Sidonie & Rose
A41 ST2 (début de soirée 90)

a welcome surprise

Aussi fatiguant que ces derniers jours avaient été, l'occupation était toujours bonne à prendre en ces temps où elle ne voulait vraiment pas laisser trop de mou à ses pensées. Toutes les heures ensoleillées avaient basiquement été passées à la zone industrielle, à batailler avec les machines et les installations en général au milieu d'autres mécanos et de réparateurs. Trop de choses avaient dû être laissées en suspend à cause de la vague de froid et, des semaines plus tard, cela se sentait d'autant plus. Elle ressortait d'une nouvelle session de travail avec la satisfaction du devoir presque accompli - ils commençaient à voir le bout - et quelques bleus supplémentaires. Rien de bien nouveau, vraiment. Vu les difficultés qu'ils avaient avec le froid, elle s'estimait même chanceuse que sa maladresse ne l'ait pas rattrapé à plus d'occasions. Son humeur s'était un petit peu troublée lorsqu'elle avait approché les frontières du clan et elle les avait dépassée avec un peu de culpabilité en se trouvant si soulagée de ne pas croiser Nadya. Sa chance continuait, ou plutôt il aurait fallu qu'elle soit particulièrement poissarde pour que sa binôme se trouve justement de garde dans le périmètre au moment où elle rentrait. Elle avait fait l'effort conscient de mettre tout ça de côté en pensant au repas chaud qu'elle allait pouvoir avaler devant le feu. Toute idée de cette soirée tranquille s'envola néanmoins quand elle aperçu un visage familier qu'elle n'avait pas eu l'occasion de croiser depuis trop longtemps. Elle bugga une seconde, parce que Rose était censée être loin en ce moment avec les autres voyageurs, avant que son corps ne prenne le contrôle pour la remettre en route. Elle accéléra jusqu'à aller se crasher à moitié contre son amie pour un câlin, tout sourire.

- Rose ! Je savais même pas que tu étais revenue. C'est quoi ce délire de te croiser par hasard dans la rue ?

Rose & Sidonie

année 41, seconde saison tempérée, soirée 90

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Je n'aurais jamais parié que le retour sur le territoire me laisserait ce sentiment plus que mitigé. J'étais certaine qu'en rentrant j'allais facilement pouvoir compartimenter et mettre bien de côté les horreurs de cette maladie et mon acte. Le calme de la maison me ramenait toujours à la même chose : tout ce bruit, cette toux, ce sang, toutes ces pertes, ces personnes mortes sous mes yeux mais surtout cette Dragonne que j'avais laissée pour compte, à qui j'avais promis de l'aide. Le problème, c'était que quand j'arrivais à fermer les yeux, je la voyais mourir et revenir tel un fantôme pour me reprocher de ne pas avoir bougé pour elle. C'était complètement con, ça ne pouvait pas arriver et pour cette raison, je n'aurais pas dû me laisser submerger mais je sentais bien mon cœur qui pulsait sous ma poitrine. La vie était plus compliquée aussi, les Dragons n'étaient pas des anges, je ne savais même pas si elle n'avait pas participé à l'horreur contre nos Membres mais je ne pouvais pas m'empêcher de culpabiliser. Un peu. Beaucoup trop.

Toutes les excuses étaient bonnes pour sortir et profiter du bruit des rues du territoire pour enfouir cette voix moralisatrice. Je savais bien qu'il faudrait tôt ou tard que je dorme sans penser à ça, qu'il faudrait aussi que je tourne la page, parce qu'elle m'aurait peut-être laissé tomber aussi. Je n'étais personne quand on était en dehors des frontières Vipères. Fut un temps où je n'étais personne au sein même des frontières. On avait réussi à me sortir de mes pensées pas franchement sympathiques. C'était nouveau, d'habitude je sentais ce genre de choses arriver, j'étais attentive à mon environnement. Heureusement, j'avais été envahie par l'une de celles qui pouvaient se le permettre sans avoir besoin de le réclamer. « Rose ! Je savais même pas que tu étais revenue. C'est quoi ce délire de te croiser par hasard dans la rue ? » J'avais souri, plutôt contente de tomber sur Sidonie. Il valait mieux elle. C'était une véritable sécurité.

