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A41 ST2 J89 (journée)
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Tu ne fais plus la fière maintenant. Ruminant pour elle-même, son sac sur le dos, elle marchait lentement vers une maison où elle n'avait pas réellement envie de revenir. Toute cette histoire l'affectait bien plus qu'elle n'acceptait de le montrer et elle n'était pas enthousiaste à l'idée de se retrouver seule face à ses pensées. Quel coup du sort ! Et dire qu'elle avait passé ce foutu voyage à rêver du territoire et de la tranquillité qu'elle pourrait y trouver. Tout était plus facile dans un lieu familier où elle avait déjà pris soin d'établir les règles. Nombreuses étaient les Vipères qui évitaient de la chercher ou de copiner désormais et les rares qu'elle acceptait de temps en temps à ses côtés savaient qu'il était inutile de pousser pour plus. Parmi les étrangers, cette réputation qu'elle s'était forgée était inutile. Mais après tout ce qu'il s'était passé, à cause de ce qu'elle savait, elle ne voulait pas de tout ça. Elle n'aurait pas non plus voulu rester là-bas, là était tout le problème. Elle avait cette sensation lourde de n'avoir nulle part où aller. Et, pendant ce temps-là, ses démons faisaient un véritable festin de ses idées noires et de la vague de tristesse qui tentait de la submerger. Même les paroles cassantes de son frère se rappelaient à elle, la forçant à lui donner raison. Elle était faible de se laisser distraire par un passé qui remontait pourtant à loin. De le laisser l'abattre inlassablement alors qu'elle ne pouvait en vouloir qu'à elle-même.

Des pas trop proches la forcèrent à se secouer un peu et à relever la tête. Elle avait toujours pris l'habitude de ne pas se relâcher, même sur le territoire. Une raison de plus de se flageller qu'elle n'eut pourtant pas l'occasion d'utiliser. Celle qui marchait vers elle était sans doute la pire personne qu'elle aurait pu croiser aujourd'hui. Elle s'arrêta net, ses yeux s'écarquillant avant qu'elle ne la fuie du regard. Elle ne pouvait pas savoir. Elle s'était empressée de quitter le Labo dès que la réunion s'était finie. Avant James. Impossible donc que cette dernière ait déjà eu l'occasion d'attraper sa cousine pour lui apprendre la triste nouvelle. L'empathie n'avait jamais été son fort, mais parce qu'elle ne savait que trop bien ce que cela faisait, elle ne pouvait s'empêcher de souffrir un peu pour Zola. Le problème était peut-être qu'elle n'était pas une Vipère parmi tant d'autres et que cela rendait tout plus personnel. Peut-être que, aussi incroyablement pénible soit Zola, elle ne voulait pas la voir vivre ça. Peut-être que, tout simplement, elle avait fait l'erreur de s'attacher à nouveau, au fil des rencontres, des jeux et des mots cruels.

Kyla

année 41, deuxième saison tempérée, journée 89

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C'était très vite arrivé aux oreilles de tout le monde sur le territoire, trois des Membres parties pendant ce voyage extraordinaire étaient revenues à bord d'une voiture. J'avais naturellement espéré que Louane en fasse partie, histoire de pouvoir retrouver ma famille au complet. Cette version, c'était la vraie mais si on me le demandait, je voulais surtout que ma sœur s'occupe de cette bestiole à quatre pattes dont elle n'arrivait pas à s'occuper toute seule, bestiole qui me suivait trop souvent lors de mes quartiers libres. J'espérais forcément retrouver Rory, même si j'avais peur de l'entendre parler pendant des heures, elle aurait encore été capable de dire que les Dragons n'étaient pas tous si terribles. Elle n'était pas naïve, plutôt trop gentille. En fait, si, elle était carrément naïve à mon goût et beaucoup trop pour sa propre survie. En soi, elle était seulement plus ouverte à la différence et plus conciliante aussi, des qualités nécessaires en tant que sous-infirmière.

