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T'es ridicule. Tu vas te pointer là, comme une fleur, avec cette proposition à la con et tu penses qu'elle va accepter ? Comme si c'était de ça dont elle avait besoin. Tu devrais même pas aller là-bas après ce qu'il s'est passé. Le monologue était tout juste resté interne, une injure ou deux lui glissant des lèvres à l'occasion, alors qu'elle progressait à pas rapides dans les rues du territoire. Elle avait la démarche des jours où il ne fallait vraiment pas la déranger, mais pour une raison totalement différente cette fois. C'était une bonne chose que pas mal de Membres étaient déjà parties vers le Sud, il y avait eu moins de témoins pour la voir faire demi-tour par deux fois avant qu'elle ne parvienne à se convaincre de continuer dans l'autre direction. L'attitude n'était vraiment pas plaisante, elle n'était pas du genre à fuir, sauf justement face à tout ce qui touchait aux relations humaines. A l'instant, une part d'elle aurait préféré aller agiter une lame sous le nez d'un Dragon ou même de retourner voir Rekk, mais, à la place, elle persévéra jusqu'à chez Zola et se força à frapper directement pour ne pas avoir le temps de se convaincre à nouveau de partir. Une chose à la fois. D'abord, tu vérifies comment elle va et tu suis ton instinct. Ou peut-être pas puisque la seule chose que lui disait son instinct était de se barrer avant que la porte ne s'ouvre. Ce qui se produisit à cet exact moment et eut le don de lui arracher son discours bien préparé des lèvres.

- Rory ? Qu'est-ce que tu fiches là ?

Okay, on pouvait difficilement faire pire comme entrée en matière. Vexe sa meilleure amie, ça va t'aider. Contre toute attente, cette dernière ne s'en offusqua pas et afficha un sourire en coin, les bras croisés sur la poitrine. Elle l'imita presque aussitôt pour s'éviter de s'humilier en laissant ses mains s'agiter nerveusement.

- Je pourrais te poser la même question.
- Je ne suis sûrement pas venue te voir toi.
- Blessant, mais pas surprenant.

L'attitude lui rappelait quelqu'un de tout aussi désagréable, à croire qu'elle était destinée à se faire tourmenter par ce genre d'emmerdeuses. Elle ne pouvait qu'espérer que ces deux là ne traînaient pas ensemble ou un problème allait se poser. Lorsque Hazel serait à nouveau en état de se prendre des coups, il faudrait qu'elle tâte le terrain à ce sujet pour s'assurer d'être prête. Il n'était jamais trop tôt pour commencer à creuser un trou, bien qu'elle ne sache pas encore à qui il serait destiné. Elle irait sans doute plus vite en s'enterrant elle-même, maintenant qu'elle y pensait.

- Zola, t'as de la visite. Le genre que tu ne vas pas refuser.

Elle n'aimait vraiment pas le ton sur lequel la sous-infirmière avait balancé ça par-dessus son épaule. On ne lui avait pas demandé son avis sur la question, même si une toute petite part d'elle était soulagée de ne pas s'être fait claquer la porte au nez. Si elle n'avait pas cru qu'elle serait la bienvenue, elle ne doutait pas du fait que Rory se serait déjà débarrassé d'elle, vu leur dernière rencontre. Elle le lui rappela bien en se penchant dans son espace, soudainement plus sérieuse.

- Merci d'avoir été là pour elle. Continue de gagner des points et on aura pas de problème toi et moi.

Sans le sourire à la fin tout aurait été moins dérangeant, mais la menace était claire. Elle chassa la main qui voulu venir lui tapoter l'épaule avec un peu trop de familiarité, mais Rory ne fit qu'en rigoler avant de rentrer dans la maison en l'invitant d'un geste à la suivre. Elle supposait que c'était son rôle en tant qu'amie de l'emmerder de la sorte, mais la pression n'était pas forcément la bienvenue. Tout ça était nouveau, ce n'était pas comme si elle avait déjà réellement blessé Zola ou qu'elle envisageait de le faire. Leur relation avait été radicalement différente avant, il n'y avait jamais eu de promesse, encore moins de confiance brisée. Est-ce que c'était ça, tenter de se rapprocher de quelqu'un ? Avoir son entourage en guise de témoin en attendant qu'elle fasse un pas de côté ? Comme si elle ne prenait pas le risque elle aussi de se faire briser le cœur, quelque chose qu'elle n'avait plus fait depuis longtemps.

