Wyatt & Klaus

année 41 saison polaire (jour 41)

too much work

La bataille datait déjà d’il y a deux jours et pourtant nous n’en finissions pas de voir les patients défiler, du chair à pâté au Spécialiste le plus aguerri. Tout le monde avait été touché, de manière plus ou moins importante. Le moins qu’on puisse dire c’est que ça nous forgeait le caractère. Il n’était pas question de tomber dans les pommes, pas question non plus de vouloir se reposer pendant des heures. Il y avait bien les Soigneurs mais ils n’étaient pas formés de la même manière que nous. Je ne les voyais pas comme nos larbins, seulement quand tous se bousculaient l’un à la suite de l’autre, j’avais besoin d’espace, sinon je devenais dingue. La concentration était notre meilleur atout. Parce que j’étais minutieux et perfectionniste, il m’arrivait d’houspiller celui qui traînait dans mes pattes. Je n’étais pas un mauvais bougre mais quand je travaillais, plus rien n’avait d’importance. Le bruit me dérangeait beaucoup moins, j’avais une capacité de concentration assez inouïe. Certains doutaient de ce « don » mais il suffisait de vérifier l’état de ceux qui passaient chez moi pour qu’ils l’admettent – ou non, après tout, il y en avait toujours pour être de mauvaise foi –. Cette bataille pouvait bien être nécessaire pour asseoir le pouvoir des Dragons et faire passer le message que nous n’étions pas le clan le plus faible, ça avait fait de beaux dégâts parmi nos Membres. Le temps allait être un problème supplémentaire selon les douleurs et les soucis de santé. Par moment, j’avais le sentiment que nos gradés oubliaient qu’ils envoyaient des êtres humains sur le terrain et non des machines. Je ferais tout pour défendre mon clan si la guerre était déclarée, aucun souci, mais avant tout je défendrais les humains. La vie ne semblait pas valoir grand-chose pour notre haute sphère. Nous étions en dernière ligne, nous n’avions pas risqué nos vies, pas autant que les autres Spécialistes et pourtant j’avais le sentiment d’avoir vécu toute l’intensité de la lutte. Les récupérer pour les soigner directement, passer parfois à côté d’un corps mutilé, le corps d’un ennemi. Je n’avais encore jamais vécu ça et si je tenais bon, c’était par fierté, pour ne pas avoir l’air trop sensible. J’aurais aimé pouvoir les sauver mais, assez égoïstement, je ne voulais pas mourir. Même si j’avais rejoint l’équipe des infirmiers, je n’avais pas l’autorisation de soigner tout le monde. J’étais un soldat avant tout. Quand enfin j’avais un moment de répit, je m’étais adossé contre un mur du couloir, à peine sorti de l’infirmerie. J’avais besoin de souffler un peu. C’était toujours comme ça, je mettais le masque du Spécialiste Infirmier le temps de soigner ceux qui venaient nous voir et quand c’était bon, tout mon corps subissait le contre-coup de cette concentration intensive. Klaus passait déjà la tête. « Tu crois que ça se calmera quand ? » J’essuyai mon visage avec mon pull. Je suais.

Klaus & Wyatt
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Les blessures étaient nombreuses, parfois graves, mais bien loin de ce qu'elles auraient dû être. Dans une telle attaque, même avec l'effet de surprise et la supériorité numérique, ils auraient dû au moins perdre un cinquième, voir un quart de leurs combattants. Klaus n'était pas ignorant de la raison de ce constat favorable pour le clan. L'aide des Vipères avait été précieuse et avait permis aux Dragons de remporter une victoire propre. Pour autant, c'était toujours trop à ses yeux. Ce n'était pas de la sensiblerie, il savait - et chaque Membre le savait aussi - que s'engager signifiait faire un pari avec la mort. Le problème, c'était qu'on lui avait promis de meilleurs résultats. A entendre les gradés, ce serait une offensive facile. Rentrer, tout détruire, partir avec le butin. Bien sûr, la réalité du terrain était toujours différente et il ne pouvait s'empêcher de ressentir une pointe d'amertume en constatant qu'ils n'en avaient pas assez tenu compte. Les décès ne se limitaient pas qu'à des chairs à pâté trop peu entraînés ou mal armés. Des Aspirants et des Spécialistes avaient été touchés. Même leur précieuse équipe Fine Lame, fleuron des combattants, n'était pas sortie indemne. Cette fois-ci, le risque en avait valu la chandelle, mais il doutait qu'ils aient la même chance la prochaine fois. Surtout après le coup de pute fait aux Vipères. Cet acte là serait le prix le plus lourd que le clan aurait à payer.

