Lena & Aden

année 41 ; deuxième saison tempérée ; fin de journée 99

 avec toi, tout est plus simple

La journée avait été éprouvante, en grande partie parce que j'avais passé la nuit dans des conditions discutables, encore plus discutables que, contrairement à la période du voyage, j'avais la possibilité d'être abritée au sein du quartier général. Ce n'était même pas tant l'idée de retrouver un inconnu qui me dérangeait mais la situation qui m'avait empêchée de bouger toute seule. Les inconnus n'étaient pas un problème, je pouvais facilement mettre de la distance quand il le fallait. Ne pas aider mon corps avait rendu, dans ma tête, la journée encore plus longue qu'elle ne l'avait été en réalité. Malgré la réalité physique, je n'aurais pas refusé de travailler tant que j'en étais capable, même si c'était trois fois rien dans le but d'occuper mon esprit.

J'avais demandé à un soigneur s'il avait des nouvelles d'un ancien Aigle toujours accompagné d'un raton laveur et j'avais appris, après plusieurs échanges, qu'il avait été salement amoché par la tempête. J'avais une excuse toute trouvée pour lui rendre une petite visite sans donner trop d'importance à mon geste. Parce que c'était plus simple comme ça que d'avouer que je m'étais déjà un peu attachée à lui, à ma façon. De toute manière, on m'avait priée de prendre l'air. Sur le chemin jusqu'à la bonne maison, information trouvée en discutant avec un autre Soumis, je sentis le courage s'évaporer progressivement, pas après pas. J'avais déclaré trop vite que ça allait fonctionner, je m'étais porté malheur. S'il m'avait fallu un grand nombres d'années pour balancer à mon père que je n'avais plus besoin de lui, qu'il m'avait détruite, le tout en continuant de flancher, comment je pouvais espérer trouver un peu de force pour prendre de ses nouvelles ? En plus, je n'étais pas la personne la plus facile à vivre. Pas la plus adaptée d'un point de vue social non plus. Malgré moi, j'avais frappé à la porte, attendant nerveusement derrière celle-là. « C'est Lena. Je viens voir Aden. »

Aden & Lena
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Comme toujours, c'était l'inactivité qu'il avait le plus mal vécu. La blessure n'était pas anodine, mais, dès qu'il n'y avait plus eu le risque d'infection, elle n'avait plus été si dangereuse que ça. Elle était surtout mal placée et se rappelait à lui dans de trop nombreux gestes du quotidien. Il n'avait donc pas été question qu'il aille aider aux réparations sur le territoire comme d'autres Aigles avaient pu le faire et il n'avait que très récemment pu participer à quelques petits boulots au côté de Soumis, la tâche qu'il aurait à accomplir n'étant pas encore tombée malgré sa soumission. On attendait sans doute qu'il se soit bien retapé avant de l'envoyer bosser à la zone industrielle. Un endroit qui ne lui avait décidément pas manqué depuis qu'il avait passé son Test. Travailler au milieu des cultures comme il l'avait fait durant son enfance n'était pas dérangeant, mais il avait moins apprécié d'être autant entouré d'autres Soumis et des éventuels surveillants. Il n'osait donc pas trop imaginer ce que la tâche d'ouvrier donnerait. Il n'était que plus motivé à faire sa preuve pour donner aux Jaguars l'envie de lui faire confiance et de lui offrir la chance de redevenir Membre, même si cela n'avait pas encore été abordé et cela ne le serait sans doute pas tout de suite. Patient, il pouvait l'être, il faudrait juste qu'ils se trouvent des occupations un peu plus divertissantes que le boulot et empêcher Sisko de faire des conneries. Retourner se battre au quartier des jeux serait sans doute la meilleure option dès qu'il ne serait plus ce squelette ambulant. Il ne pouvait prendre qu'une chose à la fois, il était déjà satisfait d'avoir pu retrouver une intimité toute relative en emménageant dans une nouvelle maison avec d'autres anciens Aigles. Vivre avec six personnes était presque un rêve après ces dernières saisons et les jours difficiles où ils s'étaient entassé dans le QG.

- Y a une fille qui veut te voir.

