Lorsque l'appel était arrivé, Yulia avait tout lâché. Riley avait ses phases comme toute enfant mais elle n'avait jamais été difficile. Qu'un problème se soit produit à l'école n'avait donc rien d'anodin. D'autant plus après que la secrétaire l'ait rassuré quand à l'état de santé de sa fille. Son cœur avait un peu ralenti lorsqu'elle avait appris qu'elle allait bien et ne se trouvait pas à l'infirmerie. Il faudrait qu'elle la ramène à la maison mais pour une toute autre raison. Cela laissait toujours beaucoup de raisons à son esprit de s'emballer. Une part d'elle n'était pas si étonnée. Avec les chamboulements de ces dernières semaines, il fallait bien que tout ce stress ressorte par quelque part.

Dire que Riley n'avait pas compris le départ de Violette était un euphémisme. Elle avait beau être toujours présente dans sa vie (elles se partageaient une sorte de garde non-officielle) et passer du temps à la maison, ce n'était plus comme avant. Déjà car elles n'étaient plus jamais toutes les trois. Si Violette manquait à Riley, on pouvait dire la même chose pour Yulia. Il y avait des traces d'elle partout. Il n'aurait pas pu en être autrement après tant d'années et ce lien solide qui s'était créé. Yulia le pensait solide, du moins. Elle était bien consciente de sa responsabilité dans l'histoire. A ses yeux, la brune avait beau être l'autre mère de Riley, ce n'était pas vraiment le cas. Dès le début, elle avait dû mettre sa vie entre parenthèse pour l'aider. Si Yulia ne doutait pas qu'il s'agissait d'un choix qu'elle ne regrettait pas, elle n'avait sans doute pas dû penser que cela durerait si longtemps. Elles s'étaient installées dans une routine et trop de choses avaient été oubliées.

Sans communication, c'était la seule réflexion qu'elle pouvait avoir. Après cette dispute ridicule, Yulia avait cru avoir su trouver les mots mais elle s'était bien trompée. Violette n'avait fait que s'éloigner plus et elles ne communiquaient plus qu'au sujet de Riley, le plus souvent pas messages.

En se garant sur le parking de l'école, elle se força à mettre tout ça de côté. Pour le moment, elle devait se concentrer sur sa fille.

Cette dernière attendait sagement dans un petit couloir menant au bureau du conseiller d'éducation. Yulia alla s'agenouiller devant elle, une main remettant de l'ordre dans ses mèches blondes.

— Riley. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Elle n'eut droit qu'à un haussement des épaules comme réponse. La blondinette avait la lèvre inférieure coincée entre ses dents et son air boudeur. Tous les signes étaient là.
Yulia se redressa pour prendre la place à ses côtés et lui caressa le dos pour tenter de la cajoler hors de son mutisme. La moue se fit plus prononcée encore. Si elle voulait avoir la version des faits de sa fille, insister était inutile. On lui dirait vite ce qu'il s'était produit. Mais elle n'aimait pas la voir comme ça et elle souhaitait surtout lui faire comprendre qu'elle n'était pas fâchée.

En entendant la porte battante s'ouvrir et se refermer, elle eut le réflexe de lever la tête. Qu'elle ne fut pas sa surprise de découvrir celle qui avait occupé ses pensées quelques instants auparavant.

— Violette ? glissa-t-elle avec étonnement. Qu'est-ce que tu fais là ?

Where you belong
the riley au

« Violette ? » Tu ne t'attends pas à ça. Tu n'y es vraiment pas préparée. Tu sursautes même légèrement en entendant cette voix, tes yeux jusqu'ici dirigés vers le sol se relevant pour découvrir Yulia dans l'une de ces chaises hideuses en plastique orange qui occupent le couloir. C'est le pire cas de figure. Elle est là, resplendissante, et tu as tout d'un bordel ambulant avec tes cheveux rassemblés trop rapidement en une queue de cheval et ton visage tout juste rafraichi. Après l'appel surprise de la secrétaire tu n'avais pris qu'une minute dans la salle de bain pour t'assurer d'être un minimum réveillée avant de prendre le volant. Juste ce qu'il fallait pour une urgence pas pour une rencontre avec elle. C'est idiot, elle a vu pire après tant d'années d'amitié et de cohabitation. Mais tu n'aimes pas l'idée qu'elle sache que tu n'en mènes pas large depuis que tu as quitté la maison. Tu as pris des habitudes déplorables entre les moments que tu passes avec Riley. Ton rythme avait toujours été un peu bizarre mais avant tu avais de bonnes raisons pour ça. Maintenant tout est de la faute de cette déprime qui t'accompagne en permanence depuis que tu squattes la chambre d'amis chez Thalia et Link. « Qu'est-ce que tu fais là ? » Quelle question ! Tu replaces une mèche rebelle derrière ton oreille avant d'avancer enfin vers elles. Il faut que tu te remettes les idées en place. « Même raison que toi je suppose. L'école m'a appelé. » Au moins ta voix est restée plus au moins stable et neutre. Que tu en sois aussi satisfaite est bien la preuve que rien ne va. Ton regard ne reste même pas une seconde sur Yulia. C'est plus prudent. Ton attention est vite attirée ailleurs de toute façon. Tu prends la place libre au côté de Riley et il y a un moment gênant durant lequel tu veux poser la main sur son dos mais celle de Yulia s'y trouve. Tu la touches presque avant de rapidement changer de direction. Tes doigts glissent sur la tête de la blondinette que tu attires légèrement vers toi pour poser les lèvres sur son front. « Tu peux me dire pourquoi on est là, terreur ? » Malgré toute la douceur et le fond d'humour dans ta voix, tu ne récoltes qu'un haussement des épaules en réponse. Bizarre. Par-dessus sa tête tu es bien forcée de croiser le regard de sa mère. Une question évidente dans les yeux.

