Saskya & Sofia

année 41 ; saison intermédiaire ; nuit 90

leave me alone

J'avais cru que j'allais pouvoir leurrer tout le monde, jusqu'à Sloan mais mon corps avait ses limites et il était plus compliqué de prétendre quoi que ce soit quand son corps avait été poussé jusque dans ses limites. Si cette maladie ne m'avait pas tuée, elle avait réenclenché des vieux mécanismes de défense, réactivé des phrases que j'avais cherché à enfuir pitoyablement quelque part dans un coin de ma tête. Je reconnaissais ma chance incroyable, j'aurais pu tomber sur un Dragon ou une Vipère, quelqu'un qui n'avait pas connaissance des horreurs traversées lors du règne de Joshua mais ça ne m'avait pas empêché de reconnaître des signes de vulnérabilité et de vriller à cause de ça. Même avec Sloan, ce n'était plus exactement la même chose depuis cette nuit infernale. La différence, c'était qu'il comprenait un minimum ce que je vivais intérieurement et trop facilement, je ne me contrôlais pas en sa présence parce que c'était la seule personne à pouvoir entendre certaines angoisses. Ca ne justifiait pas pour autant mon comportement. Rien ne le justifiait.

C'était au moins en partie pour cette raison que j'avais décidé de franchir un cap supplémentaire, m'écarter pour lui laisser de l'espace et surtout un moment de répit, loin de tout reproche qui ne le visait absolument pas. Je lui devais bien ça puisqu'il était encore le seul à partager mon opinion générale. Je m'étais faufilée grâce à quelques tours de passe-passe en dehors de la zone du campement, persuadée de ne pas avoir été repérée par les sentinelles. Dans tous les cas, mon esprit était trop embrumé par la colère et le dégoût que pour ne pas les envoyer balader s'ils tentaient de me dissuader de suivre mon chemin. Je donnais des coups de pied dans tout ce qui traînait dans les environs, ce qui n'allait pas m'aider en l'occurrence mais j'avais autre chose en tête. J'étais à fleur de peau mais plus que jamais je ne voulais pas pleurer. Cet homme n'en valait pas la peine. Que ses raisons aient été justifiées, de l'ordre de redorer les Jaguars, il n'aurait jamais dû faire ce qu'il avait fait. Ca ne signifiait pas que je devais lui donner tant d'importance. Je ne pouvais pas agir bêtement comme Sorcha. Malgré tout, des traces de cette éducation stupide persistaient comme des résidus et cela même si j'étais consciente que, s'ils m'avaient vue à deux doigts d'y passer à cause de cette maladie, ils m'auraient pratiquement enterrée vivante. Les faibles ne survivaient pas à des règnes comme celui de Joshua. Encore un coup de pied dans un caillou et un bruit autre que le sol sur lequel il aurait pu cogner. Le début des ennuis. C'était quelqu'un et à son allure, ce n'était même pas un Libre que j'aurais pu chercher à effrayer. Merde.