Malheureusement, ni l'une, ni l'autre n'avaient été choisies pour revenir avec le convoi. Si les informations étaient fiables, la binôme de Théa était revenue, ainsi que Zoya. Et elle, que j'avais croisée alors que je marchais dans les rues de mon quartier, un peu nerveuse malgré moi et malgré toute ma fierté. Je n'avais aucune raison de vouloir la retrouver, surtout dans cet état. Ma tête continuait de me faire un mal de chien et je devais au moins vérifier régulièrement auprès de Charlotte que ça ne s'infectait pas bêtement. Comment aurais-je pu avoir envie de m'afficher quand elle pouvait se moquer sans avoir à chercher loin des arguments ? Contre toute attente, Kyra me fuyait. Elle ne me regardait pas. C'était déroutant, à n'y rien comprendre. « Bah alors, on dirait que t'as vu un fantôme. » Un rictus s'était dessiné sur mon visage, loin d'imaginer ce qui la mettait si mal à l'aise. « J'pensais pas qu'j'étais si moche depuis la tempête. Oh, je sais. T'as prié très fort pour que j'me fasse écraser par le toit de l'armurerie ou du labo pendant la tempête et t'es déçue de me voir en un seul morceau. » Retrouver un tel petit jeu était plaisant. Néanmoins, j'étais inquiète, ça ne me plaisait pas qu'elle ne soit que l'ombre d'elle-même. L'inquiétude à son sujet, c'était difficile à gérer, je m'en rendais compte alors que mes répliques me semblaient lourdes.

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Ce qui aurait dû être une évidence ne la frappa que trop tardivement. La tempête avait fait sa part de dégâts sur la ville aussi, ce qui signifiait que les Vipères elles-mêmes ne s'en étaient pas sorties indemnes. Seulement, pour voir ça plus tôt, elle aurait dû être capable de regarder Zola bien en face, ce que son regard fuyant était bien incapable de faire. Le commentaire moqueur ne l'aida pas vraiment. Elle en grimaça, mal à l'aise devant un rappel supplémentaire de ce qui lui posait problème. Elle aurait sans doute préféré qu'un fantôme se tienne à la place de Zola, qu'importe que l'idée et ses implications soient terrifiantes. Elle glissa à peine un coup d’œil à la blonde, repérant la plaie au niveau de sa tête, mais pas vraiment plus. Elle espérait qu'il n'y avait que ça. Malgré toutes les provocations et les perches trop faciles qu'elle lui tendait, elle était bien incapable d'en profiter. L'idée de mordre ne lui était même pas venue à l'esprit. Pire, elle s'était sentie crouler sous une nouvelle pensée. Ses blessures auraient pu être bien plus sévères et la tirer vers une fin plus funeste. La pensée était nouvelle et bien plus inquiétante qu'elle n'était capable de l'accepter. Parce qu'il était maintenant évident que perdre Zola n'était pas une option.

- Dis pas des conneries.

Ça, elle n'avait pas pu s'en empêcher. Elle était trop affectée pour accepter le sous-entendu, même pour la blague. Ce qui aurait dû sortir sur un ton incisif avait été trop faible et elle n'éprouvait aucun regret à ce sujet. Elle s'en serait voulue d'avoir mordu à ce moment précis.

- Je... Tu devrais...

Pourquoi était-ce si difficile ? Ce n'était pas ses affaires. Elle aurait dû passer sa route, l'ignorer, et laisser le sale travail à James. C'était la meilleure chose à faire, mais elle n'arrivait pas à faire un seul pas dans la bonne direction. Elle serra violemment les poings, furieuse devant son incapacité à juste mettre un pied devant l'autre.

- Va voir James.

Tout en fixant le sol, elle espérait que c'était ce que ferait Zola. Qu'elle serait celle qui bougerait et irait trouver ses réponses. Et elle se sentait lâche pour ça.

Kyla

année 41, deuxième saison tempérée, journée 89

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« Dis pas des conneries. » Ce n'était même plus drôle, plus drôle du tout. En temps normal, elle aurait pris la perche que je lui tendais, elle en aurait profité pour se moquer de moi parce qu'on avait toujours fonctionné comme ça, moi la première mais elle n'avait pas à m'envier à ce niveau-là. Au lieu de ça, elle me disait ces mots avec un air penaud, comme si un drame lui était tombé dessus sans prévenir. J'avais peut-être mis les pieds dans le plat sans m'en rendre compte. Elle avait peut-être vu la mort de trop près. Personne n'avait réellement su à quoi s'attendre en partant pour ce voyage. Je m'en voulais un peu et pourtant, les regrets, ça ne me connaissait pas bien. Quand il s'agissait de Rory ou de ma famille, à la rigueur.

