Ulyanna & Ariane & Octavia

année 41 ; seconde saison tempérée ; fin journée 98

  le retour à la normale

La vie avait été beaucoup trop compliquée, j'avais minimisé l'impact que l'absence de l'une de nous trois pouvait avoir sur moi. Que ce soit Ariane ou elle, c'était la même chose, on ne formait plus un tout. La mort de Kyle avait été comme un premier électrochoc et puisque le temps avait passé, j'avais naïvement imaginé que nous n'avions plus rien à craindre et pourtant les crises d'angoisse avaient été beaucoup trop nombreuses, autant pour mon bien que pour celui d'Ariane qui me soutenait tant qu'elle le pouvait avec l'énergie qu'elle avait en stock et j'étais persuadée qu'elle en faisait trop. A croire que les traumatismes du passé avaient le don de se faufiler dès que j'étais un tout petit peu plus faible. J'avais tendance à ne pas me sentir extrêmement forte, contrairement à elles, mais là, c'était encore pire. Comme si j'étais l'élément faible que tout le monde tenait à protéger.

Alors quand j'avais appris pour le retour des voyageurs, après ma garde matinale, j'avais pris mes clics et mes clacs, foncé pour retrouver Ariane. L'essentiel c'était que je la savais libre à ce moment précis et que je ne voulais pas qu'on se loupe. Malgré leurs tempéraments et leurs prises de bec parfois légendaires, nous étions un vrai groupe et j'étais certaine qu'elle était heureuse, à sa façon, de retrouver Octavia. Dans ce mouvement de foule, il était plus difficile pour Ariane de se frayer un chemin alors je donnais, pour une fois, quelques coups de coudes pour trouver l'élément manquant de ma bulle d'air. Pendant quelques minutes, je m'étais surprise à l'imaginer morte pendant le voyage. C'était inimaginable pour une ancienne Libre mais elle n'avait pas forcément sa langue dans sa poche quand les citadins se plaignaient pour trois fois rien. Quand je la vis enfin, je la découvris faible, le regard et le corps fatigué et j'imaginai, cette fois encore, le pire. « C'est cette maladie ? T'as craché du sang ? » Hésitante et désireuse de lui laisser l'espace dont elle avait besoin, je m'étais arrêtée à une distance raisonnable, prête à la laisser m'envahir au besoin. « Pardon. J'en oublie l'essentiel. Bienvenue à la maison, O. » J'avais esquissé un sourire un peu timide pour ne pas l'accabler davantage. Malgré tout, à l'intérieur, je me bouffais. Elle avait probablement été à deux doigts d'y passer et je ne le savais même pas.

Ulyanna & Ariane & Octavia

année 41 ; seconde saison tempérée ; fin journée 98

  le retour à la normale

En quittant le territoire, Octavia n'avait pu ressentir qu'un mélange d'émotions. Il y avait eu l'excitation et la montée d'adrénaline de ce semblant de retour à la vie de libre qu'on lui avait fait miroiter et puis, il y avait surtout eu la réticence de laisser Ulyanna sur le territoire. Concrètement, elle avait eu conscience qu'elle n'était pas réellement seule, qu'il y avait Ariane pour veiller sur elle en cas de pépins mais Octavia avait toujours été comme ça, incapable d'avoir l'esprit tranquille quand elle n'avait pas la jeune femme sous les yeux. Elles avaient toujours été ensemble, dire qu'elle avait mal vécu la séparation était loin de couvrir l'ampleur de sa réticence. Heureusement pour elle, la vie hors des frontières n'avaient pas vraiment changé et très vite, elle s'était retrouvée à devoir penser à autre chose pour ne pas faire de bêtises. Et puis, il y avait aussi ces crétins de jaguars citadins qu'elle avait du recadrer, parfois méchamment, parce qu'ils n'avaient aucune idée des risques qu'ils prenaient. Ce n'était pas assez pour qu'Octavia ne cesse de penser à ses camarades laissées sur le territoire mais au moins, les deux jeunes femmes n'avaient plus occupé ses pensées de manière trop obsessive. A présent qu'elle était de retour, sa première idée avait évidemment été de les retrouver. Fusionnelles comme jamais, ce fut Ulyanna qui lui mit la main dessus la première. Octavia lui en était reconnaissante, la fatigue accumulée lui aurait sans doute rendu la tâche bien trop compliquée. Mais elles étaient là, toutes les deux. Les avoir sous les yeux fit monter en elle une vague d'affection et de soulagement qui manquèrent de la submerger, elle en aurait pleuré si elle ne se contrôlait pas mieux. Tsk, les nouvelles vont vite ici, contente de te voir aussi, Uly. Elle pouvait ressentir l'anxiété qui débordait d'Ulyanna et comme toujours, elle n'arrivait pas à y rester insensible. Je vais bien, dit-elle, beaucoup mieux, se corrigea-t-elle, sa main venant se glisser dans celle de sa camarade de toujours. Elle ne souhaitait pas enjoliver la réalité mais elle ne pouvait pas non plus accabler Ulyanna à peine revenue. Et puis, maintenant qu'elle était là, elle aurait presque pu oublier ses jours passés à lutter contre cette maladie foudroyante. Sans lâcher la main d'Ulyanna, Octavia se tourna vers la deuxième jaguar présente. Vous m'avez manqué. Leur relation n'était pas la plus facile mais même si elle peinait à le montrer ou le faisait trop maladroitement, elle tenait à Ariane.

