Salomé & Raven

année 41 ; deuxième saison tempérée ; soirée 96

retrouver sa zone de confort

Plus ça avançait, plus j'avais l'impression d'être aussi invisible que n'importe quel autre Dragon. Ca n'aurait pas dû être surprenant dans l'absolu, sauf que c'était Martin qui m'avait poussée à penser que j'étais différente, que je pouvais faire la différence et que je ne m'investissais pas dans quelque chose qui me tenait à cœur pour rien. Qu'il ait d'autres choses à l'esprit, d'autres préoccupations n'était pas surprenant, il devait soutenir le clan avant qu'il y ait une véritable relève. Sauf qu'il ne me voyait plus. J'avais droit à très peu d'informations concernant la marche à suivre, j'étais envoyée chez des éléments sans avoir de bons arguments et je revenais parler à un mur, quand il m'accordait un centième de seconde. Le plus dérangeant c'était qu'il avait complètement changé de cap, qu'il me donnait l'impression, comme à tout le monde, de ne voir plus que sa propre ambition. J'avais loupé un indice crucial dans l'équation.

J'aurais voulu et j'aurais sûrement pu continuer une vie un peu bordélique, sans broncher, s'il n'y avait pas eu tout le reste autour, au sein des murailles. Certains ne se gênaient pas pour me mettre en pleine figure que Martin se moquait totalement de moi, m'avait vendu des rêves ou pour reprendre leurs mots, m'avait utilisée comme on utilise un enfant en manque d'affection pour faire bonne figure, pour laisser supposer qu'il ne s'intéressait pas qu'à lui jusqu'à ce qu'il n'ait plus besoin de moi. Mon ego encaissait mal mais j'allais survivre à tout ça parce que c'était normal d'être blessée mais pas de se laisser mourir à cause d'une lueur d'espoir éteinte en peu de temps. Par contre, j'ouvrais enfin véritablement les yeux sur ce qui se passait chez les Dragons, ce que signifiait porter ce brassard. C'était se rendre complice des atrocités commises à l'encontre des Soumis et des Chairs à Pâté qu'on bousculait à tort et à travers. Même les Aspirants n'étaient pas à l'abri. Personne à vrai dire.

J'avais été tentée d'abandonner le brassard mais je voulais voir s'il était possible de profiter de ça pour aider les autres, cette fois. J'étais perdue, sans aucune piste mais dans ce genre de cas, je me tournais naturellement vers Raven. Il était dans le même bateau mais je n'avais aucune certitude quant aux réactions de l'Ancien qui misait gros sur lui. Peut-être que seul Martin était aussi tordu. Si j'avais déjà des plans en tête pour l'éventuel combat à mort qui nous aurait attendu si j'avais encore été en course, j'étais soulagée de ne plus avoir une telle pression. J'avais été frappé à la porte de mon ami. « C'est Salomé. »