Nona

année 32 ; première saison tempérée

 I'm ok

Les jours et les semaines n'étaient plus très clairs pour moi. J'aurais été incapable de pouvoir dire depuis combien de temps nous nous étions séparées. Pour son bien. Pour qu'elle soit heureuse comme une Dragonne devrait l'être. Pour qu'elle n'ait plus jamais à souffrir à cause de moi. Je n'arrêtais pas de me le répéter dès que je craquais et les longues nuits d'insomnie, à pleurer, étaient nombreuses. Je n'étais pas aveugle, je voyais bien les nombreux efforts de ma mère pour me redonner le sourire mais ce n'était pas aussi simple. Je le sentais bien, je l'avais dans la peau. Des rencontres pareilles, on n'en faisait pas toutes les saisons. Elle avait changé ma vie plus encore que je n'avais changé la sienne. J'en étais certaine. Elle m'avait beaucoup trop apporté que pour la mettre si facilement dans un coin de ma tête. En théorie, il me suffisait de me changer les idées, de me concentrer sur mon boulot, le problème c'était que même ma tâche me rappelait Rey. Tout. Absolument tout.

J'avais dit à Noâ de retourner sur le territoire avant moi avant de la lâcher et de m'en aller de mon côté. Je n'avais pas vérifié si elle avait réellement décollé, j'avais d'autres idées en tête à ce moment précis. Pour la troisième fois depuis cette séparation, je n'avais pas eu meilleure idée que d'aller errer jusqu'aux frontières des Dragons. C'était con, ça ne m'apporterait rien de bon et je la mettais dans la merde au passage mais c'était plus fort que moi. Une espèce de réflexe. Je n'avais pas le sentiment de m'être approchée tant que ça mais j'étais quand même tombée sur un Dragon un peu trop réactif. J'avais essayé d'expliquer ma présence dans les alentours des frontières nord avant de me rétracter. Le gars avait gardé son arme pointée sur ma silhouette un bon moment avant que cette même silhouette ne devienne un peu plus floue. En plein centre neutre, je m'étais engouffrée dans des ruines pour donner un coup de poing avant de me laisser tomber. A cause de tout ça, je n'avais même pas senti sa présence. « Tu devais pas être sur le territoire ? » J'avais gardé la tête baissée, retenant autant que je le pouvais les larmes qui coulaient déjà.

Noâ & Nana
A32 ST1

i'm ok

A une époque, alors qu'elle n'était encore qu'une gamine naïve bien entourée par une famille aimante, elle avait rêvé à la vie de Membre. Rien d'étonnant parmi les Dragons, d'autant plus lorsqu'on grandissait dans l'ombre d'un Ancien particulièrement apprécié et qu'on ne manquait pas d'énergie. Dès son plus jeune âge, elle avait avalé tout ce que Nelson avait eu à lui apprendre, suivant ses pas avec une maladresse qu'il avait trouvé attendrissante. Elle avait beau n'être qu'une pièce rapportée dans leur petite famille, il ne l'avait jamais fait se sentir autrement qu'à sa place et l'avait encouragée dans toutes ses déclarations futiles. Puis, le vent avait tourné et les clans et leur dynamique s'étaient éloignés de ses priorités durant un bout de temps. Jusqu'à Joshua et cette nuit où elle avait prouvé qu'elle restait une gosse naïve dans le fond, simplement pour d'autres raisons. Depuis sa soumission et plus encore depuis son Test, la réminiscence était devenue une compagne trop présente. A seize ans, toute fraîche Membre, elle avait l'impression de s'être retrouvé trop souvent entre le marteau et l'enclume sans en avoir assez conscience. En un an, elle avait appris à aimer les Jaguars dans toute leur laideur imposée. Il ne fallait pas gratter la crasse trop longtemps pour trouver leur vraie forme, mais s'en était aussi très triste. Trop de gens souffraient, au fond, à cause d'une seule personne et cette vérité lui était difficilement tolérable. Virgo avait de toute évidence fait un trop bon boulot en éduquant la créature rendue sauvage par trop d'horreurs qu'elle avait été, il lui avait donné un dégoût de certains dictats encore trop courants en ville et un souci des autres qu'elle n'aimait vraiment pas manifester. Même pas une saison qu'elle naviguait dans les eaux troubles du quartier général et il n'y avait bien que la présence apaisante de Marina et le danger qu'encourrait Nuka tant qu'il vivrait au Sud qui l'avaient gardée docile. Faire le sale boulot ne la dérangeait pas tant, Joshua avait tiré ça d'elle, de cette petite poche d'ombre que son mentor n'avait jamais réussi à éclairer, elle tuait facilement, mais le faire sans avoir le contrôle restait désagréable. Si les regrets ne l'habitaient pas, elle le faisait néanmoins en pensant au futur. Un jour, les choses seraient différentes parce qu'elle les aurait changées. S'imaginer à la tête du groupe auquel elle appartenait n'avait rien de nouveau, elle s'était rêvé Chef des Dragons lorsqu'elle jouait dans les rues avec Sam et sa bande, avait tant voulu prendre la succession de Virgo contrairement à Adrian qui ne comprenait pas sa chance d'être vu comme le prochain leader de la Troupe, vraiment, devenir Chef des Jaguars était tout naturel. Le déséquilibre lui donnait plus envie encore de prendre le contrôle pour rendre leurs droits à tous ces gens. Elle serait différente, bien meilleure que Joshua car elle apprendrait de ses multiples erreurs, et la question n'était pas de savoir comment, mais quand. Elle ne se permettait aucun doute sur sa réussite, même si l'idée était resté bien cachée à l'abri dans sa tête jusqu'ici. La confiance était trop précieuse, elle l'offrait déjà en partie à certains, mais pas sur ce point. Le chemin du pouvoir était de ceux qu'elle devait commencer seule.  