« Problèmes de sommeil. Les rues me semblaient être un bon compromis. J'ai dû le sentir. » J'avais rigolé. Si la fatigue transparaissait, ce serait facile de tout mettre sur le dos du voyage. Ca ne servirait à rien de l'inquiéter inutilement. « Tu n'as pas l'air d'avoir trop morflé pendant la tempête. Ces bleus mis à part. C'est rassurant. » Par contre, elle avait les traits tirés et je supposais que c'était à cause du travail. Après la tempête, c'était la même routine, ceux qui étaient entiers et qui s'en tiraient bien travaillaient pour tous les autres.

Sidonie & Rose
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Peut-être avait-elle été un peu distraite aujourd'hui. Elle se fit cette réflexion en se souvenant que les autres travailleurs avaient été très bavards et il y avait bien eu quelques mots qui étaient jetés de nombreuses fois dans les conversations, mais elle n'avait pas eu la tête à s'y intéresser. Enterrée dans ce qu'elle avait à faire, elle s'était senti bien plus à l'aise et elle se retrouvait un peu bête maintenant en étant si surprise de retrouver Rose. Elle s'écarta pour l'observer, notant un sourire, mais surtout beaucoup de fatigue. Rien d'étonnant en soi vu le périple dont elle devait revenir. Il y avait aussi autre chose sur lequel elle n'arrivait pas à mettre le doigt et qu'elle associa au retour dans un premier temps.

- J'aurais pourtant cru qu'une telle aventure donnerait à ton corps l'envie de dormir jusqu'à la prochaine saison.

Entre le besoin et le fait d'y arriver, il y avait néanmoins une solide différence, elle avait eu l'occasion de s'en rendre compte ces derniers temps. Malgré ce moment sérieux, le rouge lui monta aux joues lorsqu'elle repensa à la tempête et à la raison stupide derrière les bleus. A la rousse, elle pouvait la confier sans trop craindre la honte, elle n'allait pas s'enfoncer, juste ajouter un tiret à la liste de ses exploits.

- Ouais, pas mon moment le plus glorieux. Apparemment, me barricader était plus dangereux que la tempête en elle-même.

Et dire que ça venait d'une mécano slash ancienne réparatrice... Elle avait l'art de se créer des ennuis d'une façon ridicule, d'autant plus quand elle n'était pas en service et n'avait que sa propre vie dont elle devait se soucier.

- Toi ? Pas de bobo ? Vous avez dû vous la prendre aussi j'suppose ?

Rose & Sidonie

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« J'aurais pourtant cru qu'une telle aventure donnerait à ton corps l'envie de dormir jusqu'à la prochaine saison. » J'avais penché la tête sur la droite, l'air désolé. Dans l'absolu, j'aurais dû pouvoir me reposer au moins plusieurs jours, peut-être une semaine, mais ce n'était jamais aussi simple que ça dans la vie réelle. Elle le savait d'ailleurs, l'exemple de la situation suite à une tempête en était un parfait, Paris ne permettait pas de se reposer comme on l'aurait souhaité et c'était logique qu'il y ait tant de morts accidentelles. Notre quotidien cruel.

« Ouais, pas mon moment le plus glorieux. Apparemment, me barricader était plus dangereux que la tempête en elle-même. » J'avais rigolé, pas très fort, pas avec beaucoup d'éclats dans la voix mais j'avais quand même ri. C'était un exploit. Elle avait de quoi en être fière mais elle ne pouvait même pas penser jusque-là puisqu'elle n'avait pas eu vent de l'horreur que le voyage représentait dans la tête de tous les voyageurs. Je ne m'inquiétais pas trop de sa réaction parce qu'elle ne se vexait pas pour des bêtises, surtout depuis qu'elle me connaissait. Elle avait bien compris que je ne me moquais pas, que je n'écrasais pas les autres mais que je rigolais avec eux. Si elle avait été plus sur la réserve, je me serais retenue, par esprit de bienveillance.

