you're not in the dark, far from the light
Année 41 - saison tempérée 2 (soirée 91)

Certaines nuits, tu rêves. Tu rêves d'une vie qui n'est pas si différente de celle-ci. Une existence pleine de mystères. D'un deuil encore à faire. D'un futur que tu pourrais avoir en faisant les bons choix. En suivant les conseils avisés qui te sont donnés. En cessant d'écouter cette voix sombre en toi qui cherche à te remplir de haine. Tu peux choisir la lumière. Créer plutôt que te détruire en t'enfonçant dans un tunnel vers une vengeance qui ne changera rien. Dans ces rêves, toujours un élément central. Un besoin primaire que tu ressens même éveillé. Luna. Sa main dans la tienne. Son sourire qui te réchauffe. Sa voix qui te guide. L'aube qui t'arrache à ces songes est toujours la plus difficile à accepter. Te laisses avec une sensation de lourdeur dans le corps. Le poids de ton cœur quadruplé. Ce sont les mauvais jours. Ceux durant lesquels tu peines à t'épanouir parmi les Jaguars et à accepter les nouveautés. Tu te coinces dans une spirale de culpabilité. Parce que la mort de tes parents est presque plus facile à accepter. Mais Luna n'est pas morte. Luna est entre deux mondes. Tu n'as pas sa mort gravée sous les paupières. Elle s'est volatilisée. Elle a toujours bien porté son nom. Sa présence variant comme les phases de la lune. Pour toujours revenir. Alors tu espères. Tu la cherches à la moindre occasion. Tu t'étais jeté avec désespoir sur cette chance d'aller chez les Vipères quelques jours plus tôt mais tu étais rentré bredouille. Et aujourd'hui tu restais parmi les fêtards. Dans une ambiance incompréhensible pour le néophyte que tu étais. Incapable d'en profiter. A l'attendre. Débordant d'autant d'espoir que de désespoir. Les deux t'empêchant d'avancer réellement. Toi aussi tu es bloqué dans cet entre-deux. Alors lorsque tu la vois, tu ne le crois pas. Ton cœur pulse trop vite dans ta poitrine. Déjà certain. Mais tu es cloué au sol. Parce que c'est trop beau pour être vrai. Tu as attendu si longtemps et elle est là. Elle est là et c'est irréel. Tu finis par bouger. Tu as besoin que ce soit elle. Besoin de laisser l'espoir gagner du terrain. Te dévorer entièrement. Tu fais les derniers mètres en courant pour l'enlacer. L'étreinte sans doute trop brutale pour ta fragile Luna. Une impression trompeuse. « Luna. » Et tu le répètes. Encore et encore. Et encore. Le visage enfoui dans les mèches blondes. Le corps tremblant comme une feuille. C'est elle. C'est ta Luna. Elle ne t'a pas abandonné. Elle est revenue pour toi. « Oh Luna. J'ai cru- » Tes sanglots se glissent dans chaque son. Tu pleures comme un enfant se rendant malade dans la crise. La poitrine coincée par l'émotion. Le souffle trop court. Tu t'autorises à laisser sortir avec quelqu'un toute la douleur que tu n'as donné qu'à la solitude. Enfin réconforté par la chaleur de celle qui t'a toujours poussé plus loin.

YOU'RE NOT IN THE DARK, FAR FROM THE LIGHT
ANNÉE 41 - SAISON TEMPÉRÉE 2 (SOIRÉE 91)