Seule, elle l'était pourtant assez rarement depuis sa soumission. Lorsqu'elle n'était pas forcée de traîner parmi les cabots du Chef ou qu'elle ne tentait pas de réapprivoiser sa relation avec Jude, Marina réclamait sa présence et elle venait avec une nuisance qu'elle avait dû apprendre à tolérer. Elle ne savait pas trop comment Nana était devenue un peu plus que ça, mais elle en était venu à l'apprécier sans vraiment être capable de mettre un mot sur leur relation ou à manifester une quelconque forme d'affection. Elle faisait partie de sa vie désormais, elle l'avait accepté, mais ça n'avait été que lorsque le bruit de son existence était devenu plus diffus qu'elle s'était rendue compte qu'elle comptait vraiment. Sans la blonde pour venir la titiller, elle s'ennuyait et la voir ne plus être que l'ombre d'elle-même lui faisait mal au cœur. Avec deux ans de plus, il lui semblait qu'elle aurait dû être capable de prendre soin d'elle, mais elle en doutait sincèrement depuis quelques temps au vu des décisions stupides qu'elle prenait. Elle s'était mise à la surveiller à cause de ça, à cause de cette forme de responsabilité qu'elle ressentait, même si, dans le fond, elle était surtout inquiète. Admettre son besoin de protéger les autres restait complexe, il y avait quelque chose de dérangeant dans le fait d'accepter cette fragilité de plus.

- Tu devrais pas être sur le territoire ?

Elle avait rétorqué ça avec tout le sarcasme de ce petit bout d'adolescente qu'elle avait miraculeusement conservé en elle. Ce cirque durait depuis un moment et, aujourd'hui, elle avait décidé d'approcher. Il fallait que ça s'arrête, la blonde allait trop loin et tout ça pour quoi ? Elle n'en disait rien, mais elle se sentait justifiée dans ces pensées qu'elle avait eu lorsque Rey avait été mise sur le tapis. Les Dragons amenaient des problèmes et l'amour plus encore. Consciente qu'elles ne pouvaient pas revenir sur le territoire tant que la Tireuse d'élite serait dans cet état, elle alla s'asseoir à ses côtés. Elles n'étaient pas exactement épaule contre épaule, mais elle avait fait l'effort de ne pas laisser trente centimètres entre elles comme le voulait son espace vital.

- C'est ton idée de le romance d'aller te faire descendre par un Dragon ? Parce que vraiment dans ce cas-là, autant rester avec la tienne.

Elle ne comprenait pas bien leur décision. Elle n'avait connu l'amour qu'une seule fois et il avait brûlé si fort qu'il l'avait privé d'oxygène. Les sentiments qu'elle avait pour Adrian et ceux qu'il lui offrait en retour lui avaient donnés envie de s'enfuir, mais ça n'avait pas semblé être le cas entre ces deux là. Elles se séparaient parce qu'elles s'aimaient et étaient bien ensemble, justement. Parce qu'elles tiraient le meilleur l'une de l'autre. Une belle connerie à ses yeux, mais on lui dirait sans doute qu'elle était trop jeune et inexpérimentée dans cette vie citadine pour capter toutes les nuances.

