Oksana & Lena
A41 SI J82 (journée)

I'm not going to pretend I know how you feel

Je n'avais jamais prétendu tout savoir ou être la plus intelligente. A force de rester en arrière, dans l'ombre de figures plus imposantes, j'avais néanmoins appris à observer. Guetter était mon seul espoir pour gagner des moments de lumière. Dans ce cas-ci, la chose était un peu différente. J'aurais dû être vraiment idiote pour ne pas faire le calcul correctement. Cette sensation étrange face à elle, cette familiarité, et même sa réaction lorsque nous avions parlé de notre drôle de famille, Thiago et moi. Tous les indices étaient là, mais, à l'époque, je n'avais pas eu la clé pour les déchiffrer correctement. Aujourd'hui, je savais. C'était une évidence. Lena, la sous-infirmière un peu effacée des Jaguars, était cette fameuse sœur découverte par Yulia des années trop tard. J'avais bien tenté de confier cette théorie presque confirmée au reste de la famille, sans succès. Parfois, ces idiots semblaient tout simplement inconscients de ma présence. Ils ne pourraient pas se plaindre que je n'avais pas semé des pistes, pourtant. Une part de moi se disait aussi que ce n'était peut-être pas plus mal comme ça. Elle n'avait pas besoin d'être assaillie par toute l'indélicatesse de la famille. J'étais bien loin de la perfection, mais, au moins, je me souciais de l'impact direct qu'avait mes actions sur les autres.  

« - Je ne vais pas prétendre que je ne sais pas qui tu es. »

Je n'avais eu aucun mal à me détacher de la masse pour rejoindre Lena, trop souvent solitaire, me calant sur son pas, un fin sourire aux lèvres pour tenter de la mettre à l'aise. L'effort était bien maigre et je me doutais que ça ne suffirait pas, mais je voulais qu'elle comprenne que je venais en tant qu'alliée.

« - J'aurais dû le comprendre à ce moment là, je suis désolée. »

Et dire qu'elle avait vécu si proche de nous durant tout ce temps. Une Membre que nous pensions tous lambda et que la plupart n'avait même pas dû remarquer était en réalité de notre famille et nous ne le savions pas. C'était un beau gâchis.

Lena & Oksana

année 41 ; saison intermédiaire ; journée 82

I'm not going to pretend I know how you feel

Ce voyage était une immense blague imaginée par je ne sais quel mauvais esprit. C'était plus évident de rejeter la faute sur le destin que de m'arracher les cheveux, ce que je faisais depuis la veille, lors de cette petite réunion autour de différents points de feu. Ils étaient trop nombreux. Personne ne m'en avait rien dit. Ce fumier s'était bien retenu de m'informer qu'il y avait bel et bien une famille par extension, des gens qui n'étaient pas exactement ma famille mais qui se comportait comme une seule et grande famille. Leur bonheur était écœurant et pourtant, j'en mourrais d'envie, moi aussi, d'être quelque chose pour quelqu'un, une personne dont on se souciait matin et soir. J'avais toujours rêvé, plus jeune, de faire partie intégrante d'une vraie famille qui m'aimerait pour ce que j'étais mais j'avais vite compris que je n'y avais pas droit. Cette petite réunion improvisée, sous mes yeux, avait ravivé cette flamme de colère. A cet instant, j'aurais préféré que Charly ou même Kane fasse partie de tout ça à ma place. Cet honneur n'avait plus d'importance. J'étais rongée par la colère, par la tristesse aussi.

« Je ne vais pas prétendre que je ne sais pas qui tu es. » Je m'étais saisie, mon cœur battant à une allure folle. J'étais trop habituée à faire mon petit bonhomme de chemin toute seule, comme la grande solitaire que j'étais devenue avec le temps. Cette voix, je le connaissais. Un élément de cette grande fratrie qui vivait ensemble, cette fratrie qui savait maintenant. J'avais laissé s'échapper un fumier, en colère qu'il ne m'ait pas dit qu'il les prévenait, eux aussi. A moins qu'il n'ait pas eu le courage de le faire et que la grande Yulia ait été pleurer chez eux. Elle, elle pouvait se le permettre, elle avait des personnes autour d'elle. Je levais finalement la tête dans sa direction. Je n'étais pas prête à entendre cette vérité. Je n'étais pas prête à souffrir une nouvelle fois d'un rejet ou d'une menace quelconque. Tout était possible. Je ne les connaissais pas autant que Thiago et Yulia.