« Je... Tu devrais... » Kyra agissait vraiment bizarrement, ça ne lui ressemblait absolument pas toutes ces manières. Si je la saoulais ou que je l'énervais, elle n'y allait jamais par quatre chemins et j'aimais beaucoup sa franchise. Mais là, elle me cachait quelque chose. Le problème, c'était que j'avais l'impression que j'avais vraiment merdé. Elle n'était pas dans son assiette en arrivant mais j'avais mis de l'huile sur le feu, c'était aussi visible que le nez au milieu de la figure.

« Va voir James. » C'en était trop. J'avais comblé la distance qui nous séparait pour ensuite la fixer dans les yeux, espérant garder le contact suffisamment longtemps pour qu'elle assimile tout ce que j'avais à lui dire. « Qu'est-ce qui t'prend d'un coup ? Merde, t'es la fille la plus franche que j'connaisse, j'ai envie d'te foutre des baffes parce que tu me ménages pas et là, tu trembles et tu m'regardes comme si j'allais t'bouffer. » La suite allait difficile et je devais prendre mon courage à deux mains pour lui montrer le bon exemple mais j'allais le faire. J'avais pris une bonne inspiration et avais évité de laisser mon regard glisser sur le côté. « J'suis désolée si j'ai dit un truc qu'il fallait pas. T'as vécu un truc là-bas, c'est ça ? » Au pire, elle m'envoyait chier comme elle le faisait d'habitude parce qu'elle était trop fière et je la retrouvais, au mieux, elle s'ouvrait.

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En l'entendant bouger, elle avait espéré que, pour une fois, elle ferait exactement ce qu'elle lui avait demandé et continuerait sa route jusqu'au Labo où la Seconde devait sans doute encore être. Malheureusement, la blonde s'arrêta trop vite, directement devant elle, et la força à croiser son regard. Ce qu'elle y vit la déboussola plus encore. Zola n'agissait jamais de cette façon, à croire qu'elle avait vraiment eu l'art de casser toute leur dynamique. Elle était trop attentive et ne dégageait pas cette acidité caractéristique à leurs jeux idiots. Quelque part, cela ne fit qu'empirer son mal-être, les efforts n'étant clairement pas faits par la bonne personne. Elle en était même venue à s'excuser, bon sang ! Des mots qu'elle n'avait jamais entendu venant d'elle. A vrai dire, elle s'était souvent persuadée qu'ils ne devaient pas faire partie du vocabulaire de cette emmerdeuse.

- T'excuses pas. Tu... C'est pas toi... Il s'est passé un truc.

Si elle ne parlait pas, elles étaient coincées là. Elle n'était pas certaine qu'elle pourrait tenir encore très longtemps avec toute cette pression. Alors, c'était sorti. Toujours de cette voix manquant de force, ses yeux vers l'épaule de Zola.

- Une espèce de maladie ? Personne n'a compris. C'est arrivé d'un coup et ça a duré des heures. Je me souviens pas de tout. Il y avait trop de sang et c'était comme si ma tête allait exploser. J'ai eu de la chance, mais... C'est pas le cas de tout le monde. Il y a eu des pertes parmi les Vipères.

Elle ne voulait pas le dire, ne voulait pas continuer. Après tout ça, elle aurait sans doute pu lui dire à nouveau d'aller voir James. Le sous-entendu serait évident, mais tellement impersonnel. Elle n'eut même pas à se forcer, la vérité avait simplement continué à déborder, qu'importe ses tentatives d'arrêter une machine qui semblait s'emballer.

- Louane... Elle n'a pas tenu.

Kyla

année 41, deuxième saison tempérée, journée 89

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« T'excuses pas. Tu... C'est pas toi... Il s'est passé un truc. » Elle en avait mis du temps pour ne rien dire. A ce stade, elle en avait trop dit et pas assez à la fois et ça ne me rassurait vraiment pas. Kyra état rarement dans un état pareil, il avait fallu un choc suffisamment énorme pour qu'elle soit aussi patraque et qu'elle n'arrive pas à dire clairement ce qui n'allait pas. Qu'elle me jette et me dise de me mêler de mes affaires aurait été beaucoup moins surprenant de sa part mais il faut croire qu'elle était même incapable de ça.