Nona

année 32 ; première saison tempérée

 I'm ok

« Tu devrais pas être sur le territoire ? » Je préférais ne pas essayer de croiser son regard, je n'en avais pas la force et ça n'aurait servi à rien de lui montrer que j'étais en larmes. J'avais seulement haussé les épaules, comme si j'avais pu balayer sa remarque d'un revers de la main. Ca aurait été vachement facile et pratique mais, Noâ, à sa façon, s'accrochait quand elle avait une idée en tête. D'un point de vue entêtement, je ne valais pas franchement mieux mais ce n'était pas la question en ce moment.

« C'est ton idée de le romance d'aller te faire descendre par un Dragon ? Parce que vraiment dans ce cas-là, autant rester avec la tienne. » J'avais bien trop conscience qu'elle avait raison mais c'était dérangeant qu'elle vise dans le mille, je ne supportais effectivement pas de m'entendre dire ce que je savais au fond de moi parce que je m'évertuais depuis un moment à écraser ses sentiments parce que je devais bien ça à Rey. J'aurais sûrement sermonner si quelqu'un m'avouait un tel comportement mais je ne trouvais pas de meilleure solution. Je lui avais dit que j'étais d'accord qu'on arrête de se voir mais j'avais menti pour ne pas être trop égoïste. Ca ne m'empêchait de me comporter comme une gosse égoïste puisque je la mettais en danger à chaque fois que je me pointais.

« Je peux pas lui faire ça. » Réponse pathétique. Réponse pathétique et hypocrite. Je n'étais même pas certaine qu'on ne lui était pas déjà tombée dessus. On supposait que personne n'avait fait le lien jusque-là mais on s'était dit la même chose à propos des Jaguars et on s'était trompées.

Noâ & Nana
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i'm ok

Remonter le moral d'une fille qui en temps normal avait tout d'un rayon de soleil était une tâche particulièrement complexe. De base, elle manquait déjà d'entrainement dans le domaine, mais la Tireuse lui donnait cette impression d'être totalement démunie. On allait pas se mentir, elle ne la connaissait pas non plus assez bien, pas assez en profondeur, que pour savoir ce dont elle avait vraiment besoin. Marina aurait été plus à même de gérer cette situation, mais elle n'était pas là, il ne lui semblait pas non plus qu'elle sache pour les visites suicidaires au Nord, et Noâ n'était pas une balance. Cet état d'esprit était peut-être mauvais vu la situation, mais elle préférait garder ça secret tant qu'elle le pouvait. La Seconde ne pouvait pas se permettre de courir après son amie dès qu'elle quittait le territoire, il valait mieux qu'elle occupe son temps plus efficacement lorsqu'elle était avec Nana. Un soupir quitta ses lèvres. L'histoire portait décidément des traces de familiarité qui ne l'aidaient pas.

- Les Dragons sont cruels, je suis bien placée pour le savoir.

Elle avait soigneusement pris soin de garder les premières années de sa vie sous silence. Elles en parlaient avec Jude parfois, bien sûr, mais ce n'était pas sans prudence. Vu comme les choses s'étaient passées et le peu qu'elles savaient, il valait mieux ne pas donner de munitions aux mauvaises personnes, qu'elle soient au Nord ou au Sud. On allait pas non plus se mentir, il valait mieux être vue comme une ex-Libre plutôt qu'une ancienne Dragonne.

- Le mec que je considérais comme mon père a été tué à cause de sa relation avec une Libre. Trahi par un autre Dragon hypocrite qui lui aussi avait fréquenté cette femme. La relation datait, mais ça n'a rien changé. Ils n'ont pas besoin de preuves pour te punir, seulement d'être quelqu'un d'assez convainquant. Elle est morte aussi, bien avant lui.

En parler n'était pas tellement plus facile, mais, avec le temps, elle avait appris à mettre assez de distance. Retrouver Jude avait aidé. Cela signifiait qu'elle n'avait pas été la seule personne encore en vie ayant assisté à ce spectacle. En grandissant, elle avait aussi commencé à cacher la douleur derrière une envie de vengeance toujours bien vivante. Si le coupable était encore en vie, elle le tuerait.

- J'te dis ça parce que je comprends en partie. T'as raison d'avoir peur et t'aurais peut-être dû flipper plus vite encore. L'amour, ça pousse à faire des conneries. Pas sûr de ce qui est le plus con dans cette histoire, prendre de la distance ou s'accrocher, mais t'as fait un choix. Plusieurs mêmes. T'as ouvert et t'as fermé des portes. Tu peux pas continuer à tambouriner sur la dernière que t'as fermée. Ca va finir par te rattraper. Et ça peut la rattraper elle aussi. Si elle est aussi débile et amoureuse que toi, qui sait la connerie qu'elle pourrait faire si tu te fais descendre par un Dragon ou même si on te capture ? Si t'arrives pas à te protéger toi pour le moment, protège-la elle jusqu'au bout vu que c'est ce que t'as décidé de faire.

