this city sucks (libre)

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Année 41 – saison intermédiaire (jour 83)

« Je n'en aurais pas pour longtemps. » Tu t'actives dans ce recoin qui est devenu votre abri sans réellement être efficace. Tes gestes sont trop précipités, la nervosité agitant tes mains. Tu détestes avoir à le laisser ici tout seul. La peur de faire une funeste découverte à ton détour te tort à chaque fois le ventre. Mais tu n'as pas d'autre choix. Tu as le poids de votre survie sur les épaules. « Toi tu restes ici. Tu te reposes. » Tu remontes les couvertures mitées jusqu'à son menton par réflexe. Brisée de le voir dans cet état. Lui qui avait toujours été ton roc. Un homme solide et efficace. Ton protecteur. La donne a changé aujourd'hui. Tout ça parce que vous étiez venus dans cette foutue ville. Sans ce voyage vous n'en seriez pas là. La vie n'était facile nulle part mais ici tu peinais toujours à trouver tous tes repères. Cet environnement ne te convenait purement et simplement pas. Il te laissait la sensation que tout ce que tu connaissais, tous les talents que tu avais eu ailleurs, ne valaient rien ici. « Je vais essayer de troquer pour du bois. » Tu souris piteusement lorsqu'il lève la main pour te caresser la joue. Sa main rugueuse et familière sur ta peau. « Fais attention. Mon ange. » Il souffle avec l'ombre d'un sourire avant de tousser légèrement. Tu l'embrasses sur le front avant de ramasser la fronde au sol, la cachant dans les replis de tes vêtements. Lorsque tu lui jettes un dernier regard avant de quitter l'abri, il dort. Tant mieux. Le vent mord à l'extérieur. Tu avais cru à une amélioration mais le temps est trop changeant pour que tu le comprennes. Rien n'est logique pour toi en ville. Le plus frustrant dans ton acclimatation difficile est bien que vous n'êtes pas ici que depuis quelques jours. Tu avais vécu comme l'étrangère que tu étais tous les cahots de la ville. Vous aviez eu de la chance quelque part. Vous aviez pu décrocher vos brassards juste à temps. Encore que pour toi il ne s'agit pas vraiment d'une chance. Vous seriez loin sans ça. Peut-être même de retour dans la vallée. Tu te met en route, chassant les regrets. Tu te dois d'être efficace. Ton ventre se met à grogner au bout des deux premiers kilomètres. Le dernier repas remonte. Même ton souffle n'est pas glorieux. Une chose que tu vas devoir masquer si tu ne veux pas te faire refoulée. Madame prends rarement des risques en engageant des petites mains trop faibles. Il te faut vite te rendre à l'évidence que tu as besoin d'un break. Le premier mur venu devient un appui fantastique. La tête basculée en arrière, les yeux vers le ciel et une main sur le cœur pour t'apaiser. C'est là que tu les repères. Des oiseaux perchés sur un rebord. Dans la vie il fallait savoir s'adapter. C'était un truc que ton père t'avait bien appris. Tu changes donc vite d'objectif. Tu t'accroupis le plus silencieusement possible, une main glissant dans tes vêtements pour récupérer la fronde, l'autre cherchant à tâtons une pierre. Tu armes, bouges un peu pour gagner en amplitude, vise. Un claquement sec et le caillou décolle. Une cible touchée, l'autre qui décolle en piaillant. Le coup n'est pas propre, ne tue pas mais le piaf tombe de son perchoir. Au pied de quelqu'un.

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Elan & Seylah

année 41 ; saison intermédiaire ; jour 83

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Progressivement j'avais pris du poil de la bête même si ce n'était pas flagrant du tout. Le travail chez Madame payait, je pouvais plus aisément troquer des choses et d'autres, comme du bois pour me faire du feu convenable. Tout n'était pas perdu. La seule chose qui me travaillait encore c'était de ne pas savoir si Asha faisait partie des Membres choisis pour participer au voyage ou si elle était restée en sécurité entre les murs de son clan. Deux parts en moi se battaient à ce sujet, l'une me priant d'arrêter de me faire marcher dessus en m'inquiétant bêtement pour elle qui n'en avait que faire de moi et l'autre qui désirait plus que tout la savoir en sécurité alors qu'elle connaissait les bases de la vie au-delà des murs. Quoi que je puisse en dire, notre lien de fraternité valait quelque chose pour moi. Je pouvais bien lui cracher mon venin en réponse au sien, je n'étais certainement pas aussi sérieux qu'elle. J'aurais aimé, au fond, pouvoir me détacher, être insensible mais elle me renvoyait à cette partie heureuse de ma vie, avant toutes ces galères et ces mauvais choix de vie. La Troupe n'en faisait pas partie mais m'accrocher à Paris au lieu de continuer avec eux, oui.