« Toi ? Pas de bobo ? Vous avez dû vous la prendre aussi j'suppose ? » J'avais regardé mes pieds pendant quelques secondes, cherchant la force de lui répondre. Ce n'était pas évident. Je ne savais pas quand ça deviendrait vivable et peu de personnes avec qui en parler, donc peu de personnes pour me donner une estimation. En y repensant, je me demandais si je n'aurais pas préféré qu'une tempête nous tombe sur la tronche. Même si ça n'aurait peut-être rien changé à mon acte.

« On va dire que je préfère savoir que c'est la maison ou le meuble qui t'a fait ça. J'aurais sans doute voulu me venger si ça avait été une autre Vipère. » J'avais dit ça presque sans sourciller. Ce n'était pas bon signe, je le savais. J'étais sur une mauvaise pente. « Pire, je dirais. Une maladie qui a fait trop de morts. De sérieux malades aussi. » J'avais l'impression qu'on s'efforçait à m'étouffer à mesure que je lui en parlais. L'impression également qu'à tout moment, j'allais revivre cette horreur. Revoir ces images qui m'amenaient à paniquer. Mon regard était devenu plus sombre et je m'étais à nouveau concentrée sur le sol.

Sidonie & Rose
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C'était un peu triste de voir Rose comme ça. Non, en fait, ça l'était totalement. Même rire semblait être une épreuve quand elle l'avait vu le faire de façon beaucoup plus libre et joyeuse. Le manque d'énergie à cause de toute cette fatigue qu'elle avait accumulé pouvait être sacrément impactant, mais elle se questionnait de plus en plus sur ce qu'elle ressentait réellement après son périple hors de la ville. Il y avait chez Rose quelque chose de plus tranchant par moment quand elle parlait, une impression de dureté qui n'avait pas été là la saison précédente. Au vu de ce qu'elle abordait, Sidonie comprenait un peu mieux pourquoi. Elle se sentit vraiment bête de ne pas savoir ça, de ne pas avoir gardé les oreilles assez ouvertes ces derniers temps. Est-ce que tout le territoire était au courant et qu'elle était la seule idiote à se balader comme si il n'y avait eu que la tempête pour leur arracher des Vipères ? Durant une seconde, elle se retrouva à penser aux gens dont elle pourrait ignorer la mort, son cœur pulsant un peu plus vite dans sa poitrine, avant de se rassurer sur le fait qu'elle l'aurait su. Aussi à l'ouest - sans mauvais jeu de mots - qu'elle pouvait être ces derniers jours, il y aurait eu quelqu'un pour le lui dire. Qu'importe leurs problèmes, Nadya ne l'aurait jamais laissé dans l'ombre. Korra qui avait souvent une longueur d'avance aurait aussi pris soin de l'attraper pour lui en parler. Personne de plus important qu'un autre n'avait donc dû mourir, elle s'en persuada. Elle ressentit d'autant plus le besoin d'enfoncer tout ça profondément parce qu'elle faisait face à quelqu'un qui de toute évidence souffrait et qui comptait. Sa culpabilité de ne pas avoir été une amie très présente ces dernières saisons se réveilla furieusement pour la pousser à faire quelque chose.

- Je... Désolée. J'étais pas au courant.

Cette maladresse de plus était vraiment difficile à avaler. Seulement ce n'était vraiment pas ça qui comptait. Elle ouvrit grand les bras au lieu de se laisser vomir tout ce qui lui passait par la tête.

- Je sais que ça va pas faire un miracle, mais je peux te faire un autre câlin ?

