Ces derniers jours avaient été difficiles pour Nyssa. La tempête ne lui avait pas fait de cadeaux comme en témoignaient les blessures nombreuses sur son corps. Même les raclées qu'elle se prenait de façon régulière ne l'avaient jamais laissé dans cet état. Le cercle était vicieux. Elle respirait mal à cause de cette douleur dans sa cage thoracique et chaque crispation rendait ses mouvements moins calculés et plus difficiles. Les plaies frottaient contre les couches de vêtements que le temps la forçait à porter. Pour couronner le tout, elle n'avait pas eu accès aux médicaments. La pommade donnée par cette golden avait aidé un temps mais n'avait pas fait long feu. Malgré tout ça, l'idée de retourner vers ses parents n'avait pas été envisagée. Nyssa se doutait bien que son état n'irait pas les émouvoir.

Un contact d'Elena était venu la surprendre alors qu'elle revenait d'une garde beaucoup trop longue. Travailler n'était pas facile mais c'était sa seule option si elle voulait au moins avoir quelque chose à se mettre sous la dent. Nyssa avait presque été tentée de ne pas se présenter au rendez-vous. Ses quelques heures de sommeil étaient le seul soulagement auquel elle goûtait. Mais elle ne voulait pas inquiéter inutilement sa cousine. Elle était la seule qui prenait encore la peine de s'inquiéter pour elle après tout.

Une fois au point de rendez-vous, elle avait un instant balayé la silhouette d'Elena du regard. Au moins, elle était entière. Nyssa aurait dû être la première à s'inquiéter de sa cadette mais tout ce qui se produisait dans sa vie l'avait rendue égoïste.

— Les deux. grogna-t-elle de douleur en se posant au sol, le dos appuyé à un mur.

Elle soupira longuement, soulagée d'être enfin assisse. Plus tard, elle se poserait la question de comment elle se redresserait sans se faire plus de mal encore.

— Les vipères n'ont pas aidé.

Elle ne cherchait pas à être désagréable en disant cela. C'était la vérité. Même si les vipères avaient de bonnes raisons d'agir de la sorte (elle supposait), elles contribuaient à pousser la tête du peuple dragon sous la surface.

Voir Elena n'était jamais facile. Nyssa n'avait jamais réussi à couper les ponts avec elle, sans doute car la distance aidait. Les occasions d'évacuer la pression existaient des deux côtés. Il y avait une limite à ce que la vipère pouvait faire et elle n'avait pas la vision dans son ensemble. Elle devait se suffire de fractions de sa vie qu'elle récoltait lors de leurs conversations. Avant, elle avait aussi le point de vue de Kalenji. Ce n'était sans doute plus le cas. Un peu égoïstement, elle l'espérait.

Elles étaient au clair sur la réalité de la vie dragonne et sur les dégâts qu'elle pouvait faire. Nyssa était au moins soulagée de savoir que sa cousine n'aurait jamais à subir l'expérience complète. Elle avait eu le courage de quitter un navire qui prenait l'eau avant qu'il ne fasse naufrage.

Lorsque Elena évoqua un homme, il fallut à Nyssa un moment pour comprendre de qui elle parlait. Son ex avait été le premier dans ses pensées mais il n'avait pas mérité une telle verve. Numéro Deux n'était pas une évidence pour la simple et bonne raison qu'il ne portait pas une réelle responsabilité dans l'histoire. Elle n'avait pour lui aucune rancœur. Cet accord avait été tacite mais mutuel. A sa façon, Nyssa s'était servi de lui, bien qu'il ait eu l'impression d'être celui en contrôle.

Elle en rigola, de toute évidence cynique.

— Ton opinion de moi est trop bonne.

On en revenait à cette vision d'ensemble dont Elena ne disposait pas. Nyssa n'était pas tombée en bas de l'échelle, elle s'y était jetée de désespoir. Pour se faire, elle avait tout détruit sur son passage.

— Je me contrefiche de Numéro Deux. Il n'était qu'une solution pour rayer un problème de la liste.

Elles n'auraient pas dû avoir cette discussion. Elle ne les mènerait à rien. Nyssa n'aurait sans doute pas dû venir. Mais au cœur de la crise, elle avait faibli. Elle n'avait pas voulu refuser l'appel d'Elena après une tempête qui aurait pu l'emporter. Elle avait ressenti le besoin de la voir. Le sentiment n'était pas resté longtemps. Il était parti avec le soulagement de la trouver entière. Ne restait que ce vide qui l'habitait depuis trop longtemps. Elle ne savait comment se comporter avec Elena. Elle ne savait que lui dire quand cette dernière cherchait encore à comprendre.

— Kalenji est trop loyal pour son propre bien. souffla-t-elle, fatiguée.

Malgré toutes les pièces qui se trouvaient entre les mains de sa cousine, elle ne les assemblait pas. Nyssa pouvait difficilement lui en vouloir. Elle ne parvenait pas non plus à lui en vouloir de mettre sur le tapis ceux qui étaient responsables de trop de ses traumas. Elle n'était pas blessée par l'idée. Elle ne devait pas vouloir beaucoup mieux qu'eux après toutes ses fautes. Qu'importe ses intentions.

— Il aurait préféré sombrer avec moi plutôt que de sauver sa peau.