J'avançais dans les rues du centre neutre, entre différents murets et autres ensembles de roches, quand un oiseau était tombé pile poil à mes pieds. De la nourriture tombée du ciel. Le hic, c'était que la nourriture ne nous tombait pour ainsi dire jamais dessus dans cet état. Le ciel n'était pas aussi généreux. Je devinais donc la présence d'un autre Libre. A moins d'un chasseur. Il valait mieux rester sur mes gardes, par principe. J'avais sorti mon lance-pierre pour la riposte éventuelle. Nous n'étions pas tendres entre nous, nos actes étant dictés par l'instinct de survie, mais si je me retrouvais face à un Membre, il me faudrait rapidement ranger mon arme de fortune avant qu'il n'y voie une attaque personnelle. Une fille maigrichonne apparut et le calcul fut vite fait. « Faire tomber sa nourriture au pied d'un autre Libre, c'est prendre le risque de se faire voler son butin. » Je lui offris un haussement d'épaules. En temps normal, j'aurais foncé sur l'occasion et lui aurais souhaité de mieux se débrouiller la prochaine fois mais il suffisait d'entendre son ventre gargouiller. Oh, je ne valais pas mieux puisque je remontais tout juste la pente mais quelque chose trahissait son désespoir malgré la conviction qu'on lisait dans son regard. « Je vais fermer les yeux pour cette fois parce que t'as l'air encore plus désespérée que moi mais la prochaine fois, je ne serai sûrement pas aussi idiot. » Parce qu'il fallait l'être pour laisser un piaf à quelqu'un qui se loupait de manière flagrante.

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Année 41 – saison intermédiaire (jour 83)

Maigre. Sale. Les vêtements usés. Pas de doute c'est un Libre. Tu ne saurais dire si c'est une bonne ou une mauvaise chose. Ton père t'a dit de ne faire confiance à personne ici mais les attitudes à adopter sont différentes d'un profil à l'autre. Il voudrait sûrement que tu laisses tomber l'affaire avant que quoi que ce soit ne commence mais tu veux cet oiseau. Tu en as besoin. De la viande grillée lui donnerait peut-être assez d'énergie pour reprendre du poil de la bête. Tu t'accroches à cette idée en tout cas. « Faire tomber sa nourriture au pied d'un autre Libre, c'est prendre le risque de se faire voler son butin. » Comme si tu ne le savais pas. Qu'il te fasse la leçon te déplaît. Il se prends pour qui ? Ce n'est même pas un vieux. Vous devez avoir le même âge. La proie étant toujours à ses pieds, tu te retiens de dire quoi que ce soit. Ne pas le provoquer semble être un bon plan. « Je vais fermer les yeux pour cette fois parce que t'as l'air encore plus désespérée que moi mais la prochaine fois, je ne serai sûrement pas aussi idiot. » Tu te déplaces avant même d'y avoir pensé. Tes gestes sont rapides pour récupérer l'oiseau et tu te recules tout aussi vite, les mains craquant déjà sa nuque pour l'achever. Maintenant que c'est fait... « J'ai pas fait exprès, qu'est-ce que tu crois. T'es juste passé au mauvais moment. » Tu te défends pitoyablement mais le regard revêche. « Crois pas que je vais te remercier. Tu l'as dit toi-même. T'es idiot. » Mais son idiotie te sert bien. D'autres appelleraient ça de la gentillesse. Ton père le ferait en tout cas. Il a toujours eu le cœur trop bon pour son propre bien. C'est à cause de cette mollesse dans son palpitant que vous en êtes là. « J'ai l'impression de t'avoir déjà vu quelque part. Tu traînes pas autour de chez la rousse ? » Tu lâches finalement, les yeux plissés.