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La scène n'était en rien familière. Au fil des années, ce qui concernait l'école avait été partagé comme tout le reste des choses qui constituaient leur quotidien. Violette se chargeait généralement de récupérer Riley en cas de problème durant la journée et Yulia assurait les réunions avec les profs. Souvent car il était plus facile de ne pas se perdre en explications inutiles. Leur organisation ne regardait qu'elles. Avec moins de communication et une aisance à s'organiser qui se délitait lentement, ce genre d'erreur était destinée à se produire de plus en plus souvent.

Dans ce cas-ci, Yulia n'allait pas s'en plaindre. Elle ne parvint pas à détacher les yeux de son amie alors qu'elle s'approchait. Encore moins lorsqu'elle se retrouva à nouveau spectatrice de cette tendresse que Violette avait pour Riley. Cela ne vint pas sans amertume. Une ambiance tendue régnait toujours au-dessus de la tête de la petite fille, entre elles deux.

Loin d'être satisfaite que la brune ne parvienne pas à récolter plus d'informations, Yulia fut forcée d'admettre sa défaite à son tour d'un mouvement de tête. Il était rassurant de constater qu'elles parvenaient encore à communiquer sans avoir à dire un mot, aussi évident que soit ce semblant de conversation.

— Mademoiselle Volkoff ?

La porte s'était ouverte et se tenait là le directeur. Yulia se leva et serra la main qu'il lui offrait.

— Merci d'être venue si rapidement.
— C'est tout naturel.

L'homme lança un regard curieux vers Violette avant de poser les yeux sur Riley après un battement de silence. Il s'effaça ensuite.

— Entrez. Riley et votre...amie...peuvent rester ici. ajouta-t-il, une question évidente dans sa voix.

Si elle n'avait pas préféré l'idée de savoir Violette au côté de Riley, Yulia aurait sans doute éclairci la situation et aurait insisté pour qu'elle l'accompagne mais l'urgence lui semblait ailleurs.

— Que se passe-t-il ? Riley n'a pas voulu dire un mot.

La porte à peine fermée derrière elle, Yulia était entrée dans le vif du sujet. Elle accepta tout de même le siège proposé avec un empressement stressé. Elle était resté sur le bord de la chaise, les mains serrées sur ses cuisses pendant que le directeur contournait son bureau.

— Nous avons observés des changements chez Riley ces dernières semaines. Elle s'isole souvent durant les récréations, se montre plus insolente avec les professeurs,... Aujourd'hui, elle a poussé l'un de ses petits camarades. Il leva la main lorsqu'elle ouvrit la bouche pour le questionner là-dessus. Le garçon n'a rien, je vous rassure tout de suite. Mais nous avons jugés préférables d'avoir cette discussion avec vous. Ce genre de comportement se produit généralement lorsque l'enfant subit un stress en-dehors de l'école. Quelque chose a-t-il changé chez vous ?

La réponse était évidente. Il incombait juste à Yulia la responsabilité de développer la chose correctement.

— Violette (l'amie qui m'accompagne aujourd'hui) vit avec nous depuis la naissance de Riley. Plus qu'une colocataire, elle a pris une place de parent avec elle. Nous avons récemment trouvé un arrangement différent, nous ne partageons plus la même maison. Elle reste aussi impliquée dans l'éducation de Riley qu'avant mais le changement est certainement notable. J'ai remarqué qu'il n'était pas facile pour Riley mais je ne pensais pas qu'il l'affectait aussi à l'école.

Yulia l'aurait dû pourtant. Lorsqu'elle avait été confrontée plus jeune à des difficultés familiales, les problèmes n'étaient pas restés sur le pas de la porte. Elle s'était montré bien stupide sur ce point.

— Il serait bon de communiquer plus avec votre fille à ce sujet. Je recommanderais aussi de chercher un peu de soutien auprès d'un psychologue. Lui permettre de se confier à une personne extérieure à la situation pourrait l'aider.

Un peu surprise d'apprendre qu'ils en étaient déjà là, elle ne pu qu'hocher la tête et accepter le post-it sur lequel des informations avait été griffonnées. Le directeur avait même pensé à lui recommander quelqu'un.

Ils se quittèrent quelques instants plus tard sur une autre poignée de mains et une invitation à ramener Riley à la maison pour le reste de la journée.

