Meryl & Erin

année 41 ; saison intermédiaire ; soirée 96

j'aurais pas dû prendre de tels risques pour toi

Je n'aurais jamais dû venir jusque-là, j'entendais déjà ma mère me hurler des reproches que j'aurais mérités si elle venait à apprendre que je m'étais rendue chez les Jaguars. Tout cela selon l'hypothèse où je survivrais à mon séjour, même court chez ces sauvages. Je connaissais la règle par coeur, obéir au doigt et à l'oeil, ne pas s'aventurer en dehors des frontières du territoire, ne pas échanger de regard avec ceux qui étaient devenus nos alliés, même si ce n'était que pour les apparences parce que les autres Vipères étaient là pour ça, que rien ne m'y forçait. Je ne comprenais pas bien pourquoi mes pas m'avaient menée là, dans un premier temps à l'extérieur du territoire ouest mais ensuite jusqu'aux frontières sud et finalement dans leur célèbre quartier des jeux. Elle ne m'en avait dit que du mauvais. Ils ne valaient rien et ce quartier n'était qu'un lieu de débauche et de coups qui ne permettaient pas de progresser mais juste de s'exploser les uns les autres.

J'y avais pensé l'espace d'un instant. C'était peut-être pour elle. Sauf que ça n'avait aucun sens non plus. Elle ne valait plus rien à mes yeux, rien d'autre que cette blessure que je pensais guérie mais qui ne l'était pas tant que ça, vu l'interdit que j'avais franchi. Elle n'était rien d'autre qu'une traîtresse, celle qui m'avait lâchée du jour au lendemain pour eux, ceux qui n'étaient pas capables de se tenir, ceux qui ne réfléchissaient pas, qui fonçaient bêtement dans le tas. Les mots de Cornelia m'avaient détraquée, j'aurais dû me moquer du fait qu'elle donnait l'impression de se soucier de mon état. Pourtant, j'étais là. Plantée dans cette foule, ne voyant qu'elle. Le poing serré par la colère et la tristesse. Tout remontait trop fort. Je ne pouvais pas me mettre dans cet état pour elle. Elle n'était plus qu'une étrangère. Une étrangère pour qui je prenais des risques insensés. Je devais m'être cognée plus que je ne le pensais durant cette tempête. Je la fixais sans réussir à prononcer le moindre mot. Rien ne venait.