Il lui avait fallu un moment pour comprendre que c'était à lui que l'autre mec s'adressait. Il avait beau avoir eu l'occasion de faire des rencontres, il n'y avait qu'Aria pour se déplacer de la sorte et elle était partie chasser pour quelques jours.

- Qui ?
- J'sais pas, j'ai pas retenu son nom. Une brune.

Autant dire qu'il pouvait s'agir de n'importe qui. Il y avait un paquet de brunes sur le territoire, quelques une dont il avait fait la connaissance. En arrivant dans l'entrée de la maison, il avait été surpris de découvrir cette brune là. Il aurait été difficile de louper le retour des voyageurs, mais il ne s'était pas attendu à voir Lena de si tôt, encore moins sans avoir provoqué l'occasion comme il avait cherché à le faire il y a un bout de temps.

- Hé, je suis content de te revoir.

Il le pensait sincèrement, il était plaisant de la retrouver entière après autant de jours, bien qu'elle ne semblait pas en grande forme, rien de plus normal après un tel périple.

- Je m'attendais vraiment pas à ce que tu passes.

Lena & Aden

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J'étais pétrifiée, incapable de bouger, même de fuir. J'étais celle qui avait été chercher le contact, c'était moi qui avais été le voir et pourtant j'avais peur qu'il soit déçu parce que j'avais pris trop à cœur ce qu'il m'avait dit, qu'il espérait me revoir un de ces quatre. Quand j'avais entendu du mouvement, je m'étais dit que ce ne serait pas une mauvaise idée que de me carapater pour éviter la honte mais je n'avais pas agi. Une fois de plus. Je râlais, j'en voulais à la terre entière mais je ne posais jamais un acte concret. « Hé, je suis content de te revoir. » Alors quand il avait dit ça, j'avais bien senti un sourire grandir, toujours discret parce que je n'étais pas une fille solaire, que je n'étais qu'une enfant qui essayait encore maladroitement de se faire une place, ce qui ne semblait pas totalement impossible avec lui.

« Je m'attendais vraiment pas à ce que tu passes. » Je frottais nerveusement le sol de ma botte. J'étais soulagée, carrément heureuse que cette visite ait de l'importance pour lui mais c'était toujours un peu compliqué d'accepter ce genre de retours, ceux qui étaient positifs. Mon père m'aimait d'une certaine façon, sans aucun doute, mais il n'avait jamais été un bon père dans le fond, il ne m'avait jamais montré qu'il m'aimait, que je comptais réellement pour lui. A cause de tout ça, j'avais naturellement tout fait pour mettre de la distance entre les autres et moi. Mais lui, il arrivait à bousculer tout ça si facilement, sans me donner l'impression de calculer quoi que ce soit.

« J'ai appris pour la tempête. C'est pour ça que je suis là. » C'était un gros mensonge. Ce n'était pas ça, l'essentiel. J'étais bien en sa présence et il faisait partie des rares personnes à avoir découvert une facette de moi sans mensonge, sans cette distance que je mettais facilement quand je travaillais, et qui m'avaient acceptée telle que j'étais, avec mes gros défauts. J'avais besoin de ce retour aux sources, de souffler après un voyage trop éprouvant physiquement mais surtout d'un point de vue émotionnel. « Enfin. Je sais pas. C'est égoïste aussi. J'avais besoin de ce moment. Si tu veux bien. » C'était encore une fois maladroit. Beaucoup trop chaotique comme façon d'aborder ces retrouvailles. En plus, je devais être une Jaguar parmi les autres pour lui, aucune raison que je vienne bouffer de son temps et de son espace. J'étais vraiment conne de croire que je pouvais l'avoir marqué d'une façon ou d'une autre. J'osais à peine lui jeter des regards de temps à autre, attendant ce moment où son langage non verbal parlerait.

Aden & Lena
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Pendant un instant, il ne pu s'empêcher de se demander si c'était la sous-infirmière qui parlait ou si elle s'inquiétait vraiment pour lui. Le doute ne dura pas longtemps, vite remplacé par quelque chose de plus plaisant et chaleureux. Elle n'était pas bien à l'aise, mais, souvent, on pouvait dire la même chose de lui, il n'était donc pas incapable de ramasser les signes silencieux. On allait pas se mentir, il avait aussi bien plus de raison de s'accrocher à elle que le contraire, sa simple présence était donc une preuve en soi de son intérêt.

