oneshot

année 32 ; deuxième saison tempérée

 what a good thing we lose

Nos mots me reviennent en boucle, comme un mauvais rêve. Cette fois, je reviens sur le territoire avec le cœur plus lourd que les autres jours. Il n'est plus uniquement question de jouer le jeu que Joshua attend de ma part, de prétendre que j'ai rempli la mission du jour. Non. Il y a plus que ça. Il faut sourire, ne rien laisser transparaître parce que nous avons trop joué avec le feu. Nous nous sommes moqué de nos clans, de leurs règles complètement stupides mais nous avons aussi trop joué avec ce qui naissait. L'horreur de Joshua m'a l'air soudainement plus facile à gérer que mes sentiments que je cherche désespérément à enfouir au plus profond de mon être. Ca ne peut pas arriver. Ca ne pourra jamais arriver. Nous nous pensions différentes, capables de casser une réalité qui fait mal à trop de personnes autour de nous. Au final, j'avais pensé que je pouvais changer les choses pour nous, pour moi et je dois accepter que je m'étais trompée sur toute la ligne. Je ne suis pas plus forte que les autres, je n'ai pas le pouvoir de dicter une autre conduite à Paris. Je ne peux pas la protéger de Joshua et je ne le pourrai jamais. Je ne peux pas lui promettre une certaine forme de sécurité. Surtout pas vis-à-vis de son clan. C'est la meilleure décision. Je le sais. Mais ça fait mal. Je me sens vide. Comme jamais. C'est mieux. Elle pourra passer à autre chose, imaginer une vie plus saine et plus simple chez les Dragons.

Mais moi, là-dedans ? C'est égoïste mais même si je lui ai dit qu'il n'y a pas d'autre issue possible, je me sens perdue. Je me sens seule. Dans ma tête d'adolescente, il n'y avait eu qu'elle et il n'y avait encore qu'elle. Survivre n'a jamais semblé aussi compliqué. Je n'arrive même pas à me dire qu'il y aurait mieux valu ne jamais croiser sa route parce que j'ai adoré ces moments au centre neutre, ces lettres gravées dans un mur. Je ne souris pas mais je n'arrive pas à me lâcher tant qu'on peut me voir. Tant que je ne suis pas seule. Je ne pense même pas à aller saluer mes parents et Nicky parce que c'est trop pour eux. J'ai été entraînée à maîtriser mes émotions, à compartimenter, je ne peux pas craquer là. Je rentre alors péniblement chez moi. La porte à peine fermée, je m'effondre, les jambes repliées contre mon torse et je laisse les larmes couler. Je crie aussi. La seule personne qui me vient à l'esprit à ce moment, c'est Noâ. Mais je ne sais pas ce que je pourrai lui dire quand je la croiserai. Du haut de ses seize ans, elle m'avait mise en garde. Les Dragons sont dangereux. Ils sont mauvais. Pas Rey. Mais leurs lois. Moi, je m'étais entêtée. Persuadée que les histoires d'amour que ma mère m'avait raconté, quand j'étais gamine, pouvaient se réaliser. Avec elle au moins. Mais je ne suis qu'une idiote. Une idiote égoïste. Même maintenant, la seule chose que je veux plus que tout, c'est de me serrer contre elle, de profiter une dernière fois de tout ce que nous avions partagé mais je ne peux pas. Je dois rester forte. Ne pas revenir sur mes mots. Pour elle.