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A41 SI J83 (après-midi)
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La chance lui souriait. Non, le désastre qui l'entourait ne pouvait pas vraiment être considéré comme le décor d'un jour chanceux. Pourtant, il se sentait en vaine. Qu'importe les gravats qui l'entouraient, ce nuage de poussière qui retombait lentement vers le sol, et un accès vers la sortie incertain. Malgré la chute, son corps répondait sans mal. Il devait sûrement souffrir de quelques égratignures et d’ecchymoses, mais seul un point au niveau de son épaule tirait suffisamment pour être remarqué. Rien de bien méchant au vu des rotations que son bras parvenait à faire sans qu'il ne bronche vraiment. Mais cette chance insolente avec laquelle il se sentait béni ne concernait même pas sa santé. Cela avait tout à voir avec cette fille qui se relevait un peu plus loin et dont il avait un instant croisé le regard. Une personne qu'il avait déjà vue au côté de Violette, rencontre après laquelle cette dernière était retombée dans un état morose. Il guettait l'occasion idéale pour l'approcher depuis deux jours déjà et voilà qu'elle se présentait. Le moment était parfait. Personne dans les environs pour se soucier d'eux, surtout pas Violette. Même s'il venait à s'en débarrasser, cacher le meurtre serait aisé. Qui irait se soucier d'une morte de plus dans tout ce bazar ? Le pas mal assuré sur la caillasse instable, il se rapprocha, ses traits se morphant en quelque chose de plus soucieux. Il n'était pas question de laisser transparaître la satisfaction qu'il ressentait en réalité.

- Sacrée dégringolade. Tu es entière ?

Il se sentait encore un peu à bout de souffle, son cœur battant trop fort à cause de l'adrénaline. Même ça venait servir l'image du pauvre rescapé d'un éboulement qui aurait pu lui coûter beaucoup plus cher. Jetant un nouveau coup d’œil autour de lui, il s'assura de bien vérifier les alentours. Si quelqu'un d'autre était ici, il ne pouvait qu'être bien enfoui sous les décombres et il y resterait.

- On dirait bien qu'on est seuls dans cette galère.

Sa main se resserra vivement sur le cou gracile de la jeune fille, la maintenant rudement contre la paroi rocailleuse dans son dos. Il en avait assez de jouer les patients. Cette histoire durait depuis bien trop longtemps. Enfin, il faisait un pas dans la bonne direction.

- Dommage pour toi, Vipère.

Dans une mesure de prudence excessive, il se dégaina sa lame, la plaçant en évidence pour lui signaler qu'elle n'avait pas intérêt à tenter un coup foireux. Elles étaient bien connues pour ça, les Vipères, bien qu'il soit le dernier à pouvoir se plaindre des tactiques vicieuses des autres.

Lena & Fitzroy

année 41 ; saison intermédiaire ; journée 83

I'm not going to pretend I know how you feel

Dans ce bordel, ce qui m'avait sauvée, c'était des réflexes que je ne me connaissais pas. La chute fut drôlement impressionnante, ce qui me fit réagir tardivement. Dans un premier temps, mes oreilles sifflèrent et ma vue était bloquée par cet écran de fumé. Le sol n'avait rien de confortable, je reposais sur un tas de gravats et je saignais très superficiellement de la cuisse. J'étais consciente d'être dans un état second et mon premier réflexe fut de vérifier que mes pieds, mes jambes et mon ventre n'étaient pas touchés. Ensuite, ce fut ma tête. Rien. Je sentais bien des bleus mais le plus important restait ma cuisse droite qui ne pissait heureusement pas de sang. Je n'étais donc pas sur le point d'y laisser ma peau. J'avais entendu du bruit mais j'aurais été incapable de bouger immédiatement. Je devais prendre connaissance de ce qui m'entourait et comprendre ce qui venait d'arriver. « Sacrée dégringolade. Tu es entière ? » Je ne m'étais pas trompée. Quelqu'un d'autre était tombé dans ce gouffre. Je n'eus même pas l'esprit de lui répondre, me relever me demandait un tel effort que je me concentrais sur ce détail.

« On dirait bien qu'on est seuls dans cette galère. » J'avais tout juste ouvert ma bouche quand je sentis sa main serrer mon cou avec une telle violence. Soit il délirait, soit c'était l'esprit chez les Dragons. Je les connaissais peu et je ne me fiais pas aux rumeurs mais il ne renvoyait pas l'image de quelqu'un de sain d'esprit. La bouche ouverte, j'essayais de respirer et d'accuser le choc dans mon dos. S'il ne voulait pas m'achever, je ne m'appelais pas Lena. « Dommage pour toi, Vipère. » Et là, le déclic. Ce n'était pas moi qu'il souhaitait voir mourir mais la sainte Yulia. Cette fille ne m'apportait que le malheur. Elle me portait littéralement la poisse. Je surveillais la dague, énervée et blasée que tout ce cirque recommence. « T'es insultant, Dragon, même si t'es pas le premier à me confondre avec cette garce. » La position ne facilitait pas le dialogue mais je n'allais pas me laisser mourir pour Yulia.

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Il devait au moins admettre que la Vipère ne manquait pas d'un certain sang-froid, il en avait vu réagir moins bien à une situation pareille. Elle réagissait même trop bien, un détail qui l'agaçait. Violette avait-elle craquée pour elle à cause de ce mauvais caractère ? Plus il la regardait, moins il comprenait. Elle paraissait trop frêle, loin des standards dragons auxquels il était habitué. Ou plutôt auxquels il prêtait un intérêt. Peut-être était-ce la raison de l'intérêt de la Lieutenant, elle était différente de la foule dans laquelle elle traînait. Tout s'expliquait si, bien sûr, cette fille n'était pas la fameuse briseuse de cœur. Sa poigne se desserra légèrement, mais il garda son couteau levé, prêt à tuer dans l’œuf toute volonté de se défendre. La confondre ? L'excuse pouvait paraître un peu facile, mais elle était sortie d'une façon si naturelle qu'il n'envisagea pas vraiment qu'il puisse s'agir d'un mensonge.

