Icare & Fitz

année 41 ; saison intermédiaire ; journée 81

can we talk about her ?

Ce voyage avait joué un rôle incroyable en poussant Thalia à faire un pas dans mon sens. Ce n'était pas une première mais c'était nouveau qu'elle le fasse successivement en si peu de temps. Il y avait d'abord eu notre discussion dans la maison familiale et puis la veille même. C'était pour cette raison que j'étais la tête dans les nuages depuis notre départ. Avec tout ça, les mots de Violette me revenaient en tête. La distance allait peut-être m'aider à y voir clair puisqu'elle ne risquait pas de débarquer d'un instant à l'autre. De temps en temps, toujours silencieux, je jetais un œil à cette fille, sauvage au premier abord, avec qui j'avais pu échanger au quartier général, un peu par hasard. Ce n'était pas tant le fait que je doutais de ses capacités que de l'inquiétude réelle. Nous, les Dragons, avions tous une cible dans le dos. Les Fines Lames encore plus si nous tombions sur des Vipères au courant de toute l'affaire entre nos deux clans. S'il n'était pas noté sur son front qu'elle était une Dragonne, ce ne serait pas difficile de rapidement le comprendre à cause de ses fréquentations.

Quand ce n'était pas elle que j'observais, c'était Violette. Elle n'avait pas l'air dans son assiette depuis la veille. J'avais manqué l'occasion de la sonder mais il était difficile de nier que Fitzroy avait trouvé une brèche. Si je n'étais pas certain qu'il m'ait à la bonne, encore moins qu'il ne me fasse réellement confiance, je ne pouvais pas fermer les yeux éternellement. Elle en avait fait tellement pour moi. Je pouvais bien affronter celui qui en cachait plus que n'importe qui. Il n'avait rien du gentil Spécialiste et ce malgré les apparences. Je ne devais pas valoir grand-chose à ses yeux mais là n'était pas la question. Quand l'opportunité se présenta, je le rejoignis le plus naturellement possible. Elle était occupée avec quelqu'un d'autre, elle ne pourrait donc pas se douter qu'on parlait d'elle. « Ne t'en fais pas, je ne vais pas t'accaparer trop longtemps. Je ne viens pas non plus m'intéresser de trop près à ta vie privée mais c'est difficile de ne pas remarquer que vous avez eu un échange plutôt corsé. » Il fallait parler franchement avec quelqu'un comme lui. « T'as réussi à apprendre quelque chose ? Elle allait mieux, ça peut pas être un hasard. Je suppose que ça a un rapport avec tout ce qu'elle a vécu avant l'attaque, pendant sa disparition. » Je ne prétendais pas la connaître par cœur mais, même en l'état, le clan ne pouvait pas être sa source d'emmerdes. Ça ne ressemblait pas à Violette.

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Ne pas paraître trop hostile dès le premier jour n'avait pas été facile après la prise de tête de la veille. Il ressemblait à un pauvre impur qui s'était fait coincer dans une ruelle avec les marques qui coloraient son visage et c'était loin de lui plaire. La garce n'avait eu aucune pitié dans les coups donnés, là où il avait fait plus attention pour lui éviter des questions des autres Lieutenants. Il était même trop à cran pour tenter de faire son trou parmi quelques nouvelles têtes pour s'assurer des facilités. Il avait passé une bonne partie de la matinée à marcher dans son coin, se contentant d'observer les dynamiques des gens autour de lui. Le tout sans jamais quitter trop longtemps Violette des yeux, des fois qu'elle lui file enfin une piste pour dénicher cette fameuse Vipère. Icare était tombé comme un cheveu dans la soupe avec ses questions. Il avait retenu de justesse un geste vers la coupure au niveau de sa joue, serrant les mâchoires à la simple idée d'être un tel livre ouvert. Il comprenait l'intérêt, après tout il ne faisait aucun doute que quelque chose s'était tissé entre leur Lieutenant et lui, mais le moment était loin d'être idéal. Pour autant, il allait devoir faire avec. En cas de pépin, Icare serait un gars sûr pour soutenir Violette. Il savait se contenir et on avait pas à douter de sa fidélité.

- Disons qu'il a fallu lui rappeler ses propres leçons.