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Elan & Seylah

année 41 ; saison intermédiaire ; jour 83

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Elle s'était dépêchée de récupérer l'oiseau à mes pieds et elle avait bien fait car, malgré mon discours, j'aurais pu décider de la duper à la dernière minute. Je savais bien qu'être égoïste était certainement la meilleure solution quand on vivait la vie de baroudeurs mais elle n'avait pas l'air en meilleur état que moi et je m'étais peut-être ramolli avec le temps et surtout depuis notre discussion houleuse avec Asha. De toute manière, ce qui était fait était fait, c'était derrière nous et j'avais d'autres choses à faire que discuter intérieurement de mes actes. Ça n'en valait pas la peine. « J'ai pas fait exprès, qu'est-ce que tu crois. T'es juste passé au mauvais moment. » J'étais passé au mauvais moment ? Elle n'avait pas l'air beaucoup plus sympathique que moi et pourtant je pensais être le pire des Libres depuis que je connaissais la Troupe. Elle n'eut qu'un haussement d'épaule en guise de réponse de ma part. « Crois pas que je vais te remercier. Tu l'as dit toi-même. T'es idiot. » Elle me confortait dans mon idée, elle ne valait pas mieux que le sale gamin que j'étais certainement encore dans le fond mais dont je cherchais à m'éloigner avec le temps. Je soupirai sans plus de réaction cette fois encore.

« J'ai l'impression de t'avoir déjà vu quelque part. Tu traînes pas autour de chez la rousse ? » Elle ne connaissait Madame que de vue apparemment ou n'avait pas encore suffisamment travaillé avec elle. J'étais certain qu'elle n'aurait pas apprécié cette description qui lui donnait des airs de personne banale. « C'est ça. Je travaille pour Madame assez régulièrement pour survivre. Tu devrais essayer si tu ne l'as jamais fait. » Un conseil extraordinaire. Je n'étais toujours pas très doué quand il s'agissait de discuter avec les autres. A croire que cette Dragonne rencontrée peu de temps avant était une exception.

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Année 41 – saison intermédiaire (jour 83)

« C'est ça. Je travaille pour Madame assez régulièrement pour survivre. Tu devrais essayer si tu ne l'as jamais fait. » Depuis ton arrivée tu n'as pas fait beaucoup d'efforts pour discuter avec les autres. Se terrer était plus aisé. La solitude tu connaissais de toute façon. Il n'y avait jamais eu que ton père et toi. Parfois quelques voyageurs de passage avec qui converser. Une femme vous avait suivi durant quelques lunes avant de retourner à sa vie de baroudeuse. Rien de prodigieux au compteur donc au vu de ton âge. Dans le cas de Madame c'était toujours ton père qui traitait avec elle. Il avait le contact facile avec tout le monde, savait se vendre. Qui plus est il semblait avoir travaillé un peu pour elle par le passé. Tu t'étais contentée de faire ce que l'on te disait de faire. Aujourd'hui il te fallait t'émanciper. Cela passerait d'office par cette femme qui semblait-il contrôlait la ville à sa façon. « Je l'ai fait. Un peu. » C'est compliqué mais tu t'efforces d'être moins mordante. Toujours farouche mais une touche d'agressivité en moins. Tu ne comprends vraiment pas pourquoi ce gars se montre sympa avec toi et tu n'aimes pas l'idée de te faire aider mais ce n'est pas comme si tu avais le choix de repousser les mains tendues. Lui ne te la tend pas vraiment mais il ne te jette pas son poing au visage non plus. « Y a d'autres filons pour trouver de quoi manger ? Du bois ? » Ça ne te coûte qu'un peu d'orgueil d'essayer. Un piètre effort en comparaison de l'aide que tu pourrais rapporter auprès de ton père. « Des remèdes ? » Tu souffles finalement, peu confiante. Tu joues gros ici. Il n'est pas question qu'il voit une faiblesse dont il pourrait abuser.

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Elan & Seylah

année 41 ; saison intermédiaire ; jour 83

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« Je l'ai fait. Un peu. » C'était donc fort probable qu'elle m'ait reconnu alors que nous passions tous les deux chez Madame au même moment. A force de me focaliser sur mon propre cheminement et sur mes propres emmerdes, je ne faisais pas précisément attention à ceux et celles qui marchandaient avec elle. A vrai dire, c'était le cas de tout le monde, même Rian qui avait malheureusement jeté son dévolu sur moi à cause de stupides histoires à dormir debout. On n'en faisait pas beaucoup des personnages dans son genre. Je supposais qu'à force de l'avoir dans les pattes, j'oubliais la réalité qui avait été la mienne également une fois la Troupe partie, la loi de la jungle que connaissaient tous les Libres.