« Une espèce de maladie ? Personne n'a compris. C'est arrivé d'un coup et ça a duré des heures. Je me souviens pas de tout. Il y avait trop de sang et c'était comme si ma tête allait exploser. J'ai eu de la chance, mais... C'est pas le cas de tout le monde. Il y a eu des pertes parmi les Vipères. » En l'écoutant, dans un premier temps, j'aurais parié qu'elle était encore un peu sous le choc à cause de cette maladie qu'elle décrivait comme persistante et terrible. Seulement, je n'aimais pas énormément la tournure que ses explications prenaient. Cette fois, c'était moi qui prenais progressivement la poudre d'escampette. Je ne la regardais plus et je me sentais de moins en moins bien. J'avais l'impression que d'un instant à l'autre mon corps allait me lâcher.

« Louane... Elle n'a pas tenu. » J'ai bien cru que j'allais m'écrouler. Je m'étais retenue à temps contre un mur, enfonçant mon poing contre celui-ci, de rage. Les larmes montaient à force que la culpabilité se nourrissait de mes pensées ; j'aurais dû partir à sa place, elle était plus jeune, elle n'aurait jamais dû quitter Paris, elle n'était pas prête pour l'aventure. Personne ne l'était, pas même les anciens Libres mais c'était un détail bien maigre face à mon chagrin. J'aurais dû demander à partir à sa place. J'étais son aînée. « Putain ! Dis-moi que c'est faux ! J't'en voudrai pas ! Mais dis-moi que c'est une blague ! » Je continuais de frapper ce mur parce que, sous le coup de la colère et de l'adrénaline, je ne sentais rien. Mais j'allais vite regretter d'avoir pleuré devant elle et d'avoir malmené mes mains. On n'était pas censé perdre les plus jeunes. En plus, Louane avait un caractère bien plus facile que le mien. Elle en faisait dix fois trop et moi, je râlais constamment et pour pas grand-chose. Comment j'étais censée l'annoncer à ma mère ? Si c'était une vengeance pour mon comportement, c'était cher payé. J'avais prétendu qu'avec son départ, j'aurais la paix dans la maison mais je n'avais pas eu la possibilité de lui dire que je mentais. C'était vide sans elle.

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Qu'elle en parle ou non ne changeait rien à la vérité. Elle le savait pertinemment, il n'y avait rien qu'elle pouvait faire pour protéger Zola de ce qu'il s'était produit. Elle devait l'apprendre et vivre avec, parce que c'était toujours l'unique chose à faire dans cette putain de ville. Accepter et avancer ou se faire faucher parce qu'on était trop faible. Elle se détestait pour ce qu'elle ressentait. Ses émotions la trahissaient et réclamaient qu'elle fasse des erreurs qu'elle s'était promise de ne plus faire à l'avenir pour son propre bien. En voyant la blonde comme ça, elle se retrouva pourtant à abandonner toutes ses précautions. Elle ne pouvait pas la regarder se désagréger sans rien faire et tant pis pour les pots cassés. Elle regretterait bien plus son immobilité, pour une fois.

- Je ferais jamais ça.

Juste un murmure, même si elle aurait sans doute préféré que ce soit un mensonge. Une mauvaise blague lâchée par cruauté. Porter une telle erreur aurait sans doute été moins difficile. Lorsque le mur se prit un nouveau coup, elle bondit en avant pour lui saisir les poignets et l'arrêter. Aussi cathartique que ce soit à l'instant, elle savait bien que Zola le regretterait. Elle aurait besoin de ses mains pour continuer à travailler, à avancer lorsque le chagrin le lui permettrait. Au final, qu'elle soit blessée ne serait qu'une difficulté de plus lorsqu'elle se redresserait. Suivant l'ordre hurlé par ses tripes, elle l'attira contre elle, ses bras fermement accrochés dans son dos.

- Acharne-toi sur moi plutôt. Si c'est de ça dont t'as besoin, fais-le. Je m'en fous.

Kyla

année 41, deuxième saison tempérée, journée 89

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« Je ferais jamais ça. » Plus que jamais, je rêvais de recevoir des piques de sa part en pleine figure parce que ça signifierait que tout ceci n'était qu'une mascarade et que Louane était toujours parmi nous. Ça aurait été beaucoup moins douloureux que cette vérité que je ne voulais pas accepter. Elle ne méritait pas de mourir. Elle avait des projets, comme le fait de me rendre fière d'elle et d'être simplement heureuse. C'était con mais je l'enviais pour tout ça. Elle était bien plus heureuse que moi et elle se mettait beaucoup moins de pression. Elle ne foutait pas naturellement le bordel autour d'elle, elle était sûrement beaucoup plus appréciée que moi et à sa juste valeur. Je ne lui avais même pas correctement dit au revoir parce que j'avais jalousé son départ d'une certaine façon. J'avais cru naïvement qu'elle était bien entourée et qu'avec quelqu'un comme Rory dans les pattes, rien ne lui arriverait jamais. Je n'entendais presque plus Kyra. Je ne la voyais plus non plus. Je ne voyais plus grand-chose à vrai dire. Je n'entendais et ne voyais que ma rage et mon impuissance.