- Développe. Qui es-tu ?

L'occasion ne serait pas totalement gâchée s'il parvenait à obtenir des informations vérifiées.

- Et qui est-elle, vu que tu sembles la connaître.

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Le franc était tombé, il avait desserré son emprise autour de mon cou et il me regardait autrement. Au moins, il ne me faisait pas l'offense de ne pas me croire et d'insister dans son délire. Je pouvais bien lui reconnaître ça, même si je ne l'appréciais pas plus pour autant, il avait réussi à me vexer et je n'oublierais pas une telle comparaison, pas aussi facilement, en tout cas. Je surveillais son arme, par pur instinct de survie. Il n'était pas question de lui offrir une opportunité sur un plateau d'argent. Je n'étais pas sa cible mais ça ne l'empêcherait pas de me tuer, les raisons étaient nombreuses : j'étais un témoin gênant, je lui tenais tête, j'étais une inconnue. Il n'en fallait pas beaucoup pour certains. 

« Développe. Qui es-tu ? » Il était mal placé pour me demander ce genre d'informations. J'étais pas naïve, il ne cracherait rien en retour. Il était de ceux qui agissent dans l'ombre, ça le tuerait de dire quoi que ce soit. A moins d'un mensonge. « Et qui est-elle, vu que tu sembles la connaître. » Sa précipitation ne m'étonnait pas. Non, ce n'était pas exactement de la précipitation, c'était plutôt qu'il ne laissait pas traîner les choses. « Lena. » C'était tout ce qu'il obtiendrait, même s'il décidait de me menacer par derrière. « Je l'aime pas mais je suis pas le pigeon de l'histoire. Tu veux savoir des choses ? Débrouille-toi directement avec elle. La seule chose que tu sauras, c'est qu'on ne nous confond pas pour rien. C'est la fille de mon père. » Je haussai les épaules. Je la détestais mais je connaissais Oksana et je ne voulais pas qu'elle souffre à cause de mon manque de maturité.

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Cette fille allait décidément se montrer difficile. Il leva les yeux au ciel, agacé, en l'entendant lui offrir un prénom dont il n'avait rien à faire. Il voulait connaître son rapport avec toute cette histoire, pas son identité. Un tel détail ne le mènerait nulle part. Il était franchement tenté par l'idée de lui en arracher plus de sa lame lorsqu'elle eut l'intelligence de reprendre la parole. Bien qu'il soit loin d'apprécier son arrogance, elle n'était pas vraiment en position d'agir de la sorte. Il ne comprenait pas exactement pourquoi ça semblait la tuer d'admettre qu'elle était la sœur de cette Vipère, mais il prenait l'information. Cela restait mieux que rien, un petit quelque chose à ajouter à la collection d'autres pièces dont il disposait. Il restait néanmoins quelque chose qu'il n'était pas sûr de comprendre. Car il était certain que c'était cette Lena qu'il avait vu parler avec Violette, pas sa prétendue sœur.

- L'autre jour, tu parlais à une fille. Brune, pas prompte à sourire, avec un clébard dans les pattes. Qu'est-ce que tu lui voulais ?

En parler directement à Violette aurait pu être plus aisé, mais il n'était jamais sûr d'obtenir des réponses avec elle. En plus, il préférait éviter qu'elle ne soit trop consciente de l'enquête qu'il menait sur sa briseuse de cœur. Elle aurait pu vouloir faire un truc idiot, comme lui interdire de s'en prendre à elle à cause de ses sentiments.

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On ne lui avait pas appris la patience chez les Dragons et c'était bien dommage pour lui, moi, je m'en moquais totalement. J'étais consciente que je risquais gros, surtout quand on connaissait la réputation des Dragons, qui ne s'était pas améliorée depuis l'attaque sur le territoire des anciens Aigles, mais j'avais une fâcheuse tendance à l'autodestruction depuis que j'étais gamine et que j'avais appris la réalité au sujet de Yulia. J'avais tendance à croire que personne ne me pleurerait, que j'y reste ou pas pendant ce voyage. Ma disparition ne changerait la vie de personne, alors j'avais tous les droits de jouer avec le feu.

« L'autre jour, tu parlais à une fille. Brune, pas prompte à sourire, avec un clébard dans les pattes. Qu'est-ce que tu lui voulais ? » Aucune retenue, il ne me donnait pas l'impression d'être quelqu'un capable de se mesurer pour une mission importante. Il n'était certainement pas un Espion. Il y allait beaucoup trop franchement. Même moi, je devinais qu'il était proche de cette fille dont il parlait, celle qui n'avait pas pu s'empêcher d'enfoncer le couteau dans la plaie, une fille qui gravitait autour de Yulia. « Rien. Je ne lui voulais rien. C'est elle qui a cru bon de me fixer pendant plusieurs minutes. J'sais pas ce que t'as contre la fille de mon père mais j'suppose que t'envisages rien de bon si tu le caches à cette fille, qui a tout compris bien avant toi, et que tu viens agresser celle que tu as prise pour l'autre. » J'aurais dû fermer ma gueule, ç'aurait été plus prudent. Après tout, j'avais bien compris qu'il n'était pas complètement net et plutôt prêt à tout.