pu se contenter du silence aussi, sauf qu'elle se souvenait de ce que ça faisait de marcher dans ces rues en se sentant pas la bienvenue. Le sentiment et l'époque étaient différents mais un fond de quelque chose restait. C'était pas le moment qu'il se coince là-haut à cause du stress. « Tu sais comment ça se passe ? Rejoindre un clan, la soumission, tout le bordel ? »

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« Tu sais comment ça se passe ? Rejoindre un clan, la soumission, tout le bordel ? » Cette fille avait l'air de s'intéresser à sa façon à mon cas et c'était spécial, nouveau. Puisque même ma soeur niait mon existence jusqu'à ce qu'elle n'ait plus d'autre choix lors de la tempête, quand nous étions coincés l'un avec l'autre. Je savais bien que ça ne voulait rien dire pour la suite, qu'elle continuerait son cirque si nous étions entourés et même si nous ne l'étions pas.

« Dans les grandes lignes. A force de parler avec des personnes en lien avec les clans ou directement au sein de clans mais je suppose que je ne connais pas tous les détails. J'imagine aussi que votre chef peut me dégager facilement sans avoir besoin de se justifier. En plus, je suis pas le gars le plus sociable et le plus sympa. Soucis de famille. » Je défendais très bien ma cause. Moi qui me sentais généralement serein et confiant, j'appréhendais réellement cette rencontre avec Noâ. Elle représentait tant de choses.

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Année 41, seconde saison tempérée (jour 92 - zénith) ✻✻✻ « Dans les grandes lignes. A force de parler avec des personnes en lien avec les clans ou directement au sein de clans mais je suppose que je ne connais pas tous les détails. J'imagine aussi que votre chef peut me dégager facilement sans avoir besoin de se justifier. En plus, je suis pas le gars le plus sociable et le plus sympa. Soucis de famille. » Il n'avait pas tort, le petit gars, la Chef aurait le dernier mot dans l'histoire. Elle régnait en maîtresse de son domaine et elle avait pas la réputation de se laisser emmerder. Encore moins par un Libre, sans doute. Pour autant, c'était une brave dame qui n'hésitait pas à tendre la main aux autres. Puis fallait dire ce qu'il en était...on crachait pas sur des bras valides après tout ce bordel. Un Libre par trop casse-couille ferait un aussi bon boulot qu'un Aiglon glorifié. Elle avait rien contre personne dans l'histoire, Spencer, elle attendait juste que certains fassent leurs preuves et donnent un coup de collier pour se rendre utiles. Les purs glandeurs qui attendaient la gueule ouverte, c'était pas un truc qu'elle aimait. « Ton entretien, tu devrais salement le foirer pour qu'elle te jette dehors. C'pas tous les jours qu'on ramène des gens aux frontières. » Ca arrivait, fallait pas croire. Ils pouvaient s'en vouloir qu'à eux-mêmes, ceux là. Ils avaient flingué leur chance comme des grands. « T'as pas trop la tête d'un gars qui va la saouler pour le principe. Juste celle de quelqu'un qui a désespérément besoin de poser ses fesses dans un coin et de plus avoir à regarder derrière son épaule H24. »

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« Ton entretien, tu devrais salement le foirer pour qu'elle te jette dehors. C'pas tous les jours qu'on ramène des gens aux frontières. » Je ne pouvais pas nier que j'étais partiellement rassuré parce que je m'étais imaginé des histoires incroyables au sujet de Noâ et les rumeurs n'avaient rien arrangé à mes délires personnels. Le problème, c'était que la première fois que je l'avais rencontrée, sur ce même territoire, je n'avais pas fait bonne impression alors elle aurait toutes les raisons du monde pour me jeter sans avoir à se justifier. Sans même parler des sentiments d'Asha qui pourraient faire pencher la balance. J'avais bien appris qu'elle était devenue une grande, une gradée alors elle aurait toujours plus d'importance que moi. A la place de la Chef, mon choix serait sûrement rapidement fait.

