la délicatesse de l'ours
Année 41, saison intermédiaire (jour 79)

Tu es une femme en mission. L'envie te ronge depuis un moment déjà mais l'occasion ne s'est jamais présenté. Trop de froid dans les ruines, trop d'opportunités manquées. Tu te sais coupable aussi. Tu n'as pas à te trouver des excuses. Juste à assumer. Yulia n'est pas ta petite soeur mais presque. Tu l'as trop vue jouer avec Oksana, Thiago sur ses talons. Tu l'as vue évoluer avec une pointe de fierté teintée d'un peu d'incompréhension pour son choix. Mais tu l'avais respectée. Elle n'était qu'une enfant qui avait eu le courage d'aller au bout de son idée. Tes pensées avaient peut-être été un peu brouillées lorsque les petites dernières avaient suivi ce mouvement mais tu avais grandi, pris en maturité. Et tu avais pardonné une Yulia qui n'était au final coupable de rien. L'hypocrisie de ce moment ne t'avait pas échappée. Peut-être était-ce pour ça que tu étais aussi prompte à vouloir la réparer. Il y avait de l'attachement bien sûr mais il existait aussi un fond de culpabilité. Après tout ça, tu ne pouvais purement et simplement pas la laisser partir en vrille. Ce qu'elle faisait apparemment depuis un petit moment déjà. Tu ne saurais mettre une date dessus mais tu as la certitude que Anton doit avoir son poids dans la balance. « T'es sûre que c'est une bonne idée ? Je ne crois pas qu'elle soit prête pour les méthodes musclées. Quand je la vois j'ai envie de lui faire un câlin pour la réconforter. » Zorah a parfois cette douceur qui t'étonne. Mais qui est bien inutile en ce moment. « Parfois on a plus besoin de se faire enfoncer la tête dans le mur que d'un câlin. Tu es sûre qu'elle sera là ? » Elle soupire, agacée d'être sous-estimée. « Bien sûr. J'ai vérifié, tu crois quoi ! » Tu lui mets une pichenette sur le front avant de la renvoyer à ses travaux. Maintenant que tu es devant chez Yulia, tu n'as plus besoin de guide. Cette porte, tu la vois et tu ne penses même pas à la frapper. Tu te permets simplement d'entrer, bien décidée à ne tolérer aucune fuite.  « C'est le milieu de la journée et la Tireuse d'élite est chez elle ? On se la coule douce chez les Vipères. » Et malgré tout ce que tu as déclaré à Zorah, tu souris. Cela fait longtemps que tu ne l'as plus vue.  « T'as une sale tronche Yulia. » Tu n'en es pas devenue douce pour autant. Tu croises les bras sur ta poitrine et ton sourire s'efface. Tu ne sais pas dans quel merdier elle s'est fourrée mais ça ne lui réussit pas.

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DISCIPLINE EQUALS FREEDOM

La délicatesse de l'ours ;

année 41- SI jour 79 (après-midi)

La vie avait parfois cette drôle de façon de vous féliciter lorsque vous preniez soin de vous. Yulia commençait à le comprendre. Un peu plus tôt, elle avait quitté les préparatifs. Le travail ne manquait pas, mais elle avait eu besoin d'une simple pause. A force de courir partout pour fuir la solitude, elle avait fini par se surcharger. Au milieu de tous les autres membres, elle s'était sentie un peu faible. Un repli stratégique s'était donc imposé. Cela s'accordait mal avec ses décisions précédentes, mais ce n'était que pour quelques instants. Elle se reposerait et tout repartirait. Il le fallait. Yulia était décidément bien douée pour se leurrer alors qu'elle fonçait droit dans le mur.

Le repos n'en restait pas moins une bonne idée. Son corps en avait trop besoin. Et que recevait-elle pour avoir fait l'effort de ralentir la cadence ? Une visite surprise de nulle autre que sa cousine Anya. Dans la famille, elle était sûrement celle qu'elle redoutait le plus. La seule chose prévisible avec Anya était sa volonté de protéger toujours les siens. Pour autant, Yulia ne s'était pas attendue à la voir. Ces dernières années, elles n'avaient pas été très proches malgré leurs deux petites années d'écart. Ce n'était pas tellement qu'elles n'avaient rien en commun. Les occasions ne s'étaient simplement pas présentées.

Aujourd'hui, elle était la dernière personne qu'elle souhaitait voir. Elle n'était pas d'humeur à supporter une éventuelle leçon. La violence des paroles de Anya était déjà de trop. Yulia avait beau savoir qu'elle était comme ça au naturel, cela ne la rendait pas plus tolérante. Le sourire n'était qu'une pommade inefficace sur l'abrasion.

— Qu'est-ce que tu fiches ici ? Alliance ou pas, je ne pense pas que les jaguars ont un droit de passage.

