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Tu as tes habitudes dans la maison. Anton le sait. Il mène la marche et tu suis sans réfléchir. Fermes la porte pendant qu'il s'engage déjà dans les escaliers. Tes chaussures sont abandonnées dans le couloir, ton sac rejoint l'accoudoir d'un fauteuil. Puis tu le suis. Durant tout ce temps tu l'écoutes distraitement. Peu intéressée en réalité par son babillage. Il ne cesse jamais vraiment de parler. Tu as appris à faire le tri. A lui donner une attention complète lorsque c'est nécessaire mais le reste du temps tu le laisses faire du vent parce que c'est comme ça qu'il fonctionne. Il doit combler le silence et tu n'es pas toujours bavarde. Vous faites une paire assez mal assortie vu comme ça. Tu atteins à peine l'étage que le concert de portes et de tiroirs commence à se faire entendre. Ton devoir voudrait que tu le rejoignes, que tu t'installes sur son lit et que tu lui offres quelques critiques au sujet de la tenue qu'il prévoit pour son prochain date mais tu n'as pas cette patience. En plus tu es certaine que ce n'est pas vraiment un date. Qu'il se monte la tête. Difficile de penser autrement lorsqu'il s'agit d'Ella. Ella que vous connaissez depuis un paquet d'années et qui n'a jamais manifesté un tel intérêt pour lui. Tu n'es pas aussi optimiste qu'Anton. Tu n'as pas l'imagination nécessaire pour les voir endgame, ce qu'il prétend souvent lorsqu'il a avalé le verre de trop en soirée. Persuadé qu'il semble être qu'elle le choisira lorsqu'elle aura fini de s'amuser. Tu le trouves un peu vieux jeu dans ces moments là. Stupidement macho. Comme lorsqu'il s'obstine à te rappeler que sa sœur est intouchable dès que vous avez une conversation un peu trop longue à son goût. Sa sœur qui a trois ans de plus que vous et que tu connais depuis aussi longtemps que tu le connais lui. Difficile de ne pas communiquer quand tu passes au moins deux soirées chez eux par semaine. Que tu partages leur intimité depuis si longtemps. Naturellement que tu es proche de Yulia. Tu n'as aucune raison de ne pas l'être. Il devrait même être satisfait que le courant passe bien et qu'il n'y ait pas une tension gênante à chaque fois que tu es sous leur toit. Tu n'hésites même pas lorsque tu vois que la porte de sa chambre est ouverte. Tu toques légèrement. T'appuies au chambranle. « Salut. » Tu as le sourire facile. Le moment est familier. « Rappelle moi à quel point tu tiens à la vie de ton frère ? J'envisage de vous voler une pelle. » C'est bon enfant. Mais il n'empêche qu'il t'agace. Tu as encore eu droit à un sermon ce midi sous prétexte qu'il a vu sa sœur te faire un câlin. Rien de spécial. Une étreinte rapide en guise de remerciement parce qu'elle est comme ça. Tactile. Tu lui avais rendu un service, elle avait sautillé en te remerciant, t'avais fait un câlin. Fin de l'histoire. Il voit le mal partout. Se monte trop la tête. Tu ne sais même pas qui devrait se sentir la plus insultée. Yulia ou toi. Vous faire confiance ne devrait pourtant pas être difficile. Mais c'est le sujet qui fâche. Quoi que vous fassiez. C'est encore plus idiot lorsque l'on sait que Yulia ne s'intéresse même pas aux filles. Et que toi tu n'as pas le temps de consacrer à une relation. Cela se finit toujours mal. Tout le monde n'accepte pas l'ordre de tes priorités.

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La maison était resté délicieusement calme durant trente minutes après son retour des cours. Trente minutes durant lesquels Yulia n'avait rien trouvé de mieux à faire que de rester vautrée sur son lit, le regard fixé sur le plafond. De vieilles étoiles fluorescentes y étaient encore collées et offraient un spectacle familier. Même si elles ne brillaient plus vraiment dans l'obscurité, une part trop sentimentale d'elle les avait gardé car son père les avait installé lorsqu'elle était encore haute comme trois pommes. Même si beaucoup de choses avaient changées, il était bon de se souvenir que certaines autres étaient immuables.