Nox. Nox. Nox. Son prénom résonne encore et encore dans ton esprit. Il te hante. T'accompagne durant le long chemin jusqu'à chez les Jaguars. Etouffe les bavardages des Vipères parmi lesquelles tu as réussi à te fondre. Ce n'est pas si difficile. Tu es Luna. Luna sait comment s'y prendre, a sa place avec les autres survivantes. Te glisser dans sa peau est trop plaisant. Détend tes épaules trop contractées, rend tout plus supportable. Tu la retrouves avec soulagement après des jours à croire que tu ne serais plus jamais que Crowe. Alors malgré le mantra, la peur au fond de ton ventre, tu souris. Un sourire bête que tu moquerais chez quelqu'un d'autre. Trop heureux, trop plein d'espoir. Tu vas voir Nox. Il ne peut pas en être autrement. Tu n'imagines pas la possibilité de ne pas le trouver. Ou pire qu'il soit mort. Nox est vivant, il sera là et il t'attendra. C'est la seule version que tu acceptes. La seule version logique même. On ne peut pas vivre sans soleil. Le tien doit donc briller quelque part. Le quartier des jeux ne détonne pas des informations que tu as obtenu auprès d'autres Spécialistes. C'est bruyant et il y a bien trop de monde. Mais Luna s'y plaît. Luna découvre. Les yeux fouillant pourtant toujours. Tu te laisses porter par la foule. Repères les zones les plus importantes. Cherches une familiarité dans les traits de tous ces gens que tu croises. Mais c'est lui qui te trouve. Bien sûr que Nox te trouve. Tu le repères un instant plus tard. Il fend la foule vers toi. Se soucie peu des autres. Ils ne t'intéressent pas non plus. Tu es en mouvement. Un rire au bord des lèvres, les larmes qui débordent. Les nerfs qui lâchent. Nox est là. Vivant. Et après tout ce temps tu es dans ses bras. Son étreinte si ferme, si réelle. Tu enroules tout aussi fort les bras autour de son cou. Te tirant autant que tu le peux contre lui. Pour te débarrasser du moindre millimètre pouvant vous séparer. « Luna. » Il semble peiner à y croire. Tente de te rendre réelle avec cette invocation de ton prénom. Tu ne fais que hocher la tête. Le visage frottant contre sa veste. Il tremble. Semble si fragile en cet instant. Tu aimerais le rassembler tout entier dans tes bras pour le mettre en sécurité. « Oh Luna. J'ai cru- » « Moi aussi. » Tu murmures d'une voix qui s'échappe à peine. Tu as cru l'avoir perdu. Que tu ne le reverrais plus jamais. Avoir perdu Luna aussi. Que tout un pan de ce que tu étais s'était embrasé dans les flammes de cette guerre à laquelle tu ne t'intéressais pas. Tu en as presque perdu la raison. « Pardon, Nox. Pardon. » Tu n'as jamais voulu qu'il souffre de la sorte à cause de toi. Qu'il pleure pour toi. Pour lui tu n'as toujours voulu que le bonheur. Mais une part de toi est égoïste. Cette part là aussi veut être heureuse. Et Luna est bonne pour lui. Luna le soutient. Mais désormais ce n'est plus juste Nox et Luna. Il y a Crowe aussi. Et tu le sais, elle gâche toujours tout. « Je voulais pas qu'ils te fassent du mal. »

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❝ out of spite❞ I will ruin what I cannot have, I will bite the hand that feeds, and I shall suffer none so much as they shall suffer me. And I shall be wolf who dines upon wolves, the sheep upon sheep, the man upon men.

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Année 41 - saison tempérée 2 (soirée 91)

