Sienna & Magnus

année 41, seconde saison tempérée, fin de journée 93

you're an idiot but I can't let you down

Je regrettais pas après pas d'être venue jusque dans ce maudit quartier, même pour Magnus parce qu'il ne semblait toujours pas comprendre la situation, ouvrir réellement les yeux sur ce qu'il se passait au sein des murailles, il continuait de patauger dans l'incertitude, enfermé dans son petit monde de privilégié. J'étais brutale, je ne prenais jamais de pincettes qu'avec Meg et il le savait bien, ça faisait partie du marché. Si nous étions amis, ce n'était pas pour donner absolument toujours raison à l'autre sous prétexte qu'il était un Golden, c'était complètement con. Ca ne signifiait rien. Plus rien. J'en étais la preuve vivante. Je n'étais plus de cette tranche des Dragons mais au moins j'étais consciente plus que jamais de ce qu'il pouvait se tramer, de l'injustice crasse de ces Anciens et sa mère jouait le jeu de Martin ou son jeu ou leur jeu. Qu'importe. Elle ne passait qu'à ses enfants, qu'à sa famille et les amis directs, elle n'en avait que faire de la pauvre petite Dragonne que j'étais, je ne valais probablement pas grand-chose à ses yeux ou, en tout cas, je n'étais pas dans ses priorités, tout comme les autres, ceux qui n'étaient pas dans les hautes sphères. Alors, oui, je rageais d'avoir pris la peine de me bouger le cul jusque-là alors que j'avais mieux à faire, comme me reposer quand j'en avais la possibilité, c'est-à-dire pas souvent. Il ne semblait pas le comprendre. Forcément, il pouvait sagement se reposer chez Andrea. Je tenais dans ma main une broche sculptée dans du bois, je la serrais même parce qu'il n'aurait pas fallu grand-chose pour me coller au sol, vu l'état de mes côtes.

Le petit protégé avait décidé de prendre l'air. Quelle ingénieuse idée. Au moins, l'abruti me facilitait la tâche. Je ne voulais pas tomber sur Andrea, pas à cet instant. Je n'aurais pas pu exploser de la même façon, j'aurais eu bien trop peur qu'elle me tombe dessus parce que j'étais une cible de choix, je n'étais pas la fille d'une Ancienne qui décidait de reprendre les rennes du clan des années après son règne. Elle ne donnait pas l'impression d'être ravie de ce qui se déroulait tous les jours depuis la tempête et même un petit peu avant, mais il valait mieux ne pas prendre trop de risque, même si j'avais une panoplie de mes grigris préférés. Respirer une horreur. Marcher était un calvaire. Mais tant qu'à être là, je pouvais bien forcer les choses. Je ne comptais pas le laisser s'échapper. « On se promène ? Les médicaments doivent bien agir, après tout. C'est con, on se bouscule pas autant pour moi et c'est encore à moi de bouger jusqu'à toi. Crétin. » J'étais frontale, violente dans mes propos mais c'était pour mieux le faire réagir. Il aurait été n'importe quel con vantard, je l'aurais laissé se planter la gueule trop tard, quand il aurait franchi la frontière, quand il aurait causé la fin de notre amitié par son manque de discernement mais je l'appréciais dans le fond. Meg aussi. Meg qui m'avait poussée à faire des efforts. Un abruti trop gentil, lui.

Sienna & Magnus

année 41, seconde saison tempérée, fin de journée 93

you're an idiot but I can't let you down

« On se promène ? Prends moi pour un con. Toujours sympa. » J'avais levé les yeux au ciel, agacée par son ton. A vrai dire, j'étais celle qui avait lancé les hostilité cette fois, donc c'était un peu l'hôpital qui fait un doigt d'honneur à la charité mais j'étais beaucoup trop échauffée que pour réfléchir correctement et, en plus, me montrer parfaitement juste et au clair avec tout ça. D'une certaine manière, je m'inquiétais pour lui et l'image qu'il pouvait donner parce que ce crétin n'était pas le plus doué d'entre nous. Je ne valais pas réellement beaucoup mieux, je n'étais ni tendre, ni particulièrement gentille avec mon prochain, mon voisin, tout ce que vous voulez. La différence, c'était que je n'avais pas de cible dans le dos, pas plus que n'importe quel Dragon en ces temps pourri. Je n'étais plus une enfant Golden depuis longtemps. On ne m'associait plus à ce groupe préservé de tous les mauvais aspects. Je n'en faisais pas trop non plus. Je rendais les coups quand on me cherchait mais je n'allais pas piquer quelqu'un avec un bâton comme un abruti arrogant.

« Tu penses vraiment que j'vais rester bêtement assis pendant qu'on vous envoie trimer ? J'ai envoyé chier les consignes de ma mère. » Je n'étais finalement qu'à moitié surprise par la nouvelle. Je m'étais toujours dit qu'avec un peu de choses poussées dans ce petit crâne, il finirait par comprendre et par passer le cap de la crise d'adolescence. Encore une fois, l'hôpital, la charité, tout ça. Un sourire fit son chemin. Je n'allais pas prétendre être fière ou oublier nos dernières querelles mais l'essentiel était qu'il ait fait son petit bonhomme de chemin, qu'il ait compris qu'il n'était plus question de rigoler ou de profiter de ses privilèges si c'était pour nous laisser crever la bouche ouverte. Le problème, c'était que mon état me mettait de très mauvaise humeur. J'étais encore plus grognon qu'à l'habitude. Les matins étaient encore plus compliqué à géré. Ca s'apparentait à de la torture pure et dure.

J'avais frappé dans mes mains avant de le regretter la seconde suivante. Quelle conne j'étais. Je n'apprenais absolument jamais. « Ce n'était pas aussi clair la dernière fois. Excuse-moi de ne pas être à jour. Tu ne m'en voudras pas de pas connaître ta vie par cœur. J'me retrouve à surveiller cette connerie de muraille avec ces stupides côtes qui me font un mal de chien. » L'idée n'était même pas de me plaindre, plus de me trouver une bonne excuse parce qu'avec lui, c'était plus facile que de juste avouer que je m'étais trompée, que j'avais foncé, les canines prêtes à mordre son bras. J'étais trop bourrue. Un peu moins que lui quand même. Un tout petit peu.