Lorsque le boucan commença, elle poussa un soupir lourd et cala son avant-bras sur ses yeux. Anton était bruyant. Parfois, c'était une bonne chose. Parfois, non. Il était son frère, donc ennuyant par extension la plupart du temps. Pas pour la première fois, Yulia se demanda pourquoi elle n'avait pas encore emménagé avec Len avant de se rappeler que rester à la maison était confortable pour de trop nombreuses raisons. L'année prochaine, peut-être.

Lorsque son frère arriva dans le couloir de l'étage, elle lui adressa un vague signe de la main lorsqu'il la salua en passant. Il était apparemment pris dans une conversation importante vu le ton de sa voix. Ce n'était jamais bon. Yulia soupira à nouveau et se redressa sur les coudes. Elle s'était mise à écouter distraitement, les sourcils se fronçant lorsqu'elle comprit que Anton parlait encore d'Ella. Avant qu'elle ne puisse investiguer, Violette apparu dans son champ de vision.

Yulia lui sourit par réflexe, désormais assisse au milieu de son lit.

— Salut.

La visite n'était pas étonnante. Elle s'était depuis longtemps habituée à la présence de la brunette dans la maison. C'était lorsqu'elle n'était pas là que les choses étaient étranges. Souvent parce que Anton avait fait la gaffe de trop et qu'ils étaient en froid. La maison était calme dans ces cas-là mais pas d'une façon si agréable.

— Ca dépends ? Qu'est-ce que ce crétin a encore fait ? Elle baissa la voix d'un ton, le sourire plus complice. Je peux lui en coller une pour toi si tu veux. Ou demander à Esfir de lui faire un sale coup à la prochaine réunion de famille. Elle a l'art de trouver des trucs gluants.

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« Salut. » Tu te demandes si tu t'habitueras un jour complètement à la facilité d'accès de cette famille. Tu es à l'aise désormais. Tu ne réfléchis plus à chacun de tes gestes. Tu ne cherches plus d'excuses pour ne pas passer trop de temps dans la maison. Mais c'est encore différent d'être pleinement à l'aise avec tout le monde et de t'y faire. Tu apprécies leur mère et ses imperfections. Sa façon de protéger son fils comme une lionne féroce. Elle t'a acceptée comme une sorte d'extension. Sans sous-entendu idiot. Elle est aussi bien moins suffocante que ta propre mère. Tu vois moins leur père car Anton a des liens tendus avec lui mais tu te souviens d'un temps où ils s'entendaient mieux et de cet homme qui dégageait une chaleur réconfortante. Et puis il y a Yulia qui offre naturellement sans attendre quoi que ce soit en retour. Qui par son naturel t'a aidé à passer des caps. Une amie précieuse quoi que son frère puisse en penser. « Ca dépends ? Qu'est-ce que ce crétin a encore fait ? » Il est plaisant qu'elle joue le jeu. Qu'elle n'ait pas de mal à te croire. Il faut dire qu'elle le connait bien. « Je peux lui en coller une pour toi si tu veux. Ou demander à Esfir de lui faire un sale coup à la prochaine réunion de famille. Elle a l'art de trouver des trucs gluants. » Tu grimaces malgré toi. Aucun doute là-dessus. « Nan ça aidera pas. » Tu soupires. N'envisages même pas la possibilité. Aussi tentant que cela soit. Tu n'as pas besoin d'une vengeance basse. Tu veux un changement. « Toujours la même histoire. Il nous a vu ce matin. » Tu hausses les épaules. Progresses tranquillement dans la chambre jusqu'à aller t'asseoir sur la chaise de bureau. Elle comprendra sans doute le reste toute seule. La discussion est vieille comme le monde.