Luna est là. Y croire difficile. Tu crains le réveil. La cruauté de son absence. Mais tout est réel. Son corps est chaud contre le tien. Son étreinte presque trop ferme. Tu te fiches bien que respirer soit plus laborieux dans cette position. Tu ferais n'importe quoi pour la garder auprès de toi. « Moi aussi. » Tu t'en veux à l'entendre si faible. Tu aurais dû la trouver. La rassurer. « Pardon, Nox. Pardon. » Mais c'est elle qui s'excuse et tu ne comprends pas. Tu ne cherches pas réellement à comprendre non plus. Tu es trop pris par tes émotions. Peut-être un peu délirant. Et après tout des excuses avaient voulu quitter tes lèvres à l'instant. Tu avais fait de ton mieux dans ces conditions. Tu n'aurais pas pu faire plus aussi difficile que ce soit de l'accepter. « Je voulais pas qu'ils te fassent du mal. » Tu la sens en détresse. Cette nouvelle affirmation venant tirailler ton esprit. Tu ne comprends pas. Encore. Et il y a quelque chose. Quelque chose qui pousse des questions vers le haut. Quelque chose qu'une part de toi veut ignorer. Mais avant tout tu veux l'apaiser. Tu te détaches comme tu le peux. Difficilement et avec une grimace pleine de douleur lorsqu'il devient évident que tu as utilisé ton bras sans en avoir conscience. Tu le payes mais cela n'a pas d'importance. Tu ignores son inquiétude pourtant légitime. « Promis ça ira. Maintenant que t'es là, ça ira. » La distance n'est pas si grande entre vous mais tu cherches à glisser ta main contre sa joue. Son visage si proche et si déchiré. Les larmes coulent toujours sur ta peau et tu as les yeux tout embués. Tu manques de clarté alors même que tu cherches à plonger dans son regard, le front collé au sien. « Luna. » Tu prends une lente inspiration qui se saccade trop vite malgré l'intention de te calmer. Trop d'émotions se bousculent en toi. Tu fermes les yeux. « Je t'ai cherché. Après l'attaque, chez les Vipères,... Personne n'avait de réponse. T'étais où, Luna ? » Il y a du désespoir dans ta voix. Un désespoir que tu ne comprends toi-même pas. Qu'est-ce que ça peut bien faire ? Elle est là. C'est ce qui compte. Mais tu demandes quand même. Tu passes une ligne qui a toujours été tracée là. Luna est un mystère. Un tour de magicien dont on ne voulait pas connaître le secret sous peine de cesser de croire en la magie. Mais il semble que tu ne peux plus t'émerveiller stupidement. Tu es grand maintenant. Toujours stupide peut-être à te croire assez fort pour voir la vérité avec toute sa froideur et sa brutalité.

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moon unblessed. There was a man who loved the moon, but whenever he tried to embrace her, she broke into a thousand pieces and left him drenched, with empty arms.

YOU'RE NOT IN THE DARK, FAR FROM THE LIGHT
ANNÉE 41 - SAISON TEMPÉRÉE 2 (SOIRÉE 91)

Il s'éloigne. Il s'éloigne et tu détestes ça. Cette déchirure que la distance même infime laisse. Mais c'est Nox alors tu le laisses faire. Tu deviens malléable pour lui comme tu ne l'as jamais été avec personne d'autre. Et puis il grimace et ton esprit s'emballe. La douleur est sur ses traits, dans sa voix. « No- » Cela veut sortir. Une question anxieuse, un besoin de savoir comment il va vraiment mais il te coupe. T'imposes le silence d'un regard. Il cherche à te rassurer dans la foulée. « Promis ça ira. Maintenant que t'es là, ça ira. » Pas que ça suffise. Il y a cette pulsion violente en toi. Ce coup de rouge si typiquement Crowe qui voudrait que tu détruises tout ce qui lui a fait du mal. Mais ce n'est que la tempête. Que. Cette diminution n'est pas appréciée mais tu ne peux pas faire grand chose contre du vent. Ce n'est pas un ennemi que tu peux traquer, faire souffrir, détruire. La colère est comme un flash qui t'a éblouie et te laisse aussitôt. Avec des picotements dans les yeux et l'impression d'être désorientée mais Nox t'apaise. Tu peux puiser du calme dans son contact. Respirer autrement alors que son souffle se mélange au tien. « Luna. » Tu n'aimes pas ce ton. Il fait courir un doigt glacé le long de ton échine. Déclenche une peur trop primaire sans que tu ne comprennes pourquoi. L'instinct est difficile à expliquer. Plus encore au sein de relations sociales. Tu es trop Crowe en cet instant et ce n'est pas son fort. « Je t'ai cherché. Après l'attaque, chez les Vipères,... Personne n'avait de réponse. T'étais où, Luna ? » C'est facile. Mentir. Les excuses se tiennent en équilibre sur la pointe de ta langue avant que la pierre ne finisse de se loger lourdement au fond de ton ventre. C'est aussi instinctif que respirer pour toi. Ton esprit n'est pas vraiment au clair avec l'enjeu. L'épée de Damoclès ne tient qu'à un fil et va t'empaler. Il sait. Il le sent. Il sait. Il sait. Il sait. La répétition est ce qui te fait réellement percuter. Le brouillard est percé. Tu as le souffle coupé à l'instant. Comme si on t'avait donné un coup de poing au niveau de cette cible bleuie parfaite au niveau de tes côtes. « J'étais- » En sale état. Il m'a fallu du temps pour me remettre. La famille qui s'occupe de moi est devenue trop protectrice. C'est tout trouvé pour la fragile Luna. Celle qui sait se faire apprécier. Mais ça ne sort pas. Parce que tu ne veux plus lui mentir à Nox. Tu l'as presque perdu. Alors que tu aurais dû le protéger, être là pour lui, tu étais parmi ceux qui lui ont fait du mal. Il aurait pu se faire tuer par un Dragon que tu croises tous les jours. Bordel il aurait pu se faire avoir par ton propre cousin ! Tu as failli le perdre lui qui compte tellement. Qui compte trop. Lui à qui tu mens depuis le début. « Nox.. » Un sanglot s'invite dans ta voix, fait couler plus de larmes. « Je veux pas te perdre. Je veux pas te perdre. » Tu veux fuir mais tu ne peux pas le fuir lui. « Je veux pas. » Tu murmures piteusement en allant enfouir ton visage contre son torse. Tu te fais minuscule pour ça. Disparaître semble être une bonne option. Tes bras entourent son buste désormais. Pour te serrer à lui avec toute l'énergie du désespoir.

