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zorah ∞ penelope

Année 41, saison intermédiaire (après-midi 85) ✻✻✻ Elle pouvait entendre les esprits rire au loin de ses déboires. Ne les avait-elle pas respecté ? Zorah, fille de trop de gens pour qu'on les cite, n'avait jamais été une mécréante. Elle n'en abusait même pas comme Esfir. Ah, vraiment, ils devaient bien se foutre de sa gueule, où qu'ils soient. Un petit message d'alerte aurait été de bon ton. Elle demandait pas grand chose, la belle. Juste un petit signe qui l'aurait poussé à rester bien sagement à la maison. A la place, voilà qu'elle était perdue comme une galérienne en pleine tempête. Vie de merde. Et ce stupide vélo qui n'avançait pas. Elle se retenait de jurer et d'insulter toutes les forces supérieures, mais c'était uniquement parce qu'elle ne voulait pas plus d'emmerdes. Il ne manquait plus qu'une vengeance divine. Déjà elle sentait bien qu'il y avait un truc pas net avec son visage. Après la gamelle qu'elle s'était mangé, ça l'étonnait pas beaucoup. Mais quand même. Son beau visage. Pas de sang, ça se voulait être un bon signe mais ça n'assurait pas qu'elle finirait pas difforme. Elle voulait pas jouer les meufs superficielles, Zorah, elle se voulait juste consciente de ses atouts. On voyait pas souvent des moches faire exécuter tous leurs caprices. Fallait bien se rendre compte que la beauté faisait pas tout non plus. Prenez Annabella par exemple. Elle avait beau être une bombe avant de se faire refroidir, ça lui avait servi à que dalle.

Tout ça pour dire qu'elle était dans la merde, Zorah. Et qu'elle aimait pas trop être abandonnée de tous. Fallait pas confondre,  elle se débrouillait bien toute seule, mais elle crachait pas sur les opportunités de laisser les autres faire le boulot. Cette fois, faudrait bien qu'elle se sauve toute seule.

Son salut, elle le dû à sa bonne vue. Ou p't'être que c'était les esprits qui se faisaient pardonner. En tout cas, elle avait repéré de la vie et elle allait pas passer à côté de l'occasion de se mettre à l'abri. Il n'y avait pas grand chose d'ouvert et les Gardiens s'étaient carapaté depuis belle lurette.  Mais peut-être que celui là allait lui filer un coup de patte. Elle dû tambouriner un moment pour attirer l'attention jusqu'à ce qu'un sauveur potentiel apparaisse. Au féminin. Une gonzesse qu'elle avait jamais vu de sa vie mais elle sentait bien qu'elles allaient devenir proches, la Zorah. Des rencontres comme ça, ça gueulait comme le destin. « Rentre vite. » Elle se fit pas prier, Zorah. Étape un, rentrer dans la place, check. Avec un peu de bol l'usine serait assez solide pour les protéger. Y avait intérêt vu comment ça soufflait dehors. Elle avait jamais vu ça. A croire qu'un connard avait fâché la mauvaise personne. Elle était sûre que ses mères auraient un truc à dire sur le sujet. « Rien de cassé ? » Soucieuse qu'elle était, cette brunette. Y aurait peut-être un truc à faire. Zorah, elle haussa juste les épaules. « A part ma foi, pas grand chose. Sauf si faut que tu m'annonces que je suis défigurée. Là ça me foutrait le cœur en vrac. »


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Année 41, saison intermédiaire (après-midi 85) ✻✻✻ Elle ne s'était pas attendue à ce que la brunette la reluque, Zorah. L'idée la dérangeait pas, fallait pas croire. Ça lui avait jamais déplu d'être le centre de l'attention. Ils étaient juste pas nombreux ceux qui ne se laissaient pas bouffer par l'urgence et pouvaient capter une trace d'humour ou un truc pour détendre l'atmosphère. Même si, fallait pas se mentir, elle avait répondu ça avec tout le sérieux du monde. « Rien de catastrophique. Si ta question est de savoir si t'es devenue laide, ce n'est pas le cas. » Elle prendrait le compliment, même si il n'était pas très adroit. Elle lui glissa même un petit sourire, la satisfaction exsudant par tous les pores de sa peau.

