Erika & Ulrik & Sif

année 41 ; deuxième saison tempérée ; journée 87

l'équilibre perturbé

Quand je m'étais réveillée, Sif était toujours présente, posée contre un mur et une petite voix me disait qu'elle ne nous avait pas quittés des yeux. Je me pris une vraie claque dans la figure quand je me rendis compte qu'elle avait pris soin de nous certainement mieux que je ne l'avais fait ces derniers temps les concernant. Dans le fond, je savais qu'elle n'était plus l'enfant dont j'avais endossé la responsabilité mais c'était autre chose de n'avoir pas le choix que de la laisser gérer seule et de constater qu'elle avait pris le dessus, alors qu'elle devait paniquer comme n'importe qui. Le plus difficile dans cette histoire était d'admettre que même moi, j'avais des limites et que je ne pouvais pas les aider à chaque fois que quelque chose se passait. J'en avais été incapable physiquement et je ne pouvais pas m'empêcher de culpabiliser un chouïa. Je réalisais que j'agissais comme je le faisais vis-à-vis de Sif parce que je gardais l'illusion, de cette façon, d'être l'adulte. La seule adulte.

Je n'avais pas voulu la déranger alors qu'elle soufflait pas loin de là. Elle verrait bien assez tôt que nous étions réveillés. « J'crois que l'adulte, cette fois, c'est elle. » Que je glissai à Ulrik qui était allongé à mon côté gauche. « Comment tu te sens ? T'as encore mal quelque part ? » J'y allais doucement. Je voulais apprendre de mes erreurs, espérant que ça évolue avant même le retour à Paris, même si je n'allais pas devenir tout d'un coup une jeune femme à l'opposé de ce que j'étais depuis de trop nombreuses années.

Ulrik & Erika & Sif
A41 ST2 J87

L'ÉQUILIBRE PERTURBÉ

- J'suis à peu près sûr qu'elle a essayé de me noyer à un moment.

Sa voix s'était échappé sans beaucoup de force, la bouche encore pâteuse après tout ça. Il se sentait comme après sa première cuite, mais en bien pire et sans les abominables nausées. Bon, d'accord, il n'y avait que l'épuisement qui collait à ce moment, mais il n'avait vraiment pas d'autre comparaison possible. Le seul vrai point positif dans cette situation était que sa sœur ne lui criait pas dessus pour avoir fait une connerie en se laissant entraîner par des Membres plus âgés. Il fallait dire qu'il était innocent cette fois. La maladie lui était tombée dessus, il n'avait pas été cherché la merde.

- Juste fatigué. J'espère que personne ne va me demander de me lever ou ça va être gênant quand je m'écroulerais par terre.

Toute gêne probablement effacée par l'épuisement, il bougea un peu pour se nicher contre elle, fermant les yeux et soupirant longuement.

- J'suis content que t'ailles bien.

Erika & Ulrik & Sif

année 41 ; deuxième saison tempérée ; journée 87

l'équilibre perturbé

Les dernières heures s'étaient avérées être un véritable enfer. Que tout le monde tombe malade autour d'elle, passe encore. La situation était déjà horrible et terrifiante mais Sif pouvait gérer. Contrairement à ce que certains pensaient, elle n'était plus une gamine, elle n'allait pas paniquer si vite. Elle avait tenu bon. Attendant de voir si elle n'allait pas elle-même contracter la maladie, elle s'était lancé à la recherche de sa famille. Elle avait été persuadée qu'Erika péterait la forme, qu'elle serait probablement l'une des premières au chevet des autres. Comme toujours. Par miracle, elle s'en était sortie indemne. Quant à Ulrik, elle ne pouvait l'imaginer autrement qu'en pleine capacité de ses moyens de nuire. Une chose en moins sur la longue liste d'inquiétude que sa sœur avait à son sujet. Cela ne l'avait pas empêché de les chercher, l'angoisse s'intensifiant à mesure que le temps passait sans aucun signe de leur part. C'était bien plus tard qu'elle les avait retrouvés. Tous les deux.(Sif ne s'arrêta pas devant ce détail, pas cette fois, elle ravala sa bile, ce n'était pas le moment). Atteints par la maladie. Sif aurait pu perdre ses moyens et donner raison à sa sœur de la couver mais elle n'avait pas le droit. Aussi irritants pouvaient-ils être, ils restaient sa famille et elle les aimait malgré tout. Ils avaient besoin d'aide, c'était le moment de prouver qu'elle aussi, elle pouvait les protéger. Des heures à veiller plus tard, elle était épuisée même si elle avait pu compter sur l'aide providentielle et ponctuelle de certains jaguars. Ils avaient l'air d'aller mieux, d'être plus stables du moins. Elle s'était donc éloignée, légèrement, histoire de souffler un peu et de reprendre ses esprits. Les yeux tournés vers le ciel, se demandant quand est-ce qu'ils sortiraient tous de ce cauchemar. Au bout de plusieurs minutes, elle jugea qu'il était temps d'y retourner, gourdes entre les mains. Il semblait qu'ils étaient tous les deux réveillés, ses jambes manquèrent de la lâcher tant elle était soulagée. Elle resta pourtant en retrait encore quelques minutes. Encore ce malaise de les voir si proches l'un de l'autre. Ulrik pouvait se montrer si affectueux quand il le voulait et qu'il ne perdait pas son temps à faire des bêtises. Se raclant la gorge pour annoncer sa présence, Sif leur présenta les gourdes d'eau. Il est temps de vous réhydrater un peu. Toujours assez tendue, le stress retombant à peine, elle ne parvenait pas à exprimer son soulagement pour le moment. Encore trop anxieuse de leurs réactions. Il y avait toujours le risque qu'Erika lui fasse une remarque, même dans cet état, ou que Ulrik lui balance une mauvaise blague.

