ezio & hazel
A41 ST2 J91 (soirée)

t'as pas une gueule de porte-bonheur

Franchement, vu tout le temps qu'il passait sur le territoire Sud, on allait finir par le prendre pour un acharné ou par se dire qu'il regrettait vraiment son transfert. Les deux suppositions étaient fausses à des degrés différents. Il était vrai par contre qu'il se sentait particulièrement à l'aise parmi les Jaguars et qu'il aimait mêler l'utile à l'agréable. Aujourd'hui, il n'avait pourtant aucun désir de s'intéresser de trop près à quoi que ce soit lié à l'espionnage. Il s'était faufilé dans le quartier des jeux en espérant croiser la route de Nyx ou celle de ce grand type auquel elle s'était accrochée, l'occasion ne s'étant pas présentée depuis la tempête alors qu'il avait une curiosité à satisfaire. Une idiote de sous-armurière à faire enrager aussi. Il n'était de toute façon pas question qu'il loupe la réouverture des lieux, interdiction ou non, et qu'importe que l'ambiance ne soit pas tout à fait similaire à cause de tout ce bordel.

- Ben, qu'est-ce que tu fiches ici ?

Qu'il soit là était donc normal, mais il était beaucoup plus surprenant de tomber nez à nez avec Hazel dans cet environnement. Habituellement, cela se produisait du côté du bar à drogue et elle était bien la dernière personne qu'il aurait pu imaginer dans le coin. Par réflexe, il la balaya des yeux et il fronçait légèrement les sourcils lorsqu'il croisa à nouveau son regard.

- C'est quoi cette béquille ? Tu vas me faire m'inquiéter pour toi maintenant ?

Hazel & Ezio

année 41 ; saison intermédiaire ; soirée 91

t'as pas une gueule de porte-bonheur

Franchir les frontières du territoire n'était pas exactement une chose nouvelle mais était au moins suffisamment rare que pour que je ne sache pas comment m'y prendre. Même quand je restais dans cette zone, je n'étais pas particulièrement à l'aise, j'avais toujours préféré ma maison et la salle d'entraînement. Je n'étais pas la fille la plus sociable. Moins je me tenai près des autres, mieux je me portais et je n'avais aucun souci avec ce mode de vie. C'était ressourçant. Beaucoup moins angoissant. Si j'avais été au quartier des jeux, ce n'était pas pour faire bonne figure ou pour papoter avec les Jaguars mais une façon de m'échapper de chez moi, d'éviter un interrogatoire interminable et de ne pas me faire choper chez Maze. Tout avait été minutieusement calculé. Avec un peu de chance, on me fuirait comme la peste parce que je n'étais pas particulièrement accueillante ou souriante. J'avais tous mes systèmes de défense déployés.

Sauf que ça m'avait joué un tour. Je n'aurais même pas dû être surprise qu'il ait été attiré par ce détail. Qu'il soit sur les lieux, c'était autre chose. Je ne m'y attendais pas. « Ben, qu'est-ce que tu fiches ici ? » Je m'étais crispée. Je n'avais pas été repérée par Shae mais je ne savais pas si c'était vraiment mieux. J'allais encore avoir droit à ses grands discours. D'une certaine façon, il me balançait les mêmes vérités dérangeantes que ma mère et ça, c'était grave chiant.

« C'est quoi cette béquille ? Tu vas me faire m'inquiéter pour toi maintenant ? » J'avais bougé ma béquille par réflexe, comme si j'avais soudainement eu besoin de reprendre mon équilibre ou de retrouver une position confortable. Qu'il joue ou non, je n'étais jamais très à l'aise quand il s'agissait de parler de mes blessures, surtout quand les autres me donnaient l'impression de s'inquiéter. Je gérais encore très mal cette position que je cherchais régulièrement à fuir en me bornant de vivre dans ma tête. De me faire des films comme une grande.