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A la réaction de Violette, Yulia comprit que son agacement n'était peut-être pas une exagération là pour lancer la conversation. Elle semblait lasse et un sujet en particulier avait ce pouvoir sur elle. Les yeux suivant les mouvements de la brunette jusqu'à ce qu'elle se soit assisse, Yulia se redressa et cala son dos contre le mur pour pouvoir lui faire face. Elle reflétait désormais une humeur similaire, un léger mouvement du regard vers le ciel venant le prouver. Ce n'était même pas que Anton avait l'art de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment, mais bien qu'il faisait un monde de pas grand chose. L'attitude devenait particulièrement étouffante et ce n'était pas faute d'avoir essayé d'en parler avec lui. Sur ce sujet précis, il restait immuable et certain d'être dans son bon droit. Certes, il y avait un antécédent mais tout de même.

L'histoire était particulièrement idiote. Elle remontait aussi à beaucoup trop loin. Des années plus tôt, il y avait eu cette fille dont Anton était tombé amoureux et son petit cœur avait été brisé lorsqu'elle n'avait pas accepté ses sentiments. Pour faire court, le fait était que son propre cœur était ailleurs et qu'elle avait développé un crush pour Yulia. Le genre d'émotion enfantine qui ne se basait pas sur grand chose. A l'époque, Yulia n'avait vu cette fille qu'à quelques reprises en récupérant son frère à l'école. Elle était déjà ado et se souciait à peine des bégaiements de cette gosse durant les trois mots qu'elles avaient échangé. C'était là toute l'histoire. Anton bloquait encore sur une histoire qui datait bien trop et sur laquelle elle n'avait eu aucun impact. Son attitude n'était pas devenue dérangeante du jour au lendemain. Elle n'avait commencé à avoir une incidence que vers les seize ans de Anton et Violette, lorsqu'il avait commencé ses grands discours. Même à l'époque, Yulia n'avait pu que rire doucement en l'entendant faire la leçon à la brunette. Elle lui avait tapé l'arrière de la tête en passant, sans jamais penser que cela irait si loin. Le pire avec tout ça était qu'il ne la blâmait même pas elle. Ce qui n'était pas un mal en soi, Yulia n'aurait pas apprécié qu'il sous-entende qu'elle aurait pu envisager de tenter quoi que ce soit avec quelqu'un de si jeune. Il n'empêchait qu'il se montrait insupportable avec Violette. Yulia s'étonnait même que cette dernière ne l'ait pas lâché. Après tant d'années d'amitié, il y avait de quoi être vexée par un tel manque de confiance.

— Ok, ça suffit. déclara-t-elle soudainement.

Puisque Anton s'obstinait à ne pas leur faire confiance, il était peut-être temps de lui donner raison.

Yulia avait rapidement bougé vers le bord du lit, penchée vers Violette pour pouvoir parler sans prendre le risque d'être entendue dans la chambre voisine.

— Il faut combattre le feu par le feu. Puisqu'il n'est pas capable d'avoir une pensée sensée, donnons-lui ce qu'il attend. Si il se passe quelque chose entre nous, il n'aura plus de raison de l'attendre. Il fera un peu la gueule mais après il te fichera la paix.

Elle haussa les épaules, comme une façon de dire que c'était la solution la plus logique dans cette situation.

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« Ok, ça suffit. » C'est soudain. Et tu ne sais pas à quoi t'attendre de sa part. Tu envisages la possibilité qu'elle se mette en marche vers la chambre d'Anton pour lui passer un savon. Ou le frapper. Des options il y en a tu n'en doutes pas. Elles tournent toutes dans un même sens. Sauf qu'elle bouge mais ne se lève pas. Elle se penche vers toi et tu en fais de même devant son sérieux. « Il faut combattre le feu par le feu. Puisqu'il n'est pas capable d'avoir une pensée sensée, donnons-lui ce qu'il attend. Si il se passe quelque chose entre nous, il n'aura plus de raison de l'attendre. Il fera un peu la gueule mais après il te fichera la paix. » Tu as reculé par réflexe. « Q-quoi ? » Ta voix s'élève sans doute un peu trop sous la surprise. Tu n'es pas préparée à ça. Son détachement n'aide pas. Tu n'envisages pas vraiment que ce ne soit qu'une vanne. Elle est trop détachée pour ça. « Je suis pas sûre de- » Tu t'arrêtes. Reformules. « Tu suggères qu'on- » Non. Toujours pas. Ce n'est pas que Yulia n'est pas attirante. Tu n'es pas aveugle. Elle a du charme dans tous les sens du terme. Mais c'est soudain. Même venant d'elle.

