Maddie & Yara

année 41, deuxième saison tempérée, journée 92

  I want to know you

Ofélia était revenue saoule de sa soirée au quartier des jeux et ça ne m'étonnait pas, elle avait des amis parmi les Jaguars et c'était naturel pour elle de sortir et de s'éclater. Je l'enviais un peu pour ça. Je n'étais pas réellement renfermée, pas complètement introvertie mais les aléas de la vie n'avait pas facilité mes premières années d'insertion et j'avais trop souvent peur qu'on me juge parce que j'étais cette fille naturellement fragile pour une vie à Paris. Je n'aurais même pas imaginé ma vie parmi les baroudeurs, j'aurais certainement été abandonnée très rapidement ou achevée parce que je posais trop de problèmes. Siri n'avait pas idée à quel point je l'aimais et je lui étais reconnaissante de tout ce qu'elle avait fait pour cette petite fille que j'étais quand elle avait découvert ce qui causait tous mes maux. Je ne m'étais pas formalisée mais je nous avais préparé de la bouillie, préférant la laisser se reposer le temps nécessaire, rien ne l'attendait, il valait mieux donc qu'elle en profite.

Après une matinée à tourner, à veiller pendant ma ronde sur le territoire, j'avais eu une envie soudaine d'aller faire un tour dans le Labo. J'allais peut-être y trouver Yara qui travaillait dans les serres. Je ne comptais pas la déranger mais il me semblait important de la découvrir progressivement, pas après pas, pour le bien de notre binôme. J'étais passée par l'Infirmerie pour signaler à Charlotte que j'allais bien, que je prenais soin de mon épaule et prendre des nouvelles. Depuis que j'avais appris que Rory allait bien, qu'elle n'avait pas souffert de cette étrange maladie, j'étais un peu plus sereine. Nous avions rapidement accroché, elle et moi, c'était une présence positive au sein de l'équipe. J'avais retrouvé Yara dans les serres, s'affairant sans broncher. « Salut. Je peux te tenir compagnie ? » J'avais tenté ma chance. J'avais esquissé un sourire. Ce n'était que comme ça qu'on arriverait à former un bon duo, à mon sens, à force de tentatives.

yara & madeleine
A41 ST2 J92

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Sa nouvelle routine de Membre avait été facile à prendre. Après les premiers jours à suivre Hazel pour apprendre les ficelles, on lui avait laissé la chance de faire ses preuves et d'aller chercher elle-même de l'aide lorsque c'était nécessaire. Même si elle reconnaissait n'être qu'une débutante, il était plaisant de ne pas être prise pour une idiote non plus. Elle appréciait particulièrement la liberté octroyée tant qu'elle abattait le travail demandé et la tranquillité qu'on pouvait trouver dans les serres. Il faisait particulièrement calme au dernier étage de la tour, quelque chose d'autant plus plaisant après ces derniers jours mouvementés. En entendant la porte s'ouvrir et se refermer, elle n'avait pas fait plus attention que ça à la nouvelle arrivante, décidée à ne pas se mêler des affaires des autres Membres qui avaient à faire ici, mais une voix qui commençait à se faire familière l'avait salué et elle avait finalement levé le nez d'une plante dont elle coupait délicatement quelques feuilles.

- Maddie. Je ne m'attendais pas à te voir dans le coin.

Le surnom était sorti plus facilement que son prénom et elle avait choisi de ne pas en faire une affaire d'état tant qu'elle ne lui dirait pas le contraire. Dans la grande loterie des binômes, elle n'avait pas l'impression d'avoir tiré un mauvais numéro pour le moment et elle comptait bien s'assurer que la collaboration se passe bien.

- Installe toi, si tu veux.

Machinalement, elle avait balayé un peu le sol à proximité pour chasser la terre, ses mains étant déjà sales. Le tissu au niveau de ses genoux ne valait pas vraiment mieux, à force. Elle allait aussi sans doute devoir s'habituer à avoir des résidus coincés sous les ongles.

- On m'a demandé de récolter les feuilles et de les mettre à sécher. C'est pas le boulot le plus prenant, mais j'apprends.