Quand je pensais cogner le mur, je me sentis bloquée, retenue. Mes yeux piquaient et je n'y voyais pas clair mais je devinais que c'était elle. Kyra. Son geste ne rimait à rien, elle aurait dû me laisser me bousiller, ça lui aurait donné une chance supplémentaire d'être la première dans notre petit jeu débile. Sous le choc, je m'étais interrompue. « Acharne-toi sur moi plutôt. Si c'est de ça dont t'as besoin, fais-le. Je m'en fous. » J'étais de plus en plus étonnée. En plus de me dire quelque chose d'aussi fort, je pouvais sentir sa chaleur et son coeur battre. Elle m'avait prise dans ses bras ? Je n'y comprenais rien. J'avais mis du temps avant de reprendre cette folie mais sous une autre forme. Pas question de la blesser. Elle n'y était pour rien. « Merde ! J'aurais dû y passer à sa place. Merde ! Pourquoi c'est moi qui suis restée ? Pourquoi je suis en vie ? C'est quoi ce plan foireux ? » Je me brisais en deux, elle avait ouvert d'autres vannes. Je craquais pour de bon. J'étais au bord du précipice. Sans son soutien, je serais en train de m'écrouler. Je n'arrivais pas à arrêter ce torrent de larmes.

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Elle avait fermé les yeux, s'attendant déjà à être malmenée, mais rien n'était venu. Pourtant, Zola n'avait aucune raison de se retenir. Elle n'était qu'une emmerdeuse avec qui elle aimait se prendre la tête, quelqu'un de passager dans ses journées qui ne devait pas réellement compter. Alors, pourquoi ne pas relâcher tout ce qui hurlait en elle ? Elle détestait d'autant plus l'entendre se blâmer pour tout ça. Qu'importe comment elle voyait la situation, elle n'y était pour rien. Les gradées ne lui avaient pas laissé le choix, sans doute parce qu'elles avaient besoin d'elle ici. Ce n'était la faute de personne et c'était le plus difficile à avaler. Il y avait eu cette putain de maladie, mais ça aurait pu être autre chose. Même ici, on était pas réellement en sécurité.

- C'est pas ta faute.

Il n'y avait rien qu'elle pouvait dire pour l'aider. Aucun mot qui aurait fait un réel effet. Il lui semblait que la meilleure chose qu'elle pouvait faire était de la garder dans ses bras. La soutenir tant que la blonde l'acceptait. Même dans le cas contraire, elle n'était pas décidée à la laisser. En l'entendant pleurer, elle resserra son étreinte, tentant de lui donner tout ce qu'il lui restait de soutien et de chaleur.

- J'suis là. J'te lâche pas.

Kyla

année 41, deuxième saison tempérée, journée 89

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« C'est pas ta faute. » C'était si facile à dire pour elle. Je ne comprenais pas bien pourquoi elle cherchait à me préserver mais elle ne comprenait pas tout ce bordel. Elle ne comprenait rien. Celle qui aurait dû y passer, c'était moi, pas Louane. Une part de moi ne me lâchait pas et me matraquait mais ça ne m'empêchait de m'accrocher à elle, de profiter de cette étreinte, ce qui ne me ressemblait pas. Je jouais les fortes mais j'étais incapable de me gérer toute seule, il fallait qu'elle me soutienne. Je me faisais pitié, oui, c'était précisément ça, j'étais pathétique et elle avait pitié de moi, elle aussi. Rien de plus.

« J'suis là. J'te lâche pas. » On ne me le disait pas souvent, alors j'avais presque cru à un rêve. Rory avait été quasiment la seule présence sincère autour de moi jusque-là, la seule qui avait accepté tous mes défauts, si on mettait de côté ma famille. Ce n'était pas de la faute des autres, je ne me montrais pas exactement sous mon meilleur jour. Si seulement j'en avais réellement un.