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Yulia était bien consciente d'avoir lâché une bombe avec cette proposition mais la réaction de Violette restait plus comique qu'elle ne l'avait prévu. Le choc et la confusion la rendaient aussi mignonne. Elle en rigola légèrement, laissant échapper un chut lorsqu'elle se mit à parler trop fort. Si Anton les entendait, le plan n'aurait plus aucun sens. Elle ne s'expliquait tout de même pas ce bégayement presque timide. Après tout, elle ne proposait que de feindre- Oh.

Entrer dans les détails aurait pu éviter toute cette confusion.

— J'étais pas en train de te faire des avances. Je proposais juste qu'on fasse semblant. Comme dans les films.

Yulia s'était penché un peu plus en avant pour aller bosser la main sur le genou de la brunette dans un geste qui se voulait rassurant. Elle accompagna le mouvement d'un sourire.

— Désolée pour le malentendu.

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« J'étais pas en train de te faire des avances. Je proposais juste qu'on fasse semblant. Comme dans les films. » Et tout de suite ça fait plus de sens. Presque. L'idée reste à la limite du délire. Mais c'est mieux que Yulia suggérant sans préambule que vous pourriez- Le fait est que tu es troublée. Honteuse aussi non seulement parce que tu l'as envisagé mais aussi à cause de ta façon de gérer la proposition. Tu n'es plus une gosse. Tu en as vu d'autres. Et c'est juste Yulia. La réponse logique aurait été de rire. C'est aussi simple que ça. Reprends toi ! T'es ridicule ! « Désolée pour le malentendu. » Tu captes une seconde trop tard qu'il serait tant que tu réagisses. Ton regard est tombé sur la main qu'elle a posé sur ta jambe et pendant un instant tu préfères garder les lèvres closes pour éviter de te ridiculiser à nouveau. Un rire nerveux t'échappe pourtant. « Comme si c'était possible. J'suis stupide. » Tu te donnes une légère tape sur le front. Stupide. C'est le mot. « Anton gobera jamais ça. Si j'étais un mec je dis pas. Mais aucune chance que tu sortes avec moi. » Elle les préfère dégoulinant de testostérone après tout. Et peu fiables vu le dernier en date.

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Durant une seconde, la confusion s'afficha sur le visage de Yulia. Elle n'était pas certaine de la raison qui avait poussé Violette à réagir de la sorte, à ranger trop vite l'idée dans la case des situations impossibles. Elle ne la trouvait pas non plus stupide d'avoir envisagé cette possibilité. Les conditions étaient un peu ridicules mais l'idée en soi ? Elle ne voyait pas ce qui aurait été si étonnant. Cela aurait été cliché, tout au plus. Le plus dérangeant restait sans doute l'impression que Violette ne se considérait pas comme un parti potentiel, dans le sens où elle n'aurait pas été assez bien ou une variante de ce style. Si elle n'avait pas connaissance du fait que Violette avait choisi elle-même de ne pas s'engager, Yulia aurait pu croire que ses exs lui avaient trop souvent donnés des raisons de ne pas avoir confiance en elle dans la sphère amoureuse.

Tout ça s'envola de sa tête lorsqu'elle éclata de rire.

— L'hétéronormativité a déjà assez de points, inutile de lui en donner plus. Elle haussa les épaules. Cette conversation n'aurait pas été si facile quelques années auparavant. Ils n'ont pas été concluant mais j'ai eu des crushs.

Comme tout le monde, Yulia avait sa fierté et elle n'avait pas voulu évoquer inutilement ses râteaux. Leonor avait été la seule à savoir, c'était l'ordre naturel des choses.