Pour quelqu'un qui avait tellement insisté à ce que les Spécialistes prennent soin de leur corps et ne s'éclatent pas les mains à la première occasion, elle avait été rapide pour oublier. Dans la manœuvre, il avait eu à servir de punching-ball, mais c'était le moindre des mal. Que Klaus n'ait pas été ravi de les voir débarquer comme deux gosses qui se seraient bagarré pour la dernière ration n'était qu'un détail aussi.

- L'ennemi n'est pas Dragon et elle n'est pas encore prête à le considérer comme tel. Pour peu que la chance ne soit pas avec nous, ce voyage risque de ne rien arranger.

Difficile de s'exprimer plus clairement au milieu de tous ces gens, de ces oreilles qui auraient pu trouver une faille à la moindre révélation. Trouver quoi dire à Icare n'était pas simple non plus. Il avait beau voir des choses, cela ne signifiait pas qu'il était forcément bon de le mettre dans toutes les confidences. Il fallait néanmoins lui donner au moins quelque chose à croquer pour éviter qu'il n'aille chercher ailleurs. On ne savait jamais.

- Tu penses que quelqu'un de l'équipe aura remarqué ?

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C'était à parier qu'il sorte les crocs dès que j'avais mis en évidence son état. C'était même un miracle qu'il ne m'ait pas encore fait comprendre plus violemment que je dérangeais. Il n'avait jamais été le gars le plus sympathique, ni le plus ouvert mais jusque-là, j'avais été un élément suffisamment constant et prévisible pour ne pas avoir à subir cette aura. J'avais parié et j'avais plus ou moins gagné puisque je tenais encore sur mes deux jambes. S'il l'avait voulu, il aurait trouvé le moyen de me mettre une raclée pour que j'apprenne la leçon. Il ne faisait pas dans la dentelle, c'était ce qui faisait de lui le nouveau numéro un de l'équipe. J'étais le mieux placé pour savoir comment ça se passait chez les Fines Lames puisque je les observais depuis longtemps de ma petite place.

« Disons qu'il a fallu lui rappeler ses propres leçons. » L'ancienne Violette n'aurait jamais déconné comme ça mais ce n'était pas nouveau. Il suffisait de se rappeler de son retour après une absence imprévue et de l'état dans lequel elle était revenue. C'était certainement pour cette raison qu'elle avait été touchée lors de ma crise et qu'elle avait réussi à me parler avec tant de justesse. C'était frustrant qu'elle ne se soit pas ouverte à son tour à cette occasion mais je ne m'étais pas senti légitime que pour forcer dans ce sens. Je n'étais rien pour elle, si ce n'était un ancien coéquipier et désormais un membre de son équipe. Si elle était devenue plus qu'une Lieutenant, je n'osais pas en attendre plus de sa part. Elle valait mieux que moi.

« L'ennemi n'est pas Dragon et elle n'est pas encore prête à le considérer comme tel. Pour peu que la chance ne soit pas avec nous, ce voyage risque de ne rien arranger. » Le problème était donc une personne à laquelle elle s'était attachée. Difficile de ne pas comprendre le sous-entendu. La personne en question ne pouvait donc n'être qu'un Jaguar ou une Vipère. J'avais du mal à imaginer Violette s'attacher à un ou une Jaguar puisqu'elle disait ouvertement qu'elle ne les supportait pas, d'autant plus depuis la mort de Chad. Pour autant, la vie avait l'art de se foutre de votre gueule. J'espérais juste que la personne en question n'allait pas être présente parce que Violette n'avait pas besoin de ça, surtout que ce serait le moment idéal pour faire ses preuves en tant que Lieutenant. Bellamy n'avait pas l'air d'être quelqu'un qui profite des faiblesses des autres mais connaissant notre ancienne numéro un, elle ne supporterait pas d'avoir l'air faible.

« Tu penses que quelqu'un de l'équipe aura remarqué ? » La question était légitime. Que ce soit le concernant ou concernant Violette, certains pourraient être beaucoup moins intéressés par l'idée de les aider que par celle de foutre le boxon et espérer trouver tôt ou tard sa faiblesse. Fitzroy affichait moins de désespoir, donc la tentation serait moins grande. « Je ne pense pas. » Je mentais un peu parce que j'étais persuadé que Loukas ne passerait pas à côté de quelque chose d'aussi évident mais elle n'était pas un danger, j'en étais convaincu. Fitzroy ne se contenterait malheureusement pas de mon avis et je ne souhaitais pas à notre nouvelle coéquipière de subir un interrogatoire de notre numéro un. Il était trop efficace et ne comptait que son objectif.