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Année 41 - saison tempérée 2 (soirée 91)

Ta respiration dépends de la sienne. En cet instant tu es connecté à Luna. Le cœur battant un rythme bien trop rapide contre ta poitrine. « J'étais- » Tu inspires difficilement. Cherches la suite dans son regard. Elle a peur et tu es terrorisé. Par ce qu'elle a à dire. Par cette vérité qui est trop difficile à sortir que pour ne pas être lourde et douloureuse. « Nox.. » Ta patience ne tient pas à grand chose. Tu es à deux doigts de l'interrompre. De lui dire d'oublier tout ça. Revenir en arrière. Juste pour pouvoir la garder contre toi le plus longtemps possible. Tu te sens mal d'avoir poussé. D'être responsable de ses larmes. Tu t'es promis que ça n'arriverait pas. Que tu ne serais pas comme ça avec Luna. « Je veux pas te perdre. Je veux pas te perdre. » Tu as les doigts qui tremblent contre sa peau. Les émotions qui te rongent le ventre. « Je veux pas. » Elle t'étreint avec beaucoup plus de force qu'elle ne le devrait. Si brisée mais solide contre toi. Tu as le réflexe de passer le bras autour d'elle. De la serrer fort toi aussi. Un peu trop. N'importe quoi pour qu'elle te sente. Qu'elle se rende compte que tu t'ancres à elle. « Tu me perdras pas. Tant que je vivrais tu me perdras pas. » Une déclaration trop lourde de sens alors que tu ne sais pas. Une promesse que t'es pas en droit de faire. Mais tu ne peux pas la voir comme ça et ne rien faire. Il faut qu'elle comprenne à quel point elle compte pour toi. « Quoi que- » C'est difficile à sortir. Une part de toi cherche à te convaincre que tu fais une erreur en insistant. Que tu devrais prendre cette chance qui t'est offerte de rester dans l'ignorance. « Je te pardonnerais, Luna. T'es tout ce qui me reste. » C'est tristement vrai. Tu as besoin d'elle pour trop de raisons. Parce que tu es seul entre autre. Qu'elle est le seul bout de ton passé qui compte vraiment. La seule qui te donne envie de voir ce que la vie te réserve encore. Qu'elle est ta Luna et que t'envisage pas la suite sans elle.

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ANNÉE 41 - SAISON TEMPÉRÉE 2 (SOIRÉE 91)