— Je vois pas pourquoi ça t'étonne tant. T'es canon, intéressante, adorable lorsqu'on gagne ta confiance,... Je peux continuer si tu as besoin d'être convaincue.

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Elle se moque de toi. Bien sûr. C'est logique vu comme tu t'enfonces face à elle avec ces histoires. Tu sens tes joues s'échauffer, les battements de ton cœur un peu s'accélérer. Tu n'es plus une gamine mais tu te comportes comme telle. « L'hétéronormativité a déjà assez de points, inutile de lui en donner plus. » Tu ne comprends pas tout de suite. Un peu trop prise par le sentiment de honte. « Ils n'ont pas été concluant mais j'ai eu des crushs. » Des crushs. Sur des filles. Oh. Tu ne l'as pas vu venir. Yulia ne t'a jamais renvoyé cette impression. Pas illogique en soi. Tu la connais depuis longtemps, elle est plus âgée. Tu n'étais pas censée t'intéresser à la sexualité de la sœur de ton meilleur ami. Tu es juste partie du principe qu'elle était hétéro à cause des mecs avec lesquels elle est sortie. Mais ça change la donne. Quelle donne ? Non, ça ne change rien du tout. Tu ne sais pas trop quoi dire à tout ça. Le seul mot qui te tourne en tête est cool et il résonne bizarrement. Avec beaucoup de tension. Juste de quoi créer un malaise. « Je vois pas pourquoi ça t'étonne tant. T'es canon, intéressante, adorable lorsqu'on gagne ta confiance,... Je peux continuer si tu as besoin d'être convaincue. » Pardon ? Les compliments sortent de nulle part. Trop nombreux. Tu ne manques pas de confiance en toi. Ce n'est pas non plus la première fois que tu entends ça. Peut-être pas adorable. Tu aurais sans doute fusiller sur place toute personne qui aurait osé ça. Mais tu ne réagis pas. Ta bouche reste entrouverte un instant avant que tu ne t'empresses de réagir pour ne pas qu'elle aille plus loin. « C'est bon, c'est bon. J'ai compris. » Tu restes perturbée. D'où est-ce que tout ça vient ? « Pourquoi t'es si sérieuse avec ça ? » C'est bizarre qu'elle s'implique autant. Qu'elle veuille rendre réel ce que tu prends pour une blague.

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C'était mignon de voir Violette perdre tant de sa superbe. Yulia avait toujours eu une position spéciale, elle avait pu la voir autrement que d'autres, mais il restait rare qu'elle puisse la voir comme ça. Elle n'était toute de même pas étonnée que la brune ait tant de mal à accepter les compliments. Les conditions n'avaient rien d'habituelles. Il ne s'agissait pas d'applaudissements pour ses performances sportives ou de petits mots glissés par d'éventuels admirateurs. Yulia s'était toujours un peu demandé si Violette était réellement consciente des regards qu'elle attirait. Elle-même ne le savait que trop bien, Anton s'en plaignait régulièrement.

— On voit bien que tu es enfant unique. avait-elle rigolé. Je ne reculerais devant rien pour emmerder ce minus.

Contrairement à ce qu'elle pouvait raconter, les limites existaient bien. Elles avaient été fermement tracées depuis des années mais elle était la seule à les connaître. En dehors de ça, Yulia était prête à faire beaucoup pour remettre à sa place le sale môme qui lui servait de petit frère. Même à s'engager dans une fausse relation avec la meilleure amie de ce dernier pour lui faire comprendre sa propre stupidité.

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« On voit bien que tu es enfant unique. Je ne reculerais devant rien pour emmerder ce minus. » Peut-être. Mais cela reste extrême à tes yeux. Même si tu en as vu de belles en traînant avec leur famille et que tu as été bon gré malgré embarquée dans pas mal d'embrouilles au fil des années. On ne parle pas d'une petite blague. Ou d'une décision dont l'impact ne dépassera pas votre petit cercle. Cette relation il faudra la feindre en-dehors de la maison. Assumer toutes les conséquences. Mentir à vos familles respectives aussi. Pourtant te voilà à envisager la chose. Pour de nombreuses raisons. « Je ne saurais même pas comment vendre la chose. Ce serait tellement soudain. Difficile à croire aussi. On traîne pas des masses ensemble lorsque je ne suis pas ici. » Et même ici. Vous faites plus souvent votre vie dans la chambre d'Anton pendant que Yulia reste dans la sienne. Tu n'as jamais été douée pour ce genre de plans. Tu n'as jamais trop perdu ton temps à manigancer non plus.

