when you realize your cousin is a little bit creepy

année 41, saison intermédiaire, jour à déterminer

Plus ils me répétaient que je m'entêtais et que je prenais un risque démesuré parce qu'elle tombait bas dans l'échelle de la société, plus je brûlais d'envie de leur prouver que j'étais suffisamment grande pour prendre des choix dans la vie et que je savais par conséquent à quoi je me risquais. Il était loin le temps où je les écoutais sagement parce que je refusais de nuire à leur réputation par la même occasion et parce que, c'était vrai, son père me faisait froid dans le dos. Il avait beau être mon oncle, il n'avait jamais rien représenté d'autre qu'un homme dangereux et complètement vicieux. Il se racontait plein de choses à son sujet et ce encore du temps de Joshua. Cet homme n'avait rien de bon en lui, c'était un miracle qu'une fille comme Tyrell ait survécu parce que, de là où je me trouvais, il me donnait la chair de poule au point de m'imaginer les pires atrocités et même vis-à-vis de sa propre enfant. Oui, c'était un miracle que ma cousine ait pu survivre tout ce temps et mes parents avaient au moins raison sur ce point, il l'avait gardé enfermée dans un genre de cage dorée, dans une bulle édulcorée et c'était peut-être le pire. Il suffisait d'entendre ce qu'on racontait à son sujet désormais, qu'elle ait pu collaborer ou apprécier les méfaits de son père était inconcevable, d'où sa surprise. Je l'avais épiée plus d'une fois sans oser faire le premier pas mais cette fois, c'était trop.

Je l'avais attrapée au vol lors d'une soirée alors qu'elle semblait isolée pour lui tendre bêtement ma gourde, prétexte bien stupide pour l'aborder. C'était particulier de parler pour la première fois avec sa cousine mais nos parents respectifs n'avaient pas rendu la tâche aisée. Ils allaient entendre ma façon de penser la prochaine fois que je ferais un tour par la maison familiale. « Hé, c'est un peu triste de rester dans son coin toute seule. Promis, j'suis pas v'nue te cracher dessus. J't'avoue que j'attends de t'parler depuis trop longtemps. Ton père a jamais dû te parler d'moi, j'suis du mauvais côté de la famille. J'suis ta cousine, la fille du frère de ton père, Nymeria. » C'était un peu maladroit, carrément maladroit même, mais je rattraperais les conneries des adultes à ma façon et j'étais quelqu'un de direct. J'espérais ne pas la faire fuir.

Nyméria & Tyrell

année 41, saison intermédiaire, jour à déterminer

when you realize your cousin is a little bit creepy

On ne pouvait pas dire qu'elle ne faisait pas d'efforts d'intégration. Elle essayait sincèrement de se refaire une place au sein des membres de sa fournée mais c'était difficile quand quelqu'un était passé avant vous et se plaisait à dépeindre un minable portrait de votre personne. Tyrell faisait des efforts mais elle était aussi fatiguée de se sentir jugée en permanence. Elle était désolée si son père avait détruit la vie de ces camarades mais elle ne mentait pas quand elle disait qu'elle n'avait jamais rien agi à leur encontre...en tout cas, jamais sciemment. Malheureusement, ils n'étaient pas nombreux à la croire, et dans le doute, certains préféraient la bouder, c'était plus prudent que de fraterniser avec une traîtresse. Voilà pourquoi elle sursauta, sortie de ses pensées par une voix féminine appartenant à une boule d'énergie aussi rousse qu'elle. Elle tombait au mauvais moment, Tyrell aurait souhaité remonter dans sa chambre mais elle ne pouvait plus vraiment se le permettre sans paraître grossière et aggraver l'état déjà bien piteux de sa réputation. Cette fille parlait si vite que la jaguar avait du mal à traiter le flux d'informations. Tyrell pensa d'abord que la jeune femme avait pitié d'elle ou qu'elle faisait semblant pour lui révéler que ses intentions n'étaient qu'une blague cruelle. Dans tous les cas, ce n'était pas comme si Tyrell avait fait le choix d'être toute seule. Très vite, elle se rendit compte qu'elle sonnait plus folle qu'autre chose. Q-quoi ? Une cousine? Tyrell connaissait de vue une partie de sa famille. Elle savait qu'elle avait une mère chez les vipères, peut-être plus mais elle était encore plus dans le flou vis-à-vis de sa famille paternelle. Elle savait avoir un oncle mais ce dernier n'avait jamais fait de pas vers elle alors elle ne voyait pas pourquoi sa fille ferait l'effort. Peut-être qu'elle se moquait juste tout simplement d'elle, peut-être qu'elles partageaient des ressemblances physiques mais elle pouvait tout aussi bien être une inconnue cherchant à la tourner en ridicule quand elle lui dévoilerait qu'elle était stupide d'avoir eu l'espoir de retrouver un semblant de famille. Si c'est une blague, elle n'est pas drôle. Pourquoi je devrais te croire ?

when you realize your cousin is a little bit creepy

année 41, saison intermédiaire, jour à déterminer

« Q-quoi ? » J'avais bien remarqué que je l'avais perdue à force d'en dire trop à la fois et à une telle vitesse, c'était toujours la même chose, je m'emballais pour un rien. On ne pouvait pas exactement m'en vouloir quand j'avais en face de moi ma jeune cousine qu'on avait cherché à me cacher pendant plusieurs années à cause de son père et à cause de la réputation qui lui collait à la peau depuis la mort de son père et les langues qui se déliaient. Si on me demandait mon avis, je trouvais ce raisonnement complètement absurde ; on ne partait pas du principe que l'enfant d'un.e ancien.ne fine lame en devient une un jour, alors pourquoi partait-on du principe qu'elle devait forcément mal tourner, si ce n'était pas déjà le cas dans la tête des autres ?

« Si c'est une blague, elle n'est pas drôle. Pourquoi je devrais te croire ? » Un bon vieux mécanisme de défense, quoi de plus logique quand on se mettait un tout petit peu à sa place. Je n'aurais certainement pas réussi à garder mon calme si on m'insultait à chaque coin de rue ou si on m'assimilait aux horreurs d'un père qui avait choisi une très mauvaise voie. Je me sentais un peu con, face à elle, à avoir tout balancé comme ça, comme si c'était si facile à avaler alors que ça ne l'était pas du tout. « Désolée. Je suis trop enthousiaste, j'oublie que tout ça te tombe dessus juste quand j'ai décidé que c'était le bon moment. » Et j'étais censée être l'adulte des deux. C'était extraordinaire. « Je me moque pas de toi. Je pars dans tous les sens. Je suis bien ta cousine. J'ai aucune mauvaise intention derrière la tête. Je me présente plus comme une alliée si tu en veux une. » Pitié que je ne l'effraie pas.