- Merde !

Il venait de louper son point. La suture qu'il était en train de faire n'était pas aussi bonne que d'habitude. Il aurait pu la faire les yeux fermés et, à la voir, rien ne clochait, mais lui pouvait repérer les minuscules imperfections. Il avait besoin de faire un break. Il termina rapidement et laissa le soin à un autre de s'occuper du bandage. La fille qu'il venait d'avoir sous les mains s'en sortirait, mais il avait peur que la profondeur de la plaie ne provoque des dégâts définitifs au niveau moteur. Ils avaient mis trop longtemps à gérer le vrai problème. L'idée lui était déplaisante, mais il avait appris à ne pas prendre les choses trop à cœur. Il oublia son inquiétude pour cette Membre qui s'était évanouie après le dix-huitième point interne qu'il avait fallut refaire dès qu'il quitta son chevet. Compartimenter était trop important dans ce boulot ou il finirait par se paralyser. Ou par devenir fou. Les deux possibilités se tenaient. Lorsqu'il sortit dans le couloir, il fut surpris de découvrir Wyatt. Avec tout ça, il n'avait pas eu beaucoup le temps de prendre le pouls de sa propre équipe. Plus que d'habitude, il devait compter sur leurs capacités à se démerder.

- Bientôt. Enfin la première vague. On en a pour des jours. Complications, soins supplémentaires, vérifications, infections,... Le corps ne laisse pas de repos aux soignants.

Il n'allait pas lui mentir, recouvrir ses paroles de sucre n'était pas son truc.

- Prends ta veste. Tu as besoin d'air frais.

Klaus mena la marche vers l'entrée du QG. Il se posta juste devant la porte, là où ils étaient un peu abrité du vent. Par réflexe, il sortit une clope de sa poche, la porta à ses lèvres et l'alluma de son vieux zippo. Ce salaud fit un caprice, le poussant à recommencer trois fois avant d'obtenir une flamme. Les yeux levées vers l'aube naissante, il inspira lentement ce mélange de fraîcheur de matinée à venir et de fumée.

- C'est cruel à dire, mais ce sera une bonne expérience un jour. On ne peut pas apprendre comme ça en s'entraînant. Si une véritable guerre se déclenche, le résultat sera bien pire.

Il tapota la cendre, les yeux fixés sur ses doigts rougis par le sang dont il n'avait pas encore réussi à se débarrasser.

- Ta tête, ça va ?