Avec un tel début, elle n'aurait pas pu s'attendre à un tel enchaînement la Zorah. Putain d'esprits qui avaient perdu la boule. Elle crèverait le prochain qui ferait un commentaire au sujet du ciel lui tombant sur la tête parce que c'était exactement ce qui venait de se passer. On était en sécurité nulle part. Sauf quand on était comme elle, le genre de nana que les gens ne pouvaient pas s'empêcher de protéger. Elle n'avait pas trop apprécié de se faire bourrer comme l'attestait l'insulte qui s'était échappé. Mais elle n'avait pas mis longtemps à capter qu'il était temps de se carapater. Elle trouva quand même le moyen de ronchonner d'avoir à ramper de la sorte mais c'était entre elle et elle. Zorah, elle n'était pas totalement ingrate. Elle n'avait pas forcé l'autre à jouer les héroïnes mais fallait reconnaître qu'elle avait eu l'art de prendre les dégâts à sa place. « Ça va toujours, là en-dessous ? » Quelle question ! Sur quel genre d'idiote manquant de conscience d'elle-même était-elle tombée ? Elle sortit de sous la table en jurant à cause de l'état de ses fringues mais l'idée de se dépoussiérer s'envola vite vers des contrées lointaines. Trop de sang. Elle aimait pas trop ce qu'elle voyait. « Si, moi, ça va ? Tu te fous de ma gueule, là ?! » Elle n'avait pas toujours la loyauté des plus grands mais elle avait des manières et des valeurs que son père lui avaient inculqué. Lâcher quelqu'un ne lui posait pas de souci. Lâcher quelqu'un qui l'avait aidé, c'était pas le même délire. « Tu vois à quoi ça te mène de jouer les princesses charmantes ? » Qu'elle grogna avec mauvaise humeur avant de désigner la table qui lui avait servi d'abri une poignée d'instants plus tôt. « Assis. Faut que j'regarde ce que t'as. » Si ça se voyait qu'elle n'avait pas l'habitude qu'on ne cède pas à ses caprices, elle s'en foutait bien, Zorah.



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Année 41, saison intermédiaire (après-midi 85) ✻✻✻ « Pas besoin d'en faire tout un plat. Et puis tu crois que ça m'a pas effleuré de me protéger aussi ? J'suis responsable ici, j'allais pas te laisser sur le côté. C'est pas une question de jouer les héros. » Pas besoin d'en faire tout un plat ? Mais dans quel monde on était, là ? Zorah, elle ne voulait pas se répéter, parce que ce n'était pas dans ses habitudes, mais l'autre avait le sang qui poissait ses vêtements au niveau du bide. Ce n'était jamais une bonne nouvelle. Elle ne gagnerait rien à minimiser non plus. Ce n'était pas qu'un peu de sang qui était sorti comme ça. L'héroïne n'avait pas non plus l'air aussi bien que son discours le laissait entendre. « J'bosse pas ici. J'suis là par hasard. J'doute qu'on te fasse la leçon même si je venais à saloper le sol de ton usine. » Ce n'était même pas la question. Ce n'était pourtant pas compliqué de la boucler et de faire ce qu'on lui disait. Elle pouvait parler, Zorah, ce n'était pas son truc mais personne en était à parler d'elle. Aux dernières nouvelles, elle était la plus valide des deux et ça lui donnait un certain privilège. « J'suis contente que tu sois en un seul morceau. » « Ouais ben moi aussi. » Elle avait aucune intention de crever de cette façon, la Zorah. La famille aurait été trop triste et ça aurait rendu la situation trop prophétique. Après, chez Thiago et Yulia aussi ils avaient perdu leurs derniers nés. Putain, elle espérait que ça ne voulait pas dire qu'elle était l'aînée et que la destinée attendait Esfir au tournant. Elle voulait pas avoir à lui botter le cul, à la destinée. Elle ne voulait pas non plus perdre sa sœur. Comme si les raisons pour ça manquaient. A la furie aussi, elle allait lui tanner les fesses à son retour, juste à cause de cette pensée qu'elle venait d'avoir. Quelle idée de merde de la laisser toute seule en ville. Elle n'avait eu aucune envie de partir, Zorah, mais c'était pas une putain de raison.