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Violette venait de soulever un point important. Yulia retourna s'adosser au mur, une jambe se relevant contre sa poitrine. Leur histoire ne demandait pas d'être parfaite. Souvent les mensonges les plus simples étaient aussi ceux qui passaient le mieux. Il faudrait certes vendre cette relation auprès des autres mais elles n'avaient rien à prouver. Il leur suffirait d'être convaincante sur le moment. Elle ne prétendait pas que le jeu serait si facile mais trop s'en faire avant même de commencer était contre-productif.

— Justement. Au début, on a rien dit parce qu'on craignait la réaction d'Anton. Et puis tu sais comment c'est au début. T'as pas forcément envie que tes potes se mêlent de ta nouvelle relation. D'autant plus tant que t'es pas sûre de ce qu'il se passe. Si on devait commencer à flirter, on ne le ferait sûrement pas devant mon frère ou le reste de ma famille.

A voir la brunette et à force de la côtoyer, Yulia l'imaginait même assez mal se montrer tactile avec qui que ce soit en public.

— Même dans le cadre de cette fausse relation, je ne te pousserais jamais à faire un truc qui te met mal à l'aise mais tu es consciente qu'il faudra qu'on vende un minimum cette relation. Ils ne vont pas nous croire si rien ne change. Ca va demander une certaine... Sa main bougea légèrement alors qu'elle cherchait le mot idéal. ...proximité.

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« Justement. Au début, on a rien dit parce qu'on craignait la réaction d'Anton. Et puis tu sais comment c'est au début. T'as pas forcément envie que tes potes se mêlent de ta nouvelle relation. D'autant plus tant que t'es pas sûre de ce qu'il se passe. Si on devait commencer à flirter, on ne le ferait sûrement pas devant mon frère ou le reste de ma famille. » Elle marque un point. Qu'elle parvienne à penser à tout ça en si peu de temps, sans paraître déroutée par tous ces mensonges prouve une certaine habitude si particulière dans cette famille. Tu devrais être habituée à force mais Anton n'est pas vraiment du même acabit. Tu as toujours trouvé ça curieux. Tu te contentes de hocher la tête. Tu n'as rien à ajouter à cette réflexion. « Même dans le cadre de cette fausse relation, je ne te pousserais jamais à faire un truc qui te met mal à l'aise mais tu es consciente qu'il faudra qu'on vende un minimum cette relation. Ils ne vont pas nous croire si rien ne change. Ca va demander une certaine... » Tu fronces les sourcils. Consciente de ce dont elle parle mais attendant la finalité. Un peu curieuse peut-être de comment elle va apporter la chose. « ...proximité. » Tu ris. « Je ne suis pas prude, Yulia. Ok je ne roule pas des pelles à des gens au milieu des couloirs de la fac mais j'ai eu des relations. » Courtes le plus souvent. Des flirts. Quelques coups d'un soir. Rien de jamais très sérieux. Tu n'es pas sûre d'avoir déjà été réellement amoureuse de quelqu'un mais il y a eu des attirances.

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Yulia fut soulagée d'entendre la brunette rire. Elle n'aurait pas voulu qu'un malaise se forme entre elles (une pensée tout de même étrange au vu de ce qu'elles manigançaient) ou encore la vexer. Malgré toute la délicatesse dont elle avait essayé de faire part, elle aurait pu laissé une mauvaise impression à sa cadette. Mais un rire spontané annonçait du bon, n'est-ce pas ?

