Maëlle & Astrid

année 41 ; saison intermédiaire ; journée 94

  les murs n'ont toujours pas changé

Je pouvais entendre les gamins qui avaient été épargnés par la tempête courir et crier dans les rues du quartier, ce qui contrastait avec l'ambiance morbide de la maison, ce silence beaucoup trop pesant et celle que je devinais être au quartier général. Plutôt que de râler et de jouer les vieilles aigries, cette agitation et cette bonne humeur me décochèrent un sourire parce que c'était normal. Normal que les gamins puissent s'amuser dans les rues, ne pas penser à ce qui occupait l'esprit des aînés. Normal qu'ils n'aient pas tout le poids du clan et des catastrophes naturelles sur leurs épaules. C'était mieux aussi. Mieux que le règne de terreur de Joshua où tout le monde était en proie à l'angoisse, même les plus jeunes. J'aurais évidemment préféré être dehors moi aussi ou même au quartier général pour prendre des nouvelles de Charly, par exemple mais j'étais coincée et mordre sur ma chique n'était pas nouveau. C'était naturel. Ne pas faire des vagues quand la vie était tranquille.

Quand elle avait frappé à la porte, Astrid était apparue comme une bénédiction. J'avais de la chance qu'elle vienne en personne vérifier mon état, mais encore plus d'avoir une compagnie agréable. Sur certains points, elle me rappelait ma propre mère et c'était toujours un peu particulier à avouer mais c'était pour ça que je lui accordais toute ma confiance. Elle ne rigolait pas avec les consignes, était claire, précise et ne laissait pas les autres déconner et au final, c'était des qualités très importantes pour une sous-infirmière. Elle ne s'était pas fait prier et s'occupait de mes plaies pendant que je la regardais avec ce même sourire, un peu désolée malgré tout parce que je ne pouvais pas l'accueillir comme je l'aurais souhaité. A charge de revanche. « Comment ça se passe au quartier général ? Tu arrives à trouver du temps pour te reposer ? Je sais bien que t'es pas une fille fragile mais je me rappelle dans quel état ma mère revenait à certains moments. » Astrid n'avait jamais trop aimé qu'on la materne et ce n'était pas ce que je faisais, elle le savait bien, mais je m'intéressais malgré tout à ce qui se passait pour elle parce que j'étais réellement attachée. Parce que sous ses airs de bourreau, elle était loin d'être mauvaise.

Astrid & Maëlle
A41 ST2 J94

les murs n'ont toujours pas changé

Après des jours à s'occuper de petits merdeux qui se pensaient plus forts que leurs blessures et se souciaient peu de ceux qui devaient rattraper leurs conneries, il était presque reposant d'être envoyé à l'extérieur du QG pour une visite à domicile. Elle savait bien dans le fond que la plupart des Membres n'étaient pas si difficiles, qu'ils ne faisaient pas tous n'importe quoi, mais elle était tombé sur quelques cas qui n'avaient pas manqués de la mettre de mauvaise humeur. Ils lui avaient aussi donné envie d'en attacher certains, aussi. Les pires restaient ceux qui, après tout ça, avaient l'audace de se plaindre de la douleur. Il valait mieux qu'elle arrête d'y penser, après tout, elle allait voir une amie, l'occasion était idéale pour se changer les idées. Elle s'était permise d'entrer et s'était déplacée sans l'ombre d'une gêne dans la maison, trop habituée et soucieuse que Maëlle n'en fasse pas trop. Cette fois, simplement parce qu'elle souhaitait l'épargner.

- C'est plus facile maintenant qu'on est plus dans l'urgence.

Les premiers jours, faire de vraies pauses n'avaient pas été facile. Il le fallait pour tenir, même si la culpabilité n'aidait pas au repos, mais elle s'était tout de même plié aux consignes sans broncher pour ne pas s'attirer les foudres de Charly.

- On a toujours des idiots qui reprennent trop vite et s'en mordent les doigts, bien sûr.

Elle l'avait grommelé tout en continuant le bandage.

Maëlle & Astrid

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  les murs n'ont toujours pas changé

« C'est plus facile maintenant qu'on est plus dans l'urgence. » Je n'aurais jamais pu travailler en tant que sous-infirmière parce que travailler dans l'urgence n'était pas mon genre. A l'époque plus que maintenant, dès qu'on me mettait trop de pression sur les épaules, je craquais et je m'isolais un moment, le temps de reprendre mes esprits. C'était autre chose de vivre la catastrophe et d'agir mais quand il s'agissait de m'occuper de la vie de quelqu'un dans de pareilles conditions, c'était trop me demander. Défendre, oui. Avoir la vie de quelqu'un sous sa responsabilité dans une autre condition, comme celle des soigneurs et sous-infirmiers, non.