Mais retournons à nos moutons. « Monte sur cette putain de table ou je t'y balance moi-même. » Elle n'avait pas la patience, la Zorah. Ce ne serait même pas une première. Ils étaient trop nombreux à l'avoir vu comme une petite demoiselle faiblarde et à s'en être mordu les doigts.



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Année 41, saison intermédiaire (après-midi 85) ✻✻✻ Cheh. A rigoler, elle en bavait, la grande patronne de l'usine. Zorah, ça ne lui plaisait pas de la voir souffrir, mais il était toujours satisfaisant de savoir qu'il y avait un karma pour ceux qui se foutaient de sa poire. Ou n'obéissaient pas à ses directives, pour ce que ça changeait. Elle agissait pour le bien de tous là et elle aurait apprécié qu'on la prenne au sérieux deux minutes. Ce que cette fille fit. Enfin. « Avant que j'oublie, le problème, c'est pas que le sol puisse être tâché, c'est que tu sois blessée. Je suis pas une fille altruiste mais j'avais pas envie de te laisser y passer. » Il voulait dire quoi ce charabia ? Zorah avait cessé de zieuter ses mouvements pour remonter le regard vers son visage. La brune avait l'air bien sincère et sérieux d'un coup. « Ok. » Elle était censée dire quoi d'autre, la Zorah ? L'intention était sympa mais ça changeait pas grand chose à la situation qu'elles avaient sur les bras. « T'es sûre que y a pas un truc qui t'est tombé sur la tête ? » Elle s'était approchée dans un réflexe, les mains posées délicatement des deux côtés de la tête de la brunette pour la mettre à sa hauteur et vérifier. Non. Pas de bosse. Elle se savait irrésistible mais il était peut-être un peu tôt pour les grandes déclarations. La vérification n'était pas superflue non plus, elle se disait ça, au moins.

D'une main sûre, elle récupéra le couteau accroché à sa cuisse et en testa le tranchant d'une pression légère du pouce. Parfaitement aiguisé. « J'espère que t'es pas trop attachée à tes fringues. » Qu'elle lui avait lâché tout en défaisant la veste. Elle l'avait même poussé des épaules de la patronne pour l'avoir hors des pieds. Pour les autres vêtements, elle ne pourrait pas grand chose. Elle avait ses limites, la Zorah, même lorsqu'on parlait de fripes. Trop de sang et de sales déchirures. Elle hésita donc pas à faire courir la pointe de sa lame le long du tissu pour le découper jusqu'à hauteur des côtes pour pouvoir se faire une meilleure idée des dégâts. « C'est pas joli-joli, ma grande. » Qu'elle siffla avec une grimace. L'autre jouait les balèzes mais ça ne devait pas faire du bien. « J'suppose que t'as pas des trucs qui pourraient être utiles pour ça dans le coin ? »