Elle n'était vraiment pas sûre d'elle, l'affection restait une bête étrange qu'elle peinait parfois encore à dompter, mais elle lui semblait plus fiable que tout ce qu'elle aurait pu dire comme bêtise. Quand elle voyait Rose comme ça, c'était aussi la seule chose qu'elle se sentait de faire. Elle faisait amochée et ailleurs, et elle voulait la garder en un seul morceau et ici.

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Il aurait été très difficile de ne pas remarquer le changement radical d'attitude chez Sidonie. Les nouvelles du voyage semblaient l'avoir prise de court et je supposais alors naturellement qu'elle n'en avait pas entendu parler jusque-là. Pourtant, en temps normal, elle était au courant de tellement de potins, non pas grâce à sa tâche mais parce qu'elle était celle qu'elle était. Elle parlait à tout le monde et tout le monde lui parlait. Presque. « Je... Désolée. J'étais pas au courant. » J'avais souri, en forçant sur mes muscles parce que la fatigue était bien trop présente, bien trop pesante mais ça me semblait essentiel de ne pas l'inquiéter inutilement. La réalité de la maladie, elle y aurait fait face tôt ou tard mais il aurait peut-être mieux valu que ce soit sorti de la bouche de quelqu'un d'autre en fin de compte. J'aggravais son inquiétude inutilement.

La preuve ? Elle m'invitait ouvertement à entrer dans son espace vital, les bras grand ouverts. Je me sentais stupide. Irréfléchie. Egoïste. Une bien piètre amie. « Je sais que ça va pas faire un miracle, mais je peux te faire un autre câlin ? » Elle était trop respectueuse, beaucoup trop bienveillante avec moi et moi, évidemment, j'accueillais ça trop légèrement. Je devais pourtant être sur mes gardes ou à tout moment des signes se remarqueraient. Une part de moi voulait qu'elle garde une bonne image de moi. J'avais finalement cédé en m'approchant d'elle pour la serrer avec le peu d'énergie que j'avais conservé par miracle.

« Merci. Je vais bien, c'est tout ce qui compte, n'est-ce pas ? » Je ne savais pas exactement qui j'essayais de convaincre en disant cet odieux mensonge. En tout cas, ce n'était probablement pas qu'elle. Je devais m'en persuader si je voulais que le masque tienne.

Sidonie & Rose
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Avec tout ce qu'elle avait appris, elle n'avait vraiment pas voulu la brusquer en se forçant dans son espace. Ce n'était pas parce que Rose n'avait pas l'air bien qu'elle avait besoin de ce genre d'attention. Aussi facile à prendre qu'avait été le réflexe avec Nadya, elle restait heureusement consciente que beaucoup avaient, comme elle, des attentes contraires. Elle avait donc attendu docilement un quelconque signe, qu'il soit positif ou négatif, pour réagir. Une fois qu'elle l'eut, la suite fut d'une étonnante facilité. Elle n'avait jamais eu l'impression que son amie était fragile, la différence se remarquait donc d'autant plus aujourd'hui. Il y avait la fatigue du voyage qui laissait ses traces bien sûr, mais il manquait indéniablement un truc. Elle n'en serra que plus fort les bras autour d'elle, soudainement tentée par l'idée de la ramener chez elle pour l'enrouler dans une couverture et la garder dans un cocon confortable pour quelques jours.

- T'as pas l'air bien du tout, Rose.

C'était dans ces moments là qu'elle se rendait compte d'à quel point son monde s'était étendu ces dernières années. Elle savait depuis un moment qu'elle tenait à la rousse, mais elle le comprenait réellement maintenant qu'elle se sentait aussi affectée par son état.

- Je crache pas sur le fait que tu sois pas malade là, mais, vraiment, je pense pas qu'on puisse dire que tu sois okay. Et c'est normal vu tout ce que tu dois avoir vécu.