« T'as pas trop la tête d'un gars qui va la saouler pour le principe. Juste celle de quelqu'un qui a désespérément besoin de poser ses fesses dans un coin et de plus avoir à regarder derrière son épaule H24. » Ce n'était pas la première fois qu'on me le disait, que j'avais probablement plus besoin d'une vraie sécurité pour être un peu plus correct, un peu moins suspicieux. Je ne comprenais pas bien qu'on soit si bienveillant, si attentionné alors qu'on ne me connaissait pas. C'était un concept particulier que j'avais parfois encore du mal à comprendre sur toutes ses coutures. Si une soeur vous abandonnait, comment des étrangers pouvaient vouloir vous tendre la main ? Bizarre. Mais pas réellement détestable. Je supposais que la solution de facilité avait été trop longtemps de fuir les autres et de sortir les griffes pour gagner cette distance mais que je cherchais désormais autre chose.

« T'es toujours gentille avec les autres ? 'Fin, oui, je suis con. On s'connaît à peine. Il y a aucune raison pour que tu le sois avec moi et pas avec les autres. » Je me débrouillais avec autant de maladresse qu'un chiot. Raison pour laquelle je regardais droit devant nous. C'était moins compliqué, moins douloureux.

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Année 41, seconde saison tempérée (jour 92 - zénith) ✻✻✻ « T'es toujours gentille avec les autres ? 'Fin, oui, je suis con. On s'connaît à peine. Il y a aucune raison pour que tu le sois avec moi et pas avec les autres. » Difficile de faire autre chose que rigoler franchement. La forme était drôle mais pas le fond. C'était triste d'en arriver là. Rien de nouveau ou d'étonnant, il y avait ça aussi chez les Jaguars. Joshua premier du nom avait trop foutu le bordel. Des gamins détruits, on en trouvait à tous les coins de rue. Malgré sa vie de débrouille et les jours de dalle, elle s'en était bien sortie, Spencer. Le traumatisme était minime en comparaison de ce qu'il aurait pu être. Elle pouvait encore sourire, s'ouvrir aux autres. Elle craignait pas les gradés par principe non plus parce qu'elle avait pu se rendre compte qu'ils étaient pas tous pourris. « J'suis extra-gentille pour compenser les conneries de Scott. » Elle n'avait pas tenu la blague longtemps. « J'déconne. On va dire que je fais un effort supplémentaire avec les gens qui ont l'air d'avoir passé une mauvaise journée. Vu ta tronche, c'est plusieurs saisons de merde que t'as passé. Puis c'est ça aussi être sentinelle. Y a pas que l'aspect je-shoote-les intrus. Des raisons qui poussent les gens à venir aux frontières, y en a un paquet. » On allait pas se mentir, Spencer avait aussi ça dans le sang. C'était loin d'être une bonne poire mais elle avait un petit faible pour les laissés-pour-compte. L'instinct maternel et tout le bordel. « Pis, tu m'as pas donné de raison de me la jouer pute avec toi. »

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année 41 ; saison intermédiaire ; zénith 92

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A première vue, elle n'avait pas l'air de se moquer de moins quand elle rigolait mais ce n'était peut-être qu'une mauvaise impression. « J'suis extra-gentille pour compenser les conneries de Scott. » J'allais garder en tête le nom de Scott et me rappeler de l'éviter s'il y avait une prochaine fois sur le territoire. Je n'avais pas franchement envie de m'attirer des ennuis quand je devais faire profil bas pour que Noâ m'accepte chez les Jaguars.

« J'déconne. On va dire que je fais un effort supplémentaire avec les gens qui ont l'air d'avoir passé une mauvaise journée. Vu ta tronche, c'est plusieurs saisons de merde que t'as passé. Puis c'est ça aussi être sentinelle. Y a pas que l'aspect je-shoote-les intrus. Des raisons qui poussent les gens à venir aux frontières, y en a un paquet. » J'affichais un tout petit sourire, comme pour lui donner raison au sujet des saisons de merde. Je n'allais pas commencer à déballer ma vie, expliquer que c'était chaotique depuis que j'avais été abandonnée par la seule personne de ma famille encore en vie, ça n'aurait servi à rien à ce stade et ce n'était pas une histoire qu'on racontait au premier venu.

« Pis, tu m'as pas donné de raison de me la jouer pute avec toi. » Comme quoi, j'avais peut-être eu besoin de bonnes claques de la vie pour comprendre que jouer les malins et les arnaqueurs ne payait pas. Je n'allais pas soudainement devenir le garçon au grand cœur qui sauve la veuve et l'orphelin mais je n'avais jamais mieux progressé que depuis que j'avais appris de mes erreurs. Sans la Troupe, je n'avais pas énormément de possibilités de survie. C'était ce que je retenais de tout ça.

