Swann & ?

année 41 ; seconde saison tempérée ; après-midi 96

screw you, life

Le monde avait le don de se moquer de moi d'une façon plus que discutable si on me demandait mon avis. Les premiers jours de convalescence, à force de les passer à moitié consciente, je n'avais pas réussi à voir plus loin et quand je m'imaginais la suite, je me répétais que ça ne pouvait pas être pire. La situation ne pourrait que s'arranger tôt ou tard. Seulement, très rapidement, certaines images m'étaient revenues en pleine figure : l'attaque, la perte de Louane et cette même impression trompeuse que ça ne pourrait que mieux se passer. Grosse connerie. Quand Seth ou Kahlan étaient dans les environs, c'était plus facile de me persuader que je ne craquais pas, que j'allais bien, que j'étais en vie et que c'était tout ce qui comptait dans le fond. Sauf que je ne voulais plus me contenter de survivre. Je ne me satisfaisais pas de simples choses, depuis que j'étais une enfant, j'en voulais toujours plus. On me donnait la main et je bouffais le bras des autres. Elle avait bien compris ça et elle avait réussi à se construire une grande place en comprenant ça.

Avec elle dans les parages, ça aurait été si simple de pleurer parce qu'elle m'avait toujours tendu ses épaules. Sauf qu'elle n'était plus là. Encore une fois, je sentais les frissons traverser mon corps et les larmes monter. Rien que pour ça, je refusais de rester cloîtrée dans cette chambre. J'avais pu sortir la veille, je pouvais bien sortir à nouveau. Juste quelques instants. De toute façon, qui se soucierait d'une Soumise ? Personne. Je retombais dans mes travers mais c'était comme une seconde peau. Chasser le naturel, il revient au galop. Je me rappelais des mots de Kahlan, l'impression de s'en sortir seule était là mais je devais me reposer sur les autres. Seth me l'avait dit aussi, avec ses mots. Même cet abruti de Dragon. Alors pourquoi j'étais en train de marcher seule dans ces couloirs avec toujours beaucoup de difficulté pour m'isoler quelque part à l'avant du quartier général ? Parce que je n'avais pas retenu la leçon. Parce que j'étais bornée. Je n'en faisais qu'à ma tête. Absolument tout le temps. Je n'étais bonne qu'à ça, rester dans un coin, assise contre un mur, après avoir bataillé avec mon corps qui tirait de partout, le poing serré, comme si ça suffirait pour ne pas laisser la moindre larme couler. Stupide enfant. Rien qu'une enfant.