- Je suis toujours là, non ?

Elle l'avait grogné juste avant que Rory ne s'illumine en voyant la blonde arriver, apparemment décidée à rester vu comment elle alla prendre ses aises dans l'un des fauteuils, aux premières loges.

Kyla & l'intruse

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Si Rory avait pris l'habitude de prendre beaucoup de place au sein de cette maison, c'était encore plus évident en ce moment et pour la première fois, je ne niais pas en avoir besoin, j'avais préféré laisser ma fierté dans un coin très sombre de ma tête. En temps normal, c'était drôle et plus simple de prétendre que je n'avais pas besoin d'elle, qu'elle n'était qu'un élément qui me suivait partout sans que je n'y puisse quoi que ce soit mais là, c'était nouveau et beaucoup trop douloureux. Mettre la distance avec les autres pour ne pas m'afficher n'était pas négociable mais elle était différente. Pour une fois, c'était moi qui mourais d'envie de m'accrocher à son pull si elle devait aller faire un tour parce qu'elle avait été probablement la première à voir au travers de mon jeu.

Je savais que pendant que je traînais encore comme une épave dans mon lit, Rory était occupée dans l'un des espaces communs de la maison, au rez-de-chaussée. « Zola, t'as de la visite. Le genre que tu ne vas pas refuser. » Ce sous-entendu aurait pu faire référence à quelques personnes mais le champ des possibles fut limité à une personne à cause de son intonation et de la musique dans sa voix. Je m'étais raidie sous mes couvertures. L'habitude devait encore entrer dans ma tête. L'attention était drôlement touchante mais il y avait un souci dans cette organisation, souci qui avait le nom de ma meilleure amie. La connaissant, elle allait s'en mêler si pas un peu, beaucoup trop. A croire qu'elle avait été éduquée par ma tante, comme si elle avait toujours été entraînée à devenir une digne héritière de la famille. La poisse ! Kyra avait mal choisi son timing.

Il m'avait fallu plusieurs minutes pour me bouger le cul et trouver la force de faire face à Rory qui allait forcément se douter de quelque chose. Si elle ne l'avait pas déjà appris. Elle fouinait beaucoup trop bien quand il s'agissait de mes mauvais plans, alors pourquoi elle n'apprendrait pas pour ce qui me rendait un peu moins triste ? « Kyra. » J'avais feint un genre d'amitié. Un truc purement platonique. Je n'avais plus qu'à croiser les doigts et prier tout ce que je pouvais, que j'y croie ou pas, pour que celle qui nous observait ne se doute de rien. « Rory ? Tu n'as pas Charlotte à retrouver ? » Une invitation comme une autre, gentille, polie et sans agressivité. Je faisais un bel effort, elle ne pourrait pas le nier. J'allais jusqu'à sourire pour lui faire plaisir.

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Les sensations étaient encore toutes récentes, elle se surprit à découvrir une nouvelle forme de nervosité en voyant la blonde entrer dans la pièce, quelque chose qui la poussa à changer de position, ses bras se relâchant pour qu'elle puisse aller chasser cette impression de moiteur sur ses paumes en les frottant contre ses cuisses. Elle avait beau avoir réfléchi à ce moment pendant ce qui lui semblait être des heures, un blanc s'installa dans sa tête. Ce n'est qu'en se sentant sourire qu'elle se força à se reprendre en tentant de chasser la nervosité d'un raclement de gorge, ses mains partant dans les poches de son manteau où elles ne pourraient pas se tordre. Elle n'était plus trop certaine de comment elle agissait en temps normal, mais elle savait qu'un sourire idiot ne lui irait pas, d'autant plus si il était dirigé vers la fille qu'elle était censée supporter le moins sur le territoire. Les détails étaient un peu plus compliqués, il y avait une longue liste avant Zola, mais ce n'était pas pareil et leurs échanges avaient toujours été plus évidents.

- Nope.

L'emmerdeuse s'était rappelée à elle avec sa voix trop enjouée et elle n'eut aucun mal cette fois à se retrouver dans toutes ces stupides émotions. Elle lui jeta un regard noir, qui ne lui attira qu'un sourire, avant de lever les yeux au ciel avec agacement. L'ignorer était sans doute ce qu'elle avait de mieux à faire et elle était douée pour ça en temps normal. Il lui fallait juste retrouver son équilibre, agir avec assurance, et tout irait bien. Ce qui incluait ne pas bégayer ce qui se produisit bien sûr.