« J'aurais dû le comprendre à ce moment là, je suis désolée. » Désolée ? C'était bien la dernière chose que j'avais vu venir. Ce scénario était presque irréel. Je serrais les poings, à la fois énervée, surprise et touchée, un beau bordel sentimental. « C'est pas à toi d'être désolée. » Ça, c'était évident. J'en étais certaine. Le reste, c'était plus difficile parce que ça demandait d'ouvrir son cœur et j'avais bien trop peur qu'on le piétine encore une fois. Qu'elle m'ait prise de court n'arrangeait rien. Je m'étais attendu à tellement d'autres choses que des excuses de la part de ceux qui avaient découvert mon existence aussi tardivement. « J'sais toujours pas exactement ce que vous êtes par rapport à moi. C'est lui qui vous l'a dit ? » Tout se bousculait dans ma tête et je me retenais de craquer. Il en était hors de question. Elle avait l'air d'avoir de bonnes intentions mais je n'étais sûre de rien. « Et puis, faut pas se forcer. Seule, je l'ai toujours été et j'y survivrai. Ne te sens pas obligée vis-à-vis de quoi que ce soit. Tu ne me dois rien. C'est lui, le fautif. » Ecarter les autres, je connaissais. C'était beaucoup plus sécurisant.

Oksana & Lena
A41 SI J82 (journée)

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La surprendre n'avait pas été mon but. On pouvait même dire que ce n'était pas tous les jours que cela arrivait, je n'avais jamais été particulièrement discrète lorsqu'il s'agissait de tenter une approche avec quelqu'un. Physiquement, de toute évidence. J'en grimaçais légèrement, le sourire un peu tordu, mais désolé. Le pire dans tout ça, c'était que je n'étais peut-être pas réellement "en faute" dans cette histoire. Je ne pouvais m'empêcher de suspecter qu'elle ne s'était peut-être pas faite accoster de la sorte bien souvent.
Je restais silencieuse pendant qu'elle parlait, lui laisser de l'espace et ne pas la couper me semblait important dans cette situation. Elle souffrait, de toute évidence, et la plus déboussolée, c'était elle. Même si j'avais encore un peu de mal à m'y faire, à cette idée d'avoir une autre cousine, quelqu'un qui avait été volontairement gardée dans l'ombre, loin de nous, me perturbait un peu. Tout simplement parce que je ne comprenais pas. Comment avait-il pu faire ce choix ? De quoi avait-il eu peur ? Au fond, je connaissais déjà les réponses et elles n'étaient pas bonnes. Qu'importe qu'il ait peut-être eu l'impression de faire ce qu'il fallait pour elle. Les parents étaient des humains comme les autres, ils faisaient des erreurs. Sauf qu'ils avaient le pouvoir de faire plus mal, d'empêcher la construction de fondations que l'on gardait toute notre vie. J'étais bien placée pour le savoir, ma mère restait un point noir de mon histoire. J'avais pourtant eu tout l'amour nécessaire de mon père et des mamans attentives et douces. Mais ça n'avait jamais été tout à fait pareil. Je n'étais ni Esfir, ni Zorah.

Je ne savais pas exactement par où commencer, comment être claire pour qu'elle ne s'embrouille pas plus encore. En vérité, c'était la première fois que j'avais à réfléchir réellement à tout ça. Nous n'avons aucun lien de sang avec Iago, mais il avait toujours été là, autant mon cousin que Yulia et Anton, presque un frère. Ne pas se poser de questions avait été facile puisque nous avions été élevés ensemble, sans qu'on ne vienne nous imposer des différences. Lena, elle, était une étrangère. Quelqu'un avec qui il fallait commencer depuis zéro après des années de retard. Ça ne serait facile pour personne.