« Merci. Ca me donne un peu plus d'espoir. » Il en fallait sûrement plus pour convaincre la chef des Jaguars mais je commençais bien. Je ne m'écrasais pas totalement mais j'adoptais une attitude adéquate, si j'en croyais ce qu'elle me disait. C'était ça, mon espoir. Pas grand-chose au bout du compte, c'était infime mais c'était là.

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spencer ∞ elan

Année 41, seconde saison tempérée (jour 92 - zénith) ✻✻✻ « Merci. Ca me donne un peu plus d'espoir. » Il lui en fallait pas plus à Spencer. Ca lui faisait sa bonne action de la journée. Elle les comptait pas vraiment, c'était juste cool avant de dormir de se dire qu'on avait eu son petit moment significatif dans la vie d'un autre.

Ils continuèrent comme ça un bout de temps jusqu'à atterrir devant le QG. Comme d'habitude, une sentinelle montait la garde à l'entrée. La dégaine pas offensive pour un sous, juste là pour zieuter les alles et venues des gens. Orienter les Soumis parfois aussi. Elle aimait bien ça dans le job, Spenc'. Que ce soit pas qu'une histoire de faire le piquet et d'avoir l'air méchant. Elle salua son camarade d'un sourire et d'un high five, geste récurent entre eux. « Juste un Libre qui tente sa chance. » L'autre avait haussé les épaules, leur indiquant de passer d'un geste du pouce par-dessus l'épaule. « Tu sais où est Noâ ? » « Dedans, ça c'est sûr. Salle de réunion, j'suppose ? » Après un merci rapide, Spencer invita le visiteur à la suivre. Le hall était plus calme ces derniers jours, une bonne chose. Il aurait peut-être pris peur en voyant le campement qu'ils s'étaient coltiné après la tempête.

La salle de réunion s'avéra vide. Elle avait toqué deux ou trois fois et s'était permise d'entrer lorsqu'elle avait collé l'oreille à la porte et n'avait rien entendu. « Attends là, j'vais la chercher, elle doit pas être loin. » Valait sans doute mieux ça que de le traîner à sa suite un peu partout. Ils perdraient du temps bêtement parce que des gens risquaient de s'intéresser à lui. « Faut que je fasse la grande méchante sentinelle deux secondes, le prend pas perso, juste le protocole ou une connerie du genre. Tu peux t'asseoir mais touches à rien. Sors pas d'ici. Si tu tentes quoi que ce soit y a un paquet de Membres qui vont te tomber dessus et ça se finira mal. » Elle n'était devenue sérieuse que le temps de ce petit discours. Dès qu'elle eut fini, elle se remit à sourire franchement pendant qu'elle tapotait l'épaule du Libre. « Mais j'suis sûre que tu vas pas m'faire un coup de pute. Bonne chance, mon gars. T'as ça sous contrôle. » Maintenant que tout ça était réglé, il était temps de chasser la Chef.

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Noâ & Elan
A41 SI J92 (zénith)

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Depuis la traque, ce n'était pas tous les jours que l'on rencontrait des Libres désirant rejoindre un clan. Les Intouchables étaient bien souvent trop habitués à leur vie et le risque était devenu trop grand pour que les autres choisissent de venir se perdre dans les environs. Il était encore difficile de définir si leur décision avait vraiment été la bonne, on manquait de personnes solides dans les clans, après tout, mais avoir des regrets n'était pas une option. Que l'un d'eux se présente restait la preuve que certains parvenaient toujours à se glisser jusqu'aux portes d'un clan. La première chose qu'elle remarqua en entrant dans la salle de réunion fut le brassard, preuve que les théories ne tenaient bien qu'un temps. La silhouette était néanmoins jeune, ce Libre avait sans doute dû se rendre compte qu'il ne voulait pas d'une existence si difficile. Pour avoir été dans ses bottes, elle comprenait sans mal. Elle n'avait pas exactement choisi de devenir une Jaguar, elle n'avait pas eu toutes les cartes en main, mais il y avait eu un intérêt pour les clans et elle ne doutait pas qu'elle aurait fini par se soumettre même sans la pression de Joshua.

- Noâ. Je suis la Chef du clan.

Le reste n'avait pas eu le temps de sortir. En s'approchant, elle avait été frappé par une impression de familiarité qui la poussa à le scruter quelques instants, cherchant dans ses souvenirs où elle avait bien pu le voir.