Tant qu'il y a son étreinte tout n'est pas perdu. Tu te raccroches à ça. Espères qu'il ne s'éloignera pas de si tôt. Ta respiration est toujours aussi saccadée, tes larmes absorbées par ses vêtements. Tu te ferais pitié si tu étais en état de te rendre réellement compte de l'état dans lequel tu es. « Tu me perdras pas. Tant que je vivrais tu me perdras pas. » La promesse est facile à faire quand il ne sait pas. Tu veux le croire. Prouver que ta confiance en lui est totale. Mais ce n'est pas n'importe quelle situation. Cela le concerne trop. Vous, aussi. Cela va tout changer. « Quoi que- » Tu ne sais pas ce qu'il interromps là. Quel impact cela aurait eu si il avait été au bout de sa phrase. Une telle interruption doit bien dire quelque chose. « Je te pardonnerais, Luna. T'es tout ce qui me reste. » Tu ne connais pas trop ça. Le pardon. On ne t'a jamais pardonné, tout comme on ne t'a jamais appris à le faire avec les autres. A l'entendre cela ne semble pas si difficile. Tu en doutes un peu. Même si il y a ce désespoir dans sa voix. Tu détestes ça. Ce que les Dragons lui ont fait. Cette cassure si évidente en lui. Tu voudrais ramasser tous les morceaux, les rassembler entre tes bras et le maintenir qu'importe les dégâts que tu t'occasionnerais. Mais tu doutes qu'il l'acceptera. Après tout tu lui as fait du mal par extension toi aussi. Tu vas lui en faire plus encore. « Je suis pas qui tu crois. » Tu articules difficilement. C'est un murmure qui voudrait sortir mais tu te forces à être intelligible parce que tu n'es pas sûre que tu pourras répéter si jamais il ne t'entends pas. « J'ai pas eu le choix. Je voulais pas- » Tu ne voulais pas quoi ? Te rapprocher inutilement d'un garçon qui t'avait attiré ? Te lier sans que ça n'apporte quoi que ce soit à ta mission ? Tu sais la chance que tu as eu. Si ta mère l'avait appris les choses ne se seraient pas si bien finies.

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Année 41 - saison tempérée 2 (soirée 91)

« Je suis pas qui tu crois. » Les mots résonnent dans ta tête. Se répètent encore et encore pendant que tu cherches leur sens. Cela ne devrait pas être si difficile. C'est une déclaration simple. Pour autant tu restes perdu. Confus. Toujours aussi partagé entre l'envie de savoir et de tout oublier. Rester dans un déni confortable à ses côtés. « J'ai pas eu le choix. Je voulais pas- » Elle s'interromps et tu attends. Tu attends. Toujours un peu plus. Le souffle court. Retenant presque ta respiration jusqu'à ce que ce secret qui lui fait si peur vienne à tomber. Mais rien ne sort. Elle est toujours aussi nébuleuse. Et ta patience s'effrite. Pas réellement à cause d'elle. Tu ne lui en veux pas. Tes nerfs sont juste trop sensibles. Le blanc te hurle au visage. « Dis moi. » Tu insistes doucement. « Tu ne voulais pas quoi ? » Ce que tu comprends c'est qu'elle a été contrainte. Une idée que tu détestes. Qui te révolte. Personne ne devrait imposer quoi que ce soit à ta Luna. Mais sa vie est si mystérieuse. Il y a tant de détails dans ta mémoire que tu as mis sous clé qui pourraient t'aiguiller. Tu l'écartes un peu. Maladroit avec cette épaule amochée. Tu viens cueillir sa mâchoire d'une main. Laisses lentement ton pouce caresser sa joue. Tu essayes de la regarder dans les yeux. De lui faire comprendre. « Fais moi confiance. » C'est un aveu de faiblesse de ne pas l'avoir tourné comme une question. Tu as eu peur. Peur de t'être trompé. Alors tu en fais une demande.

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ANNÉE 41 - SAISON TEMPÉRÉE 2 (SOIRÉE 91)