— Je n'en doutais pas. Se précipita-t-elle pour dire même si ce n'était pas vraiment nécessaire. A vrai dire, elle s'enfonçait même. Enfin pas que ce soit un problème si ça n'avait pas été le cas.

Une chaleur caractéristique dans ses joues ponctua bien cet échange. Honteuse, Yulia enfouit le visage dans ses mains. Elle venait de se tourner en ridicule inutilement. Poussant un soupir bruyant, elle se redressa.

— Fais comme si tu n'avais rien entendu, s'il te plaît.

Le fait était que la brune ne s'était jamais réellement soucié de la vie amoureuse de Violette. Cela aurait été bizarre de chercher à s'y intéresser autrement qu'en passant lorsque Anton parlait de son amie. Sa maladresse venait de là. Ce n'était pas comme avec son frère, vraiment pas, mais elle peinait quand même à voir certaines transitions chez cette fille qu'elle connaissait depuis si longtemps.

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« Je n'en doutais pas. » « Hm-hm. » « Enfin pas que ce soit un problème si ça n'avait pas été le cas. » Elle s'enfonce et ton sourire prends de plus en plus de place. Tu t'amuses de la situation. N'envisages pas une seule seconde de lui tendre la perche pour l'aider à se sortir de là. Ce n'est pas tous les jours que tu la vois perdre ses moyens. Pas comme ça. Même si tu n'es plus une gamine elle a gardé cette aura à tes yeux. Celle de la sœur d'Anton qui te paraissait déjà si grande quand tu n'étais encore qu'une enfant. Quatre ans représentent beaucoup à un certain âge. Un peu moins désormais. Tu ne peux que le constater alors qu'elle rougit, perd de sa superbe. Vous êtes sur un pied d'égalité maintenant. « Fais comme si tu n'avais rien entendu, s'il te plaît. » « Nop. Trop tard. C'est gravé là pour toujours. » Tu tapotes ta tempe, sourire toujours bien en place. Tu es loin de cette image que tu donnes généralement aux autres. Moins digne et sérieuse. A l'aise au sein de cette famille et avec elle. Un ton plus formel revient pourtant. « T'es sûre de toi ? » Parce que ce choix, cette blague, le demande. Tu ne sais pas trop pourquoi tu en fais toute une histoire. Ni pourquoi tu acceptes de te plier à ce plan mal ficelé qui va rendre Anton si ennuyant. Mais il y aura aussi la satisfaction de lui fermer le bec et ça n'a pas de prix. Tout du moins celui-ci est bien peu cher payé. Passer du temps avec Yulia ? Qu'est-ce que tu pourrais bien découvrir ? Qu'elle est aussi chiante que le prétends son cadet ?

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Même si ce n'était pas ce que Yulia avait demandé, ce qu'elle attendait, elle accepta cette légèreté nouvellement retrouvée. Elle pouvait se faire bon public et n'allait pas rester bloquée sur cette gêne éternellement. Ses yeux montèrent vers le plafond dans un agacement feint et elle étendit la jambe pour pousser du pied la cuisse de Violette.

— Sale gosse. souffla-t-elle, tout sourire.

Par réflexe, elle se redressa néanmoins en voyant la brunette perdre de son amusement. Elle croisa les jambes sur le lit, les doigts jouant avec un fil provenant de ce trou minuscule dans son jeans, mais son attention posée sur Violette.

La question était toute légitime. Rarement on se lançait dans pareille entreprise, quoi que pouvait dire ces comédies romantiques qu'elle avait tendance à consommer un peu trop avidement. Yulia s'étonnait d'autant moins de voir Violette prendre cette précaution. Elle était sérieuse comme ça. Aux antipodes d'Anton qu'elle tolérait pourtant avec une apparente affection. Si on lui avait demandé son avis, Yulia aurait affirmé qu'elle aurait été bien mieux assorti avec Oksana ou Thiago mais la vie en avait décidé autrement.

— Aucun regret en vue.

Malgré le moment presque trop solennel, Yulia sourit et traça une croix sur son cœur.

— Maintenant file. Ce serait con qu'il débarque et nous entende.