Nyx & Ezio

 toujours la même rengaine

Allongée, les écouteurs dans les oreilles, je me répétais en boucle ce que j'allais devoir entreprendre comme chantier le lendemain pour me donner un peu de courage et surtout me convaincre que buter des pilotes qui n'étaient pas capables de prendre soin de leurs machines était contre-productif et surtout problématique pour ma propre survie. J'étais claquée, incapable de sortir de mon lit, fixant le plafond, le tout en bougeant ma tête au rythme de la chanson. Je ne vivais pas l'action directe, je n'étais pas dans le feu des batailles mais ça ne m'empêchait pas de vivre une véritable excitation et d'appréhender chaque bataille. J'avais peur pour le matériel mais évidemment aussi pour les pilotes, même si ça n'était pas toujours flagrant. Certains éléments ne se rendaient pas compte de l'importance des mécaniciens, ça n'aidait pas à être agréable. Au contraire. Et puis, il y avait ceux qui en faisaient des tonnes et se persuadaient que c'était le meilleur moyen d'attirer mon attention.

Et finalement, il y avait lui. La plaie constante de ma vie. Un ami qu'on disait. Je n'avais pas entendu la porte coulisser et je m'étais saisie en le voyant passer la tête entre l'écran et ma tête. J'avais vivement retiré mes écouteurs de mes oreilles pour lui balancer un oreiller en pleine figure. « Ta mère t'a jamais appris à ne pas te mêler des affaires des autres ? Qu'on ait été voisins ne te donne pas plus de droits que les autres. » Je ne comprenais toujours pas ce qui avait pu pousser un gradé à nous coincer dans la même pièce.

Nyx & Ezio

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- Tu te terres encore ?

Pas de réponse. Elle était douée lorsqu'il s'agissait d'ignorer les autres, mais cela manquait d'une énergie sombre flottant comme un nuage au-dessus de sa tête ou d'un soupir agacé. En plus, il n'avait encore rien fait aujourd'hui qui aurait pu lui attirer une telle réponse. Encore qu'avec elle, ça n'était pas toujours nécessaire, elle aurait été capable de râler alors qu'ils ne s'étaient pas croisé de la journée. Il continua à progresser dans la chambre, lâchant sa veste au bord du lit, avant de constater le fil d'un écouteur, là pour lui prouver qu'il avait peut-être fait preuve de mauvaise foi. Penché sur la couchette, il tenta de jeter un œil à l'écran pour être recalé aussi sec. Même si l'oreiller en lui-même était plutôt mou. A cette distance, esquiver n'avait pas été une option.

- C'est bon, je voulais juste savoir ce que tu regardais.

L'histoire ne changeait jamais, il fallait toujours qu'elle les dépeigne comme de simples voisins alors qu'ils étaient amis depuis des années. Il pouvait sans doute se vanter d'être celui qui la connaissait le mieux, ce qu'il faisait vraiment, il ne fallait pas se le cacher. Il s'amusait sans mal des réactions de la mécano la plus crainte du vaisseau, parfaitement conscient que les conséquences ne seraient pas si terribles. Elle aboyait fort, mais sa morsure n'était pas si terrible lorsqu'on s'y habituait. Après avoir gigoté un peu pour se faire une place sur le matelas, il cala l'oreiller derrière sa nuque et soupira.

- Paraît que t'as encore fait chialer Rick. En tout cas, c'est ce qu'Anya m'a dit, mais tu la connais, elle gueule fort même lorsqu'elle te raconte la dernière rumeur. Et Rick n'a pas besoin de toi pour chialer.

Nyx & Ezio

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« C'est bon, je voulais juste savoir ce que tu regardais. » J'avais grommelé quelques mots totalement inintelligibles pour moi-même, encore sous le choc et il m'en fallait moins pour râler. C'était toujours la même chose avec lui, il arrivait sans prévenir. Si je n'étais pas de mauvaise foi, je reconnaîtrais qu'il n'avait pas à s'annoncer pour entrer dans sa chambre mais c'était un détail qui ne comptait pas quand j'étais dans un état pareil. A mes yeux, l'excuse ne valait pas un clou, il aurait pu me demander ce que je regardais ou attirer mon attention de façon plus subtile. La subtilité, c'était pas vraiment sa marque de fabrique. A nouveau, la mauvaise foi m'animait mais il le cherchait.

« Paraît que t'as encore fait chialer Rick. En tout cas, c'est ce qu'Anya m'a dit, mais tu la connais, elle gueule fort même lorsqu'elle te raconte la dernière rumeur. Et Rick n'a pas besoin de toi pour chialer. » Mes mésaventures ne restaient jamais un secret très longtemps mais je n'étais pas étonnée de la part d'Anya. Avec ou sans son aide, ma réputation était faite et je n'allais pas m'en débarrasser de sitôt. Je ne le souhaitais pas précisément non plus. Plus on me voyait comme une mécano beaucoup trop intense, plus j'avais d'espace pour réfléchir posément. Si on oubliait des cas récalcitrants comme Ezio. Depuis que nous étions mômes, il avait réussi à franchir des limites que d'autres n'avaient même pas approché de près. Il aimait le défi. Ce sombre crétin s'était rapproché beaucoup trop facilement de moi. Je cherchais encore à comprendre comment il y était arrivé. Il n'avait pas que de mauvais côtés mais son attitude aurait été une raison suffisante pour le dégager de ma vie. En principe.