« Je suis une grande fille. Et c'est trois fois rien. » J'avais détourné la tête. C'était beaucoup plus facile comme ça. Plus facile que d'avouer que j'étais touchée par l'intention, même si elle prenait cette forme. « Tu m'croirais pas si je te disais que je voulais me faire des amis alors je vais être franche. J'évite ma mère et je peux pas aller chez ma copine, son père me dénoncerait. » On aurait pu croire que j'étais incapable de parler calmement, que tout devait virer de cette façon, moi m'énervant pour pas grand-chose. Balançant les éléments comme si je devais me justifier et me défendre à tout prix.

ezio & hazel
A41 ST2 J91 (soirée)

t'as pas une gueule de porte-bonheur

Trois fois rien... Pour s'en être souvent pris dans les dents depuis son passage chez les Dragons, il pouvait dire d'expérience qu'on utilisait rarement une béquille pour des broutilles. Quant au fait qu'elle ne soit pas une enfant, cela restait discutable, comme souvent avec elle. Dans un rare moment de retenue, il décida de ne pas se saisir de la perche tendue, un peu aussi pour éviter qu'elle ne cherche à le semer dans la foule parce qu'elle le trouvait trop encombrant. Il n'aurait pas voulu qu'elle se fasse mal en se pressant après tout. S'il n'était pas toujours très soucieux des autres, cela ne s'appliquait pas avec les gens qu'il estimait, bien qu'il soit parfois trop maladroit dans ses démonstrations d'affection pour que cela se remarque. C'était par contre trop demandé qu'il ne s'attache pas avec toute sa lourdeur à cette révélation glissée dans le tas. Elle venait de faire une erreur de débutante et, après tout, elle ne devait sans doute pas vouloir de sa pitié. Il ne faisait que la respecter en agissant comme il le faisait d'habitude.

- Ta copine, hein...

Avec le sourire qu'il affichait, il avait tout d'un chat venant de coincer une souris contre un mur et il ne faisait aucun doute qu'il allait jouer avec. Malgré tout, il restait sincèrement heureux de savoir qu'elle avait pu se sortir du trou dans lequel elle s'était coincée la dernière fois qu'ils s'étaient croisé. Elle avait beau tout avoir d'une ado boudeuse, la voir misérable était une autre paire de manches.

- On a donc appris les bienfaits de la communication ?

Hazel & Ezio

année 41 ; saison intermédiaire ; soirée 91

t'as pas une gueule de porte-bonheur

« Ta copine, hein... » Quelle idée de faire une telle erreur face à lui ? Surtout après notre dernière discussion au bar à drogue. Je lui avais tendu une belle perche et c'était habituel pour lui de foncer sur une telle occasion. J'avais grommelé des mots inintelligibles, râlant sur mon inaptitude à cacher des choses essentielles comme celle-ci. En vérité, face à lui, ce n'était pas un vrai problème, il n'avait jamais profité de la situation autrement que pour se moquer gentiment de moi mais c'était quand même un petit peu vexant de lui laisser ce pouvoir. Son sourire n'arrangeait rien, il avait l'art d'être un gagnant insupportable et moi une très mauvaise perdante.

« On a donc appris les bienfaits de la communication ? » J'avais levé les yeux au ciel, excédée par la manière dont il avait présenté la situation. Lui et Shae s'entendraient probablement à merveille et c'était toujours plus vexant à chaque fois que j'y pensais. Je le savais, dans le fond, qu'ils avaient raison, que je devais encore apprendre beaucoup d'astuces relationnelles, que ça m'aiderait dans la vie de tous les jours mais ça ne rendait pas le moment moins emmerdant pour autant.

« Ne va surtout pas croire que c'est grâce à toi. Elle sait comment me parler. C'est tout. » Je gérais mieux mes émotions quand je prétendais ne pas le remercier, quand je feignais de mettre de la distance entre lui et moi. Pourtant, Ezio avait joué son rôle dans ce bordel. Il m'avait permis, à sa façon, d'exprimer ce que je n'osais pas exprimé devant Maze. Il m'avait également permis de me rendre compte à quel point c'était difficile de vivre loin d'elle et de tous les bâtons que je me mettais dans les roues.

ezio & hazel
A41 ST2 J91 (soirée)

t'as pas une gueule de porte-bonheur

Entre la subtilité et une réaction sincère, le choix fut vite fait. Il ne pu que rire de bon cœur devant une telle attitude, il avait vraiment l'art de s'entourer de meufs aux réactions similaires. Elle restait moins incisive que Nyx, mais il aurait pu facilement les voir s'entendre sur de nombreux points. Seulement, puisqu'elles auraient sans doute fait la paire pour se liguer contre lui, il ne comptait vraiment pas tester cette théorie. Elles se voulaient déjà assez difficiles en solo.