« Elle est revenue bien plus amochée il y a plusieurs semaines et si quelqu'un a remarqué, personne n'a réagi à part toi. Puisque ça fait un moment qu'elle n'a plus réellement déconné, ils penseront éventuellement que tu t'es bagarré avec un suicidaire et qu'elle s'est entraînée pour le voyage parce que ça lui ressemble. » Ça, par contre, je le pensais réellement. « Par contre, tu as des infos concernant le danger ? Si cette personne l'a mise dans cet état, elle n'a pas dû te dire grand-chose parce qu'elle est fière et parce qu'elle y tient encore. Ce sera impossible de discuter avec elle à ce sujet, mais je suppose que t'as une toute autre solution. » Ce n'était pas un secret qu'il ne fonctionnait pas de la même façon que moi. Il était à sa place au sein de l'équipe, lui.

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Comme toujours, il ne manquait pas de jugeote. Parmi tous les gens qui avaient appris à le connaître, pour des raisons plus ou moins nobles, Icare lui-même devait bien être le seul à se sous-estimer. Il avait sa place dans l'équipe pour de nombreuses raisons, il n'avait simplement pas envie de s'y trouver et c'était ce qui le rendait inoffensif, un manque d'ambition plus qu'un manque de capacités. Il se battait pour sa survie et, pour ça, il pouvait le comprendre, ils n'avaient simplement pas les mêmes pressions dans le dos. Il ne niait pas que le paternel des jumeaux était toxique, loin de là, mais il n'arrivait pas à la cheville de Rohan dans les méthodes employées, raison pour laquelle il pouvait se permettre d'occuper des places plus basses dans le classement.

- Est-ce que tu viens de sous-entendre ce que je crois ? Je vais finir par penser que tu as trop traîné avec les Fines Lames.

Il afficha un sourire, plus amusé que moqueur. C'était bien connu qu'il n'aimait pas les méthodes trop définitives et qu'il n'aurait pas approuvé la moitié de ses petites magouilles. Rien de vraiment étonnant sur ce point, même sa sœur ne les approuvait pas et il évitait de parler de tout ça à Link pour ne pas le mettre mal à l'aise. Leur amitié était solide, mais tenait tout de même sur un fragile équilibre et il avait toujours préféré éviter de prendre des risques inutiles.

- Je ne la tuerais pas, même si je la trouve. Ce n'est pas l'envie qui me manque, mais Violette ne le supporterait pas. Je veux juste la garder à l'œil et faire barrage si nécessaire.

Protéger leur Lieutenant de cette présence nocive dans sa vie, en somme. Il avait failli ajouter que tout aurait été plus simple si Thalia avait accepté d'en cracher un peu plus sur ce qu'elle savait, mais son coéquipier n'était pas l'ennemi ici et le sujet était sensible. Il n'était aussi pas impossible qu'il ait besoin de lui plus tard, garder une relation stable restait donc important.

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« Est-ce que tu viens de sous-entendre ce que je crois ? Je vais finir par penser que tu as trop traîné avec les Fines Lames. » Même si je n'étais pas toujours très à l'aise avec Fitzroy, en grande partie parce que nous n'avions rien en commun et parce que je ne voulais pas renvoyer une mauvaise image à Thalia, celle de chercher à m'approprier l'un de ses amis - c'était con mais je marchais sur des œufs -, je ne pouvais pas exactement lui en vouloir de tenter ce genre de blague avec moi. Je n'étais pas fermé, en soi, je reconnaissais sans trop de mal qu'il avait sa place dans l'équipe, qu'il était un bon élément pour le clan et qu'il n'était pas foncièrement mauvais, il me donnait globalement l'impression de me respecter. Pour toutes ces raisons, je ne m'étais pas empêché de rire franchement. Il valait mieux en rire que de continuer à pleurer à cause d'un passé qui était loin désormais. D'autant plus que Thalia avait essayé, à sa manière, de me dire qu'elle s'inquiétait pour moi. Rester bloqué sur ce détail ne nous aiderait pas et je ne voulais pas être l'élément pourri du duo.