Elle se cachait stupidement derrière les règles car c'était le seul atout dont elle disposait. Yulia savait parfaitement comment sa cousine s'était introduite ici, le problème ne se trouvait pas ici. En temps normal, elle se fichait même bien que sa famille puisse ouvrir des portes. Mais aujourd'hui elle aurait préféré que les jumelles s'abstiennent de donner les clés à leur sœur.

— Pardon pour la sale tronche. Je n'ai pas exactement eu la chance de passer une bonne saison. dit-elle avec amertume.

la délicatesse de l'ours
Année 41, saison intermédiaire (jour 79)

« Qu'est-ce que tu fiches ici ? Alliance ou pas, je ne pense pas que les jaguars ont un droit de passage. » Ta présence n'est pas bien accueillie. Elle est hostile. Si tu t'attendais à autre chose, tu le caches bien. Même si tu n'apprécies pas son commentaire. Tu es sa famille, son sang, et elle te traite comme une intruse. Cela ne peut venir que de son côté de la famille. Son fichu père n'avait jamais rien compris. C'est encore plus évident désormais que tu sais. Que tu es consciente de l'ordure qu'il a été durant tant d'années. Ton père a beau avoir placé la barre très haut, tu restes consciente qu'il existe de base un minimum à faire pour être un père décent. Ce qu'il n'est pas malgré les apparences. A quoi bon avoir fait d'elle sa princesse si c'est pour lui briser le coeur ainsi des années plus tard ? Tu ne comprends vraiment pas. « Pardon pour la sale tronche. Je n'ai pas exactement eu la chance de passer une bonne saison. » Tu hausses les yeux au ciel. Soudainement bien agacée. Tu as en horreur cette attitude. Elle peut toujours attendre si elle veut que tu la plaignes. Ce n'est pas ton genre. Et elle n'a pas le droit d'agir de la sorte après son attitude des dernières semaines. Tu aurais été la première à la réconforter, à être là pour elle. Tu l'avais vraiment voulu. Mais elle avait fermé la porte dès le premier jour. Elle avait rejeté froidement toute personne faisant une tentative. Si elle est dans cet état, si elle est si seule, c'est de sa faute. Tu ne peux le concevoir autrement. « Bouhou tu vas me faire chialer. Même Iago n'a pas été si pitoyable après la perte de la petite Zoé. » Un coup sacrément bas au vu de leur relation actuelle. C'est voulu. Et mérité à ton sens. Ton cousin n'a peut-être pas été un modèle de courage mais il a su avancer et être là pour sa famille. Même si c'est la seule chose que tu peux lui reconnaître. Pour le reste il n'est qu'un petit con obsédé par son nombril. « T'attends quoi ? Qu'on te proclame reine du malheur ? Martyr en chef ? Je vois que ça pour expliquer que tu sois encore là à te vautrer dans ta tristesse comme une faible. »

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année 41- SI jour 79 (après-midi)

Yulia ne s'était pas attendue à ce que Anya comprenne. Elle n'était pas la personne dans cette famille qui maîtrisait le plus l'empathie. Pour Anya, il n'y avait qu'une voie, elle laissait rarement la place aux divergences. Elle n'avait pas toujours tort - elle avait même souvent raison - mais elle ne détenait pas une vérité universelle. Souvent, Yulia trouvait qu'elle oubliait à quel point elle était forte et solide. Ce n'était pas le cas de tout le monde. Elle détestait se faire juger de la sorte. Quoi que sa cousine puisse penser, elle ne connaissait pas toute l'histoire. Qui plus est, Yulia ne lui avait rien demandé. L'agression n'en était que plus gratuite.

Qu'elle lui reproche sa réaction face à la mort de Anton n'était pas simple à avaler. Surtout qu'il n'y avait pas que ça. Si seulement la vie s'était arrêtée là. La perte de son frère était été une souffrance suffisante pour la pourrir. Inutile de retourner le couteau dans la plaie en lui annonçant qu'elle avait une sœur. Mais Yulia ne réagit pas. Elle ne voulait pas donner cette satisfaction à sa cousine.

Elle sentit pourtant son contrôle lui glisser du bout des doigts.

— Je t'ai rien demandé ! cracha-t-elle. Mais ça, évidemment, tu t'en fous. La grande Anya doit toujours tout régler. Faire tourner les gens dans le sens qu'elle préfère. Parce que, bien sûr, tu sais mieux que tout le monde. Qu'est-ce que tu sais de la faiblesse ? Est-ce que t'as essayé de te mettre même une seconde à ma place ?

Furieuse, Yulia se rapprocha d'elle. Elle s'avançait nettement dans son espace. Quelque chose qu'elle faisait rarement avec son aînée. L'équilibre des forces n'avait jamais été celui-ci.

— Tu traverses tout et tu mords parce que tu penses que c'est ton droit. T'as déjà pensé aux dégâts que tu fais ?