« Bouhouhou. Pauvre petit Rick. Il s'attendait à quoi exactement en me ramenant sa machine dans cet état ? S'il se concentrait un peu plus sur les stratégies enseignées et moins aux dernières chansons de la grande pop star, on n'en serait pas là. » Il le savait sûrement. Il ne me pointait pas du doigt, il énonçait un fait mais il savait aussi que j'allais réagir comme ça. C'était plus fort que moi. Ca ne signifiait pas que je ne pouvais pas être agréable avec les autres, ceux qui avaient une bonne raison pour être rentrés dans un sale état. « Et toi ? Pas occupé avec une de tes groupies ? » C'était gratuit mais il l'avait cherché d'une façon ou d'une autre.

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Le jour où elle manifesterait de la pitié pour les pilotes ne s'était pas encore levé. Il pouvait comprendre, certains rendaient son boulot particulièrement compliqué, mais il ne fallait pas oublier la réalité du terrain. Les apparences pouvaient être trompeuses, juste là pour cacher une fierté blessée par un combat qui ne s'était pas déroulé comme prévu. Le cas de Rick était un peu différent, il n'avait pas été très adroit d'après ce qu'il avait vu, mais certains auraient mérités d'avoir à se frotter un peu moins au côté abrasif de Nyx. Si la nonchalance n'avait pas été si naturelle chez lui et qu'il ne la connaissait pas par cœur, les choses auraient pu se passer bien plus mal, il ne pouvait donc pas personnellement se plaindre, si il faisait preuve de bonne foi.

- Tu n'y connais vraiment rien, ma pauvre Nyx. Leur manquer un peu, ça fait toute la différence.

Il n'allait pas se vexer pour ça non plus, encore une fois, l'habitude faisait beaucoup, l'amusement tout le reste. Il n'allait pas non plus faire semblant d'être honteux parce qu'il avait du succès avec les filles du vaisseau et qu'il en profitait largement.

- Puis je voudrais pas te rendre trop jalouse.

Nyx & Ezio

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« Tu n'y connais vraiment rien, ma pauvre Nyx. Leur manquer un peu, ça fait toute la différence. » J'avais levé les yeux au ciel. Monsieur se jouait encore don juan et c'était franchement irritant. Comme si j'avais besoin de m'y connaître dans ce domaine-là. J'avais d'autres priorités et d'autres plans en tête que de laisser qui que ce soit envahir mon espace et se mêler de ma vie. Lui, c'était une désagréable exception. Il prenait trop de place, s'en vantait mais ce n'était qu'une question de chance. Si les occasions avaient été plus nombreuses, il aurait valsé depuis de nombreux mois. De nombreuses années même.

« Puis je voudrais pas te rendre trop jalouse. » Je m'étais tournée vers lui pour lui lancer un regard noir. Une nouvelle preuve de son trop-plein de confiance. A croire que je n'avais pas été assez claire depuis tout ce temps. J'avais grogné un petit coup. Une fois de plus. C'était toujours la même histoire avec lui. Il me saoulait.

Relevée sur mes mains, posées de part et d'autre de sa tête, j'avais positionné ma tête au-dessus de la sienne, à quelques centimètres seulement de distance « Répète ça pour voir. » Ma voix ne laissait aucun doute quant à mon état. Mon regard non plus. A cette allure, avec ce crétin dans les environs, j'allais finir par y laisser ma peau. Un arrêt cardiaque ou un truc aussi pourri que ça.

Nyx & Ezio

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Imaginer la suite n'était pas bien compliquée, elle restait prévisible et se tournait presque exclusivement vers la violence lorsqu'il la titillait de la sorte. Il s'était donc attendu à être bourré hors du lit, à récolter un coup ou à ce qu'elle le piétine pour aller faire sa mauvaise tête ailleurs. Il était plus surprenant qu'elle se rapproche aussi soudainement, absorbant chaque centimètre de son espace. Elle n'aimait pas que l'on empiète dans sa zone après tout, pas qu'il tienne vraiment compte de ses demandes à ce sujet. Il lui arrivait d'être plus prévenant, mais seulement lorsque c'était vraiment nécessaire, lors de vraies crises durant lesquelles elle ne jouait pas simplement les Grinchs. La menace, et donc la raison de leur position, lui échappa presque, le regard trop sombre qui avait capté le sien prenant toute son attention. La situation n'aurait pas dû être différente de celles dans lesquelles ils s'étaient déjà trouvé, mais il y avait ici quelque chose qui bloquait sa respiration. Une expiration l'aurait rendu trop conscient de l'absence de distance entre leurs corps. Ses yeux tombèrent sur les lèvres de Nyx et l'instant d'après il l'embrassait, un réflexe plus qu'une réelle décision. L'instinct avait pris le dessus.