« - Je suppose que quelqu'un d'autre te dirait qu'on est pas liés. C'est vrai qu'on ne partage pas de sang, ni d'enfance. On est juste les cousins de Yulia du côté de sa mère. »

C'était la pratique, la vérité crue, mais on ne m'avait pas élevée à arrêter ma pensée là. Une famille, ce n'était pas qu'une histoire d'embranchements et je ne pouvais pas m'empêcher de penser que, dans une réalité plus belle où son père n'aurait pas été un lâche, nous aurions été une famille. Elle aurait gambadé avec les jumelles pendant que les plus grands vivaient des aventures dans la sécurité du quartier.

« - L'information est venue de ma petite sœur. Elle était là le jour où il a parlé de toi à Yulia. C'est une Vipère elle aussi, alors on ne l'a appris que très récemment. A l'heure qu'il est, ton père doit être en train de manger de la bouillie. Je sais pas si l'idée te réconforte. Je sais même pas pourquoi j'ai précisé. C'est juste que, mon père, il a le sang chaud lorsque ça concerne la famille. Et je dis pas ça que par rapport à notre tante. Tu l'as dit toi-même, c'est ton père, le fautif. Il supporte pas bien l'idée qu'il t'ait traité si mal durant tout ce temps. Je peux pas me prononcer pour tout le monde, mais, moi, c'est pareil. Je lui trouve aucune excuse. Il a fait des choix égoïstes et t'as laissé porter les conséquences et, ça, c'est pas normal. T'aurais pas dû être seule. Mes parents, ils t'auraient jamais rejetée parce que tu avais une autre maman. Lui aurait eu des problèmes, mais pas toi. »

Lena & Oksana

année 41 ; saison intermédiaire ; journée 82

I'm not going to pretend I know how you feel

Je pouvais croire ce que je voulais, m'imaginer tous les films possibles dans ma petite tête de fille bornée, ça ne changerait pas les faits. Il était difficile de passer à côté de sa gentillesse et de ce respect dont elle faisait preuve. Je ne pouvais pas savoir à quel point elle faisait des efforts pour moi, ni même prétendre qu'elle en faisait tout court. Elle était peut-être naturellement comme ça. Je n'avais fait que la croiser dans les couloirs du quartier général la plupart du temps, à l'exception de cette discussion que nous avions eue, sans qu'ils n'aient toutes les cartes en mains à ce moment. En tout cas, elle mettait tout en oeuvre pour que ça se déroule bien, je ne pouvais pas le nier. Ce serait purement égoïste et méchant comme comportement, dans le cas contraire. Elle m'écoutait et ne se montrait pas fermée, contrairement à moi. Ce qui m'évoqua la rencontre avec cette fille rencontrée à l'Infirmerie. Je m'étais dit ce jour-là qu'il fallait que je fasse des efforts mais quand il s'agissait du cercle familial, c'était un effort trop difficile. C'était tout simplement trop prématuré. J'osais tout juste quelques regards, çà et là, quand elle ne regardait pas elle-même dans ma direction.

« Je suppose que quelqu'un d'autre te dirait qu'on est pas liés. C'est vrai qu'on ne partage pas de sang, ni d'enfance. On est juste les cousins de Yulia du côté de sa mère. » Ils étaient donc les cousins de Yulia. Rien à voir avec moi. C'était tellement plus évident de mettre une barrière pour ma propre sécurité. Au fond, je ne valais pas mieux que les Dragons qui s'étaient cachés derrière une grande muraille. Je me sentais simplement plus légitime, même si c'était certainement de la poudre aux yeux. J'avais simplement acquiescé d'un mouvement de la tête, ne sachant de toute façon pas quoi rétorquer à cette réponse très terre-à-terre mais qui était au moins réaliste.