« Y a d'autres filons pour trouver de quoi manger ? Du bois ? » Elle devenait un peu plus bavarde, pas ouverte, mais bavarde. Il aurait été stupide qu'elle s'ouvre complètement à un inconnu sûrement aussi affamé qu'elle. Nous n'avions pas le luxe de pouvoir papoter avec tout le monde l'esprit tranquille. Seuls ceux qui appartenaient à un clan pouvaient se le permettre. « Des remèdes ? » J'avais ouvert ma bouche quand elle ajouta une question plus inquiétante. « Si t'as des problèmes, tu devrais aller jusqu'à l'hôpital. On y soigne tout le monde. J'peux te le montrer si t'es pas du coin ou pas là depuis suffisamment longtemps. Faut pas traîner, la vie nous fait pas d'cadeau. » Ce n'était pas exactement de l'inquiétude mais je ne pouvais pas nier que je ne voulais pas avoir sa mort sur la conscience. C'était une autre façon d'évoluer même si je devais passer pour le dernier des crétins. Elle allait peut-être me trouver trop gentil mais je venais de loin, je pouvais pas lésiner sur les efforts, surtout qu'elle n'avait pas l'air mauvais non plus.

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Année 41 – saison intermédiaire (jour 83)

« Si t'as des problèmes, tu devrais aller jusqu'à l'hôpital. On y soigne tout le monde. J'peux te le montrer si t'es pas du coin ou pas là depuis suffisamment longtemps. Faut pas traîner, la vie nous fait pas d'cadeau. » L'hôpital ? Le terme t'est étranger. Son principe tout autant. Chez toi on se débrouillait comme on le pouvait. Certaines personnes avaient un petit truc en plus lorsqu'il s'agissait d'aider les autres mais on comptait surtout sur la chance et la patience. S'il est logique que tu ne connaisses pas ce fameux hôpital, il est impossible de dire la même chose pour ton père. Pourquoi n'en avait-il pas parlé ? La surprise et le trouble sont bien visibles désormais sur ton visage. Tu ne sais plus trop quoi répondre. Trop confuse. Il y a des milliers de questions que tu veux désormais poser à ton paternel. Mais pas tout de suite. Pour le moment tu dois en apprendre plus. Quelque chose te dit que son silence à ce sujet n'est pas un accident. Si tu te présentes sans arme avec tes questions il trouvera un moyen de noyer le poisson. « C'est pas pour moi. » Tu n'en dis pas plus mais tu rassures quand même l'autre Libre. Qu'il s'inquiète pour rien te dérange un peu. « Je connais pas bien le coin. Pas eu beaucoup d'occasions de visiter. » Un tel endroit ne doit pourtant pas se louper. Si seulement tu avais été plus curieuse vis à vis des autres. Tu regrettes un peu d'avoir rejeté cette ville si vite. La réaction avait été épidermique. Il y avait trop en jeu. Surtout il n'y avait rien pour toi dans ce rêve nostalgique que ton père vivait. « Si ça te fait pas perdre trop ton temps je veux bien que tu me montres où c'est. » Ton attitude est bien différente. Tu ne le vois plus tellement comme un idiot trop bon. Le service qu'il peut te rendre est trop important.

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Elan & Seylah

année 41 ; saison intermédiaire ; jour 83

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« C'est pas pour moi. » Elle me répondait enfin après avoir été silencieuse pendant un bon moment. En même temps, j'avais bien vu qu'elle était perdue et je supposais qu'elle cherchait une réponse à travers un nombre incalculable de questions. Ce n'était pas quelque chose de nouveau pour moi puisque j'en avais rencontré des Libres avant mon départ de Paris, pendant mon trajet avec la Troupe et bien encore depuis notre retour. Un peu moins depuis le départ de ceux que j'aurais dû suivre mais l'étonnement, c'était normal pour ceux qui venaient de l'extérieur. Tout comme je le fus en découvrant le monde en dehors de Paris.

« Je connais pas bien le coin. Pas eu beaucoup d'occasions de visiter. » Elle avait réussi à me sortir de mes théories mentales. Bonne chose. C'était bien une nouvelle au sein de Paris. « Si ça te fait pas perdre trop ton temps je veux bien que tu me montres où c'est. » On aurait pu me traiter d'idiot à jouer soudainement les altruistes mais j'avais bien compris qu'à force de me renfermer, je me retrouvais encore plus seul. J'aurais aimé que ça m'assure un genre de pacte tacite de non agressivité mais je n'étais pas complètement stupide, pas à ce point en tout cas. « Ok. » Je ne voyais pas franchement quoi lui dire de plus. Je ne la connaissais pas suffisamment bien et je n'étais pas le plus habile d'un point de vue relationnel. Autant ne pas lui donner de raison de me tuer prématurément. « Suis-moi. Ça ne nous prendra pas trop de temps mais on a quand même une petite route jusque-là. » J'emboîtais le pas, direction l'hôpital.