- Tu es ce gamin qui accompagnait Virgo, n'est-ce pas ?

Ils n'avaient pas vraiment pu faire les présentations, elle se souvenait juste de l'avoir remarqué aux côtés des autres membres de la Troupe avant que cette rencontre ne vienne à mal virer. Ce n'était pas vraiment une période à laquelle elle aimait penser.

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she wore a troubled past like wings ☽ she had been through hell, and though no one could see her demons, they could see the face that conquered them.

Elan & libre

année 41 ; saison intermédiaire ; zénith 92

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Je l'avais suivie sans un mot de plus, je ne tenais pas à me faire remarquer ou à lui faire regretter son choix et j'avais le don quelquefois de mal exprimer mon propos et de faire plus de mal que de bien. Alors, j'avais préféré rester du genre passif cette fois. Jusqu'à présent, nous n'avions pas croisé Asha et seule elle aurait pu me faire hésiter ou rebrousser chemin à cause de tout ce qui nous liait. « Juste un Libre qui tente sa chance. » Présenté comme ça, elle me donnait encore plus l'impression d'être drôlement ouverte. Je n'allais pas prétendre que c'était trop pour son propre bien parce que je ne la connaissais pas assez mais j'espérais me tromper. Elle avait l'air de quelqu'un de bien.

Je m'étais perdu dans mes idées et je fus à nouveau sur terre quand on arriva dans une pièce vide. La salle de réunion, sûrement. « Attends là, j'vais la chercher, elle doit pas être loin. » J'avais acquiescé d'un mouvement de la tête, toujours un peu ailleurs parce que la démarche me demandait beaucoup d'énergie mais aussi parce que ma curiosité avait été piquée quand j'avais pu découvrir un peu plus le territoire des Jaguars.

« Faut que je fasse la grande méchante sentinelle deux secondes, le prend pas perso, juste le protocole ou une connerie du genre. Tu peux t'asseoir mais touches à rien. Sors pas d'ici. Si tu tentes quoi que ce soit y a un paquet de Membres qui vont te tomber dessus et ça se finira mal. » Encore une fois, j'avais hoché de la tête, en y mettant un peu plus du mien. Je n'avais pas envie d'envoyer la mauvaise image mais j'étais un peu plus impressionné encore que je ne l'avais imaginé. Je me rappelais que j'étais petit et insignifiant. Encore plus qu'en plein centre neutre. Je n'avais ni envie de déconner pour me donner toutes mes chances, ni tout court parce que, d'une certaine façon, je n'avais pas envie qu'elle me voit comme quelqu'un à qui elle avait accordé trop de son temps et de sa bienveillance. J'avais déjà bien assez déconné en général.

« Mais j'suis sûre que tu vas pas m'faire un coup de pute. Bonne chance, mon gars. T'as ça sous contrôle. » Je m'étais étonné à sentir mes joues chauffer d'un coup. C'était nouveau, que ce soit cette confiance, ce contact chaleureux et la sensation que je valais quelque chose aux yeux de quelqu'un qui aurait pu me jeter sans ménagement. Si ma sœur m'avait délibérément effacé de sa vie, qu'un inconnu le fasse n'aurait pas dû être surprenant. Sauf qu'elle avait réussi à me prendre de court.

A cause de tout ça, je m'étais rendu compte très tardivement que j'étais effectivement seul dans cette trop grande pièce. Je m'étais posé dans un coin, tel un animal acculé, sentant la pression grimper progressivement. Je ne me sentais vraiment pas à l'aise quand j'étais seul. Les mêmes pensées revenaient à chaque fois, je devais survivre. Alors mon ventre s'emballait, mon cœur aussi et, en levant une main, j'avais bien réalisé que je tremblais. Sans la Troupe, je n'étais rien. Sans quelqu'un autour de moi, je n'étais rien. Sans elle, je n'étais rien.

« Noâ. Je suis la Chef du clan. » C'était normal qu'elle ne se souvienne pas de moi parce qu'elle devait en voir tous les jours, des gens mais c'était bizarre de l'entendre se présenter comme si nous ne nous connaissions pas. Moi, je me rappelais parfaitement d'elle ou, en tout cas, de l'image qu'elle m'avait renvoyée, image biaisée par la relation qu'elle entretenait avec ma jumelle. Un gros souci que j'avais travaillé avec acharnement pour que ça ne me pourrisse pas mes chances. En plus, je me sentais con parce que elle ou un autre, ça n'aurait rien changé. Asha s'était attachée pour sa survie et j'étais le gêneur mais cette chef n'y était pour rien. Je supposais.

