Petra & Iggy

année 41 ; saison intermédiaire ; journée 85

  un message perdu dans la tempête

Jamais transmettre un message n'avait été aussi risqué et dangereux, ce qui n'était pas franchement surprenant puisque je n'étais pas Messagère assignée aux Jaguars depuis plus d'une saison. Qu'on ait des frontières communes avait soulagé le trajet et diminué les risques de blessures graves mais même une fois sur le territoire des Jaguars, les frontières franchies, je n'en menais pas large. Une sentinelle m'aidait malgré l'urgence sur le territoire, sous prétexte que Noâ n'aurait pas voulu qu'on laisse une Messagère en mauvaise position, même s'il ne s'agissait pas d'un Membre de leur clan. Cette chef m'avait laissé une première bonne impression et cette impression n'avait pas changé d'un poil mais là, je me réjouissais plus que jamais d'avoir été assignée à leur clan et non aux Dragons. J'aurais certainement fait profil bas face aux Dragons mais ça ne m'aurait pas empêché de cracher mon venin une fois chez mon frère ou au bar à drogue. Peut-être que le lien étroit que j'avais avec les Jaguars avait joué dans la balance, peut-être que non. Il aurait fallu que Théa ait appris, avant ma nomination, que j'avais une grand-mère et un cousin dans ce clan. Ma grand-mère se faisait discrète et venait, elle, sur le territoire des Vipères, parce qu'elle était têtue et mon cousin ne me ressemblait pas parce qu'il avait été adopté.

Je ne connaissais pas le territoire par coeur mais je savais que je ne reconnaissais pas le quartier, donc je n'aurais pas eu le temps de me cacher chez eux. Il fallait trouver rapidement une autre solution. La sentinelle m'avait laissée aux portes du quartier général, derrière un grand groupe qui s'agitait pour y entrer, parce qu'elle avait d'autres priorités et je n'allais pas m'énerver après tout ça. Je jetais de temps en temps un coup d'oeil au-dessus des épaules de ce groupe de personnes mais derrière moi, ça se bousculait aussi. Des coups de coudes et une chute et je sentais une douleur violente au niveau de ma poitrine. Rien de musculaire. Bousculée et poussée en arrière, j'entendis des plaintes et découvris une gamine complètement isolée. Je scannai rapidement son corps et découvris une cuisse en sang. « Hey, moi, c'est Petra, une Vipère en visite. Je peux t'aider ? » J'espérais m'y prendre correctement car, malgré son jeune âge apparent, elle aurait pu détester qu'on la traite comme une enfant. Malgré tout, elle aurait pu être cette petite soeur dont j'avais toujours rêvé, quand j'étais une gamine.

Iggy & Petra
A41 SI J85

un message perdu dans la tempête

Elle n'avait jamais vu autant de sang et le fait que ce soit le sien n'arrangeait rien. Il se glissait entre ses doigts, d'une chaleur écœurante, alors qu'elle tentait de faire pression pour qu'il arrête de couler. Ses mains tremblaient tellement que même ce simple geste n'avait rien d'aisé. Le fait que cela ravive la douleur n'aidait en rien. La seule raison qui la poussait à continuer d'appuyer était qu'elle avait plus peur de se vider de son sang que de souffrir. Complètement paniquée, elle aurait été bien incapable d'avoir un point de vue clair sur la gravité de la situation. Elle était seule et en mauvaise posture alors que le vent ne faisait que gagner en intensité, dans son esprit encore trop enfantin, c'était tout simplement la fin du monde. Elle ne comprit qu'elle pleurait depuis un bon moment que lorsqu'une mystérieuse femme apparu soudain et que ses sanglots redoublèrent, les larmes roulant sur ses joues glacées par le vent.

- S'il te plaît.

Petra, donc. Elle n'avait pas pensé à se présenter à son tour, se contentant d'une pitoyable réponse qui la faisait encore plus passée pour une gamine perdue sans ses parents. A cet instant, elle se fichait bien que sa sauveuse soit une Vipère dont elle n'aurait su s'expliquer la présence. Elle était là et c'était bien tout ce qui comptait.

- J'ai mal. Partout dans la jambe. J'arrive même pas à poser le pied par terre.

Sa cuisse était bien plus visible à cause de son pantalon ensanglanté, mais elle avait très nettement senti son pied se dérober sous elle, une nouvelle douleur la foudroyant, lorsqu'elle avait voulu se déplacer un peu plus tôt. L'un dans l'autre, c'était à peine si elle se voyait remuer la jambe droite.

Petra & Iggy

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  un message perdu dans la tempête

Le plus déchirant dans l'affaire, c'était cette fille qui pleurait certainement à cause de la douleur et parce qu'elle devait avoir le sentiment d'être perdue. Elle m'avait donné l'impression d'avoir baissé les bras et d'avoir eu à l'esprit d'attendre une morte presque certaine en restant complètement isolée dans ce cul-de-sac. C'était ça ou son corps qui ne lui avait plus permis de faire un pas de plus. Les deux hypothèses se tenaient mais ce dont j'étais sûre, c'était que ça ne m'allait pas de l'entendre pleurer à chaudes larmes. qu'elle soit une Jaguar ou une Vipère ne changeait rien, ça ne faisait jamais plaisir de trouver une adolescente dans un état pareil.

