Cornelia & Meryl
A41 SI J92 (matinée)

lazy morning

Sortir la veille n'avait pas été la pire des idées. Même si elle regrettait un peu l'alcool consommé qui lui avait laissé un fond de douleur dans le crâne et l'impression de ne pas être aussi vive qu'à l'accoutumé, elle appréciait le regain d'appétit et le fait que son humeur soit un peu moins sombre. Elle avait eu l'occasion de se changer les idées en-dehors du territoire et cela se sentait ce matin. Pour ne pas gâcher un début de journée agréable, elle avait accepté sans broncher d'aller porter un coli chez les voisines et avait préféré y rester en attendant le réveil de sa binôme. L'Ancienne n'était pas si différente de sa propre mère, mais, parce qu'elle n'était pas sa fille, elle la traitait avec plus de légèreté et il lui était plus facile d'accepter certaines choses d'elle plutôt que de sa génitrice. Elle s'était donc installée dans la pièce à vivre pour papoter avec elle jusqu'à ce qu'elle parte et s'était même laissé tenté par un bol de bouillie peu engageante qu'elle avalait pourtant avec entrain. Elle raclait le fond avec sa cuillère lorsque la rousse émergea finalement.

- Flemmarde.

Elle l'avait lâché avec un sourire amusé, bien consciente qu'il était encore très tôt et que sa binôme pouvait de toute façon faire ce qu'elle voulait de son temps lorsqu'elle ne travaillait pas. Son bol abandonné sur la table, elle entreprit de s'installer plus confortablement, les pieds calés sur une chaise proche et les bras croisés derrière la tête.

- Tu devineras jamais qui j'ai vu cette nuit.

Meryl & Cornelia

année 41, deuxième saison tempérée, journée 92

  lazy morning

« Flemmarde. » C'était le premier mot que j'entendis de la part de Cornelia quand je sortis péniblement de ma chambre. Je bâillais encore, preuve que je n'étais pas encore totalement sortie du cirage. Les matins étaient particulièrement compliqués et certains auraient été tentés de croire que j'étais une boule d'énergie et d'optimisme dès que j'ouvrais les yeux mais non, il fallait passer la première étape qui variait en fonction de la qualité de la nuit et de l'environnement du matin. Si je ne me démenais pas trop pour me préparer à manger, si je ne bousculais pas tout sur mon passage, je passais rapidement à la suite. Si on ne m'en demandait pas trop dès que je me levais, ça aidait. Je frottai mes yeux en m'approchant d'elle. Elle était de bonne humeur. En bonne forme a priori. Bonne chose. Je m'étais servi un bol avant de m'installer en face d'elle, toujours à moitié morte.

« Tu devineras jamais qui j'ai vu cette nuit. » Un nouveau bâillement. Une cuillère. Concentration sur la discussion. « Salut. » C'était loin de l'énergie qu'elle me connaissait mais ce n'était pas une découverte pour elle. Nous étions voisines. Nous avions pratiquement été élevées par la même grande famille. A quelques détails près. Elle connaissait donc tout ce que les autres n'avaient jamais pu voir. « Tu sais bien que je connais pas beaucoup de Jaguars. » Et ça ne me rendait pas plus malheureuse que ça. Ma mère m'avait toujours mise en garde vis-à-vis d'eux et de leurs manières rustres. Les Dragons ne valaient pas mieux mais dans un autre genre. Le territoire était de toute façon suffisamment vaste que pour vouloir mettre un pied dehors.

Cornelia & Meryl
A41 SI J92 (matinée)

lazy morning

Comme toujours, les neurones avaient pris un certain temps pour se connecter dans la tête de la rousse. Le rythme de cette conversation aurait pu en déranger plus d'un, mais elle avait une certaine expérience à force. Recevoir des salutations était déjà une bonne chose, vu cet air de déterré qu'elle affichait, elles auraient pu se perdre en route. Difficile de croire que ce n'était pas Meryl qui était revenue beaucoup trop tard après une longue route et quelques verres dans le corps. Tout était relatif, elle en connaissait qui aurait vu sa soirée comme un jeu d'enfants, mais chacun avait son rythme, elle préférait occuper son temps autrement.

- Justement, ça te laisse pas beaucoup d'options, mais je vais avoir pitié.

Puisqu'elle n'était pas jugée pour certaines de ses facettes, elle avait appris avec le temps à éviter d'insister sur cette absence d'ouverture aux autres clans. Elle n'y parvenait pas toujours, il y avait des moments où elle ne pouvait pas s'empêcher de vouloir la faire sortir de ses retranchements, mais elle ne le ferait sûrement pas à cette heure ou au sujet de cette personne en particulier.