Encore un peu sonnée, Yulia tâcha de secouer la sensation pour adresser un sourire rassurant à sa fille. Avant même que Violette ne tente d'en apprendre plus, elle secoua brièvement la tête.

— Est-ce que tu as un peu de temps devant toi ?

Yulia avait fait un certain effort pour s'exprimer de la sorte. Son premier réflexe aurait pu la faire passer pour trop dramatique ou donner l'impression qu'elle ne laissait pas assez de choix à Violette ce qu'elle tentait de changer depuis l'incident.

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Exister dans cette tension entre vous n'est pas simple. Aux antipodes de tout ce que vous avez été durant toutes ces années partagées. Encore plus difficile quand le fond reste. Quand il t'est si facile de lire dans son regard alors même que tu peines à le soutenir. Le bout de tes doigts picotent. Te réclament une action que tu ne peux pas accepter. Tu aimerais qu'il soit simple d'aller poser la main sur la sienne. Serrer son épaule, caresser son dos de façon à la rassurer. Rien de tout ça ne semble simple aujourd'hui. « Mademoiselle Volkoff ? » Tu redresses la tête vers le nouveau venu. Le directeur vous observe et tu lui offres un signe de tête en guise de salut. Yulia est déjà sur ses pieds et le rejoint. « Merci d'être venue si rapidement. » « C'est tout naturel. » Il semble calme. Sans doute est-ce une bonne nouvelle vis à vis de Riley. Tu croises à nouveau le regard de l'homme et il y a un blanc gênant. Ta présence n'est pas expliquée en effet. Et tu ne l'as jamais rencontré. Il y a d'autres gens dans cette école avec qui la question ne se pose pas. Il ne cherche pas à en savoir plus. « Entrez. Riley et votre...amie...peuvent rester ici. » Ce n'est pas faux. La pique qui s'enfonce dans ta poitrine en réponse reste désagréable. Tu les regardes partir avec une touche de malaise avant de recentrer ton attention sur Riley. Elle reste silencieuse malgré tes tentatives de lancer l'un ou l'autre sujets alors tu finis par rester silencieuse. Tu la cales sous ton épaule, son corps appuyé contre le tien avec une certaine forme d'abandon. Elle semble fatiguée. C'est sans doute plus psychologique que physique. Quand la porte s'ouvre à nouveau tu te retrouves à observer Yulia. Elle ne paraît pas bien, les émotions évidentes sur son visage jusqu'à ce qu'un masque souriant vienne prendre leur place. Encore une fois tu es tentée d'attraper sa main. Tu es curieuse aussi de ce qui a été discuté. « Est-ce que tu as un peu de temps devant toi ? » Tu es rapide pour hocher la tête. Bien sûr que tu as du temps pour Riley. Pour Yulia aussi même si tu essayes de réfréner ce besoin de tout abandonner pour elle. « A la maison ? » Difficile de considérer ce lieu autrement. Tu te relèves en attirant la blondinette à ta suite. « Tu fais le trajet avec Maman ou avec moi ? » Tu tentes de lui arracher à nouveau un mot ou au moins une réaction. Et cela fonctionne quelque part à sa façon de rester contre toi, une main allant s'accrocher dans la manche de sa mère. Tu soupires légèrement, partages un regard avec Yulia. « Je récupèrerais ma voiture plus tard. »

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Yulia était soulagée. Que Violette accepte de rester pour discuter n'était pas étonnant. Elle ne douterait jamais de sa volonté d'être là pour Riley. Seulement, à cause de son inquiétude, il était plus facile de trop s'en faire. Violette l'avait toujours soutenue dans les moments difficiles et elle craignait d'avoir à faire sans. Une idée d'autant plus intolérable lorsqu'il s'agissait de sa fille. Il ne s'agissait pas que d'un besoin de soutien. La brune faisait partie intégrante de leur équilibre familial. Cette rencontre avec le directeur l'avait prouvé. Ne pas avoir fait les choses correctement vint loger une pierre dans son ventre. Elle regrettait.

Au contraire, voir l'affection entre Violette et Riley était réconfortant. Yulia ne pu s'empêcher de sourire en les voyant interagir, un sourire qui se fut vite dirigé vers la petite fille, plus rassurant cette fois. Elle lui passa la main dans les cheveux.

— On va passer un peu de temps toutes les trois, d'accord ?

Un petit hochement de tête lui répondit, accompagné d'un sourire à peine présent. C'était mieux que rien. Elle adressa un rapide regard à Violette, reconnaissante.

Une fois tout ce petit monde embarqué dans la voiture, Yulia s'engagea dans la circulation plutôt calme de ce début d'après-midi. Quelques instants s'écoulèrent avant qu'elle ne jette un coup d'œil vers Violette à un feu rouge. Le silence était désagréable. Lorsqu'elle pu redémarrer, elle se racla la gorge.

— Longue nuit ? lança-t-elle avec maladresse.

Les cernes étaient habituelles pour Violette mais elle paraissait plus creusées aujourd'hui. Elle ne pouvait s'empêcher de s'en inquiéter.