« Pourquoi ? Pourquoi t'es toujours là ? Pourquoi tu ne m'insultes pas ? Pourquoi après tout ça ? » J'suis pas assez détestable ? J'avais beau la pousser à s'éloigner en disant ça, mon corps ne lâchait toujours pas le sien. J'étais pire qu'une enfant indécise et pourtant elle faisait des efforts pour moi. « Pourquoi c'est celle qui a du coeur qui meurt et celle qui prend tout le monde de haut qui reste ? » J'avais trop de questions et malheureusement, je craignais n'avoir jamais de réponse satisfaisante.

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Elle n'était pas dans son élément et cela ne devenait que plus évident avec chaque question qui s'ajoutait à la liste sans qu'une réponse facile ne lui vienne. Elle s'imaginait que d'autres auraient su quoi dire, qu'il devait être normal et relativement simple de répondre pour quelqu'un qui n'avait pas passé trop de temps à s'éloigner des autres. Pourtant, elle était là, à prendre ce risque de s'attacher juste parce que Zola souffrait. Cela devait bien dire quelque chose, mais elle n'était pas prête à y réfléchir. Les implications auraient été trop lourdes à porter et il n'y aurait eu qu'une unique réaction. Le problème, c'était qu'elle n'était pas sûre de vouloir agir de la sorte. Non pas repousser Zola et mordre un peu comme elle l'avait toujours fait depuis qu'elles se connaissaient, mais blesser pour de vrai. Frapper toutes les zones qu'elle savait trop sensible jusqu'à tirer du sang et dépasser les limites de leurs jeux. Ne pas y penser, ne rien admettre, restait donc plus aisé. Ce n'était de toute façon pas comme si cette histoire allait tout changer entre elles. Lorsque Zola aurait appris à faire avec la douleur et pourrait cracher à nouveau son venin, tout serait comme avant. Même cette douleur qu'elle ressentait dans la poitrine en la voyant si mal, en la sentant si fragile tout contre elle, n'aurait plus lieu d'être.

- Parce que notre vie est injuste.

Cette question, elle se l'était trop souvent posé. Pourquoi avait-elle survécu à la fièvre, au prix de toute l'énergie de son père ? Si elle y était passée rapidement, elle ne l'aurait pas forcé à rester à son chevet si longtemps et l'accident n'aurait pas eu lieu. Sa mère ne se serait pas retrouvée avec deux enfants trop jeunes et un chagrin dont elle ne savait que faire. Elle ne se serait pas lentement étiolée jusqu'à disparaître. Rekk n'avait pas tort dans le fond, sans elle dans l'équation, il aurait encore sa vie et leurs parents seraient en vie. Dans la réalité, tout était plus compliqué et une part d'elle en était consciente, mais parfois la voix de la culpabilité était plus forte. Tout comme celle de l'égoïsme. Même si ce choix n'existait pas vraiment et que la dernière chose qu'elle voulait était bien de voir Zola souffrir, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'il valait mieux Louane que elle. Perdre la blonde était quelque chose de bien trop effrayant, même si elle s'empressa de ranger cette pensée avec toutes les autres, dans cette petite boîte bien cachée au fond d'elle.

- Mais ça veut pas dire que tu mérites que ça t'arrive à toi. Elle méritait pas ça, mais toi non plus.

Et si elle avait serré un peu plus fort encore, la tête nichée contre celle de Zola, ce n'étaient que des détails auxquels elle ne pensa pas.

Kyla

année 41, deuxième saison tempérée, journée 89

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« Parce que notre vie est injuste. » Kyra marquait un point, la vie n'avait jamais été juste et on ne pouvait pas imaginer qu'elle le devienne un jour. C'était horriblement vrai. Il allait bien falloir que je l'accepte comme telle si je voulais pouvoir avancer. Seulement, j'avais l'impression que j'étais loin, très loin du but. La preuve en était que, même si j'étais consciente qu'elle avait raison, je n'arrivais pas encore à lâcher prise. J'avais l'impression que je n'allais sortir de cette crise qu'en tombant dans les pommes, quand mon corps m'aurait complètement lâchée. Le souci, c'était que je ne pouvais pas succomber à ce point, je ne pouvais pas lui faire ça à elle et je pouvais encore moins me le faire.