- Hm, hey. Je me disais... Il y a ce truc au quartier des jeux. Je te propose pas d'y aller bien sûr. C'est juste que tout le monde y est, donc ça veut dire qu'il y a de grandes chances que ce soit désert ailleurs. Du coup, je pensais, que, peut-être, ça te dirait d'aller faire un tour ?

Elle se taperait volontiers la tête contre un mur plus tard pour avoir été si pitoyable, mais, au moins, c'était dit. Elle avait même réussi à ne pas dévier le regard, il était soigneusement resté sur Zola, et ses mains n'avaient pas quitté ses poches pour aller se toucher le sourcil dans ce tic nerveux qu'elle était trop consciente d'avoir.

- Le lac est cool la nuit et il y a de l'espace sans les gens. Je sais que t'es beaucoup restée ici, et je comprendrais que tu veuilles pas sortir, mais je me suis dit que prendre l'air te tenterait peut-être. On peut aller ailleurs bien sûr. Ou rester ici.

Ou elle pouvait rentrer et elles n'auraient qu'à faire comme si ce moment gênant n'avait jamais existé.

Kyla & l'intruse

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Sans penser à mal pour une fois, je devais avouer que j'étais soulagée de remarquer que je n'étais pas la seule à perdre mes moyens dans cette situation totalement nouvelle. Je me comparais si facilement avec ma famille, je n'aurais pas bien vécu le fait d'être une nouvelle fois en-dessous des autres même si Kyra me promettait de ne pas me juger à cause de ça. En être au même stade laissait supposer qu'on pourrait plus facilement se soutenir sans avoir un geste malheureux. D'autant plus que l'une comme l'autre nous étions plutôt sensibles quoi qu'on puisse essayer de faire croire aux autres. J'aurais bien voulu lui prendre les mains pour l'aider dans ce semblant de détresse mais tant que ce qui me servait de meilleure amie était dans les parages, je devais jouer le jeu.

« Nope. » Une vraie plaie. Que j'aimais, dans l'absolu, mais une vraie plaie quand même. On avait la critique facile quand il s'agissait de garces comme moi ou de filles trop solitaires comme Kyra mais on n'envisageait jamais le cas de filles comme Rory. Demander à Charlotte de l'occuper n'était même pas une solution envisageable parce qu'elle voudrait comprendre la raison de cette requête. J'étais piégée. Cependant, ça ne m'empêcha pas de lui envoyer un signal très clair à travers un regard noir, les sourcils froncés. Le problème c'était qu'elle s'en moquerait ouvertement, je la connaissais bien.

« Hm, hey. Je me disais... Il y a ce truc au quartier des jeux. Je te propose pas d'y aller bien sûr. C'est juste que tout le monde y est, donc ça veut dire qu'il y a de grandes chances que ce soit désert ailleurs. Du coup, je pensais, que, peut-être, ça te dirait d'aller faire un tour ? » Je n'étais pas certaine que Kyra ait compris le sous-entendu, sans doute beaucoup trop implicite, en m'invitant à aller faire un tour sous les yeux de l'autre emmerdeuse. Ce détail mis de côté, je devais admettre que ça ne tombait pas dans les oreilles d'une sourde, l'idée était tentante dans de pareilles conditions et ça ne pourrait que me faire du bien. Je n'avais pas pu m'empêcher néanmoins de jeter un rapide coup d'oeil à celle qui squattait un fauteuil pour découvrir sa réaction.

« Le lac est cool la nuit et il y a de l'espace sans les gens. Je sais que t'es beaucoup restée ici, et je comprendrais que tu veuilles pas sortir, mais je me suis dit que prendre l'air te tenterait peut-être. On peut aller ailleurs bien sûr. Ou rester ici. » Je m'étais sentie sourire bêtement et je me trouvais drôlement idiote. Il me faudrait encore du temps pour accepter que j'étais amoureuse dans tous les sens du terme et que je pouvais réagir comme les autres, comme ceux et celles que je jugeais par facilité, pour mettre de la distance entre ces histoires d'amour et moi.

« Je veux bien. » J'avais timidement prononcé ces mots et je me rendais compte que ça pourrait vendre la mèche mais je pourrais encore mentir si la curieuse venait à se douter de quoi que ce soit. Je ne pensais pas un jour me mettre dans ces états pour qui ou quoi que ce soit.