Elle n'avait pas tardé à me regarder avec attention. Elle avait donc bien remarqué quelque chose. « Tu es ce gamin qui accompagnait Virgo, n'est-ce pas ? » Elle ne m'avait pas totalement oublié. Je n'avais pas laissé une bonne impression, c'était sûr. J'étais mal. L'angoisse remontait. Elle allait prendre le parti d'Asha, sans aucun doute. Parce qu'elle était mieux que moi. Parce qu'elle avait eu la force de fuir. Que j'avais attendu un geste. Que j'étais le plus faible.

« Oui. C'est ça. Je m'appelle Elan. » Je n'osais pas en dire, ni en faire plus. J'avais les épaules et le dos voûtés, je regardais mes chaussures, loin d'être à l'aise dans cette situation mais je devais d'office passer par cette étape, ce n'était pas négociable alors j'allais devoir puiser dans mes ressources pour ma survie, parce que personne ne le ferait mieux pour moi.

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JAGUARS DU SUD

Noâ & Elan
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Les informations dont elle disposait étaient peu nombreuses, au final. Elle connaissait désormais son nom, savait qu'il était un protégé de Virgo, qu'il connaissait Asha et qu'il voulait rejoindre les Jaguars. Quelque part, c'était plus que d'habitude lorsqu'un Libre se présentait aux frontières pour se soumettre. Elle ne savait pas encore si cela changerait la donne, mais, en tout cas, tout ça avait l'art de la rendre plus curieuse. Elle continua son chemin jusqu'aux fauteuils et prit sa place habituelle, désignant un autre siège d'un signe de la main.

- Tu peux t'asseoir si tu veux, mais ce n'est pas un problème si tu es plus à l'aise debout.

Il était évident qu'il n'était pas rassuré et il y avait de quoi. Les plus jeunes de la Troupe n'avaient pas forcément eu l'occasion de se faire à la vie en ville et toutes leurs connaissances reposaient souvent sur les dires des plus vieux. Il y avait de quoi se monter la tête. En plus, il y avait eu son dernier passage sur le territoire. Elle avait beau ne pas savoir de quoi il retournait puisqu'elle avait eu ses propres problèmes à gérer, il s'était bel et bien passé quelque chose.

- Il n'est pas rare pour nous d'accueillir quelqu'un de la Troupe. Généralement, c'est plutôt facile. Elle forme à la vie en communauté, n'encourage pas la haine des clans,... Et puis, je fais confiance au jugement de Virgo. Quelque chose me travaille néanmoins. La Troupe est repartie depuis un moment, alors pourquoi nous rejoindre maintenant ?

Elle n'envisageait pas qu'il ait pu être viré du groupe, il portait toujours le brassard après tout. La question ne faisait pas vraiment partie d'une forme d'interrogatoire, c'était surtout de la curiosité, bien qu'elle ne soit pas dénuée d'utilité.

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Je la suivais du regard sans oser dire quoi que ce soit. Il était difficile de ne pas se sentir nerveux en sa présence, elle dégageait une force tranquille et je comprenais d'une certaine façon qu'on la respecte naturellement, elle n'avait même pas besoin de hausser le ton pour qu'on sente une certaine prestance, une certaine grandeur. De mon côté, il suffisait de voir que je déglutissais difficilement pour comprendre que je n'étais pas particulièrement à l'aise. Tout ça était nouveau pour moi ou plutôt comme un retour aux sources, comme mes premiers pas au sein de la Troupe. « Tu peux t'asseoir si tu veux, mais ce n'est pas un problème si tu es plus à l'aise debout. » J'avais encore une fois dégluti plutôt bruyamment avant de décliner l'invitation d'un signe de la tête. Ce n'était pas surprenant qu'elle ait réussi à canaliser un élément comme ma sœur. Ca me frappait alors que je lui faisais face.