Rose & Sidonie

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« T'as pas l'air bien du tout, Rose. » Je savais bien dans le fond que Sidonie n'était pas insensible, qu'elle remarquait facilement les signes mais pour une fois au moins, j'aurais souhaité qu'elle me croie sur parole. Le problème était précisément là, elle se souciait des autres, c'était une bonne amie, pour peu qu'elle me considère comme telle en retour, alors le contraire n'aurait eu aucun sens, quand bien même ça m'arrangeait mieux. Comme seul moyen de fuite, j'avais eu l'idée de cacher le plus possible mon regard, la tête allant le plus à l'arrière de la sienne. Au moins le temps de trouver une réponse rassurante à lui offrir.

« Je crache pas sur le fait que tu sois pas malade là, mais, vraiment, je pense pas qu'on puisse dire que tu sois okay. Et c'est normal vu tout ce que tu dois avoir vécu. » La situation m'avait poussée à extrapoler et l'imaginer à ma place n'avait rien de réjouissant. A tous les coups, elle aurait pris les bonnes décisions, elle aurait cherché la solution pour venir en aide aux Vipères qu'elle connaissait et à cette Dragonne. Peut-être qu'ignorer toute la réalité au sujet de la trahison de ceux du Nord aidait mais on ne pouvait pas tout amputer à ce détail.

J'avais pris un peu de recul, le sourire ayant disparu. J'étais plus sérieuse. « Je suis pas certaine de mériter toute cette attention, tu sais, Sidonie. » J'avais baissé la tête, le regard posé sur mes chaussures en piteux état, comme mon mental en ce moment. J'étais sûre d'une chose par contre, c'était que je n'allais pas me retaper aussi facilement que si je m'étais foulé le pied. La blessure était plus insidieuse.

Sidonie & Rose
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L'étreinte lui avait paru bien trop courte vu la situation, mais elle laissa Rose s'éloigner sans broncher. Elle restait soucieuse, les sourcils légèrement froncés par son observation et sa recherche de quelque chose à faire pour aider. Elle avait beau savoir qu'il n'y avait pas de solution entre ses mains, qu'elle ne pouvait que rester attentive aux signes et respecter les besoins de son amie, elle aurait voulu faire plus.

- Pourquoi tu dis ça ?

Son premier réflexe avait été de vouloir se révolter contre une idée si bête, bien sûr qu'elle méritait de l'attention, mais elle s'était forcée à rester mesurée. Elle voulait comprendre ce qu'il se passait, même si tuer dans l'œuf une telle pensée restait tentant. N'importe qui méritait un peu de soutien et c'était sans prendre en compte le fait que Rose était la personne la plus bienveillante qu'elle connaissait. Elle avait bien assez donné que pour mériter que quelqu'un s'attarde sur son état.

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« Pourquoi tu dis ça ? » La réponse avait quelque chose de réconfortant parce qu'elle invitait à parler, à s'expliquer au lieu de me balancer à la figure que j'avais tort quoi que je puisse en penser. Je remarquais que Sidonie mettait du sien pour me laisser de l'espace pour m'exprimer. Elle ne se braquait pas sous prétexte de tout savoir à mon sujet. Tout ça m'avait surprise et j'avais mis du temps avant de réagir, un peu hésitante dans un premier temps puisque j'avais lancé ce sujet un peu par défaut, sans être vraiment convaincue que ce serait entendu pour ce que c'était.

« J'ai réagi de façon innommable. Je ne me reconnais pas depuis la dernière saison mais là, c'est pire que je ne l'aurais jamais imaginé. » Je chipotais nerveusement à mon pouce gauche, coincé entre mon pouce et mon index droits. J'avais la mâchoire serrée aussi sous la tension. Ca ne signifiait pas grand-chose annoncé comme ça mais c'était compliqué mine de rien. Je craignais vraiment qu'elle gratte et qu'elle me tourne le dos. Je me serais probablement tourné le dos à sa place. Ce que je n'aurais pas fait si quelqu'un d'autre avait été dans cette même situation délicate.