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Elle aurait sans doute dû être plus subtile dans son approche, une forme de secret venait implicitement avec quelqu'un comme Zola, elle-même n'était pas certaine de vouloir étaler cette nouveauté entre elles, qu'importe ce qu'elle représentait réellement. Seulement, le simple fait de venir avait déjà tout d'un aveu lorsque l'on avait un point de départ comme le leur. Jamais par le passé elle n'aurait eu l'idée de se pointer ici sans ce rapprochement après tout. Avec le stress de faire ce pas, de poursuivre volontairement quelque chose de moins hostile avec Zola, de prendre un vrai risque pour la première fois depuis longtemps, en somme, elle n'avait pas été en mesure de prendre les pincettes les plus adaptées. Il fallait aussi se rendre à l'évidence, elle n'avait pas pris la peine de cultiver ce genre de subtilité. Communiquer avec quelqu'un sans sortir au moins un peu les crocs n'était déjà pas un événement si régulier, alors user de douceur avait tout d'une exception. Agir de la sorte devant cette sous-infirmière, aussi gênant que ce soit, était aussi différent puisqu'elle était après tout celle qui l'avait poussée vers sa meilleure amie lors de l'un de ses moments les plus vulnérables. Elle n'avait donc aucune raison de s'étonner, ce qu'elle ne fit d'ailleurs pas au vu du petit son satisfait qu'elle laissa échapper. Quelque part, ce n'était pas si mal, la partie de son esprit qui maudissait Rory ne stressait au moins pas quant à la réponse de la blonde. Tout fut vite oublié face à ce sourire, la petite voix dans sa tête qui se moquait des histoires à l'eau de rose immédiatement forcée au silence, parce qu'elle souriait aussi, stupidement, et qu'il était trop plaisant d'avoir provoqué un tel changement chez Zola, de pouvoir lui apporter du positif plutôt que de lui faire tirer la tête. Si on lui avait dit dix jours plus tôt qu'elle serait capable de se dire ça, elle aurait cogné sauvagement l'idiot qui aurait osé l'insulter, mais il fallait croire que certaines évolutions étaient vraiment provoquées en un claquement de doigts.

- Quelle excellente idée !

On ne lui avait pas demandé son avis à celle-là, mais soit. Avec son excitation, elle cassait franchement l'ambiance, mais Rory avait au moins le don d'être efficace vu à quelle vitesse elle se mit debout pour aller chercher une veste et enrouler une écharpe autour du cou de Zola. Une étreinte rapide fut au passage échangée et elle cru vaguement comprendre qu'elle lui glissait de ne pas s'inquiéter, qu'elle s'en chargerait si on la cherchait.

- Prends pas froid et profite, okay ?

Cela n'avait pas été difficile de leur laisser de l'espace puisqu'elle s'était faite pousser de côté, mais elle fit l'effort supplémentaire de regarder ailleurs pendant ce temps là pour ne pas empiéter sur un moment qui ne la regardait pas. Cela n'empêcha pas Rory de rentrer dans son espace pour balancer une dernière mise en garde dans un murmure avant de la conduire vers la sortie. La porte fut fermée derrière Zola peu de temps après et elles furent enfin seules. T'as ça dans la poche, c'est qu'une balade. Rien de difficile. Elle a dit oui, c'était le plus dur non ? En théorie, il n'était pas exactement dans ses habitudes de passer du temps avec les autres comme ça. Il aurait sans doute été intelligent d'aller demander des conseils à Maze, mais elle n'était pas certaine d'être prête à ravaler sa fierté et à s'exposer à tout ce que cela entraînerait.

- Le lac, donc.

Elle grimaça, cela sonnait un peu trop enthousiaste. Au moins, elles iraient dans la bonne direction.

Kyla & l'intruse

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Le comportement de Rory n'était pas surprenant en soi mais c'était nouveau dans un tel contexte et je ne savais pas trop comment réagir. L'engueuler pour son enthousiasme aurait pu envoyer le mauvais message à Kyra et je ne voulais surtout pas me louper, pas cette fois. J'avais déjà trop peu de personnes qui tenaient à moi et qui n'avaient pas fui au fil des années, j'avais encore moins eu d'occasions de m'ouvrir de cette façon à quelqu'un, je ne pouvais pas tout faire foirer, pas une nouvelle fois. Surtout pas cette fois. Pas avec elle. « Quelle excellente idée ! » Celle qui avait brisé le silence, c'était encore et toujours ma meilleure amie. Depuis le temps, je ne me posais plus la réponse mais qu'on soit meilleures amies continuaient de surprendre ceux qui nous entouraient et qui ne nous connaissaient pas bien.