« Il n'est pas rare pour nous d'accueillir quelqu'un de la Troupe. Généralement, c'est plutôt facile. Elle forme à la vie en communauté, n'encourage pas la haine des clans,... Et puis, je fais confiance au jugement de Virgo. Quelque chose me travaille néanmoins. La Troupe est repartie depuis un moment, alors pourquoi nous rejoindre maintenant ? » La question était légitime mais je ne savais pas par quel bout entamer tout ce bordel. Je ne savais pas comment me comporter face à cette chef. Je me sentais idiot et ridiculement petit, comme un pauvre rat coincé entre des chasseurs. Je réfléchissais à la meilleure façon de défendre mon cas mais je me sentais trop impuissant, comme si tout ce que j'avais à l'esprit en arrivant là s'était embrouillé, mélangé.

Il me fallut plusieurs secondes supplémentaires pour prendre mon courage à deux mains et me lancer. « Parce que je devais remettre de l'ordre dans ma vie et dans ma perception des choses. Sans parler d'Asha. Je ne savais pas comment elle m'accueillerait, ni même si elle accepterait que je vienne avec une telle requête. On a passé du temps ensemble pendant la tempête. J'ai de nouveau dû mettre les choses au clair. Je ne voulais pas revenir tant que je n'avais pas appris à me contrôler. » C'était maladroit, j'en avais conscience mais pour ma défense, la Troupe avait cherché à me réparer pendant des années et même eux ne pouvaient pas tout régler, raison pour laquelle j'avais eu besoin de travailler sur moi-même pour un peu plus rentrer dans le moule.

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Ce qu'il lui évoquait n'avait rien de mauvais pour le moment, il n'était qu'un gosse nerveux qui était en train de prendre l'une des décisions les plus importantes de sa vie. Lorsque l'on rentrait dans un clan, c'était pour toujours, pour le meilleur et pour le pire. Il n'y avait au fond pas de lien plus profond puisqu'il ne s'achevait qu'à la mort ou d'une façon qui était moins positive encore. Un exilé avait tout d'un cadavre ambulant que le passé finirait toujours par rattraper. Lorsque l'on s'habituait à la vie en ville, que l'on se forgeait des liens, il y avait de quoi devenir fou en découvrant la réelle solitude, celle qui venait lorsque le monde vous tournait le dos à cause de vos propres erreurs. Plus d'un coupable avait essayé de revenir, poussé à bout, et avait fini avec une balle dans la tête qui avait tout d'un acte de pitié. Tout ça pour dire qu'elle comprenait qu'il ne passait le meilleur des moments ici et qu'avec l'attitude qu'il affichait elle n'avait aucune peine à se montrer patiente. Elle avait su développer sa capacité à cerner les autres et à voir au travers de la plupart de leurs mensonges, il était donc d'autant plus satisfaisant d'être confrontée à de la sincérité lorsqu'elle questionnait quelqu'un. L'honnêteté était l'une des rares choses qu'elle réclamait aux futurs Soumis. Il n'était pas question de disséquer chacun de leur choix de vie ou de percer leurs secrets, simplement de s'assurer d'éclaircir les zones d'ombre qui auraient pu faire d'eux des dangers pour le clan. Celui-ci n'en semblait vraiment pas un. Il faisait preuve de maturité et avait pris la décision d'exposer une partie des aspects peu reluisants de son passé. Elle pouvait apprécier quelqu'un qui n'oubliait pas d'où il venait et qui comprenait l'importance de travailler sur lui-même. Un léger sourire effleura ses lèvres.

- Très bien. Voilà ce qu'il faut savoir sur la vie pour laquelle tu signerais. Nous pensons qu'il est important que chacun fasse sa part du travail, mais il ne te sera pas demandé d'en faire plus juste parce que tu seras nouveau. Ce ne sont pas réellement tes preuves qu'il te faudra faire, mais plutôt nous montrer que nous avons eu raison de t'accorder cette confiance. Je ne vais pas enjoliver les choses, la vague de froid et la tempête nous ont laissés avec des pertes et un paquet d'emmerdes sur le dos, il y aura donc des moments qui ne seront pas aussi faciles qu'ils auraient pu l'être en temps normal, mais nous n'épuisons pas nos Soumis et les ressources sont partagées équitablement. Tu commencerais par faire le tour des différentes tâches avec des travailleurs confirmés histoire de te permettre de trouver la meilleure option. Ce n'est pas une fin en soi, si tu venais à ne pas aimer l'affectation choisie, des changements sont possibles. Notes aussi que tes rations seront fixes, le nombre de gardes réglementaires tendent à changer en fonction de ta capacité à travailler, mais il est possible dans une certaine mesure de prendre des quarts supplémentaires qui te permettront qu'acquérir plus de biens matériaux. En parlant de ça, chaque Soumis reçoit un pack de vêtements adaptés à la saison, dispose d'un toit, d'un couchage, et du nécessaire pour se chauffer et cuisiner. Des travaux étant en cours, nous manquons un peu de place, tu commenceras donc par vivre au sein d'une colocation avec des rescapés des Aigles ayant choisi de se soumettre. Plus tard, tu pourras demander une maison personnelle comme n'importe qui d'autre. Tu auras accès à tous les services offerts par le clan, cela incluant l'infirmerie, les aides à l'hygiène, et les réparations diverses. Le port d'arme n'est pas autorisé, sauf cas exceptionnels qui ne te concernent pas à l'heure actuelle. Si tu venais à bien t'adapter, la possibilité de passer le Test s'ouvrirait pour toi - je ne doute pas que tu en aurais les capacités techniques vu d'où tu proviens -, mais ce ne serait en rien une obligation et dans un premier temps il serait préférable de ne pas en faire une priorité. Il vaut mieux d'abord trouver sa stabilité en tant que Soumis et, vu que tu as à l'air d'avoir vu de meilleurs moments, de te retaper physiquement.