Maddie & Yara

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« Maddie. Je ne m'attendais pas à te voir dans le coin. » Elle ne m'avait donc pas rejetée. Yara ne m'avait jusque-là pas renvoyer cette image-là mais je n'avais encore jamais essayé de la rejoindre quand elle était occupée dans les serres, donc elle aurait pu ne pas vouloir être dérangée quand elle travaillait, ni même lors d'une pause. Certaines cloisonnaient leurs différentes activités et leurs différentes sphères de vie. Je n'avais donc pas caché mon soulagement, un sourire plus franc sur les lèvres. Elle avait l'air d'être une fille facile à vivre, qui ne râlait pas à longueur de journée, ni qui ne laissait pas les autres l'approcher, ça ne me ferait pas de tort. Au contraire, j'avais d'autant plus envie de la connaître. Je savais d'avance qu'Ofélia serait ravie d'apprendre que j'avais une bonne binôme, plus ouverte encore que la précédente, même si ça restait bizarre entre elle et moi, surtout depuis la mort de Siri. Le surnom ne me fit même pas tiquer. Ce ne serait pas la première à m'appeler comme ça.

« Installe toi, si tu veux. » J'avais acquiescé d'un mouvement de tête avant de m'exécuter. Changer de position était compliqué alors j'avais tendu mon bras valide vers elle, par réflexe, sans aucune mauvaise intention derrière. Je m'étais spontanément dit que je pouvais lui faire confiance pour ça aussi et je n'étais pas dans son angle mort donc elle comprendrait l'idée. Je glissai juste un petit désolée au passage. Réflexe. Politesse. Un mélange des deux.

« On m'a demandé de récolter les feuilles et de les mettre à sécher. C'est pas le boulot le plus prenant, mais j'apprends. » Ce n'était effectivement pas le plus passionnant mais tout le monde devait passer par là. En tout cas, ça semblait assez légitime. Je regardais tous ses gestes avec attention. Après tout, c'était grâce à leur tâche que je pouvais proposer des remèdes en fonction des blessures de chacun. Découvrir l'envers du décor était intéressant quoi que certaines puissent penser. Celles qui n'aimaient que l'action.

« Je trouve toujours ça incroyable que des plants qui ont l'air banales puissent avoir un tel effet sur le corps humain. Ma mère travaillait en étroite collaboration avec des herboristes. » C'était venu naturellement parce que parler de Siri était un peu moins compliqué. Ce n'était pas encore gagné, les émotions me bousculaient à certains moments mais je pouvais au moins exprimer des éléments de sa vie professionnelle, en prenant un tout petit peu de recul.

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Elle était bien placée pour savoir à quel point une épaule amochée pouvait être douloureuse et dérangeante, la blessure ne passait pas non plus inaperçue, mais elle avait trouvé le moyen d'oublier et elle se sentit un peu idiote de ne pas lui avoir proposé de l'aide d'elle-même. Elle s'exécuta avec un sourire un peu désolé et se promit de faire plus attention à l'avenir. Elle avait eu du bol pendant la tempête, être là pour sa binôme ne demandait pas beaucoup d'efforts en échange.

- Je doute que notre binôme soit hasardeux.

Les décisions prises par Théa semblaient nettement plus logiques que celles faites par l'ancienne Chef, mais puisqu'elle n'était Membre que depuis peu, elle n'était sans doute pas la mieux placer pour juger. Quelque chose qui pouvait se voir aussi aisément en tant que Soumise ne pouvait pas être totalement fausse non plus. Elle savait bien sûr pour Siri, la mort d'Anciennes importantes passait rarement inaperçue et elle appartenait au bon cercle. Elle n'avait par contre jamais eu l'occasion d'entendre Maddie en parler. Il n'avait pas encore vécu de pertes importantes au sein de sa famille, elle ne savait donc pas exactement comment réagir, mais il lui semblait qu'en faire tout un foin ne l'aiderait pas forcément à en parler plus souvent avec naturel.

- Celle-ci intervient dans un mélange qui lutte contre l'infection, si je ne m'abuse. Tu dois sans doute t'en être servie un paquet de fois déjà.

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« Je doute que notre binôme soit hasardeux. » La réflexion n'était pas étonnante mais je ne l'avais pas vu venir. Yara avait raison, la formation de notre binôme ne devait pas être hasardeuse. J'étais la première heureuse de pouvoir discuter avec quelqu'un qui travaillait dans les serres, c'était encore mieux s'il s'agissait de celle avec qui j'allais devoir coopérer sur plusieurs aspects pour le bien du clan. Elle comprendrait plus facilement ce que ma tâche me demandait et elle pourrait m'apporter des suggestions avec le temps. C'était une bonne perspective. J'avais souri, toujours un peu trop coincée par mon épaule. Une épaule luxée pouvait plutôt bien vous bloquer.

« Celle-ci intervient dans un mélange qui lutte contre l'infection, si je ne m'abuse. Tu dois sans doute t'en être servie un paquet de fois déjà. » J'étais réellement soulagée qu'elle ait décidé de se focaliser sur les plantes plutôt que sur Siri. J'étais consciente d'être celle qui avait amené le sujet sur le tapis et que je n'allais pas pouvoir continuellement m'arrêter à chaque fois que j'évoquais un détail de son ancienne vie, mais je sentais mes muscles se détendre. Pouvoir parler des habitudes de travail était plus facile.

