Maddox & ?

année 41 ; seconde saison tempérée ; fin de journée 93

  l'espace privé piétiné

C'était encore l'une de ces soirées que je passerais dans mon repère, un bout de terre pas particulièrement bien protégé du territoire, zone où avaient traîné tout un temps les anciens Aigles. Leur présence n'avait pas réellement rendu la situation plus problématique parce qu'ils ne me connaissaient pas et me pensaient tout au plus fouineur ou stupide. Dans les deux cas, ils n'avaient pas à se mêler de ma position tant que je ne semblais pas plus louche qu'un autre Jaguar. Pour les moins observateurs - à cause de la fatigue ou de nature -, ils ne se souvenaient même pas que je passais de temps en temps dans ce quartier en tant que sentinelle. Et même un Membre pouvait avoir des passe-temps discutables.

Les premiers jours de convalescence, j'avais prié que mes petits trésors personnels aient survécu à la tempête et n'aient pas été malencontreusement enfouis sous un tas de débris. Bien que ce soit sûrement la meilleure solution. Passer du temps dans cette cachette était une rude épreuve émotionnelle. Ma mère ne comprenait pas bien que j'y sois encore attaché parce qu'elle ne voyait que le côté forcé de la chose, elle n'arrivait pas à réaliser que malgré les saisons éprouvantes, j'y trouvais de l'apaisement. En même temps, elle ne connaissait pas toute la vérité parce qu'elle était partie par facilité, quoi qu'elle en dise. Se sauver la peau était important, je le comprenais mais elle aurait pu lui tenir tête. Elle aurait dû, vu tous les reproches qu'elle me balançait, que ce soit conscient ou non.

J'étais sur le point de finaliser le pendentif rudimentaire que j'avais imaginé pour Saul quand j'entendis des pas. « Tu reviens par ici ? » C'était naïf de ma part de croire qu'elle allait se pointer, là, en pleine soirée, alors qu'elle avait mieux à faire au quartier général et alors qu'elle m'en voulait encore pour toutes mes erreurs, tous mes mauvais choix. Ce n'est que quand elle ne répondit pas de suite que je repris mes esprits, quittant cet état second, état qui me rendait vulnérable parce que j'en oubliais la réalité qui m'entourait. Et le pendentif me glissa des mains jusqu'aux pieds de la personne trop aventureuse. « Je peux le récupérer ? C'est trois fois rien. Mais j'y tiens. » Je n'avais plus qu'à prier pour que ce ne soit pas encore un de ces éléments qui cherchaient des noises. Même chez les Jaguars, on trouvait des personnalités à problème.