« Je ne la tuerais pas, même si je la trouve. Ce n'est pas l'envie qui me manque, mais Violette ne le supporterait pas. Je veux juste la garder à l'œil et faire barrage si nécessaire. » Je n'étais pas étonné qu'il se retienne de tuer, il était plus intelligent que ça et, contrairement à d'autres, ils calculaient les risques avant de réagir au mieux de manière irréfléchie. La différence avec moi, c'était que passer à l'acte était une autre paire de manches. Si Violette était effectivement menacée de mort, j'agirais pour le bien de la Lieutenant mais également et probablement surtout parce que je m'étais attaché à elle. Mais, en l'occurrence, je préférais, dans un premier temps, la solution qui était intermédiaire pour lui. Avec le temps, j'avais compris que les Dragons avaient autant besoin d'un Spécialiste comme lui que d'un Spécialiste comme moi. Même si ça ne sautait pas aux yeux de tous et pas toujours aux miens non plus.

« Je sais bien que tu as plus l'habitude de compter sur ma sœur mais, dans ce cas précis, tu peux me considérer au moins comme un allié. Violette mérite mieux que ce qu'elle nous a montré pendant cette période. » Ouais, ça faisait con, même cliché et je donnais encore l'image d'un mec sensible, peut-être trop mais je remontais enfin la pente. Grâce à elle.

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Un rire lui avait échappé, trop franc vu le sérieux de la situation, mais il n'avait pas pu s'en empêcher, même si cela aurait pu transmettre le mauvais message. Il ne se moquait en rien du fond du message, il avait juste été amusé par ce qui avait tout d'une théorie vis à vis de Thalia. Icare avait en partie perdu sa sœur lorsqu'il était devenu Fine Lame et, à sa façon, il avait aussi été privé de quelqu'un. L'adolescence avait déjà complexifié leur relation, mais ne pas appartenir à la même équipe, c'était ça qui avait terminé de tuer ce qu'ils avaient créé durant l'enfance. Il n'y avait bien que Link pour les unir, ainsi que quelques intérêts communs.

- Crois-moi, j'ai plus compté sur toi que sur elle durant ces dernières années.

A leur façon, ils avaient coopéré entre coéquipiers et il avait appris à lui faire confiance sur certains points. Icare était un élément solide dans l'équipe sur lequel il avait appris à compter dès l'instant où il avait compris la chance qu'ils avaient eu qu'il ait atterri là. Avec sa sœur, il n'y avait eu que des arrangements, Violette les réunissant à nouveau un moment parce que, quoi qu'il puisse prétendre, elle était la seule Espionne en qui il avait une once de confiance et elle s'était trouvé au bon endroit, au bon moment. Deux Espionnes, désormais, mais ce développement était récent. Si on lui avait dit un jour que la Lieutenant jouerait un tel rôle de vecteur dans sa vie, il aurait à nouveau bien ri.

- Mais merci. Tu aurais sans doute été mon premier choix et pas que parmi les vautours.

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Il avait ri et j'avais été surpris mais je ne l'avais pas mal pris. D'une certaine façon, c'était plutôt réconfortant de voir quelqu'un de l'équipe rire, autrement que du malheur des autres. Je retrouvais une espèce de routine plus positive. « Crois-moi, j'ai plus compté sur toi que sur elle durant ces dernières années. » J'étais partagé parce que j'étais forcément flatté et heureux de savoir qu'il avait pu compter sur moi mais pas moqueur pour autant vis-à-vis de la relation qu'il entretenait avec Thalia. Je ne lui avais jamais voulu qu'elle prenne tant de distances avec les autres, surtout ceux qui avaient appris à l'apprécier pour ce qu'elle était. Malgré tout ça et malgré le fait qu'elle s'était ouverte avant le départ, je n'étais pas près de me mêler de leurs affaires, elle n'apprécierait pas le geste, même si l'intention était bonne et sans arrière pensée, aucune. Je n'avais pas voulu réagir à ce qu'il venait de dire, l'entendre était suffisant et il y avait le risque que ce soit mal interprété.

« Mais merci. Tu aurais sans doute été mon premier choix et pas que parmi les vautours. » J'avais souri. Certains auraient pu me trouver idiot ou trop sentimental mais après des semaines à errer et à se flageller, ce n'était pas de refus de se sentir un peu moins inutile et d'être flatté, même si ce n'était pas son but. Fitzroy ne faisait pas de cadeau aux autres Fines Lames, pas même sous prétexte qu'on bossait ou non avec lui depuis de longues saisons. J'avais juste glissé un merci discret mais avec le sourire.