Le discours si bien rôdé avait dû être un peu adapté à cause des derniers problèmes, mais il sortait naturellement, aussi assommant puisse-t-il être. Elle n'avait pas trouvé de façon plus efficace de procéder en offrant une réelle liberté de choix aux personnes se soumettant. Il était trop important de savoir où on mettait les pieds avant de faire ce pas.

- Je te propose de prendre la fin de cette journée et la nuit pour y réfléchir. Si tu acceptes, tu recevras ta Marque demain matin. Le moment n'est pas plaisant, mais ce ne sont que deux incisions au niveau du poignet et c'est une étape obligatoire. Après ça, ta vie avec nous commencera. Si tu n'as pas de questions, une sentinelle pourra te conduire vers un repas et un lit. Tu es libre de te balader dans les alentours, voir par toi-même ce qu'il en est, tout le territoire est surveillé, mais je te demanderais de ne pas chercher à passer les frontières tant que ta décision ne sera pas prise et, si c'est celle de rester avec nous, actée.

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Je l'écoutais en prenant note mentalement de toutes les informations qu'elle me donnait mais je savais qu'il me faudrait au moins un bon paquet d'heures pour tout enregistrer et ne plus avoir de doutes. Les informations étaient clairement indigestes mais au moins ça avait le mérite d'être clairement énoncé dès le départ, ce qui m'éviterait plus facilement de m'en prendre une à la sortie du quartier général. Je n'étais pas certain que tous les clans ou tous les chefs, du moins, prennent cette peine, certains devaient même attendre avec impatience le premier faux pas. Une autre qualité que je pouvais lui reconnaître sans aucun orgueil et par la même occasion je me rendais compte que je lui donnais une mauvaise image par défaut tant que je la voyais à travers mon envie de me rapprocher d'une sœur qui n'en était plus depuis de nombreuses années. Je ne voudrais pas déconner pour autant, ni relâcher la pression dans l'immédiat, j'avais l'impression qu'elle pourrait me dévorer en deux secondes, elle dégageait une aura dure, presque implacable mais ça semblait assez naturel pour un leader. On ne rigolait pas non plus au sein de la Troupe et pourtant nous étions moins nombreux, donc moins d'emmerdes potentielles.

J'avais imaginé mes premiers pas d'une autre façon que celle-là. J'avais bien compris qu'il ne valait mieux pas tenter chez les Dragons et les Jaguars avaient une meilleure réputation mais je n'aurais jamais pensé que mes mouvements étaient libres sur le territoire, alors que j'aurais pu être un danger pour ceux qui étaient déjà marqués. Ce n'était pas que je me voyais les buter, je n'en avais pas l'envie du tout, mais si j'avais continué de traîner avec des personnes qui me traînaient par le bas ou si je m'étais présenté plus tôt, la tentation aurait pu être différente et je me demandais si elle m'offrait vraiment sa confiance ou si c'était comme ça avec tout le monde, en plus de se savoir en supériorité numérique. Peut-être un peu des trois. « Merci. Je promets de me faire tout petit lorsque je me promènerai. » Asha n'y croirait sûrement pas à cette promesse. Ou peut-être que si. Dans tous les cas, je devais l'oublier pour un moment au moins.

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