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L'aile médicale était un champ de bataille. Ça n'avait rien de surprenant mais c'était bien la première fois que je faisais face à une telle situation d'urgence. L'urgence allait de pair avec le bordel. Les uns se bagarraient parce qu'ils devaient patienter, les autres pleuraient et hurlaient parfois, quand ils ne sombraient pas dans l'inconscience à cause de la douleur et nous devions gérer tout ça. Les gradés - si on omettait notre Lieutenant - avaient participé, ou non d'ailleurs, à l'attaque et n'avaient plus qu'à être soignés pendant que nous trimions. Ceux qui s'étaient battu méritaient bien de profiter, autant qu'ils le pouvaient, de ce moment d'accalmie parce qu'ils s'étaient épuisés là où nous avions participé tout autrement. Ceux qui avaient pris la décision et que nous n'avions pas vu durant cette attaque monstrueuse ne méritaient pas notre considération. Je gardais ça pour moi parce que les murs avaient des oreilles et que je ne voulais pas tomber pour eux et leur ego mais je goûtais à l'amertume. Nous n'avions que très peu de moments de répit, ceux qui s'imposaient à nous. Avec toute cette charge de travail, ce n'était que quand notre corps nous lâchait que nous décidions d'arrêter pour ne pas faire du travail bâclé. Eux ? Ils étaient certainement en train de se reposer tranquillement. Je n'étais pas au bas de l'échelle mais je n'avais toujours pas l'impression d'être respecté à ma juste valeur. Je ne pensais pas valoir plus qu'un autre Spécialiste ou même qu'un autre Membre, mais j'étais tout de même en train de m'acharner pour réparer les conneries causées par le coup de tête du haut de la hiérarchie. J'étais certain qu'une partie aurait pu encore être évitée si nous n'avions pas attaqué en pleine saison polaire, mais après tout, qu'est-ce qu'un petit Spécialiste Infirmier pouvait en connaître des règles de la guerre ? Heureusement, je n'étais pas seul pour ruminer tout ça. Klaus avait pris sa pause en même temps et, comme toujours ou presque, semblait jouer son rôle à la perfection. Il nous écoutait, nous enseignait des tas de choses et ne nous prenait pas pour des gosses. Il nous parlait toujours franchement. « Oui mais il y aura moins de monde. » Je n'étais pas totalement naïf, moins de monde ne signifiait pas beaucoup plus de repos, ni des personnes plus calmes mais simplement un premier tri qui ne ferait pas de mal. La foule, je la supportais tant que j'étais plongé dans mon travail mais après, c'était une autre affaire. Je n'en parlais pas aux autres mais ils devaient déjà avoir remarqué que je n'étais pas le même pendant les soins et après ceux-ci. Sans chipoter, j'avais obéi tout à fait naturellement à l'ordre - qui ressemblait davantage à un conseil de sa part -, pris ma veste et le suivis sans un mot. Je n'étais déjà pas le plus bavard d'ordinaire mais alors avec notre Lieutenant... Une fois arrivé à l'entrée du quartier général, je me plantai sur le côté, sans un mot, l'observant presque timidement. Il ne me faisait pas peur, mais j'étais à peu près comme ça avec tout le monde, peut-être un petit peu plus avec lui parce que j'avais toujours peur d'en faire trop, de faire la boulette qui l'exaspérerait. Pourtant, il n'avait rien d'un tyran. « Est-ce qu'il y a des chances pour que les Vipères et les Jaguars ne nous retombent pas dessus après ce qu'on a fait ? » J'étais réellement curieux, après tout, j'étais concerné par tout ça, comme tous les Dragons. Comme toujours, il se montrait soucieux de notre santé. Peut-être un peu trop. Je n'avais pas l'habitude avec une sœur et deux frères de parler. Je leur laissais toute la place, tout le temps. Une habitude d'aîné. « Oh, ce n'est pas grand-chose. Ça passera avec un peu d'air frais. » C'était ce que je répétais constamment et c'était vrai, dans le fond. Cela ne signifiait pas pour autant que je n'évitais pas de trop me centrer sur moi-même.

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Moins de monde... Il ne le manifesta pas, mais, dans l'esprit de Klaus, ce moins de monde résonnait avec une certaine lourdeur. La population visitant l'aile médicale pouvait tout aussi bien diminuer à cause d'une nouvelle vague de morts. Personne d'autre n'avait besoin d'avoir cette idée en tête, néanmoins. Rien n'était encore gagné, même pour ceux qui avaient déjà quittés leur garde. Combien n'avaient pas été retrouvés chez eux, morts, sans que personne ne puisse avancer une explication ? C'était juste comme ça. Le corps humain était bien trop compliqué pour leurs maigres connaissances. Mais ils donnaient tout ce qu'ils avaient avec les outils qu'ils avaient dans les mains et, pour le moment, c'était bien suffisant. Pas qu'ils avaient un quelconque choix en la matière. A moins d'une avancée extraordinaire, les infirmiers ne pourraient pas faire de miracles. Et encore.

- J'en doute. Ce n'est pas comme si nous avions été exemplaires par le passé.

La question était complexe et simple à la fois, comme tout dans la vie.

- Maintenant, ce n'est pas non plus une certitude. Ce temps, aussi calamiteux soit-il, nous aide beaucoup. Il peut se passer des choses qui changeront la donne pendant la saison polaire. Si s'en est bien une. Des ennemis peuvent être perçus comme des alliés lorsque la situation est critique.

Il doutait néanmoins beaucoup que les Vipères passeraient au-dessus de cette trahison puérile orchestrée par les deux andouilles. Si elles avaient acceptés un accord avec les Dragons pour se venger d'une sombre histoire d'espionnage, elles pourraient sûrement faire bien pire maintenant qu'ils avaient le sang de leurs Membres sur les mains. Qu'elles aient été abattues aussi froidement n'aiderait pas non plus.

