Cornelia & Meryl
A41 SI J87

bruised and bored

Elle n'aurait pas dû être là à ne rien faire, son esprit ne cessait de le lui répéter comme une litanie entêtante, mais ses options demeuraient peu nombreuses. La visite de contrôle à l'infirmerie avait beau s'être bien passée, il n'était pas question pour elle de retourner sur le terrain. Il lui faudrait attendre, quelque chose qu'elle peinait à faire. Après la tempête, avec tous les menus travaux qui s'accumulaient, la tâche était plus compliquée encore. Dans ces circonstances, la mission confiée par l'Ancienne lorsqu'elle avait appris où elle se rendait était presque bienvenue. Elle n'avait pas manqué de lui faire lever les yeux au ciel et elle avait grommelé quelque chose d'assez inintelligible que pour ne pas se faire gronder par sa mère, mais elle avait accepté. Comme d'habitude. Profite-en pour vérifier que tout va bien pour Meryl. Elle voyait pourtant mal ce qui aurait pu mal tourner alors qu'elle était au Labo. Il s'agissait du lieu le plus sécurisé du territoire. Elle avait même eu le culot de ressortir du désastre avec des blessures risibles. Il fallait bien que quelqu'un soit chanceuse dans leur duo. Voilà ce qui la conduisit à l'étage technique où elle trouva sa binôme en plein travail. Blasée, elle s'appuya contre la table, oubliant en un clin d’œil la bonne éducation qu'on lui avait vrillé dans la tête. Pour l'heure, elles étaient seules.

- Bien, t'as encore tous tes doigts. Ça va rassurer ta mère.

Le ton narquois n'avait rien de nouveau. Elle fixa un instant ce que Meryl faisant avant de s'en désintéresser au profit d'un outil qu'elle fit tourner entre ses doigts sans y penser.

Meryl & Cornelia

année 41, deuxième saison tempérée, journée 87

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« Bien, t'as encore tous tes doigts. Ça va rassurer ta mère. » Je m'étais complètement saisie quand elle me parla. C'était stupide, surtout quand on prétendait être si proche de sa binôme qu'on pouvait la sentir arriver mais j'étais plongée dans mon travail et un peu épuisée par la folie de ces derniers jours. Je n'avais pas à me plaindre, j'avais quelques coupures peu profondes au niveau du visage et rien d'autre à signaler mais c'était pour cette même raison que tout naturellement, j'avais proposé mon aide à gauche et à droite, toujours dévouée à mon clan parce que les Vipères était mon seul espoir et les seules pour lesquelles il était légitime de se battre et de se fatiguer. Le doute ne m'avait encore jamais assailli, ma mère ne s'était jamais trompé, il était donc normal de suivre l'élan patriotique familial. De mère en fille. De toute manière, dehors, il y avait les Dragons, des monstres qui avaient décimé un clan et de l'autre côté, les Jaguars qui avaient ruiné la vie de ma mère. Bref, rien qui ne méritait mon attention.

« J'ai pas pu mettre la main sur toi plus tôt parce que je suis occupée dans tous les sens mais on m'a soufflé que tu avais été à l'infirmerie donc ça signifie que tu ne t'en es pas aussi bien sortie. T'es sûre que c'est une bonne idée que tu sois là ? Je voudrais pas te causer des ennuis. Si tu veux, je peux te trouver du temps ce soir. » Je n'avais même pas le sentiment d'en faire trop parce que ça fonctionnait comme ça depuis toujours entre nous. Ça nous dépassait un peu mais j'aimais bien cette petite routine et même si Cornelia pouvait se montrer ronchon, j'étais attachée à elle.

Cornelia & Meryl
A41 SI J87

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L'inquiétude aurait pu être touchante - et, tout au fond, elle l'était -, mais sa binôme avait cette mauvaise habitude de toujours trop en faire. Ça en plus de la surveillance maternelle, cela pouvait faire beaucoup, d'autant plus lorsqu'elle était coincée sur le territoire pour une période indéterminée. Elle voyait d'ici les interminables journées qu'elle aurait à passer à la maison pendant que l'Ancienne lui rabâcherait ses discours et appuierait sur le fait qu'elle aurait dû être plus prudente. Comme si la tempête lui avait laissé cette chance.

- Je reviens d'un check-up, c'est pas grand chose.

La sous-infirmière en avait profité pour refaire le bandage qu'elle avait à la tête et avait eu l'air satisfaite. Clairement pas assez pour lui donner le droit de faire quelque chose d'utile, mais, au moins, il n'y avait pas d'infection en vue.

- Elles sont frileuses parce que c'est la tête. J'ai même pas eu besoin de points et le reste cicatrise doucement. On voit bien que ce ne sont pas elles qui doivent rester à rien faire après tout ça.

