Fayn

année 41, seconde saison tempérée, soirée 96

 stay with me, please

Le quotidien devenait de plus en plus lourd et j'avais beau joué les filles solides et fortes, je restais humaine avant tout et avec l'ambiance régnante, je sentais bien que l'inquiétude grimpait en moi. La punition vis-à-vis de ceux qui se rebellaient n'était pas une première et c'était commun à tous les clans, il ne fallait pas chercher à trahir mais les raisons de ces comportements était différentes. La vie avait toujours été parfaitement injuste chez les Dragons mais la tournure que prenait les événements était plus dangereuse que jamais. La hiérarchie était bousculée, ceux qui se trouvaient au plus bas souffraient d'autant plus devant tant de sévérité et c'était cette réflexion nocturne qui m'avait poussée à bouger, à trouver le moyen de l'approcher pour qu'elle vienne passer au moins la soirée chez Romane. J'avais besoin de sa présence, de sa chaleur, de cette personne solaire. A force de ruminer et de m'inquiéter pour ma cousine et pour elle, j'avais atteint mes limites et j'avais besoin de cet instant volé dans sa vie, même si rien ne changerait parce qu'elle ne méritait pas quelqu'un comme moi. Elle méritait quelqu'un de mieux. Quelqu'un de courageux. Quelqu'un capable de se battre, de lutter contre ses peurs primaires pour la rendre heureuse à son tour.

Je me rendais bien compte que je profitais de l'hospitalité de Romane mais c'était le seul endroit où nous étions à l'abri. Ma cousine n'était pas dans les parages en début de soirée mais ce n'était qu'un détail, elle aurait pu être présente, ça n'aurait rien changé, elle avait le don d'être douce avec Faye. Penser à ça m'arracha un sourire parce qu'elle n'était pas aussi tendre avec tout le monde. Chrom devrait probablement discuter avec elle pour apprendre à se détendre. Je tournais en rond comme une pauvre adolescente angoissée lors d'un premier rencard alors que ce n'était qu'une soirée entre amies qui était prévue au plan. Encore une fois, je voulais abuser, profiter de chaque petit instant à ses côtés, sans lui donner quoi que ce soit de convenable en échange. J'assumais pleinement ma part de noirceur sauf quand ça la concernait. Tu ne seras jamais assez bien pour elle. Fous-toi ça dans le crâne, ma grande. On avait frappé à la porte et m'avait sauvé par la même occasion d'une discussion charmante avec cette petite voix. « Je suis contente que tu aies eu mon message. » J'avais pincé les lèvres, laissant entrevoir mon malaise. « Je suis désolée de te déranger. Je sais que ce n'est évident pour personne en ce moment mais j'avais besoin de toi. » Monstre. Egoïste. Mon expression faciale s'était encore assombrie alors que la voix reprenait le dessus.