« S'il te plaît. » Au moins, elle ne restait pas complètement paniquée et pétrifiée, ce qui me faciliterait les choses et, avec un peu de chance, il lui fallait juste ce coup de pouce pour ne pas se laisser totalement aller. « J'ai mal. Partout dans la jambe. J'arrive même pas à poser le pied par terre. » Dans un premier temps, j'avais pensé à la prendre dans mes bras, dans un meilleur état, ça n'aurait pas été totalement impossible. Malheureusement, mes côtes me faisaient un mal de chien à chaque mouvement et, même si je supportais bien la douleur en temps normal, les conditions n'aidaient pas. Je pouvais l'épauler mais en faire trop serait suicidaire et elle risquerait de paniquer un peu plus. Je pris mon écharpe que j'enroulai autour de la blessure qu'elle tentait de compresser après avoir retiré sa main, elle ne tiendrait pas tout le long si elle était penchée pour empêcher le sang de couler. Le plus urgent était de trouver un abri et, une fois l'endroit trouvé, il serait encore temps de se pencher sur le reste, si nécessaire. « Tu connais une maison en particulier ou je tente ma chance n'importe où ? » L'idéal serait un endroit familier, qu'elle puisse vraiment souffler mais on n'avait pas toujours ce qu'on voulait, surtout en pleine tempête. Je lui tendis alors la main. « A trois, tu t'appuies sur ma main de toutes tes forces pour te relever, d'accord ? Un, deux, trois. » La soutenir me fit grimacer parce que ça relançait mes côtes mais je pouvais bien subir le temps de nous mettre à l'abri. Je pris sur moi pour ne pas montrer trop de signes de douleur.

Iggy & Petra
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un message perdu dans la tempête

Durant la rébellion, elle avait détesté ce sentiment d'impuissance qu'elle avait ressenti. Elle n'avait pu que se recroqueviller derrière ses parents en attendant que les combats passent et elle avait eu de la chance. Alors, lorsque la nouvelle loi était passée, elle avait cru que c'était là l'occasion de se débarrasser un peu plus tôt que prévu de cette impression. Membre, elle avait toujours voulu l'être, ce n'était que le temps qu'il lui restait à attendre qui changeait. Aujourd'hui, elle se retrouvait une nouvelle fois dans cette situation, mais tout était pire et elle ne gérait pas bien le stress que cela générait. Vouloir passer le Test avait sûrement été un peu prémédité si on se référait à sa réaction dans tout ce chaos. Après s'être planquée dans un coin, voilà qu'elle laissait quelqu'un d'autre prendre les commandes sans broncher. Elle avait laissé Petra entourer sa jambe de son écharpe, grimaçant lorsque la pression s'était fait plus forte, de nouvelles larmes s'échappant.

- Non. Ma maison est loin. Je ne connais pas bien cette rue.

Machinalement, elle frotta sa main ensanglantée contre sa jambe valide, dérangée par tout ce rouge. Que ce soit son propre sang n'aidait pas. L'idée de retenter de se mettre debout n'avait rien de tentant, mais tout était relatif lorsqu'on le plaçait à côté d'une nouvelle heure passée au milieu de la tempête. Elle se saisit de la main tendue et s'efforça de se redresser, usant du mur avec son autre main pour se stabiliser. Les mouvements l'avaient poussés à grimacer et à gémir, la vague de douleur dansant de sa cheville à sa cuisse. Mettre juste un tout petit peu de poids était déjà peine tenable, elle ne se voyait donc pas marcher.

- Je vais pas pouvoir aller loin.

Petra & Iggy

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  un message perdu dans la tempête

« Non. Ma maison est loin. Je ne connais pas bien cette rue. » Je n'avais pas le choix, j'allais devoir improviser et compter sur ma chance pour trouver une maison vide ou une maison dont les habitants accepteraient d'accueillir à la fois une enfant probablement inconnue et une Messagère. Nos clans avaient beau être alliés, ça ne signifiait pas qu'ils étaient dans l'obligation de coopérer avec une étrangère et je n'en restais pas moins qu'une étrangère pour tous les Jaguars qui ne connaissaient pas ma famille. Et ils étaient beaucoup plus nombreux que ceux qui la connaissaient.

« Je vais pas pouvoir aller loin. » Si seulement j'en avais eu la force, je l'aurais prise dans mes bras pour qu'elle n'ait pas à s'appuyer sur son pied mais mes côtes me faisaient un mal de chien, je n'aurais pas tenu la longueur. Alors, je m'efforçais de la maintenir le plus possible jusqu'à une maison complètement vide de ses propriétaires, à une bonne trentaine de pas. Il allait falloir pour elle, comme pour moi, qu'elle s'accroche jusque-là. « Allez, quelques pas et tu pourras te poser. Accroche-toi le plus possible à moi et je suis certaine que tu vas y arriver. » Les encouragements et le soutien physique étaient mes seuls instruments en l'occurrence. Il nous fallut du temps mais une fois dans cette bâtisse en piteux état, je fis mon possible pour l'aider à s'installer aussi confortablement que la situation le permettait, mon sac posé sous sa cheville abîmée. « Ici, on sera un peu plus en sécurité que dehors. » Il me fallut du temps pour reprendre mon souffle et lui tendre un bout de tissu que je gardais toujours avec moi, un peu pour conjurer le sort et, de cette façon, prévenir les soucis de plaie.