Par fierté, j'avais un peu ronchonné quand elle avait entrepris de m'habiller comme si j'étais une enfant incapable de faire preuve d'autonomie mais je ne leurrais personne, c'était le cas. Pour le moment. Le temps de me retaper. La présence de Kyra dans ces circonstances n'était pas vraiment dérangeant. Je savais qu'elle ne voudrait pas qu'on ébruite quoi que ce soit de ce genre si elle avait été à ma place. C'était une chance qu'on partage ce trait de caractère, il ne nous viendrait jamais de mettre l'autre dans l'embarras. « Prends pas froid et profite, okay ? » J'avais acquiescé d'un mouvement de la tête et d'un petit oui. Ce n'était pas réellement étonnant que ma mère l'apprécie à ce point, elle vous acceptait comme vous étiez, ne cherchait pas à vous changer et elle prenait soin de son aînée. Que demander de plus ? Maudite gamine.

Il me fallut du temps pour retomber sur mes pattes et me reconnecter à la réalité. Kyra. La pauvre. Je n'aurais pas voulu être à sa place. Je m'étais concentrée à nouveau sur elle, un sourire plus timide à nouveau. Idiote, m'insurgeai-je. Une insulte qui me visait. « Le lac, donc. » Elle n'était pas beaucoup plus confiante que moi. Nous avions l'air ridicule mais je la trouvais cruellement mignonne. Adorable à sa façon. Je m'en voulais de ne pas avoir compris plus tôt qu'elle me faisait cet effet et que c'était à cause de ce détail même que j'avais été faiblement mordante quand je la croisais. Incapable que j'étais de gérer ce qui concernait les sentiments et les relations amoureuses.

J'ouvris la porte, attendit qu'elle sorte pour en faire de même. Il m'avait fallu quelques instants de réflexion avant de prendre sa main, glissant mes doigts entre les siens, me tenant à sa gauche. Je ne comprenais pas bien mon geste, c'était même trop flagrant et ma famille n'apprécierait peut-être pas que je me rapproche d'elle mais je mourais d'envie de poser ce geste, de tenter une approche, quitte à ce qu'elle retire la sienne rapidement par pudeur ou pour n'importe quelle autre raison. Ca le regardait. Mais j'avais le sentiment que si je n'essayais pas, je me défilerais. Pour une fois, je jouais avec le feu mais pour une bonne raison. « Si ça te dérange, on arrête tout de suite, hein. » Parce que c'était tout ce qui comptait, que ça nous aille à toutes les deux.

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Tout ça aurait peut-être été plus facile si elles avaient eu une base sur laquelle s'appuyer. Leurs échanges jusqu'ici n'avaient rien eu d'amicaux, il n'y avait eu que ce moment lors de la visite de Zola dont le dénouement avait été tout aussi étrange que celui-ci. Ce n'était pas insurmontable non plus, mais si il y avait eu un entre-deux, elle aurait peut-être pu chasser cette impression de se comporter si gauchement et faire taire ses pensées qui se montraient décidément beaucoup trop bruyantes depuis quelques jours. Elle avait rarement pris le chemin de la facilité néanmoins, il n'y aurait donc pas de lente descente dans une familiarité que d'autres connaissaient, la chute se faisait sans parachute pour la simple et bonne raison qu'elle ne se serait sans doute pas produite sans ça. C'était l'urgence et ce revirement de situation qui l'avaient poussée à oser, elle n'aurait pas dû l'oublier et continuer dans ce sens, mais il fallait croire que le premier pas n'était pas toujours le plus difficile. Maintenant qu'elles étaient seules - autant qu'elles pouvaient l'être dans la rue, même si la nuit aidait -, elle aurait dû se sentir d'autant plus libre d'agir, et ce n'était pas l'envie qui manquait, mais elle bloquait bêtement. L'autre fois, être proche de la blonde avait été si naturel qu'elle brûlait de recommencer, mais beaucoup de raisons de ne pas le faire s'empilaient dans sa tête. Il était trop aisé de se dire qu'elle serait ridicule à essayer et qu'un refus créerait un malaise dont elle ne voulait vraiment pas. Trop absorbée par cette lutte interne, elle fut d'autant plus surprise de sentir la main de Zola autour de la sienne. Elle ne manqua d'ailleurs pas de l'observer avec étonnement avant de sourire sans parvenir à s'en empêcher, ses yeux tombant brièvement sur leurs mains jointes.