- Bien évidemment.

Dans une débauche de mansuétude, il décida de ne pas pousser pour plus. L'important restait le résultat et, à sa façon, elle avait prouvé sa reconnaissance pour ce petit pep talk improvisé au bar à drogue.

- Faudra vraiment que tu me la présentes. Je suis sûr que je pourrais l'apprécier, elle semble intelligente comme fille.

Hazel & Ezio

année 41 ; saison intermédiaire ; soirée 91

t'as pas une gueule de porte-bonheur

Je n'étais pas aveuglée par mon comportement au point de ne pas me rendre compte qu'il ne rigolait pas de moi mais qu'il se moquait un peu de la situation qui, je devais l'admettre, avait un quelque chose de ridicule. Ce n'était d'ailleurs pas le seule à rigoler de mes caprices et mes piques qui ne valaient pas grand-chose. Contrairement à Shae, je pouvais simplement plus facilement lui envoyer ces fameuses piques sans risquer d'être sermonnée. Ce serait du gâchis que de ne pas en profiter. Par réflexe, je lui avais offert des grimaces.

« Bien évidemment. » J'aurais voulu lui en coller une mais c'était compliqué et ça me ferait encore passer pour une fille violente. Je ne pouvais pas lui faire ce plaisir, ce serait du pain béni pour lui. C'était compliqué de se contenir mais ne pas être entre les frontières des vipères aidait, je ne voulais pas exactement me faire repérer par les Jaguars et être gentiment dégagée.

« Faudra vraiment que tu me la présentes. Je suis sûr que je pourrais l'apprécier, elle semble intelligente comme fille. » J'avais serré les mâchoires à cause de l'idée déplaisante. S'ils pouvaient ne jamais se rencontrer, ce serait sans doute mieux pour ma propre survie mentale. Il en connaissait trop à mon sujet, avait beaucoup trop de potins en tête, je ne voulais pas que Maze se pose trop de questions.

« Tu veux qu'on organise ça quand ? J'en prends note. » Ma phrase puait le sarcasme à des kilomètres à la ronde. Il ne pourrait pas louper l'information qui se glissait entre les mots.

ezio & hazel
A41 ST2 J91 (soirée)

t'as pas une gueule de porte-bonheur

Une gamine, voilà ce qu'elle était. Malgré ses commentaires et ses tentatives pour l'aider à gagner un peu en maturité, il ne voulait pas non plus la voir grandir trop vite. Elle n'avait que dix-sept ans et il souhaitait à tous les jeunes Membres comme elle d'avoir l'occasion de prendre leur temps avant de devenir de complets adultes. Chaque paix était temporaire, d'autant plus qu'il ne fallait pas forcément que deux clans s'affrontent pour qu'elle s'interrompe. Il suffisait de voir les années de galère des Jaguars et celles qui s'assombrissaient chez les Dragons. Le règne d'Annabella n'avait pas été parfait de ce qu'il savait, mais, en comparaison, ce n'était vraiment pas grand chose.

- T'embête pas, je peux la trouver tout seul, comme un grand.

Elle pouvait jouer avec son sarcasme pendant qu'il utilisait sa ruse. Un sourire amusé aux lèvres, il feint de se regarder les ongles, avant de se tourner à nouveau vers elle, agaçant comme il pouvait si facilement l'être lorsqu'il se jouait de quelqu'un. La tâche ne serait pas bien compliquée et il n'était pas au-dessus de beaucoup de choses, mais il n'allait pas se mettre à stalker une gosse pour une telle raison, aussi tentant que cela soit de trouver cette fameuse fille qui avait réussi à chambouler sa protégée.