- T'es jalouse.

Il l'avait à peine soufflé, dans une volonté d'avoir le dernier mot, le coin des lèvres à peine remonté par l'amusement.

Nyx & Ezio

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C'était soudain et pourtant pas désagréable. Ce n'était pas réellement tant que j'aurais imaginé ça agréable avec lui mais que je ne l'avais pas vu venir. A force d'être plongée dans mon boulot, j'en oubliais le reste. A force de l'avoir dans les pattes, à force des disputes insignifiantes que ça engendrait, j'en oubliais qu'il était lui. C'était beaucoup plus facile de lui balancer tout ce qui me passait par la main et de l'insulter à tout bout de champ. C'était plus facile de prétendre me moquer des filles chez qui il s'amusait que de voir tout le reste. Alors, oui, j'avais été prise de court mais je n'avais pas voulu m'échapper spontanément. Au lieu de ça, j'étais restée plantée, là, toujours au-dessus de lui, les joues en feu.

Je m'étais finalement laissée tomber à côté de lui sans un mot pendant plusieurs minutes. Il pouvait bien me répéter que j'étais jalouse, ça n'avait pas d'importance à ce moment précis. Je regardais le plafond, toujours gênée. « Je suis pas jalouse. » C'était stupide à ce stade mais je n'avais pas pu m'en empêcher. Je ne pouvais pas le laisser gagner à ce jeu. Pour le principe.

Nyx & Ezio

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Il ne s'était pas forcément dit que cela se finirait mal, mais cette réaction restait surprenante en elle-même parce qu'on ne parlait pas de n'importe qui. Elle avait les réflexes trop vifs pour son bien à lui et elle aurait sans doute été capable de lui en coller une sans réfléchir, ni sans réellement le vouloir, qu'importe qu'elle ait été celle qui avait commencé à envahir l'espace de l'autre à ce point là. Ce n'était pas courant qu'elle se taise de la sorte non plus, preuve que l'instant n'avait pas été sans importance. Malgré l'inquiétude qu'il aurait dû ressentir après un tel geste, il ne s'en faisait pas réellement. Leur relation en avait vu d'autres et il ne parvenait pas à imaginer quelque chose qui les séparerait pour de bon. Les yeux fixés sur la couchette du haut, il alla saisir sa main et la serra légèrement.

- Je suppose qu'on en parle pas.

Même si ça sonnait un peu comme une question, cela n'en était pas vraiment une. Il se doutait un peu qu'elle n'allait pas se mettre à la communication juste parce qu'il l'avait embrassée. Dans le fond, c'était juste sa façon de dire qu'il ne s'en offusquerait pas et qu'il ne chercherait pas à pousser, il pouvait faire avec un non-dit de plus.

Nyx & Ezio

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J'aurais pu prétendre que c'était nouveau et d'une certaine façon, ça l'était, sauf que notre relation avait toujours été particulièrement tendue et que si j'avais réussi à me mentir comme une grande jusque-là, il avait réussi à lire entre les lignes. Ce n'était même pas étonnant de sa part, il n'aurait pas une telle place s'il n'avait pas été capable de comprendre, de dépasser ces faux-semblant complètement stupides. Il n'y avait que moi pour ne pas avoir vu ce qui aurait dû me frapper aux yeux. On ne se moquait pas ouvertement de nous pour rien. Cela ne signifiait pas que je comptais changer d'attitude vis-à-vis des autres. Pour lui, je pouvais progressivement tenter de m'améliorer mais je ne trouvais aucune raison valable pour faire une telle faveur à ceux qui ne le méritaient tout simplement pas.

Sentir sa main dans la mienne me fit tourner les yeux dans sa direction avant de me précipiter pour retrouver la couchette. C'était beaucoup plus prudent, surtout quand j'étais vulnérable à souhait. Dans le fond, je savais que c'était sans danger avec lui mais ma fierté m'empêchait d'accepter complètement d'être ce genre de nana, ou quelque chose dans ce genre. « Je suppose qu'on en parle pas. » J'aurais dû dire qu'on pouvait en parler, c'était la réaction attendue, la plus saine mais j'étais bordélique comme fille. Il le savait sinon il aurait présenté les choses d'une autre façon.

« Là, c'est compliqué. » J'espérais que ne pas avoir retiré ma main lui suffirait pour comprendre que ça ne voulait pas dire autre chose que ce que j'avais dit. C'était compliqué. Nouveau. J'avais du mal avec mes sentiments. Il l'avait remarqué depuis qu'on était gamins, j'ai toujours grogné quand les sentiments risquaient de prendre un peu trop le dessus.