- Je sais que c'est facile à dire, mais ne sature pas trop ton esprit avec des interrogations à ce sujet. Les gens comme nous se doivent de gérer un problème à la fois. C'est comme ça qu'on tient le coup. Tu auras tes réponses en temps voulu.

C'était si facile à dire que lui-même avait un certain mal à appliquer cette leçon. Il ne pouvait pas non plus se permettre de progresser totalement à cette allure à cause des décisions à prendre avec les autres Lieutenants. Décisions qui, fort heureusement, n'entreraient pas en ligne de compte avant un moment. Il ne pouvait vraiment pas se permettre de trop de soucier de la politique pour le moment, il y avait trop de travail à faire.

- C'est quand la dernière fois que tu as dormi ?

D'habitude, il tâchait de garder en tête les prises de service de son équipe, mais les circonstances rendaient cette pratique impossible. Il y avait trop de mouvements, le temps s'écoulait d'une façon irréelle et les codes du quotidien ne s'appliquaient plus. Il n'empêchait que son équipe avait besoin de repos. Parfois, il valait mieux ça que d'avoir un boulet à la vision brouillée sur les bras.

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« J'en doute. Ce n'est pas comme si nous avions été exemplaires par le passé. » Encore une fois, Klaus avait raison. Il était drôlement avisé, ce n'était pas un Lieutenant qui aurait tout dans les muscles et rien dans la tête. Je ne partais pas du principe qu'un Lieutenant était de ce genre. Le fait qu'il ait vécu plusieurs générations de fournées et qu'il soit déjà âgé aidait certainement à avoir une vision plus objective et logique mais ce n'était pas tout. C'était un homme réfléchi et posé. « Maintenant, ce n'est pas non plus une certitude. Ce temps, aussi calamiteux soit-il, nous aide beaucoup. Il peut se passer des choses qui changeront la donne pendant la saison polaire. Si s'en est bien une. Des ennemis peuvent être perçus comme des alliés lorsque la situation est critique. » En effet, le temps nous aidait pour le moment. En fonction des pertes dont les clans allaient souffrir, ils allaient peut-être réfléchir à deux fois, pourtant, j'étais conscient qu'ils avaient suffisamment de raisons pour nous tomber dessus. Il faudrait croiser les doigts pour que Samuel et Jayden justifient leur geste ou, en tout cas, n'aggravent pas le cas du clan. Malheureusement, depuis qu'ils étaient à notre tête, la chance n'était pas franchement de notre côté. « Heureusement que nous avons le temps de notre côté. » Le sous-entendu était là et je ne doutais pas de Klaus, il allait forcément le comprendre. J'espérais juste que je ne franchissais pas une ligne dangereuse. Parfois, à être trop à l'aise avec un Lieutenant aussi ouvert, on oubliait sa place.

« Je sais que c'est facile à dire, mais ne sature pas trop ton esprit avec des interrogations à ce sujet. Les gens comme nous se doivent de gérer un problème à la fois. C'est comme ça qu'on tient le coup. Tu auras tes réponses en temps voulu. » Un bon conseil, une nouvelle fois. Bien que ce soit plus facile à dire qu'à exécuter, comme il l'avait dit. La priorité serait toujours les soins, c'était évident, mais comme tout Membre appliqué, je craignais qu'on ne s'enfonce un peu plus. Je voulais leur faire confiance mais c'était tellement difficile, surtout quand ils ne semblaient pas partager la vie des Membres. C'était déjà dommage pour les Soumis, mais alors les Membres ? Chad était présent, lui. « Je te promets d'essayer, au moins, pour le bien des patients. » C'était eux qui comptaient dans l'histoire.

« C'est quand la dernière fois que tu as dormi ? » La question était légitime mais faisait peur. Je ne me leurrais pas, il la posait pour mon bien et certainement encore plus pour le bien des patients, justement. Seulement, travailler était une nécessité pour moi. J'étais trop maladroit dans la vie de tous les jours. Encore plus maladroit à la maison, en plus d'être pratiquement inexistant. Même quand j'étais chez moi, ils venaient me voir et aussi gauches qu'attentionnés, ils finissaient par envahir mon espace sans réellement me faire du bien. Ils ne voulaient que ça, j'avais conscience de ça, mais c'était souvent juste à côté de la plaque. J'avais vite fait de fuir son regard, préférant fixer le mur à ma droite. « Je dors, je t'assure mais j'ai besoin de ça, de tout ce travail. Je prends des pauses aussi. » J'espérais que ça lui suffirait. Je ne mentais pas mais je ne donnais ni de date, ni d'heures. Je ne me serais jamais permis devenir travailler si je n'avais dormi que deux ou trois heures mais je n'avais pas besoin de beaucoup d'heures de sommeil, dans tous les cas.