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Année 41, saison intermédiaire (après-midi 85) ✻✻✻ « Rien avec moi. Mon écharpe fera momentanément l'affaire si besoin. » Elle avait eu de l'espoir, Zorah, mais les esprits n'étaient décidément pas du côté de sa partenaire d'un jour. Par lien de cause à effet, ils ne l'aidaient pas non plus dans la manœuvre. Comme si ses mamans n'étaient pas assez dévotes, ça lui apprendrait à se sentir trop en sécurité et à les intégrer dans ses jurons quand elle faisait des taches sur ses fringues. Vie de merde. C'était de la faute des clans aussi. Parce que, bien sûr qu'on allait pas foutre une trousse de secours dans l'un des endroits les plus dangereux de la ville avec toutes ces machines qui coupaient et qui écrasaient les doigts malhabiles. « Nan. Ca suffira pas. » Elle n'avait même pas lancé un regard à la dite écharpe, Zorah. Elles étaient coincées dans le coin pour elle ne savait pas combien de siècles et l'écharpe devait être crade après le petit numéro d'héroïne de la demoiselle. « Quand on sort de ce merdier, tu vas me filer ton nom et ton clan et je viendrais te rendre une petite visite pour fouiller dans tes vêtements. Tu me devras bien ça. » Elle faisait un sacré effort, la Zorah, et le pire c'est qu'il ne serait sans doute pas reconnu à sa juste valeur. L'autre pourrait au moins se dire que se dessaper par un temps pareil méritait bien un merci. Il faisait un froid de canard et elle le sentit dès l'instant où elle dézippa sa veste pour la poser sur un coin de la table. Deux pulls plus tard et elle atteignait enfin sa tunique. Elle la troqua en vitesse contre l'un des pulls et zieuta un instant le précieux vêtement. Pas son préféré mais ça lui faisait quand même mal au cœur. Après la plus dramatique des inspirations, elle commença son massacre, Zorah. Elle coupa bande après bande jusqu'à ce qu'il ne reste que des chutes de tissus abandonnées au sol. Triste spectacle. Elle se rappela vite à l'ordre et termina le boulot en emballant les blessures avec toute l'expertise de quelqu'un qui avait vécu des années avec Esfir. « T'es pas toute réparée mais au moins on risque plus de te perdre en route. » Et puisqu'elle n'aimait pas le boulot mal foutu, Zorah, elle prit soin de l'aider à remettre sa veste et la referma pour elle.


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Année 41, saison intermédiaire (après-midi 85) ✻✻✻ « Penelope. Jaguar. T'apprendras rapidement que certains regretteront ce geste. On t'a jamais appris à te méfier des inconnus ? J'pourrais vouloir te buter. Tu sais rien sur moi. » Un rire lui dégringola de la bouche, mélodieux et sincère. Elle n'était pourtant pas si satisfaite que ça, la Zorah. Elle n'avait jamais aimé recevoir de grandes leçons. Être traitée comme une gamine sous prétexte que son interlocuteur avait survécu quelques années de plus était agaçant. Ce n'était pas pour rien qu'elle aimait les Vipères. On avait au moins le mérite de ne pas y trouver d'hommes bien pensants à la gueule débordante de bons conseils testostéronés. On la disait hautaine mais elle savait ce qu'elle valait. Elle pouvait avoir dix-sept ans et une vie devant elle mais ne pas manquer d'atouts. Pourquoi aurait-elle dû attendre que les saisons passent pour avoir confiance en elle ? Elle ne voulait pas crever en se sous-estimant, Zorah, encore moins qu'on se souvienne d'elle comme une fragile créature qu'elle n'avait jamais vraiment été.

« Oh, chérie, je pourrais te dire exactement la même chose. » Elle lui glissa son sourire charmeur, celui qui en faisait fondre plus d'un et rendait l'attaque plus facile encore. Elle savait l'image qu'elle renvoyait, la belle. Zorah et ses airs de poupée fragile, petite fille juste femme comme il fallait qu'on aimait s'imaginer protéger jusqu'à ce qu'on ait le couteau enfoncé jusqu'à la garde entre les côtes. Un rôle soigneusement poli qui n'était qu'une facette parmi tant d'autres. Sans doute pas la plus sincère de celles qui la façonnaient. Elle s'égaya quelques secondes plus tard, l'œil pétillant et les mouvements souples pour se hisser sur la table à côté de sa bonne action du jour. Penelope. Un prénom qui lui allait à merveille, tout en longueur et en intensité. « Tu dois connaître au moins quelqu'un de ma tribu. » Elle avait eu un petit mouvement des épaules, le sourire en coin plein d'affection. Avec des membres dans tous les sens et de tous les âges, on formait vite des ponts. « Sergueï. Anya. Oksana. Tu dois te trouver dans leurs âges. Au pire, Thiago pour toutes les mauvaises raisons. » Le mouvement de ses jambes dans le vide était enfantin, une réaction que la discussion lui arrachait et qu'elle laissa exister car elle n'avait rien à perdre. La jolie Jaguar lui en devait déjà une. « Si ça te rassure, t'as qu'à te dire que j'ai fait ça à cause de l'appel du sang félin. »


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