Je venais de finir mon service après une garde relativement calme quand je l'avais croisée, cette fille sortie de nulle part. De là où je me tenais rien ne laissait présager que le vent se levait et que j'aurais mieux fait de rester à l'intérieur du bâtiment principal du centre neutre, le centre névralgique de Paris. J'aurais certainement dû rebrousser chemin dès que j'avais senti que les bourrasques étaient de plus en plus fortes mais j'avais cru naïvement que j'allais pouvoir rejoindre le clan à temps et m'assurer que toute la tribu allait bien et était en sécurité parce que c'était eux, l'essentiel et je ne serais sereine qu'une fois certaine qu'ils ne risquaient rien. Je ne me faisais pas trop de souci pour James mais il n'y avait pas qu'elle et je portais naturellement la responsabilité de leur sécurité, même si c'était quelque chose de tacite et certainement pas obligatoire. Seulement voilà, la tempête se soulevait, la nature se déchaînait et j'étais sur le point de retourner à l'hôpital quand elle m'était tombée dessus, cette inconnue.

Suite à une nouvelle grosse bourrasque, elle se trouvait juste au-dessus de moi et ma tête avait cogné le mur derrière moi, sans dommages trop problématiques puisque je ne m'étais pas évanouie. Elle, par contre, elle semblait à côté de la plaque, elle était sonnée et j'avais déjà une idée de ce qui lui était arrivé, de son type de problème. Je l'avais retenue de justesse et une fois consciente, elle s'était écartée. Elle n'était donc certainement pas tactile, à moins qu'elle ne me voie comme une menace. Dans ce cas, elle ne devait pas souvent être apparue à l'hôpital. « Tout doux. T'énerver ne fera qu'accentuer tes douleurs. Et sois rassurée, on est en centre neutre et pas très loin de l'hôpital, qui est mon élément. Si tu me fais confiance, avec un peu d'effort, on peut s'y retrouver en moins de deux. Si ça peut te rassurer, je suis Infirmière, comme Klaus ou Charly. » Elle avait désormais tous les éléments en mains pour faire son choix intelligemment.

« Je n'ai pas peur de toi. » Je supposais que c'était sa façon de me dire qu'elle n'allait pas s'énerver ou en tout cas, qu'elle allait essayer de coopérer, sinon c'était particulièrement soudain et je ne comprenais pas le but. D'un autre côté, si elle était sonnée, ce n'était pas surprenant. Si c'était dans son caractère, c'était plus particulier mais ce ne serait pas le premier élément dans ce genre que je rencontrais. A Paris, on trouvait toutes sortes de personnes et ces personnes réagissaient toutes différemment face à un danger imminent comme cette tempête et le fait d'être en compagnie d'une parfaite inconnue. J'avais préféré ne pas relever cette réponse, ça ne changerait pas grand-chose à la situation de toute façon. J'avais entendu ce qu'elle avait à me dire et c'était l'essentiel.

« Évite de me toucher. S'il te plaît. » Plus elle parlait, plus j'avais l'impression que c'était bien en elle, qu'elle avait un souci et qu'il valait mieux ne pas en rajouter une couche. Il fallait tout faire pour qu'elle soit en confiance au moins jusqu'à l'hôpital. C'était mon seul but. « D'accord. Je ne le ferai qu'en dernier recours. » Je lui devais bien ça, en tant qu'infirmière. « Tu te sens comment ? »

« Mal à la tête. J'ai l'impression que le monde n'est pas stable lorsque je bouge un peu trop vite. » Ca pouvait être expliqué par plusieurs choses, de différents niveaux de gravité mais en pareille situation le pire devait être envisagé parce qu'une tempête ce n'était pas anodin. Raison supplémentaire pour être sur mes gardes. Si je devais rester vigilante me concernant parce que je pouvais couver une commotion cérébrale et mal tourner, je ne me sentais pas trop mal, je devais également veiller à son état. Certes, ne pas sentir les signaux classiques lors des premières minutes suivant l'incident pouvait être bon signe mais ce n'était pas suffisamment fiable. Les commotions se déclaraient parfois avec un moment de retard.

« Je pense que j'ai perdu l'équilibre à cause du vent et que je me suis pris ce mur. Je me souviens juste de la douleur et puis plus rien. » Elle avait été inconsciente pendant un court moment, raison supplémentaire de rester sur ses gardes. Je n'allais pas pouvoir faire grand-chose à part rester à ses côtés pour lui éviter un accident supplémentaire.

« Il va falloir trouver un abri. Tu as besoin de t'allonger un peu, de te reposer un maximum et tu ne pourras pas le faire au milieu de la tempête. Je resterai près de toi. Mesure de sécurité. » J'attendais un geste de sa part pour l'accompagner jusqu'à une planque provisoire. « Je reste à côté de toi pour te soutenir en cas de besoin. C'es tout. »