Lena & Yulia

t'es pas ma mère

« Puisque je vous répète qu'il m'a dit que ma mère était une pute ! J'ai fait que la défendre ! Vous m'saoulez. » Je répétais ça sans cesse alors qu'on avait décidé de m'exclure pour la semaine, sous prétexte qu'on ne frappait pas ceux qui vous insultait, même si c'était tentant de leur répondre après de telles insultes. Selon l'école, j'aurais dû me contrôler et ne pas surenchérir quand on me cherchait parce que, dans la vie, je rencontrerais d'autres conflits. Ils voulaient m'apprendre, me permettre de me préparer à la vie d'adulte. Bullshit. Ils étaient au courant des derniers rebondissements dans mon quotidien, que j'avais découvert depuis plusieurs mois maintenant une grande soeur et un grand frère, qui avaient le même père mais ils se sentaient obligés de jouer les donneurs de leçon. Apparemment, je n'étais pas encore suffisamment dans la merde, ma vie n'était pas encore suffisamment bordélique à leurs yeux. Si les adultes géraient la merde de cette façon, je me verrais tout aussi bien élever des lamas dans un coin paumé, loin de leurs obligations et de leurs conneries de ce genre.

Le souci, c'était qu'ils avaient appelé Yulia à la rescousse. Ca n'avait rien arrangé à ma mauvaise humeur. On se côtoyait depuis peu de temps, peut-être quelques semaines mais pas plus. Il nous avait fallu prendre nos marques et, de mon côté, je ne l'avais pas encore complètement cernée, encore moins apprivoisée. Je ne lui laissais pas énormément d'occasions, la plupart du temps, j'allais m'enfermer dans ma chambre. Je squattais momentanément chez elle parce que ma mère était malade, à l'hôpital et que notre père ne pouvait pas m'accueillir. Je me moquais bien de ses raisons. La cohabitation était compliquée, qu'importe que ce soit de sa faute ou de la mienne. Si je ne faisais pas preuve de mauvaise foi, le problème venait de moi. Je me renfermais depuis que j'avais appris pour cette nouvelle famille, d'autant qu'il y avait des cousins en trop grand nombre. J'avais été trop longtemps habituée à vivre seule, à pouvoir inviter des amis parce que ma chambre se trouvait sous le toit et que j'avais tout l'étage pour moi. Mon monde. Ma liberté.

« Je veux pas en parler. » J'avais dit ça avant d'entrer dans sa voiture. J'avais attaché ma ceinture et puis plus rien. Je ne voulais absolument pas me justifier, surtout pas auprès d'elle. Elle n'était personne. Surtout pas ma mère. Je n'avais pas envie d'avoir droit à des sermons en plus. Des reproches, on n'arrêtait pas de m'en faire depuis que j'avais découvert que j'étais l'enfant de l'autre famille.