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Année 41 – saison intermédiaire (jour 83)

« Ok. » Ton soupire de soulagement s'échappe contre ton gré. Même si la rencontre tenait du hasard tu avais fini par placer stupidement une minuscule portion d'espoir sur les épaules de ce gars. L'idée était désagréable mais tu ne pourrais pas te débrouiller seule indéfiniment. Au mieux tu connaîtrais la ville et ses codes, plus grandes seraient tes chances de survivre. Cette pensée te logeait une pierre dans l'estomac pourtant tu devrais l'admettre : avec ton père dans cet état, tu étais bel et bien livrée à toi-même. « Suis-moi. Ça ne nous prendra pas trop de temps mais on a quand même une petite route jusque-là. » Tu jettes un bref regard derrière toi, vers là d'où tu étais venue. Cela te ferait rentrer plus tard mais tu avais déjà accompli ta mission en tuant cet oiseau. En plus ce détour ne te ferait que gagner plus de temps un autre jour. Décidée, tu lui emboîtes le pas. Et même si une part de toi reste méfiante, tu te laisses aller aux bavardages. « Tu vis ici depuis longtemps ? » Il s'y connait clairement mieux que toi mais ça ne veut pas dire grand chose. Peut-être était-il simplement plus débrouillard en milieu urbain.

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Elan & Seylah

année 41 ; saison intermédiaire ; jour 83

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Ça crevait les yeux qu'elle ne me faisait pas complètement confiance et c'était tout à son honneur. Je connaissais mes intentions mais pas elle et jusqu'à preuve du contraire, elle ne pouvait pas lire dans ma tête. Je ne pouvais pas prétendre être mieux placé qu'elle parce qu'elle me perturbait plus que je ne l'aurais imaginé. Elle était fermée et différente de tant d'autres Libres que j'avais rencontrés jusque-là. En même temps, j'étais bien conscient qu'on n'avait pas l'occasion ou le besoin de se rapprocher de tous ceux qu'on rencontrait, même si ce n'était pas une si mauvaise idée quand nous étions dans de pareilles conditions, elle comme moi.

« Tu vis ici depuis longtemps ? » C'était un miracle, elle s'ouvrait un peu plus. Je n'allais pas jouer les goujats et refuser un tel geste. Je n'avais pas besoin d'aller dans les détails pour autant. « Je suis né ici mais j'ai voyagé avec la Troupe avant de revenir. Donc, je connais un peu plus la ville et surtout les endroits qui peuvent être utiles et ceux à éviter. » Parler d'Asha ne nous avancerait pas et, plus encore, je ne voulais pas lui donner d'éléments qui pourraient lui donner du pouvoir sur moi. Question de survie. Je ne la connaissais pas assez pour me sentir à l'aise à ce point.

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Année 41 – saison intermédiaire (jour 83)

« Je suis né ici mais j'ai voyagé avec la Troupe avant de revenir. Donc, je connais un peu plus la ville et surtout les endroits qui peuvent être utiles et ceux à éviter. » L'idée est étrange. Tu peux comprendre que quelqu'un décide de partir de cet endroit mais pourquoi y revenir ? Surtout après toutes les découvertes qu'il a dû faire en dehors des limites de la ville. Si tu avais eu le choix jamais tu ne serais venue. Tu aurais évité ce coin comme la peste. Tu as une question sur le bout de la langue mais tu t'interdis de la poser. Même si c'est tentant ce ne sont pas tes affaires. Il y a plus innocent à demander. « La Troupe ? » Le fait de prononcer le nom te fait te remémorer quelque chose. Oui ! Ton père t'avait déjà parlé d'eux. Des nomades qui marchandaient avec les clans. Tu étais trop petite lorsque vous les aviez rencontré pour t'en souvenir mais il t'en avait parlé plus tard. « Je vois qui ils sont. En théorie. » Qu'il soit revenu est encore plus incompréhensible. D'après ce que ton paternel t'avait dit, la vie dans la Troupe n'était pas aussi difficile que pour d'autres Libres. Mais encore une fois cela ne te regarde pas. « Y a d'autres trucs que je devrais savoir ? »

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Elan & Seylah

année 41 ; saison intermédiaire ; jour 83

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« La Troupe ? » Je me rendis compte que j'en parlais comme si tout le monde connaissait le groupe de personnes que le nom représentait mais ce n'était pas forcément le cas. Il fallait tomber au bon moment pour les rencontrer parce qu'ils revenaient en fonction de leurs besoins. « Je vois qui ils sont. En théorie. » C'était suffisant, cette théorie, à moins qu'elle ne veuille les rejoindre quand ils reviendraient à Paris. Les chercher en-dehors de la ville était trop risqué, surtout si elle s'y aventurait toute seule. La chance de tomber sur eux sans savoir où chercher dans un premier temps était presque nulle, mais elle faisait encore ce qui la chantait. Ce n'était pas mes affaires.