- Erin. Rien d'étonnant à ce qu'elle traîne dans ce bordel, tu me diras. Elle a bien morflé pendant la tempête. L'épaule, j'ai pas les détails. Elle a demandé de tes nouvelles.

Meryl & Cornelia

année 41, deuxième saison tempérée, journée 92

  lazy morning

« Justement, ça te laisse pas beaucoup d'options, mais je vais avoir pitié. » Elle n'avait pas tort dans l'absolu mais le matin, je n'étais jamais trop d'humeur à la rigolade. Même moi, malgré tout mon enthousiasme et mes sourires à tout bout de champ, j'avais des moments où je n'aimais pas les allusions de ce genre et même si elles venaient de Cornelia. Cependant, rien d'autre qu'un petit grognement ne sortirait et ce serait rapidement oublié parce qu'on passait toujours à autre chose, qu'elle cherchait la petite bête mais elle n'était pas détestable non plus.

« Erin. Rien d'étonnant à ce qu'elle traîne dans ce bordel, tu me diras. Elle a bien morflé pendant la tempête. L'épaule, j'ai pas les détails. Elle a demandé de tes nouvelles. » Je me crispai en entendant le nom d'Erin. Je pensais que puisque nous ne nous voyions plus que de loin, à de rares occasions, puisque je tentais de mettre de la distance entre elle et moi, c'était aux oubliettes, tout ce bordel, que ça ne me ferait rien d'apprendre qu'elle était blessée mais ce n'était qu'une façade, qu'un mensonge. Je me leurrais comme une grande. Si quelque chose voulait sortir, aucun mot ne franchissait mes lèvres. Au lieu de ça, je chipotais à mon pull sans un mot de plus. Je n'osais même plus la regarder.

Cornelia & Meryl
A41 SI J92 (matinée)

lazy morning

Elle ne s'était pas attendue à une réaction particulière, le sujet était chargé depuis trop d'années et ce d'une façon qui indiquait clairement que la blessure n'était pas prête d'être guérie. Si ça avait été le cas, les choses auraient été plus simples, une telle remarque en passant n'aurait rien changé à l'ambiance. Erin n'aurait pas non plus pris la peine de s'intéresser au cas d'une fille qui l'avait rejeté du jour au lendemain. Tout ça lui semblait être un beau gâchis, mais elle était mal placée pour en parler puisqu'elle n'avait pas eu une telle proximité avec la Jaguar, cette dernière avait toujours été plus proche de Rina. Elle lui avait souvent tourné dans les pattes, mais c'était pour lui montrer ses côtés les plus chiants.

- Elle avait l'air soulagé que t'ailles bien.

Cela avait été ajouté avec un petit haussement des épaules. On ne pourrait au moins pas lui reprocher de ne pas faire un rapport décent de cette rencontre impromptue.

- Dans tous les cas, on risque pas de la revoir dans les parages avant un bout de temps.

Meryl & Cornelia

année 41, deuxième saison tempérée, journée 92

  lazy morning

« Elle avait l'air soulagé que t'ailles bien. » C'était d'autant plus dérangeant qu'Erin, cette fille qui nous avait trahies, qui m'avait plus particulièrement trahie, prenait de mes nouvelles. Depuis les années, elle aurait eu toutes les raisons du monde de m'en vouloir à son tour, d'autant plus que ma mauvaise foi nourrissait toujours plus cette guéguerre, ce conflit facile. J'aurais compris qu'elle m'en veuille et qu'elle se désintéresse de moi mais non, elle s'inquiétait de mon état. Si j'avais été totalement injuste, j'aurais ri de cette bêtise, je l'aurais trouvée beaucoup trop sentimentale mais je n'y arrivais même pas. Elle était juste trop gentille, surtout pour une traîtresse. Je n'avais toujours pas réussi à sortir le moindre mot, j'étais troublée, beaucoup trop troublée pour mon propre bien.

« Dans tous les cas, on risque pas de la revoir dans les parages avant un bout de temps. » C'était sûrement mieux comme ça parce que nos retrouvailles auraient eu l'air ridicule. Je savais bien qu'elle n'était pas une Jaguar de naissance mais me rapprocher d'elle reviendrait au même, ma mère y verrait une trahison à son tour. Je ne pouvais pas lui faire ça. Je ne devais surtout pas me rapprocher des Jaguars, ces barbares qui ne valaient pas grand-chose, ceux qui se prétendaient moins mauvais que les Dragons mais qui tuaient sans trop de problème de conscience non plus. C'était des meurtriers, comme tout le monde mais ils ne l'assumaient pas. J'avais préféré ne pas ajouter quoi que ce soit. Cornelia savait que ce sujet me crispait.