« L'information est venue de ma petite sœur. Elle était là le jour où il a parlé de toi à Yulia. C'est une Vipère elle aussi, alors on ne l'a appris que très récemment. A l'heure qu'il est, ton père doit être en train de manger de la bouillie. Je sais pas si l'idée te réconforte. Je sais même pas pourquoi j'ai précisé. C'est juste que, mon père, il a le sang chaud lorsque ça concerne la famille. Et je dis pas ça que par rapport à notre tante. Tu l'as dit toi-même, c'est ton père, le fautif. Il supporte pas bien l'idée qu'il t'ait traité si mal durant tout ce temps. Je peux pas me prononcer pour tout le monde, mais, moi, c'est pareil. Je lui trouve aucune excuse. Il a fait des choix égoïstes et t'as laissé porter les conséquences et, ça, c'est pas normal. T'aurais pas dû être seule. Mes parents, ils t'auraient jamais rejetée parce que tu avais une autre maman. Lui aurait eu des problèmes, mais pas toi. » L'idée qu'il subisse les conséquences de ces choix me laissaient mitigée. D'un côté, il le méritait, je le savais mieux que quiconque. De l'autre, j'avais l'impression qu'on prenait part à ma propre bataille, que des inconnus s'en mêlaient mais son discours était nuancé. C'était de son propre chef que leur père avait décidé de régler son compte au mien et il le faisait, en quelque sorte, pour moi. C'était un concept encore nouveau pour moi, alors, oui, c'était un peu effrayant. A la rigueur, la solitude, je la connaissais. Ça n'avait rien d'inconnu et donc d'inconfortable. Là, c'était à se demander s'ils ne me considéraient pas comme faible et incapable de me battre pour moi-même. « Pourquoi défendre une fille que vous ne connaissez même pas ? Si ça se trouve, je suis mauvaise et je n'ai rien de bon en moi. Je suis l'ennemie à abattre. Il y a sûrement une raison à tout ce que j'ai vécu. » Encore et toujours le rejet. Mine de rien, c'était déstabilisant quand, soudainement, quelqu'un que je ne connaissais pas était prêt à en venir aux mains pour moi.

Oksana & Lena
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J'aurais voulu avoir toutes les réponses à ses questions et même la connaitre suffisamment pour être sûre de ne pas faire de bourde en lui parlant, mais c'était bien le nœud du problème. Concrètement, nous étions des étrangères liées par leur clan et ce passé sombre que je découvrais. Il n'empêchait que je voulais sincèrement réussir à la comprendre et lui apporter un minimum de soutien dans cette période compliquée. Aussi étrange qu'elle trouverait sûrement cet intérêt. Ce ne serait pas la première fois que je me ferais rembarrer, j'avais pris des habitudes au sein de ma famille qui ne fonctionnaient pas forcément avec les autres. Dans ce cas-ci, je partais en plus avec un handicap. Je n'en étais pas responsable et je ne pouvais même pas lui reprocher de me l'avoir imposé, il était simplement là parce qu'il y avait des a-priori et des sensibilités.

« - Ce n'est pas l'impression que tu m'as donné. Tu as su rester professionnelle lorsque Thiago était blessé et même cette fois là, lorsque l'on s'est parlé. Tu n'as pas saisi l'occasion d'avoir un mot mauvais pour nous alors que nous agissions comme des idiots qui ne comprenaient décidément rien à rien. »

Je n'avais pas vraiment à me plaindre d'avoir un mauvais jugement lorsqu'il s'agissait des autres. Cette fille me donnait juste l'impression d'être paumée à cause de tout ce qu'il se passait dans sa vie et des mensonges qu'on lui avait imposé. Elle avait besoin de solidité pour compenser ce père médiocre qui lui avait fait tant de mal.

« - Je me doute que ça ne doit pas être simple à saisir. Même notre famille a tendance à oublier son côté atypique. C'est juste que... On a toujours agit comme ça. C'est comme ça que ça marche chez nous. Pas très satisfaisant comme réponse, je sais. Même si on est pas toujours en bons termes, on s'épaule lorsque c'est vraiment nécessaire. Notre père nous a éduqué comme ça et ça s'est étendu aux cousins. On ne laisse personne derrière. Je le sais parce que j'ai eu la chance de les avoir. Ma mère ne m'a jamais vraiment aimé, heureusement il y avait mon père. Il a préféré me prendre avec lui malgré les deux enfants qu'il élevait déjà. Après la famille s'est encore agrandie, mais personne n'a été laissé de côté. Tout ça pour dire qu'on a tous nos histoires et qu'elles ne sont pas obligées de nous définir. Pour moi, tu n'es pas une ennemie, juste une nouvelle rencontre. »