Ariane & Ulyanna & Octavia
A41 ST2 J98

le retour à la normale

Les nouvelles tournaient vite dans le quartier général, plus encore lorsqu'elles étaient de cette ampleur. On attendait le retour des voyageurs depuis trop longtemps, chacun allant de son petit pronostic quand à la date de leur arrivée sur le territoire, d'autres plus tordus encore se permettant de jouer des devinettes avec les pertes que le voyage aurait engendré. On savait qu'il y en avait naturellement, il y avait eu des annonces, mais les chiffres exactes n'étaient connus que des gradés, encore heureux. Dès qu'elle avait appris que sa comparse était indemne, elle n'avait plus cherché à s'approcher des discussions, préférant de loin ne pas perdre son temps avec des idiots pareils. Elle n'avait pas non plus voulu traîner auprès des gens qui avaient perdus des proches, il y avait déjà eu assez de ça après la rébellion, puis cette saison particulièrement meurtrière, et elle avait déjà eu à faire suite à la perte de Kyle. Au milieu d'un bordel sans nom, il avait été miraculeux qu'elle arrive à trouver le côté d'Ulyanna pour qu'elles puissent chercher ensemble leur amie. Peu de temps s'écoula avant qu'elles ne lui mettent la main dessus, un détail qui l'avait peu étonné, il y avait toujours eu cette connexion entre les deux. Raison pour laquelle, sans doute, elle resta un peu en retrait pendant leurs retrouvailles. Parfois, il était difficile de ne pas avoir l'impression d'empiéter et elle ne savait de toute façon pas toujours comment s'y prendre avec Octavia. Elle était heureuse de la revoir, il ne fallait pas croire, mais le témoigner était plus compliqué, même si celle-ci avait l'air d'avoir passé un sale moment. C'était dire, vu tout ce qu'elles avaient déjà vécu en-dehors de la ville, lorsque le groupe errait encore. On disait que cette maladie avait été terrible et elle commençait à envisager qu'elle ait été pire encore que ce qu'elle était en mesure d'imaginer.

- On a donc pas encore trouvé ce qui allait t'avoir.

Le commentaire avait tout d'une inside joke de mauvais goût, mais un sourire s'était glissé sur ses lèvres et elle avait le regard chaleureux, preuve que les mots ne voulaient pas dire grand chose. Elle posa un instant la main sur son épaule, la pression se voulant amicale.

- Et t'as la gueule de quelqu'un qui va avoir besoin de dormir pour trois jours. Mauvaise nouvelle, au fait, tu t'es fait piquer ta paillasse.

Ulyanna & Ariane & Octavia

année 41 ; seconde saison tempérée ; fin journée 98

  le retour à la normale

« Tsk, les nouvelles vont vite ici, contente de te voir aussi, Uly. » Il avait toujours été plus simple pour Octavia de balancer ce genre de réponses toutes faites que de mettre des mots sur ce qu'elle avait vécu et c'était ce qui nous rendait complémentaire. L'avantage, c'était que quand on la connaissait, on savait qu'elle s'exprimait plus fort qu'elle ne mordait ou qu'elle griffait. Elle était simplement moins à l'aise quand il s'agissait de s'épancher sur quoi que ce soit d'un peu trop remuant. Dans un réflexe, j'avais souri, soulagée de savoir que ce voyage ne l'avait pas changée. Certains auraient préféré qu'elle soit moins brusque mais moi je n'aurais pas voulu qu'elle change pour toutes les rations de Paris.

« Je vais bien, beaucoup mieux. » J'étais prompte à la croire parce que je l'avais sous les yeux et parce qu'elle avait glissé sa main dans la mienne et, inévitablement, l'anxiété était un peu retombée. Je n'étais pas aveugle non plus, elle était épuisée, une accumulation d'événements mais au moins, elle était en vie. Je n'aurais pas à sentir un vide de plus parce que, comme avec Kyle, je n'aurais pas eu l'occasion de lui dire au revoir proprement.

Je m'étais tournée à mon tour vers Ariane, suivant le mouvement sans même y réfléchir une seconde. C'était particulier pour certains mais c'était naturel avec O. « Vous m'avez manqué. » L'entendre dire ça, à voix haute, sans se cacher, me fit énormément de bien. L'anxiété chuta encore d'un cran. Petit bout par petit bout, j'allais pouvoir relâcher la pression parce que mon quotidien était de nouveau plus sécurisant.

« On a donc pas encore trouvé ce qui allait t'avoir. » J'aurais probablement bronché si je ne connaissais pas Ariane. Leur relation était maladroite et nous avions toutes une part de responsabilité dans tout ça mais c'était une vraie victoire. Elles exprimaient chacun à leur façon leur soulagement d'être de se retrouver et c'était tout ce qui comptait en ce moment. Quand Octavia irait mieux, j'espérais réussir à leur laisser un peu de place juste pour elles deux, même si ça signifiait me ronger les ongles. Sauf si elles discutaient pendant l'une de mes gardes.

« Et t'as la gueule de quelqu'un qui va avoir besoin de dormir pour trois jours. Mauvaise nouvelle, au fait, tu t'es fait piquer ta paillasse. » J'avais rigolé, même si j'étais la première à ne pas apprécier l'idée. Peut-être une petite forme de jalousie ou quelque chose dans ce genre. C'était désagréable d'imaginer O. dormir avec quelqu'un d'autre mais c'était les règles du jeu. Jeu pourri.

« Personne n'a été trop intrusif pendant ce voyage ? » Parce que je râlais à l'idée qu'elle partage sa chambre avec un autre Membre mais pendant le voyage, c'était encore plus compliqué que ça. Difficile de faire chambre à part. J'aurais sûrement remercié la personne qui s'était occupée d'elle quand elle était tombée malade mais ça ne signifiait pas que je n'avais pas un petit sentiment d'insécurité en songeant ça, sans même parler d'avoir loupé cette occasion de m'occuper d'elle. Nous avions toutes les deux joué ce rôle pour l'autre.