C'était dans ces moments là qu'il devenait évident qu'elle avait été élevée par Virgo. Elle avait passé tellement de temps à l'écouter être sage que certaines choses lui étaient rentrées dans la tête sans qu'elle n'en ait conscience. Elle se surprenait elle-même à vrai dire.

Nona

année 32 ; première saison tempérée

 I'm ok

« Les Dragons sont cruels, je suis bien placée pour le savoir. » Ce n'était pas la première fois que j'entendais quelqu'un parler de cette façon des Dragons et je n'étais pas naïve, à force d'entendre les récits de Rey, je l'avais compris, ce n'était pas qu'une rumeur. Parce que je n'étais pas surprise, je n'avais pas relevé la tête vers ma cadette quand elle avait commencé par me dire ça. Si je n'avais pas mal jusqu'à hauteur de mon épaule droite, j'aurais probablement haussé les épaules mais je n'avais pas besoin de cette douleur en plus. Celle que je ressentais à ce moment précis suffisait. Pour l'instant. Ce que je ne comprenais pas, c'était que Noâ soit encore là, à ma droite alors que j'étais un cas perdu. A rester là, elle prenait des risques à son tour et je n'étais pas certaine de pouvoir assumer une telle culpabilité. Elle n'y gagnait rien à perdre son temps avec moi. Je n'étais qu'une aînée incapable de se gérer, ça aurait été logique qu'elle me voie d'un mauvais œil.

« Le mec que je considérais comme mon père a été tué à cause de sa relation avec une Libre. Trahi par un autre Dragon hypocrite qui lui aussi avait fréquenté cette femme. La relation datait, mais ça n'a rien changé. Ils n'ont pas besoin de preuves pour te punir, seulement d'être quelqu'un d'assez convainquant. Elle est morte aussi, bien avant lui. » J'avais relevé la tête après les premiers mots. A partir de là, je comprenais son point de vue personnel à propos des Dragons et qu'elle cherche à me mettre en garde face à cette situation bordélique. Je m'en voulais de raviver des événements aussi traumatiques parce que je n'étais pas capable de dépasser un chagrin sentimental. Je me plaignais alors que ma vie avait été si simple à côté de la sienne. C'était moi qu'elle cherchait à relever alors qu'elle avait vécu pires tragédies. Stupide enfant égoïste. Ma mère n'avait peut-être pas tort, je prenais beaucoup trop de place. J'en faisais toujours trop. Toujours.

« J'te dis ça parce que je comprends en partie. T'as raison d'avoir peur et t'aurais peut-être dû flipper plus vite encore. L'amour, ça pousse à faire des conneries. Pas sûr de ce qui est le plus con dans cette histoire, prendre de la distance ou s'accrocher, mais t'as fait un choix. Plusieurs mêmes. T'as ouvert et t'as fermé des portes. Tu peux pas continuer à tambouriner sur la dernière que t'as fermée. Ca va finir par te rattraper. Et ça peut la rattraper elle aussi. Si elle est aussi débile et amoureuse que toi, qui sait la connerie qu'elle pourrait faire si tu te fais descendre par un Dragon ou même si on te capture ? Si t'arrives pas à te protéger toi pour le moment, protège-la elle jusqu'au bout vu que c'est ce que t'as décidé de faire. » Evidemment, je me sentais idiote et puérile quand je l'entendais me parler comme ça, avec tant de maturité. J'étais pathétique. Incapable de me gérer toute seule, comme une grande, parce que je m'étais attachée à une fille que j'avais dans la peau, que je ne parvenais plus à oublier malgré notre choix commun. Le souci dans ce bordel, c'était que je mettais en danger cette fille et Noâ en ne réagissant pas. Elle l'avait très bien dit. Je n'étais pas capable de la protéger. De les protéger. Mon grade était une blague.

« Je suis désolée. Je te fais perdre ton temps, ton énergie et je te mets bêtement en danger pour l'une de ceux qui t'ont blessée. » J'avais soupiré, effaçant une larme et souriant, un sourire effacé et surtout désolé. « Je suis pathétique. Ce n'est certainement pas l'image que tu te faisais d'une Tireuse d'Elite. Ma mère a raison, j'crois. Je suis qu'une enfant qui prend trop de place. » Parce que je n'avais pas la force de la regarder plus longtemps, j'avais fini par fixer le plafond. C'était encore la décision la plus sage.