Klaus & Wyatt
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Jamais il n'avait douté de la dévotion de Wyatt pour ses patients, c'était ce qui faisait de lui un excellent soigneur. Il avait cette aptitude de concentration remarquable qui le rendait particulièrement performant en écartant les distractions, mais cette empathie qui lui permettait de ne pas perdre le contact avec la réalité du terrain. Il se doutait bien que, toutes ces questions, il ne se les posait pas le moment venu. Les réflexions venaient avec les breaks où il était plus facile de se laisser distraire. Il se donnait sûrement aussi à fond pour ne pas trop gamberger ou une autre fuite dans le genre. En tout cas, c'était l'impression que Klaus se faisait.

- C'est à toi que je pense pour le moment.

Il s'était contenté d'agiter un peu l'index vers lui pour éviter de le toucher. Parfois, il oubliait que les contacts physiques trop surprenants n'étaient pas au goût du Spécialiste et il tentait de remédier à cette mauvaise habitude. Il n'était lui-même que tactile par moment - une main sur l'épaule ou une tape dans le dos -, mais il n'entendait pas le faire aux dépends des autres.

- Que tu restes dans le coin, ça me dérange pas. Multiplie peut-être juste tes pauses. Prends l'air un peu plus, mange avec régularité. Je te fais confiance. Et je sais que tu sais que c'est important. Ce temps fatigue encore plus. Je comprends que tu en ais besoin et c'est vrai que ça sert nos intérêts. Mais je n'hésiterais pas à te sortir si tu te décarcasses trop.

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« C'est à toi que je pense pour le moment. » J'avais parfois du mal à entendre ce genre de vérités. Oh, je ne prétendais pas que je n'avais pas de valeur aux yeux des autres ou que je ne méritais pas d'attention, mais, en règle générale, on ne me voyait pas. C'était aussi simple que ça. Je ne faisais pas beaucoup de bruit, je n'attirais pas l'attention sur moi et j'étais même parfois bien heureux que les feux des projecteurs ne soient pas braqués sur moi. C'était dans ma nature, l'introversion m'allait comme un gant. Ma propre famille m'oubliait, quand elle ne me tombait pas dessus quelques jours après, pour rattraper sa bourde. Alors qu'on pense à moi, juste à moi et mon bien être, ça me donnait une impression bizarre, presque inconnue. Ce n'était certainement pas un mal, pour moi, d'avoir un Lieutenant comme Klaus, il pensait parfois plus à moi que ma propre famille ou... moi.

Pour seule réaction à cet index agité sous mes yeux, je m'étais gratté nerveusement la nuque, plus gêné qu'autre chose. Je n'étais pas le plus adroit quand il s'agissait de remercier les autres. A vrai dire, je me demandais s'il y avait bien quelque chose que je savais faire, à part peut-être soigner les gens. « Que tu restes dans le coin, ça me dérange pas. Multiplie peut-être juste tes pauses. Prends l'air un peu plus, mange avec régularité. Je te fais confiance. Et je sais que tu sais que c'est important. Ce temps fatigue encore plus. Je comprends que tu en ais besoin et c'est vrai que ça sert nos intérêts. Mais je n'hésiterais pas à te sortir si tu te décarcasses trop. » Quelque part, c'était le rôle légitime d'un Lieutenant que de mettre le holà aux membres de son équipe mais j'avais le sentiment de tenir sur la longueur. Il ne s'était pas montré injuste puisqu'il avait privilégié mon état à l'avantage que ma pratique pouvait apporter au clan. C'était déroutant mais parfaitement humain. J'en oubliais parfois qu'il existait encore de l'humanité dans ce bordel qu'était le clan Nord. « J'écouterai tes conseils. C'est parfois juste trop tentant de se plonger là-dedans, de les aider. » Au lieu de se concentrer sur le reste. La part personnelle n'avait que très peu sa place dans la réalité Dragonne, en majorité, en tout cas.