- Non, non.

Cette version était peut-être mieux finalement. Aussi nouveau que cela soit, elles étaient dans le même bateau et apparemment sur une longueur d'onde similaire. Elle resserra les doigts pour que le message soit bien clair et se donner un peu de courage pour le bien de cette vulnérabilité dont une relation avait besoin.

- J'étais en train de me prendre la tête parce que je voulais le faire à vrai dire. J'y pense depuis que je t'ai vu. J'avais peur que ce soit pas trop ton truc. Entre autres.

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Il était difficile de ne pas suivre son regard pour observer sa réaction, c'était beaucoup trop tentant. Quand je la vis sourire, je ne pus m'empêcher de rougir et de sourire un peu moi aussi, un peu par contagion. C'était nouveau comme sentiment et la sensation aussi mais ce n'était pas désagréable, pas du tout. J'étais comme sur un petit nuage ou sur un lit douillet et confortable. Bref, j'étais vraiment bien là. Je n'aurais pas aimé qu'on nous dérange, j'aurais même probablement grogné sur l'abruti qui se serait permis de nous approcher et je n'aurais sûrement pas assumé ce qui me venait à l'esprit à l'instant mais c'était bien comme ça, elle n'allait pas le crier sur tous les toits et j'étais convaincue que même Rory en collerait une à celui ou celle qui aurait l'idée de se mêler d'affaires qui n'étaient pas les siennes. Mine de rien, elle était adorable mais redoutable.

« Non, non. » J'avais d'autant plus rougi quand elle dit deux fois ce mot si rassurant et réchauffant dans ce contexte. Je préférais de loin cette version de Kyra, la vraie, celle qui s'ouvrait un peu plus à chaque fois à mesure que je le faisais moi aussi. Elle était magnifique. Charmante. Mignonne. Craquante. Elle était trop de choses qui me frappaient d'un coup. Sentir qu'elle renforçait le contact me fit décompresser un peu. Ma poitrine me faisait beaucoup moins mal.

« J'étais en train de me prendre la tête parce que je voulais le faire à vrai dire. J'y pense depuis que je t'ai vu. J'avais peur que ce soit pas trop ton truc. Entre autres. » Je laissai s'échapper un rire avant de poser ma main libre sur la bouche. Je n'étais pas habituée à rigoler, tout au plus avec Rory et ma famille mais ça avait un autre sens, une autre portée. Là, je rigolais franchement, sans me moquer et en pleine rue. Ca aurait pu en déstabiliser plus d'un. Aussi étrange que ça puisse paraître vu les circonstances, je ne m'étais jamais sentie aussi vivante qu'à ce moment précis.

« Je suis désolée. Ce n'est pas contre toi. Je trouvais ça mignon. » Je tenais à être sincère pour ne pas laisser planer le doute. Je ne devais surtout pas la vexer alors que nous sortions pour la première fois ensemble depuis les révélations.

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Un rire n'était pas exactement la réaction attendue, mais, d'un autre côté, elle n'aurait pas su déterminer ce qu'elle aurait voulu entendre à la place. Tout aurait sans doute été un peu gênant parce qu'elle n'était pas habituée à être aussi sincère. Ici, au moins, elle savait comment feindre d'être vexée. Elle n'irait pas le déclarer tout haut, mais elle aimait l'idée de voir et, plus encore, de faire rire Zola. Un fond d'insécurité aurait pu tout ruiner, mais il y avait au moins un avantage à avoir été la cible de ses piques foireuses. Il n'y avait pas de moquerie visant un potentiel point sensible ici, l'ambiance n'était pas du tout la même. La preuve, la blonde n'aurait jamais été aussi prompte à mettre les choses au clair avant.

- Tu rigoles et en plus tu sous-entends que je suis mignonne, je vais vraiment mal le prendre.

La notion lui aurait fait sortir les piquants avec n'importe qui d'autre et c'était d'autant plus troublant de ne pas ressentir le besoin de faire plus que de lever les yeux au ciel, mimique elle-même trahie par un sourire un peu trop évident.