« Oui. C'est probablement ce qu'on rencontre le plus souvent. » Je n'avais jamais été la plus bavarde parce que j'étais prudente. Trop prudente. Parce que la vie avait réussi à me faire douter de moi et à me rendre vigilante et méfiante beaucoup trop tôt. Avec elle, pourtant, je désirais sincèrement faire des efforts. Pour être un peu moins effacée. Elle n'avait pas à payer pour les conneries des autres. « J'espère qu'on pourra échanger pour nos tâches plus tard grâce à nos expériences complémentaires. » Au fond, c'était un peu l'idée aussi d'un clan en général. Pouvoir être utiles à sa façon et être les plus complémentaires possible.

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Les choses changeaient doucement depuis le Test, mais, dans ces moments-là, elle se sentait un peu plus adulte et proche de toutes ces choses qu'elle pourrait faire un jour pour aider réellement le clan. Les entrainements avec ses parents et les informations apprises au fil du temps n'en avaient que plus de valeur. Ses efforts lui semblaient enfin concrets. Elle ne pouvait qu'imaginer ce qu'elle ressentirait le jour où elle aurait gagné la confiance de ses pairs et où on la laisserait fonctionner par elle-même dans tous les aspects de sa tâche.

- J'espère aussi. Ca me plairait de voir ta réalité aussi et l'impact qu'à notre travail.

Elle n'aurait pas dit non à la possibilité de se rapprocher un peu plus du terrain pour préparer fraîchement des remèdes en fonction des situations rencontrées, mais elle en était très loin. Elle doutait même d'avoir un jour cette chance. Les échelons à grimper étaient déjà nombreux et cela se jouait sans doute aussi sur des histoires de relations et de confiance. Mais peut-être qu'elle pourrait s'en rapprocher en appartenant à un tel binôme. Elle pressa légèrement une feuille entre son pouce et son index avant de reprendre sa collecte avec des gestes prudents.

- Je demanderais si on peut ajouter le premier désinfectant que je ferais à ton matériel.

La promesse n'était pas faite à la légère, elle lui semblait être une bonne façon de manifester symboliquement leur collaboration. On lui dirait peut-être de se départir d'une telle pulsion de sentimentalisme, mais elle ne perdrait pas grand chose à essayer au moins.

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« J'espère aussi. Ca me plairait de voir ta réalité aussi et l'impact qu'à notre travail. » Je n'étais pas convaincue d'être aussi impressionnante que les autres sous-infirmières dans notre domaine, que je sois faible n'y était pas étranger. Par conséquent, je n'étais pas certaine qu'elle y gagnerait grand-chose à m'observer sauf d'un point de vue purement pratique, elle verrait effectivement que son travail apportait beaucoup à celui des soigneurs et sous-infirmières. Si je ne pensais qu'à ce côté-là de sa visite, je ne me voyais pas l'en dissuader et je supposais que ce n'était pas une mauvaise chose pour le bien de notre binôme qu'on chope toutes les occasions d'apprendre à se connaître un peu plus. Je n'avais jamais cherché à imaginer un potentiel binôme dont j'étais un membre à part entière parce que je savais que la même interrogation et les mêmes inquiétudes reviendraient constamment sur le tapis. Depuis sa mort, c'était d'autant plus effrayant.

« Je demanderais si on peut ajouter le premier désinfectant que je ferais à ton matériel. » J'imaginais que Yara cherchait elle aussi à renforcer ce duo et qu'elle aurait dit cela à n'importe quelle autre Membre avec qui elle aurait dû collaborer mais j'avais le sentiment de n'être qu'une imposture ou qu'elle s'imaginait que j'étais importante pour le bon déroulement du clan. Une vaste blague. Celle qui y perdait dans cette équation, c'était elle mais il valait mieux ne pas le crier trop fort. Je devais être reconnaissante d'avoir une alliée comme elle dans mon environnement et accepter cette chance au lieu de tout gâcher comme je l'étais capable.

« Merci. Je te promets de donner mon maximum pour ne pas gâcher ton travail. » C'était une manière très maladroite de présenter les choses mais je n'étais pas la plus douée. Je pensais tellement à ce que je ne voulais pas commettre que je mettais les pieds en plein dans ce merdier. Si elle n'avait pas entendu les rumeurs au sujet de ma santé et de ma constitution médiocres, elle allait finir par me trouver bizarre à cause de ce que je lui renvoyais.