« C'est déjà ça. » Je ne me voyais pas épiloguer des heures là-dessus. L'avantage d'Astrid, c'est qu'il ne fallait pas en faire des tonnes et des tonnes pour qu'elle comprenne le point et qu'elle remarque qu'on se souciait d'elle. Elle ne manquait pas d'assurance et ce n'était pas une mauvaise chose.

« On a toujours des idiots qui reprennent trop vite et s'en mordent les doigts, bien sûr. » J'avais vraiment l'impression d'entendre ma mère parler, c'était toujours un peu drôle à imaginer mais ce n'était pas dérangeant. Au moins, j'avais été préparée à me faire soigner par la jeune femme. On n'avait pas envie de déconner avec ce genre de personnes. Malheureusement, il y avait des inconscients partout et en tout temps.

« On devrait tous avoir au moins un sous-infirmier ou un soigneur dans sa famille. La vie serait peut-être plus simple, pour vous. Avoir eu ma mère et un chef comme Joshua, ça aide à réfléchir à deux fois. » Je préférais en rire, d'autant plus des années après sa mort. J'avais aussi envie de prendre un peu à la légère ce qu'il m'arrivait plutôt que de baliser. Tant que je prenais au sérieux les conséquences et que je n'en faisais pas des tonnes, je pouvais bien rendre la chose moins stressante. Chose dont j'aurais été incapable des années avant.

Astrid & Maëlle
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les murs n'ont toujours pas changé

La stratégie avait ses failles, mais elle avait au moins eu le mérite de la faire rire un peu. Il y avait clairement des familles qui n'étaient pas faites pour abriter quelqu'un du domaine médical, d'autres qu'elle n'aurait pas voulu avoir dans les pattes. Il y en avait qui se ressemblaient trop, surtout dans leurs défauts.

- Pas sûre que ça suffise pour certains boulets, mais je reconnais que ça aurait l'avantage de ne plus en faire mon problème. T'en as que tu voudrais clairement renvoyer dans les jupes de papa ou maman.

Et, vraiment, elle n'avait pas signé pour être baby-sitter. Elle était dans le domaine depuis un moment déjà, mais, parfois, elle se demandait si elle parviendrait à arriver au même stade que Charly. Elle n'avait jamais réellement envisagé la possibilité d'être Infirmière, on parlait ici du simple fait d'approcher de la trentaine et de parvenir à exister encore dans l'infirmerie ou à l'hôpital. Psychologiquement, elle n'était pas si fatiguée que ça par la difficulté du job, elle craignait plus pour sa patience. Elle avait encore le temps de voir venir, dans les faits, et la question principale serait surtout de se demander ce qu'elle aurait bien pu faire à la place. L'inactivité lui réussissait bien mal et jamais elle ne s'était vue devenir mère, ce qui avait le don de réduire les options à partir d'un certain âge.

Maëlle & Astrid

année 41 ; saison intermédiaire ; journée 94

  les murs n'ont toujours pas changé

« Pas sûre que ça suffise pour certains boulets, mais je reconnais que ça aurait l'avantage de ne plus en faire mon problème. T'en as que tu voudrais clairement renvoyer dans les jupes de papa ou maman. » Je pouvais tout à fait comprendre ce qu'elle disait, même sans l'avoir vécu moi-même, étant donné ce que ma mère me racontait à certains moments. Même parmi les Anciens et les Soumis, tous n'étaient pas forcément très attentifs à leurs propres besoins, ni très à l'écoute de ce qu'on leur proposait comme pseudo traitement. Chez les Dragons, c'était une chose. Du temps Joshua, j'aurais pu comprendre aussi. Mais Noâ laissait plus de libertés.

« Je suppose que certains se disent qu'ils peuvent enfin vivre après des années de misère ? Ma mère me disait souvent qu'on peut passer d'un extrême à l'autre. C'est un peu mon cas. » Je n'étais plus du tout la même depuis que Noâ avait instauré une ambiance beaucoup plus humaine et juste au sein du clan. Ca vous sauvait la vie.