« Dis moi. » Tu ne gagnes rien à faire traîner les choses. La tâche n'en est que plus difficile. On te l'a appris. Pas d'émotion, juste de la logique, et une brutale efficacité. Trancher la gorge de quelqu'un n'est difficile que si on y pense. Mais ici c'est différent. Un cœur - deux - ne se brise pas si simplement. Le sien en tout cas. Le tien aussi par extension. Tu n'aurais eu pitié de personne d'autre. De la pitié qui n'en est pas. « Tu ne voulais pas quoi ? » Tu déglutis. Tes lèvres s'entrouvrent. Aucun son ne s'échappe. Comment dois-tu dire les choses ? Tu n'en comprends toi-même pas la moitié. Il bouge et tu as le réflexe de serrer les doigts dans sa veste. Une expiration hachée s'échappe à son contact. Les callosités sur ses doigts toujours si douces en comparaison de ce que tu as connu toute ta vie. « Fais moi confiance. » Pour qu'il puisse cesser de te faire confiance à toi. Une nouvelle larme te roule le long de la joue. Paresseuse quand tout en toi s'affole. Honteuse sans que tu ne parviennes à t'en soucier. Tu ne trouves pas le courage dans ses yeux. Loin de là. Mais sa peine et son honnêteté t'arrachent des mots que tu aurais préféré ne jamais prononcer. « Je ne suis Luna qu'avec toi. » Un murmure tandis que ta main vient se poser sur son cœur. Serrée entre vos corps. Tu n'es pas sûre que ce sont ses battements trop rapides que tu sens sous tes doigts ou les tiens. Luna. Le prénom à un goût de cendre dans ta bouche. Comme si elle mourrait avec la vérité. « Pour les autres je suis Crowe. » Et ce nom qu'on t'a donné qui te brûle la gorge. Crowe qui détruit Luna. L'histoire écrite à l'avance sans que t'en ais l'épilogue. « Qu- » Tu t'éloignes cette fois. Lentement pour ne pas que sa main glisse trop vite de ta joue. Le contact déjà manqué alors que la pulpe de ses doigts t'effleure encore. Sa main que tu saisis pour une raison plus pragmatique. La pointe de ton gant coincée entre tes dents, tu tires, lâches prise pour qu'il tombe au sol. Tu guides ses phalanges doucement jusqu'à ta marque. La cicatrice vieille de huit ans mais toujours évidente. Les indentations cruelles d'un boucher Dragon. Tu gardes son poignet ferme pour qu'il ne puisse pas se dérober, les yeux posés sur son visage. Cherchant. Espérant.

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Année 41 - saison tempérée 2 (soirée 91)

« Je ne suis Luna qu'avec toi. » Tu ne comprends pas. Ca n'a pas de sens. Ta gorge se serre, empêche le moindre son de t'échapper. Tu n'en aurais aucun à former de toute façon. Je ne suis Luna qu'avec toi. Tu le répètes dans ta tête inutilement. Tu n'es pas plus éclairé. Pas plus proche de capter. Et pourtant une part de toi doit bien se douter de quelque chose. Ton cœur se fracasse si fort contre ta cage thoracique. Alors pourquoi restes-tu immobile ? Une statue qui parvient à peine à battre des paupières. Qui respires par réflexe. « Pour les autres je suis Crowe. » Crowe ? « Qu- » Tu t'interromps. Paniques quand tu la sens se dérober. Elle ne peut pas te laisser comme ça. Tu dois comprendre. Qui est Crowe ? Qui sont les autres ? Ta main se referme sur du vide, ta réaction trop tardive. Mais déjà elle te touche à nouveau. A gestes prudents elle te manipule. Tu ne comprends pas. Pourquoi est-ce que tu ne parviens pas à comprendre ce qu'elle cherche à te dire ? Dans ton cerveau il y a cette bouillie infâme qui obstrue tout. Tes doigts effleurent sa peau. Tu frémis. Le contact devrait être familier. Tu cherches machinalement les angles de la lettre A. La forme est plus arrondie avant de partir en ligne droite. Tu la traces encore. Non. Tu ne veux pas y croire. Ca n'a pas de sens. Sous le coup du désespoir tu remontes plus haut, cherches une autre marque qui prouvera qu'elle a bien été se réfugier chez les Vipères. Que tu es en train de te tromper. Ton souffle s'échappe en un coup. Entraînes avec lui des larmes que tu remarques à peine. « Pendant tout ce temps- » Tu cherches à éloigner ta main mais rencontres une résistance. Plutôt que de lutter tu refermes les doigts, tords vos mains sur le côté pour exposer la zone la plus tendre de son poignet à la faible lueur des torches. Il est là ce D qui se moque de toi. Cruellement visible. Et tes yeux qui ne parviennent pas à trouver ceux de Luna. Ton esprit qui rattrape petit à petit le coup. Je ne suis pas qui tu crois.  Luna et ses absences. Luna si mystérieux. Luna, ton amie rien qu'à toi. Apparaissant comme par magie à tes côtés. Toujours te surprenant avec son sourire malicieux, ses douces boucles se balançant derrière elle. « Pou-pourquoi..? » Tu bégayes comme un enfant. Tes certitudes réduites en miettes.

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