- Y a un peu de monde, mais hésite pas à squatter.

Il se sentait assez maladroit, un sentiment qu'il avait peu connu avec les filles jusqu'ici. Chez les Aigles, malgré tout ce qu'il pouvait prétendre, il s'était naturellement senti plus à l'aise à cause de cette dynamique différente. Sûrement parce que les Soumises manquaient d'options et que passer du temps avec un Membre pas trop chiant tenait d'un rare divertissement par la force des choses. Ici, il se sentait patauger et, malgré sa volonté de ne pas passer pour un loser, il ne pu s'empêcher d'avouer des choses qu'il aurait gardé pour lui en autre temps. Les mains fourrées dans les poches, il s'obstina néanmoins à regarder ailleurs, un peu gêné.

- J'ai cherché à te revoir. Je suis passé à l'infirmerie, mais tu étais déjà partie. J'espère que c'est pas un problème.

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« Y a un peu de monde, mais hésite pas à squatter. » C'était con d'hésiter comme ça quand il me proposait de rentrer, surtout quand il s'agissait de se mettre à l'aise l'un comme l'autre et nous en avions drôlement besoin. Cependant, je me demandais s'il ne risquait pas de se mettre les autres habitants à dos en invitant une personne de plus s'il y avait déjà un peu de monde, comme il le disait. Cette impression d'être de trop me collait à la peau et je n'arrivais pas à m'en défaire mais c'était pénible d'être bloquée bêtement comme ça. Je m'étais foutu un coup de pied au cul pour franchir la porte, un premier pas, puis un deuxième, en regardant autour de nous s'il y avait une tête contraire.

« J'ai cherché à te revoir. Je suis passé à l'infirmerie, mais tu étais déjà partie. J'espère que c'est pas un problème. » J'avais posé mes mains sur mes joues par réflexe et le contact était chaud. Je rougissais, comme une enfant. Ses mots avaient réussi à me toucher, sûrement plus qu'il ne pourrait l'imaginer. Tant d'attention était nouveau. Il y avait eu Oksana, Anya et Yulia, même si c'était encore difficile à gérer la concernant. Maintenant, il y avait lui. Qu'il ait voulu me voir sonnait presque trop beau. Il ne cherchait pas la sous-infirmière. Il cherchait la fille derrière les apparences.

« Non. Absolument pas. » J'avais puisé dans mes ressources pour trouver un petit peu de courage. Je lui devais bien ça. Au moins. « Si je n'ai pas pensé à te prévenir, ce n'est pas contre toi. J'ai l'habitude d'être seule, alors je n'y ai pas pensé. En plus, ce voyage m'inquiétait, il y avait trop de monde et surtout des personnes que je ne voulais pas voir. Surtout pas autant de temps. » Lui raconter tout ça ne rimait à rien. Au contraire, je prenais le risque de me découvrir un peu plus encore et avec ça, celui de le décevoir, qu'il comprenne que je n'étais qu'une mascarade, une pâle copie d'elle.

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Avoir son propre espace lui manquait. Il n'avait jamais été habitué à trainer avec les autres et, même si il s'était fait bon gré mal gré à la cohabitation, il y avait trop de moments pour lui rappeler comme il était gênant de partager la maison avec d'autres. Ses colocataires étaient loin d'être les pires, il les trouvait même plutôt agréables, mais cela restait gênant d'accueillir quelqu'un. Il se fichait un peu de les déranger, eux aussi ramenaient des Jaguars dont ils avaient fait la connaissance depuis qu'ils vivaient ici, il était plutôt ennuyé par ce mal aise que cela créait vis à vis de Lena. La communication aurait peut-être été plus facile si ils avaient été seuls. Là, il fallait se soucier des gens autour et, bien que personne ne le regardait ouvertement, il se sentait observé. Une solution aurait été de se rabattre vers une des nombreuses chambres, mais il ne tenait pas à ce que quelqu'un se fasse des idées. Ils risquaient aussi de se faire virer par un Soumis cherchant à se reposer. Faute de mieux, il la guida vers deux chaises libres dans un coin. Au moins, ils seraient un peu à l'écart et n'attireraient plus l'attention en se tenant debout près de la porte.