Hazel & Ezio

année 41 ; saison intermédiaire ; soirée 91

t'as pas une gueule de porte-bonheur

« T'embête pas, je peux la trouver tout seul, comme un grand. » Je n'avais pas pu m'empêcher de l'imiter en grimaçant mais sans sortir le moindre traître mot, juste un enchaînement de syllabes inintelligibles à force d'être poussée par ses commentaires qui avaient le don de m'énerver. Je savais bien dans le fond qu'il cherchait justement cette réaction plus que tout et je ne l'imaginais pas perdre de son temps précieux juste pour ça, pour rendre mon quotidien infernal quand la tempête et le sous-effectif de Membres rendaient forcément la vie plus difficile dans tous les clans.

« Quand t'es pas déjà occupée avec une femme à qui tu racontes des bobards. » C'était sorti soudainement mais j'étais certaine que ça ne ferait pas d'étincelles. Il était au-dessus de ça et dans tous les cas, je n'avais même pas réellement cherché à être mordante. C'était une réponse par défaut.

ezio & hazel
A41 ST2 J91 (soirée)

t'as pas une gueule de porte-bonheur

Une main portée vivement à la poitrine, il mima de se prendre une balle en plein cœur et se laissa partir en arrière avec une saccade. Son petit cirque ne manqua pas de lui faire bousculer un autre type à qui il offrit une excuse rapide. Pas de mal fait, l'autre retourna à sa propre discussion comme si de rien n'était. Le fait qu'il servait peu d'alcool aujourd'hui avait clairement aidé son cas. En plus, les gens étaient moins à cran maintenant qu'ils avaient enfin une occasion de relâcher la pression en s'amusant. L'ambiance était plus tranquille ici qu'à l'accoutumé.

- Mais quelle image tu as de moi.

Il ne s'en cachait pas, il avait ses méthodes et, si elles fonctionnaient, elles n'étaient pas exactement délicates. Il faisait rarement de belles promesses et jouaient plutôt sur le fait de s'amuser un peu, mais tout le monde ne prenait pas forcément la peine de lire entre les lignes. Heureusement, il gardait de bons contacts avec la majorité des femmes qu'il fréquentait. C'était plus facile comme ça et il aimait avoir son petit nombre d'amies et plus si affinités parmi les Jaguars. Les moments passés ici adoucissaient considérablement son quotidien chez les Dragons, il n'avait donc aucune raison de chercher volontairement à s'y créer des emmerdes.

Hazel & Ezio

année 41 ; saison intermédiaire ; soirée 91

t'as pas une gueule de porte-bonheur

« Mais quelle image tu as de moi. » J'avais roulé des yeux tout en soupirant en l'entendant et le voyant jouer son petit jeu classique. Je ne comprenais toujours pas trop bien ce qui le poussait à traîner avec moi alors que je donnais mon possible pour mettre de la distance entre nous. Je n'en étais pas capable. Ni avec lui, ni avec Maze mais c'était difficile de s'imaginer que, pour des raisons totalement différentes, ils avaient réussi à m'approcher, je les avais laissés rester dans mon environnement et ce malgré mes propres règles, mes propres absurdités pour m'isoler à tout prix. Je n'étais pas certaine de savoir lequel de nous deux était le plus stupide ou le plus acharné.

« Il y a qu'une personne aussi stupide que toi pour flirter partout où il va. Ça me rassure, on ne pourra jamais me prendre pour ta sœur. Tu t'approches quand je m'éloigne. Ce qui te rend encore plus stupide puisque t'es encore là. » Avec moi. J'étais consciente d'être culottée et de manquer de reconnaissance en lui balançant ça mais je ne fonctionnais pas correctement. Je n'étais pas quelqu'un de bien. Shae essayait depuis trop longtemps de faire de moi une fille approchable et sympa, sociable en soi mais c'était peine perdue. Il le savait, lui aussi, depuis le temps. On aurait pu croire qu'il connaissait ma mère à force de m'entendre.