« Mais ça veut pas dire que tu mérites que ça t'arrive à toi. Elle méritait pas ça, mais toi non plus. » Contre toute attente, je me mis à rire. Un rire nerveux. On ne disait pas quelque chose de ce genre à la légère, pas à n'importe qui. Rory aurait mérité d'entendre ça, Zorah aussi, même elle. Pas moi. Sous prétexte que je devais me sentir puissante, j'en avais écrasé plus d'un et j'allais recommencer parce que je ne fonctionnais pas autrement. « Toi, mieux que quiconque, tu sais ce que je vaux. Tu sais bien que la liste des raisons est trop longue. Les personnes qui te diraient le contraire sont tout aussi nombreuses. » J'étais la plus réaliste des deux, quoi qu'on en dise.

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Ce besoin de toujours avoir le dernier mot était particulièrement agaçant et cela ne manquait jamais de lui faire lever les yeux au ciel, mais pas cette fois-ci. Elle était presque soulagée de l'entendre la contredire car c'était un petit bout d'elle qui persistait malgré tout. Si seulement elle avait pu le faire sans se dénigrer par la même occasion. Elle était la première à appuyer sur le fait que Zola aurait dû se remettre en question plus souvent, mais pas cette fois. C'était différent. Beaucoup trop de choses étaient différentes aujourd'hui.

- Depuis quand tu t'intéresses à ce que les autres ont à dire ?

Il y avait des gens dont la voix comptait naturellement, mais le commun des mortels n'était pas forcément écouté par la blonde. Qu'elle se soucie d'eux tenait donc du ridicule dans son esprit. Elle s'éloigna un peu, juste de quoi pouvoir la regarder, un bras restant fermement enroulé autour d'elle, l'autre se libérant pour chasser les larmes et les mèches blondes qui s'étaient faites plus sauvages autour de son visage.

- Qu'est-ce que tu veux faire ?

Elle était prête à ne pas bouger de là si c'était ce que Zola voulait, mais elles étaient au milieu d'une rue et il devenait de plus en plus évident qu'elle manquait de force. Elle ne serait pas forcément mieux ailleurs, mais il y a des endroits qui offriraient un certain confort physique. En plus, elle devait sans doute vouloir retrouver sa famille. Elle l'escorterait donc où elle le voudrait, pas réellement prête à la lâcher de si tôt. Elle ne le ferait que si elle le lui demandait vraiment et non dans un espèce de réflexe de fierté auquel elle s'intéressait peu à l'instant.

Kyla

année 41, deuxième saison tempérée, journée 89

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« Depuis quand tu t'intéresses à ce que les autres ont à dire ? » C'était de bonne guerre, je me moquais de l'avis des autres en temps normal. Seul l'avis de mes proches, famille et amis, comptaient. Et celui de Kyra que je n'arrivais pas à mettre ni dans une catégorie, ni dans l'autre. Il fallait toujours que ce soit plus compliqué avec elle qu'avec les autres. Pourquoi ce n'était pas aussi simple que les cas de Rory et de Zorah, par exemple ? Cette fille créait un beau bordel dans ma vie depuis de trop longues années, la solution la plus logique était qu'elle était un élément problématique dont je n'arrivais pas à me débarrasser pour des raisons de compétition. Sauf qu'une rivale ne vous soulevait pas comme elle le faisait à ce moment précis.

C'était sans parler des gestes et attentions qu'elle avait pour moi. C'était à n'y rien comprendre. Je n'étais pas conne, je savais bien que je ne méritais pas ça, pas de sa part. A la rigueur, pour en revenir là-dessus, j'étais un peu plus supportable avec Rory, je faisais de véritable efforts régulièrement avec elle, donc il aurait été logique qu'elle soit aussi attentive. En plus, c'était tout ce qu'elle était sinon pourquoi être sous-infirmière ? Je n'avais pas râlé mais je n'avais pas trouvé le geste à rendre. J'étais un peu paumée. Non, gravement paumée. Ça se lisait sur mon visage. « Qu'est-ce que tu veux faire ? » J'étais soulagée qu'elle pose la question, c'était une bonne chose pour elle comme pour moi.

« Je... Je suppose que je peux aller voir si James se trouve au Labo. » Je supposais également que je pouvais y aller toute seule. Elle n'allait pas s'embêter pour moi, pas après tout ce qu'elle avait fait jusque-là. Sa présence ne me gênait pas pour le moment, c'était purement une question de fierté et un peu de gentillesse pour une fois.