- Je comprends. T'avais d'autres priorités.

Au moment où il l'avait appris, il avait été frappé par la notion qu'il aurait voulu le savoir avant, mais il n'avait jamais estimé qu'elle lui devait cette information. Il avait plutôt ressenti cette envie d'avoir l'occasion de lui dire au revoir et de lui souhaiter bonne chance. Il était bien placé pour savoir que la vie n'était pas aisé dès qu'on s'éloignait de la ville. L'idée qu'il aurait pu ne jamais la revoir avait aussi été particulièrement dérangeante. C'était étrange quand il la connaissait si peu, mais un attachement qui le perturbait un peu s'était créé et il n'avait rien pu faire contre. Après ce chaos chez les Aigles et les premiers instants vécus chez les Jaguars, il se retrouvait à l'accepter bien plus facilement qu'il ne l'aurait fait avant. Sa solitude l'avait trop dérangé et, si il voulait changer les choses et profiter de ce nouveau départ, il avait des efforts à faire. Cela passait par se montrer plus ouvert et sincère. Au moins avec elle.

- J'ai beau avoir envie de repartir en fouille, je t'envie pas. Une sortie avec les autres clans et autant de Membres, l'angoisse.

Il en grimaçait. Il n'était pas prêt de devenir assez sociable pour trouver dans un tel évènement un quelconque point positif. Traîner avec un ou deux autres ramasseurs au coin du feu après une longue journée était bien suffisant.

- T'as l'air d'avoir vécu de sacrés trucs.

Lena & Aden

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« Je comprends. T'avais d'autres priorités. » Comme garçon, il n'était vraiment pas compliqué. C'était facile de lui parler, je ne ressentais pas la moindre pression de ressembler à un quelconque idéal, aucune pression de devoir être parfaite pour qu'il me remarque et reste dans mes parages. C'était sûrement ça qui me rassurait le plus et qui me donnait bêtement le sourire, sans même parler du rouge et de la chaleur qui ne s'étaient pas envolés depuis ce qu'il m'avait avoué. Je ne lui devais rien et il acceptait que mes réflexes ne soient pas les mêmes que des personnes qui auraient plus confiance en elles et ce n'était pas rien dans mon univers.

« J'ai beau avoir envie de repartir en fouille, je t'envie pas. Une sortie avec les autres clans et autant de Membres, l'angoisse. » Qu'on se comprenne n'y était pas pour rien non plus. C'était même plutôt logique, je n'avais pas besoin de m'expliquer, il connaissait ce sentiment. J'avais ri, sans doute une grande part de nervosité, encore un peu surprise d'avoir survécu à tout ce que voyage avait représenté. Entre eux et la maladie qui m'était tombée dessus, j'avais imaginé que mon corps m'aurait lâché plus tôt que prévu. D'une certaine manière, être dans l'infirmerie m'avait toujours assuré une certaine protection dont je n'avais pas eu conscience jusque-là.

« T'as l'air d'avoir vécu de sacrés trucs. » La sous-infirmière que j'étais n'était pas naïve, ça devait se voir dans mon attitude et sur mon visage tout particulièrement, la fatigue physique et celle morale. J'avais haussé les épaules, comme pour mettre toute cette inquiétude derrière nous. Les balayer, c'était le plus sage en l'occurrence. Mentir ne servirait à rien non plus. Il n'était pas aveugle. Pas insensible non plus. Dédramatiser était la meilleure option.

« Avoir failli y passer m'a permis de découvrir que je comptais pour certaines personnes que je ne côtoyais même pas jusque-là. » C'était bizarre dit comme ça mais ça suffisait à me réconforter. J'avais encore besoin d'appliquer un baume sur mes vieilles blessures parce que j'en prenais soin depuis trop peu de temps. Même pas une saison.