Noâ & Nana
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- Ce que tu peux être chiante...

Dans un grognement, elle s'était relevé. Elle pouvait admettre qu'elle n'était pas toujours la plus adroite lorsqu'il s'agissait de s'exprimer sur des sujets plus sentimentaux, mais il lui semblait avoir été assez claire cette fois. Le problème était que l'on parlait de Nana et que, malgré sa grande gueule, elle cachait une fragilité aussi grande que le lac du centre neutre. On l'oubliait facilement à force de la voir courir partout et d'afficher une bonne humeur digne d'une simple d'esprit, mais elle ne pouvait pas être dupée après tout ce à quoi elle avait été témoin par la force des choses à cause de cette Dragonne. Si on ne faisait pas gaffe, la blonde avait l'art de saisir l'occasion de s'auto-flageller, une habitude tout aussi mauvaise que celle d'aller jouer les cibles potentielles à proximité des frontières Nord.

- C'est pas ce que j'ai dit, débile.

Un peu énervée, elle lui avait mis un coup de pied. Il n'y avait pas beaucoup de force derrière le geste, ce n'était qu'une façon d'appuyer son point et, peut-être un peu, d'accord, de soulager sa frustration naissante. Elle n'aurait pas non plus été contre l'idée de recommencer. D'ailleurs un autre parti avant qu'elle ne choisisse de se concentrer sur autre chose en refaisant sa queue de cheval.

- Je suis là de mon plein gré, okay ?! Et je peux me démerder toute seule. Arrête de vouloir porter le poids du monde sur tes épaules, ça te va pas.

Nona

année 32 ; première saison tempérée

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« Ce que tu peux être chiante... » Je croyais entendre ma mère et sa délicatesse légendaire. Elles se ressemblaient un peu trop à mon goût. Je comprenais effectivement plus facilement qu'elle ne m'insultait pas vraiment mais ça ne signifiait pas non plus que j'étais heureuse qu'on me reproche le même comportement quand j'étais dans des bulles différentes de ma vie. Entendre encore et toujours les mêmes mots, les mêmes remarques, c'était épuisant. J'aurais probablement dû apprendre plus aisément aussi mais ce n'était pas gagné. J'avais tourné un instant mon regard et mon attention dans sa direction avant de regarder mes jambes. Piètre aînée.

« C'est pas ce que j'ai dit, débile. » J'avais redressé les épaules avant de soupirer. Dans le fond, j'en avais conscience mais c'était tentant de ramener un peu de culpabilité quand je me comportais comme une gosse blessée à cause d'une décision que nous avions prise, toutes les deux. Noâ n'avait pas à subir tout ce bordel. Que ma mère décide encore de me sermonner et de prendre du temps et de l'énergie pour moi, ce n'était déjà plus trop cohérent si on me demandait mon avis mais elle, c'était le monde à l'envers. Elle était plus jeune. Elle avait ses propres emmerdes. Elle n'aurait jamais raison à ce propos, pas face à mes arguments qui tenaient la route. J'avais râlé très faiblement pour le principe quand elle m'avait assené ces coups de pied qui n'étaient pas gratuits dans un sens. Je les méritais pour une raison ou une autre.

« Je suis là de mon plein gré, okay ?! Et je peux me démerder toute seule. Arrête de vouloir porter le poids du monde sur tes épaules, ça te va pas. » Je les sentais, les larmes qui remontaient à la surface à nouveau. Je sentais également le poids au niveau de ma poitrine. Entendre ça était désagréable. Je ne voulais pas porter le poids du monde sur mes épaules. Je jouais les enfants. Je cherchais à me brûler les ailes alors que nous avions décidé de ne plus jouer avec le feu. Stupide. Egoïste. Ca ne concordait pas avec sa vision des événements.

« Tu te trompes de personne. Je suis pas cette personne. Je crée des emmerdes à tout le monde. Elle. Toi. Mes parents. Ma soeur. Même quand j'essaie de ne rien montrer, je finis par être une source d'inquiétude. » Je m'étais penchée, la tête entre les genoux, pour ne pas montrer que je pleurais plus franchement. C'était complètement con puisque ma voix tremblait et mon nez coulait. Je m'en voulais sincèrement de merder encore et encore parce que je m'étais promis de garder mes regrets pour moi. Au lieu de ça, on se mettait en danger au lieu de me laisser apprendre simplement de mes erreurs.