Erika & Ulrik & Sif

année 41 ; deuxième saison tempérée ; journée 87

l'équilibre perturbé

« J'suis à peu près sûr qu'elle a essayé de me noyer à un moment. » J'avais levé les yeux au ciel, mi-amusée, mi-agacée par sa réponse mais heureusement pour lui, la fatigue avait pris le dessus et je n'aurais pas pu réagir. Ça n'avait absolument rien à voir avec le fait qu'il m'en fallait beaucoup pour lui coller une pichenette, j'étais parfaitement objective. En plus, je ne m'imaginais pas lui en coller une alors qu'il se remettait doucement, lui aussi, de ce qui nous était tombé dessus violemment, en pleine nuit. Je ne souhaitais pas de mal à Sif mais, malgré mon attitude parfois discutable, je la savais beaucoup plus habituée à la réalité de la vie de Membre que ne l'était Ulrik, l'âge jouait beaucoup.

« Juste fatigué. J'espère que personne ne va me demander de me lever ou ça va être gênant quand je m'écroulerais par terre. » J'avais rigolé, autant que mon corps me le permettait en tout cas, et finis par sourire, l'accueillant à bras ouvert contre moi. Même si j'étais également lessivée, j'étais leur aînée, un peu comme leur mère, surtout pour Ulrik, c'était donc normal de lui faire de la place dans mon espace vital. J'aurais souhaité pouvoir en faire plus, ne pas avoir été incapable de l'aider pendant cette crise et ce qui devait être particulièrement angoissant pour lui, encore trop jeune pour ce genre d'horreur, mais je devais vivre avec cette frustration. Le soutenir après tout ça était la moindre des choses.

« J'suis content que t'ailles bien. » Mon sourire s'était encore élargi, alors qui me mettait du baume au coeur. J'en oubliais trop souvent que, moi aussi, ça me faisait beaucoup de bien de l'entendre de lui, de Sif et de Rakel. Notre père, c'était une évidence, j'y étais beaucoup trop attachée depuis trop longtemps, en plus d'avoir été enfant unique pendant deux ans. J'étais certaine que quand il apprendrait ça, il ne se gênerait pas pour rappeler qu'il s'était opposé à ce voyage, encore plus à ce que nous y participions. Comme s'il avait eu son mot à dire.

J'allais lui répondre quand j'entendis un bruit, un raclement de gorge et découvris Sif, deux gourdes en mains. Jusqu'au bout, elle jouait un jeu que je connaissais par cœur et que j'avais cru trop longtemps réservé à moi, une histoire de fierté d'aînée. Jamais ça ne m'avait traversé l'esprit que je puisse être dans un si mauvais état qu'elle doive endosser ce rôle à ma place. En tout cas, pas avant que je ne sois vieille et que la nature ne suive son cours. Parce qu'ils devaient absolument mourir après moi, je refusais de les voir mourir avant moi. C'était impensable. Et pourtant, la vie n'était pas si juste. « Il est temps de vous réhydrater un peu. » Elle était tendue, c'était visible mais elle état avant tout attentive et c'était tout ce qui comptait. Pour une fois, je n'avais pas envie, ni même de raison de la reprendre à propos de quoi que ce soit.

Au lieu de ça, j'avais pris la gourde qu'elle me tendait et fit de mon mieux pour boire sans empiéter sur Ulrik. « Merci. » J'avais envie d'ajouter que c'était bizarre comme situation, spécial de la voir agir un peu comme moi mais je voulais éviter de bousiller l'atmosphère, au moins cette fois. Elle méritait d'être un peu soutenue à son tour. « Tu pourras te vanter de ça auprès de papa. On dirait que tu tiens de moi. » Juste une petite touche d'humour. Rien de bien méchant. « Plus sérieusement, tu as pu souffler un peu ? »

Ulrik & Erika & Sif
A41 ST2 J87

L'ÉQUILIBRE PERTURBÉ

Il sursauta un peu en entendant la voix de sa sœur si proche, ses yeux s'ouvrant instinctivement et une insulte au bord des lèvres qu'il retint de justesse. Il se sentait un peu pris en faute, honteux d'avoir affiché une attitude un peu trop gamine devant elle. Ce fut à son tour de se râcler la gorge et il se décala sous prétexte d'attraper la gourde, les joues un peu rouges. Pendant que Erika en faisait des tonnes, il s'efforça de boire quelques gorgées sans s'en foutre partout, mais la manœuvre s'avéra difficile lorsqu'il se rendit compte à quel point il avait soif, chaque goulée cherchant à avaler plus d'eau. Il s'essuya la bouche du revers de sa manche avant de grimacer en découvrant tout le sang qui y avait séché. Il devait sans doute avoir une drôle de dégaine vu l'état de ses vêtements, un peu comme si il lui avait pris l'envie de dévorer tout cru un rat ou quelque chose du genre. Un peu avachi sur son sac à dos, il fixa un instant Sif, pensif. Elle devait toujours avoir l'air mieux qu'eux, mais la nuit, ou ces derniers jours il n'en savait trop rien, l'avait laissé dans un sale état.

- Ouais, merci.

Il avait fini par le grogner, les yeux détournés, comme pris une nouvelle fois en faute. Il n'avait jamais trop su comment lui parler en dehors des échanges standards et des boutades.