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« Tu rigoles et en plus tu sous-entends que je suis mignonne, je vais vraiment mal le prendre. » Le souci, c'était que plus elle en faisait, plus je la trouvais mignonne. Enfin, ce n'était finalement pas un vrai souci. Le sourire qu'elle affichait mettait bien en avant qu'elle n'était pas vexée quoi qu'elle en dise et quoi que le reste de son langage non verbal laisse suggérer. Honnêtement, je n'aurais jamais imaginé que ça évoluerait si vite entre nous mais c'était probablement accéléré par les événements et ce n'était pas plus mal, ça me permettait de penser à autre chose que cette ambiance bizarre à la maison et encore plus avec Charlotte et James.

« Tu te rends compte qu'il y a encore quelques jours ou quelques semaines, je t'aurais dit que tu n'avais rien de mignon. Et là, on se tient la main et on rigole. » C'était une façon pour moi aussi de rendre tout ce qui se déroulait plus réel, d'en prendre réellement conscience. Je n'étais pas mécontente de ne pas avoir Rory dans les parages. En y pensant, je vérifiais de temps en temps les coins de rue et les endroits où elle aurait pu se planquer. « Les autres pourraient se demander avec raison si on est tombées malades. »

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Prétendre que l'idée ne lui était jamais passée par la tête aurait été un mensonge. Avant qu'elle ne parvienne à trouver assez de courage pour venir voir Zola - ou peut-être était-ce plutôt qu'elle avait décidé de ne pas se soucier des conséquences -, elle était passé par des réflexions plus aliens les une que les autres sur ce qu'elle aurait voulu faire avec elle. Après des années à ne jamais envisager l'amour comme une possibilité, il était apparemment venu la percuter comme un coup de poing au visage qu'elle n'avait pas vu venir. Elle aurait sans doute dû être plus choquée que ça, prendre une éternité pour accepter la réalité, mais l'exercice avait été l'un des plus faciles qu'elle avait eu à réaliser. Tout était loin d'être parfait, naturellement, il y avait encore plus d'un blocage pour la faire trébucher, mais quelque chose venait la motiver à continuer à avancer, à ignorer la tentation de revenir derrière la sécurité de vieux mécanismes de défense.

- Peut-être que c'est le cas.

Elle avait haussé les épaules, le nez levé vers le ciel, et un soupir quittant ses lèvres. La chose lui était tombée dessus de façon aussi insidieuse après tout. Elle imaginait que ces poisons dont la famille de la blonde avait le secret devaient fonctionner de la même façon. Seulement, la finalité restait radicalement différente, nettement plus douce. Elle avait tourné la tête pour croiser ses yeux, levant leurs mains jointes pour embrasser celle de Zola.

- Je pourrais supporter de pas en guérir.

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« Peut-être que c'est le cas. » J'avais ri une nouvelle fois, regardant à mon tour vers le ciel, par imitation sûrement. J'espérais dans le fond que Kyra se rendait compte de son exploit, peu de personnes réussissaient à m'arracher un rire en temps normal, encore moins quand j'étais au plus bas et personne ne pouvait se vanter d'arriver à réaliser un tel exploit, plusieurs rires d'affilés, en un laps de temps aussi court. Je devais l'admettre, elle avait un vrai pouvoir sur moi, dans un genre complètement différent encore que ma meilleure amie. En même temps, je n'avais jamais réagi comme je l'avais fait jusque-là qu'avec elle. Autre chose que de l'indifférence depuis le départ et autre chose que cette facilité bizarre avec Rory. J'aurais pu le comprendre plus tôt si je n'avais pas été cette fille trop fière.

« Je pourrais supporter de pas en guérir. » Ses mots et ses gestes m'avaient achevée. Mes joues s'étaient soudainement réchauffées sans aucune mesure et je ne pouvais pas imputer ce changement au temps. Je n'étais pas débile à ce point. Pour une fois. Je lui avais répondu d'un sourire chaleureux dans un premier temps, histoire de me laisser l'occasion de reprendre mes esprits et lui offrir autre chose que ça comme réponse.