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« Ce n'est pas l'impression que tu m'as donné. Tu as su rester professionnelle lorsque Thiago était blessé et même cette fois là, lorsque l'on s'est parlé. Tu n'as pas saisi l'occasion d'avoir un mot mauvais pour nous alors que nous agissions comme des idiots qui ne comprenaient décidément rien à rien. » Elle avait oublié une petite nuance ou n'en tenait pas compte alors que ça aurait été légitime ; il n'était pas au courant de mon existence à ce moment ou plutôt n'avait pas conscience qu'il parlait à quelqu'un qui faisait partie indirectement de leur famille. Encore une fois, je l'écoutais sans l'interrompre mais dans ma tête se formaient un bon nombre de réponses toutes trouvées en même temps. « Le devoir d'une sous-infirmière est de soigner ceux qui arrivent en piteux état à l'infirmerie. En plus, ce n'est pas exactement comme si Thiago était celui qui m'avait fait le plus d'ombre. Je ne dis pas que mon père... Ton oncle... Enfin, tu vois ce que je veux dire... Enfin, tout ça pour dire qu'il ne le déteste pas mais il passe plus de temps avec... Enfin, elle. » Yulia, c'était encore impossible de prononcer son nom. Tant pis si elle finissait par me détester parce que je parlais comme ça de sa cousine. Je ne pouvais pas changer autant d'années d'incompréhension et de désamour en un claquement de doigts et surtout pas dans l'unique but d'être acceptée. Je ne changerai pas pour les autres. « Et vous ne saviez rien, donc vous ne pouviez rien comprendre. » Encore un haussement d'épaules, comme pour insister sur l'évidence et le fait que je ne leur en tenais pas rigueur.

« Je me doute que ça ne doit pas être simple à saisir. Même notre famille a tendance à oublier son côté atypique. C'est juste que... On a toujours agit comme ça. C'est comme ça que ça marche chez nous. Pas très satisfaisant comme réponse, je sais. Même si on est pas toujours en bons termes, on s'épaule lorsque c'est vraiment nécessaire. Notre père nous a éduqué comme ça et ça s'est étendu aux cousins. On ne laisse personne derrière. Je le sais parce que j'ai eu la chance de les avoir. Ma mère ne m'a jamais vraiment aimé, heureusement il y avait mon père. Il a préféré me prendre avec lui malgré les deux enfants qu'il élevait déjà. Après la famille s'est encore agrandie, mais personne n'a été laissé de côté. Tout ça pour dire qu'on a tous nos histoires et qu'elles ne sont pas obligées de nous définir. Pour moi, tu n'es pas une ennemie, juste une nouvelle rencontre. » Une nouvelle rencontre ? Je contenais fièrement des larmes qui menaçaient de casser toute l'image que je me donnais depuis le début de cette conversation. Une partie de la barrière s'effritait et il était hors de question de me laisser aller. Il était vrai que je m'étais imaginé les premières rencontres d'un autre genre, beaucoup plus conflictuelles parce que je représentais l'ennemi à abattre tout naturellement, en tout cas dans ma tête. Ça, j'aurais pu le gérer aisément. La solitude, ça a tendance à vous faire sortir les griffes pour un rien, pour vous protéger. Quand il en coula une, puis deux, j'avais essayé de masquer ça le plus naturellement possible, à l'aide d'un poing serré mais ça n'avait justement rien de très naturel. Il fallait que je regarde mes pieds mais ça n'aidait pas, les larmes coulaient davantage. Putain de sensibilité gardée trop longtemps en-dessous de trop de colère et de rage vis-à-vis d'une vie pourrie. « Pourquoi ? S'il ne m'a pas assumée, pourquoi tu prendrais ce risque ? Je comprends pas. » Toujours les mêmes questions qui tournaient en boucle. Je reniflais bêtement, passant la manche de mon manteau sous mon nez, nez légèrement rouge.