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Elle n'était pas sûre d'être la meilleure personne pour parler de tout ça. Elle pouvait être maladroite et, pour ça, elle n'avait jamais cessé d'envier des gens comme Rose ou Korra qui savaient y faire. Sauf que ces gens là avaient aussi besoin d'avoir l'occasion de se confier et, si cela se produisait maintenant, c'était que la rousse devait vraiment en avoir gros sur le cœur. Un rappel de plus pour une chose évidente au vu de son état. Elle voulait donc vraiment faire l'effort et elle espérait qu'en pensant un peu plus avant de parler, elle parviendrait à ne pas engendrer plus de difficultés. Un temps de réflexion lui aurait été demandé de toute façon au vu du sujet. Une part d'elle pouvait comprendre, elle avait eu des réactions dont elle ne se serait pas pensé capable et s'était montré particulièrement égoïste, mais c'était encore un peu différent ici. Rose était beaucoup plus confrontée dans son quotidien à la réalité de l'action et ce voyage n'avait rien arrangé. De son côté, à part en cas de problème, elle jouissait d'un certain confort à rester en dehors de l'action. En plus, elle s'entendait bien avec les autres clans, elle avait donc rarement dû faire face à des agressions liées à son appartenance.

- Est-ce que ça ne nous arrive pas à tous ?

Elle avait demandé après un bout de temps, son esprit tentant de résoudre ce casse-tête sans trop y parvenir. C'était très vague et elle n'était pas sûre qu'il aurait été bon de pousser en réclamant des détails.

- Cette ville n'arrête pas de nous mettre devant des situations face auxquelles on a pas d'autre choix que de réagir si on veut survivre. Les Membres encore plus. On est encore jeunes par rapport aux autres, mais c'est sûrement plus les conséquences de leurs réactions que leurs âges qui les rendent si différentes de nous.

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« Est-ce que ça ne nous arrive pas à tous ? » Je n'avais pas réussi à retenir un rire nerveux. Je ne voulais pas me moquer d'elle, ce qu'elle disait était plutôt sensé mais je trouvais la solution un peu trop facile pour ma propre conscience. Je ne tenais pas forcément à devenir la paria parce que j'avais réagi d'une façon qui ne me ressemblait pas mais je refusais encore plus de minimiser l'événement. Sidonie n'y pouvait rien. J'étais parfaitement injuste, je le savais bien. Je n'étais pas franchement fréquentable en ce moment. Est-ce que je valais mieux que celles qui avaient passé leur temps à se moquer de moi à cause de mon attitude qui pouvait déranger ? Je n'en étais plus certaine.

« Cette ville n'arrête pas de nous mettre devant des situations face auxquelles on a pas d'autre choix que de réagir si on veut survivre. Les Membres encore plus. On est encore jeunes par rapport aux autres, mais c'est sûrement plus les conséquences de leurs réactions que leurs âges qui les rendent si différentes de nous. » Elle avait totalement raison. J'en étais convaincue. Seulement, il manquait encore un truc, je n'étais pas totalement satisfaite. C'était précisément pour ça que je n'étais pas de bonne composition. Je n'étais pas une bonne amie pour le moment. J'étais bonne à fouiller la merde. Je sentais que je risquais de m'écrouler, raison pour laquelle mon bras voulait se tendre vers Sidonie mais j'avais retenu le geste de justesse, le maintenant de l'autre.

« Est-ce qu'on a le droit pour autant d'abandonner les autres ? Juste parce que cette personne nous renvoie à un trauma ? Juste ça. Tout le monde est traumatisé dans cette ville. Tout le monde devrait pouvoir être blessant ? » Je serrais mon bras droit de mon bras gauche, me griffant au passage sans même m'en rendre compte. La tension devait sortir d'une façon ou d'une autre.