« Moi aussi. » Bon, ce n'était pas franchement mieux mais l'effort était là. Il fallait le reconnaître. En temps normal, je n'aurais rien osé sous prétexte de paraître ridicule. Sauf que ça ne posait plus problème parce que c'était elle. Aussi paradoxal que ça puisse être. « En plus, pour ce que vaut leur avis. » Au moins, ça, ça ne changeait pas. Je me moquais bien de ce que les autres avaient à dire à tout cela. Je l'avais embrassée. « Ici, il n'y a que toi qui compte. »

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A41 ST2 J96 (soirée)
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Les rappels à l'ordre n'avaient jamais quittés sa tête. Cette petite voix si familière et pleine de jugement ne manquait pas de s'exprimer à chaque manifestation maladroite ou trop sincère de ces sentiments qui lui bouillonnaient dans la poitrine. Une telle attitude ne lui ressemblait pas. Exposer sa fragilité, choisir la douceur plutôt que de serrer les poings, tout cela tenait d'erreurs fatales pour le mécanisme rôdé par les années qui l'avait protégé. Ignorer la sonnette d'alarme n'était ni naturel, ni facile. Elle aurait voulu pouvoir prétendre le contraire et assumer pleinement, mais elle n'avait que peu de contrôle sur tout ça. Elle choisissait d'accepter la chute plutôt que de chercher à se débattre face à l'inévitable, mais cela ne signifiait pas que l'excitation de tomber vers l'inconnu ne s'accompagnait pas de peur. Certaines choses aidaient comme ces doigts serrés autour des siens et ce baiser qu'elle se fit un devoir de prolonger, sa main libre glissant contre la joue de Zola pour la rapprocher encore un peu. Quatre jours s'étaient écoulés depuis la dernière fois qu'elle l'avait embrassé et elle avait un peu honte d'admettre que cela lui avait manqué. Les paroles étaient un peu plus difficiles à croire. Elle ne doutait pas réellement de la sincérité de la blonde, mais la situation pesait lourd dans la balance. Aujourd'hui, elle le pensait peut-être, mais les apparences étaient trop importantes dans sa vie et l'avis de sa famille plus encore. Si des accords avaient été passés, ils n'impliquaient pas l'avenir et leur relation restait indéfinie. Quelque chose que Kyra ne regrettait même pas. Là était le plus frustrant. Elle ne voulait pas réclamer plus, craignait plus encore les promesses qui se brisaient si facilement, mais il y avait cette peur primale qui lui agitait le fond du ventre à l'idée qu'elle avait quelque chose à perdre et qu'elle s'en sortirait sans doute plus mal si la blonde venait un jour à lui tourner le dos. Il avait beau être trop tôt pour penser à tout ça, elle avait sans le savoir coulé des fondations qui l'ancrait à Zola avec un dédain flagrant pour une saine prudence. Le résultat sans l'ombre d'un doute de cette distance qu'elle avait mis entre les autres et elle qui rendait cette relation encore plus spéciale.

- Dis pas ça trop légèrement.

Le murmure s'était perdu contre les lèvres de la blonde sans qu'elle ne parvienne à arrêter les mots. Ils avaient beau avoir été peu formés, elle s'en voulu aussitôt de s'être exprimé et tenta de camoufler tout ça derrière un sourire en s'éloignant pour pouvoir se remettre en marche.

Kyla & l'intruse

année 41, seconde saison tempérée, soirée 96

  you've got that power over me

« Dis pas ça trop légèrement. » J'aurais préféré m'offusquer. D'une certaine façon, j'aurais aimé pouvoir lui promettre que je ne parlais pas légèrement, que je n'étais pas poussée par les premiers balbutiements et par les émotions que je ressentais à différents endroits de mon corps mais ce n'était pas aussi simple. Je restais persuadée que je n'étais pas dans les grands projets de la famille parce que je n'étais pas Charlotte, ni James, que tout le monde devait déjà avoir perdu tout espoir à mon propos mais je n'avais aucune garantie. Tout comme je n'avais aucune garantie concernant un quelconque courage. Leur avis comptait énormément et si je me retrouvais à devoir choisir un jour, je craignais de ne pas savoir quel choix faire précisément.

J'avais détourné le regard un instant, un peu honteuse. Le plus simple serait encore d'amener progressivement le sujet sur le tapis et de l'amener intelligemment, que ma famille ne voie pas cette décision comme contraire à leur plan à mon sujet, quel qu'il soit. Pour ne pas la décevoir, j'avais gardé le silence mais j'étais convaincue que ça ne lui plairait pas. Elle se lasserait vite d'une fille qui ne peut rien lui promettre et qui ne fait que suivre le plan familial. Ce serait sûrement encore mieux pour elle.