« Y a d'autres trucs que je devrais savoir ? » La fierté ne l'étouffait pas au point de ne pas demander des conseils, c'était une bonne chose, une chance de plus dans le sens de la survie. « Ne fâche jamais ni la rousse, comme tu dis, appelée Madame, ni les clans. Ils sont très rancuniers et certains prennent les Libres de haut à cause de leur choix de vie. Après, si t'as pas de soucis de particuliers avec quelqu'un d'un clan, je te conseille de les rejoindre. Peut-être pas les Dragons, ils sont pas connus pour leur sympathie avec les nouveaux mais les autres pourraient t'aider à mieux supporter les saisons difficiles. » C'était un conseil que je n'aurais jamais pensé donner un jour mais après avoir vécu ces temps insupportables, j'aurais été le premier à le suivre. S'il n'y avait pas eu le cas d'Asha.

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Année 41 – saison intermédiaire (jour 83)

« Ne fâche jamais ni la rousse, comme tu dis, appelée Madame, ni les clans. Ils sont très rancuniers et certains prennent les Libres de haut à cause de leur choix de vie. Après, si t'as pas de soucis de particuliers avec quelqu'un d'un clan, je te conseille de les rejoindre. Peut-être pas les Dragons, ils sont pas connus pour leur sympathie avec les nouveaux mais les autres pourraient t'aider à mieux supporter les saisons difficiles. » Tu as bien senti qu'elle avait une certaine puissance dans cette ville mais pas au point d'être mise au même niveau que les clans. Peut-être est-ce pourtant logique. Il faut être quelqu'un pour se permettre d'exister sans eux. C'était évident qu'elle ne se suffisait pas de la survie. Elle pouvait aider d'autres gens ce qui témoignait d'un système qui roulait bien pour elle. Dans d'autres circonstances tu aurais sans doute été plus curieuse de sa réussite. Du personnage en lui-même. Aujourd'hui tu as déjà assez à faire avec ta propre existence. En plus il vient de pointer un truc important. Tu n'as sincèrement jamais envisagé de rejoindre un clan. Pourquoi l'aurais-tu fait ? Cette vie n'était pas la tienne. Si ton père s'était tiré de là où il venait ce n'était pas pour rien non plus. Tu ne sais même pas ce qui vous attends ici. Ce qu'il fera le jour où il les aura retrouvé. L'idée te terrorise plus que tu n'es prête à l'accepter alors tu l'enterres loin. « Pourquoi tu restes dans la rue alors ? » La question te paraît légitime. Il avait l'air plutôt sûr de lui. Si c'était la meilleure solution il aurait dû vouloir se plier à leurs règles.

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Elan & Seylah

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« Pourquoi tu restes dans la rue alors ? » La question était légitime mais un peu dérangeante. J'avais l'impression que c'était la énième personne qui allait entendre parler d'Asha, même si je ne donnais pas son nom et j'avais l'impression que ça allait arriver jusqu'à ses oreilles et elle finirait de m'achever. Elle avait été très claire lors de notre dernière rencontre. Je me trompais peut-être, cette inconnue allait peut-être me le faire regretter mais elle ne me donnait pas l'impression d'être foncièrement mauvaise ou calculatrice. Avec un peu de chance, elle se moquerait bien des raisons, c'était une question qu'elle posait par réflexe.

Persuadé que, effectivement, elle ne retournerait pas tout ça contre moi, j'avais décidé de me lancer. Elle ne pouvait pas exactement retourner ça contre moi. « Parce que j'ai déjà pensé aux Jaguars mais quelqu'un risque de voir ça comme une menace. Je rappelle de trop mauvais souvenirs à cette personne. Alors, j'suis un peu coincé ici. » Présenté comme ça, le tableau n'était pas glorieux. Je me moquais bien, à ce stade, qu'on ait pitié de moi.

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