Meryl & Cornelia

année 41, deuxième saison tempérée, journée 87

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« Je reviens d'un check-up, c'est pas grand chose. » Si j'écoutais Cornelia, ce n'était jamais très sérieux, elle était capable de gérer sans aucun problème. Dans les faits, elle était forte et sérieuse et elle m'épatait au quotidien mais ça ne signifiait pas qu'elle ne me ménageait pas, ainsi que sa mère parce qu'elle voulait l'impressionner et me faire taire. J'en faisais beaucoup trop, je le savais. Mais en même temps, elle était celle qui me connaissait le mieux sur tout le territoire. Ça justifiait mon inquiétude. En plus, sa mère lui en demandait beaucoup.

« Elles sont frileuses parce que c'est la tête. J'ai même pas eu besoin de points et le reste cicatrise doucement. On voit bien que ce ne sont pas elles qui doivent rester à rien faire après tout ça. » C'était ça, le problème, elle voulait bouger. De mon côté, je ne pouvais pas me plaindre, je pouvais travailler sans problème et c'était tout ce qui comptait. Je n'avais pas besoin de plus dans la vie, ma tâche, ma binôme et les Vipères en général. « Elles doivent avoir leur raison. Si tu les écoutes, tu pourras plus rapidement reprendre ta routine. Mais me force pas à te dénoncer. » Elle savait bien qu'il lui suffirait de me demander le contraire, de me demander de me taire pour que je m'applique. J'avais trop peur de la perdre.

Cornelia & Meryl
A41 SI J87

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Elle savait bien, dans le fond, que Meryl avait raison. C'était une réponse pleine de sagesse, mais surtout celle de quelqu'un qui ne remettait jamais rien en cause. Elle se retint de faire un commentaire, levant les yeux au ciel à la place. Elle resta comme ça un instant, le regard posé sur un plafond plein de craquelures qui pourtant tenait encore bon. Ce détail était présent dans toute la ville. Chaque bâtiment avait subi des dégâts, mais il subsistait malgré la fureur des éléments. Comme ses habitants, au final. Les blessures qu'elle portait guériraient et des traces resteraient peut-être, mais elle continuerait d'avancer. Elle laissa finalement passer un long soupir, un peu lassée.

- Je sais bien qu'elles ont raison. Qu'elles font ça pour mon bien.

Cela valait aussi bien pour les soigneuses, que pour sa mère. Leurs buts étaient sans doute les mêmes aussi. Le clan voyait son utilité plus tard si elle se remettait correctement et sa génitrice gardait en tête que son héritière devait grandir et prendre la relève, ce qu'elle ne pourrait pas faire si elle perdait face à une stupide blessure.

- J'aime pas ça. Trop de temps pour réfléchir et trop d'occasions manquées.

Pendant qu'elle restait là à ne rien faire, d'autres continuaient à progresser et à empiler des actions qui comptaient dans les petits dossiers des gradées. La seule qui aurait sans doute pu réellement la comprendre n'était pas une interlocutrice valable. A croire que quelqu'un avait quand même eu pitié d'elle et avait décidé de mettre en pause cette rivalité stupide imposée Rina. D'une façon ridicule, certes. Le destin avait un drôle de sens de l'humour pour que leurs blessures soient si similaires.

Meryl & Cornelia

année 41, deuxième saison tempérée, journée 87

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Même si j'étais occupée, je pouvais sentir certaines choses, je la connaissais par cœur, alors il aurait été difficile de ne pas sentir qu'elle devait soit lever les yeux au ciel, soit avoir l'air simplement blasée. Même si je l'appréciais beaucoup et notre amitié me tenait à cœur, on ne se ressemblait pas du tout. Elle était beaucoup moins enthousiaste et beaucoup moins démonstrative que moi mais ce n'était pas grave. Ça nous rendait complémentaire. C'était ce que je répondrais si on me demandait comment je voyais notre binôme. Nos mères n'auraient certainement pas insisté si elles sentaient que nous n'étions pas faites pour fonctionner correctement ensemble. Tant pis si elle soupirait de temps en temps, comme elle venait de le faire.

« Je sais bien qu'elles ont raison. Qu'elles font ça pour mon bien. » Même si elle jouait les filles blasées, elle était reconnaissante et ne crachait pas ni sur sa mère, ni sur les soigneuses. C'était pour cette raison notamment que je m'accrochais à elle, elle n'était pas qu'une fille qui râlait sur tout et rien.

« J'aime pas ça. Trop de temps pour réfléchir et trop d'occasions manquées. » L'entendre parler comme ça n'était pas une surprise, elle suivait scrupuleusement les règles de sa mère qui rêvait de faire d'elle une grande Membre. Je n'avais pas autant d'ambition, tant que je pouvais travailler pour les Vipères, dans l'ombre de préférence, ça m'allait. Ma mère n'était pas contraire non plus. A nouveau, nous nous complétions, une Membre qui sortait et qui allait briller et l'autre qui restait en retrait. J'étais aussi beaucoup plus patiente qu'elle. D'un sourire, je lui dis ceci. « Dès que ça ira mieux, tu pourras prouver que tu ne t'es pas ramollie. Avec les entraînements de ta mère, tu seras toujours parmi les meilleures. » Mes yeux pétillaient, en bonne supportrice que j'étais.