Rovi

année 41 ; saison intermédiaire ; journée 95

presque heureuse de le rencontrer

J'avais un caractère de merde, j'étais bornée, je criais sur mes patients les plus récalcitrants, j'étais une acharnée du travail mais à côté de tout ça, je pensais à mes proches et aux Dragons en général. Une part de moi se persuadait qu'il n'y avait pas que du mauvais en moi mais j'avais une belle part de défauts, c'était visible aux yeux de tous. Par exemple, depuis les nouvelles emmerdes sur le territoire, parce que le Nord enregistrait certainement le plus grand taux de conneries depuis que Paris existait, je ruminais et je tournais en rond, souvent dans des zones que j'aurais dû éviter, toute soigneuse que j'étais. Quand ils n'avaient pas besoin de nous au quartier général, nous n'étions jamais les bienvenus, même si nous étions réellement utiles au clan parce que nous étions au bas de l'échelle, sous prétexte que nous avions refusé de prendre les armes. J'entendais encore les remarques de Klaus, je devais veiller à rester à distance, éviter d'être remarquée parce que j'étais remplaçable et je n'étais pas naïve, j'en avais conscience, je ne valais rien à leurs yeux à part une personne de plus tout juste capable de récupérer leur merde quand c'était de bons éléments. Le problème, c'était que j'étais bouffée par l'inquiétude, j'avais peur pour Samuel, peur pour Elain et toute occasion était bonne à prendre, même si je risquais la mauvaise rencontre.

Celle-là, en temps normal, m'aurait poussée à prétendre que j'étais affairée quelque part pour l'infirmerie mais je détestais avoir une dette envers quelqu'un. Qu'il soit Lieutenant ne changeait rien à la situation, qu'il soit ami avec Elain peut-être. Une question de principe ou une connerie du genre. Peut-être aussi une part de culpabilité qui avait soigneusement creusé profondément dans ma tête depuis que j'avais blessé Violette. Je n'allais pas changer du jour au lendemain mais puisque ça puait sur le territoire, je pouvais bien faire preuve de bonne volonté. Même si c'était lui. J'avais fait un pas dans son sens avant de reculer de deux. Je soupirais, les mâchoires serrées, m'engueulant dans ma tête. Je devais me foutre un coup de pied au cul. Juste cette fois. Pour elle. Moi, au pire, je me moquais bien d'être appréciée. J'étais une fille chiante. Une fille beaucoup trop chiante, même pour son entourage. « Ouais, je sais, t'es ravi de me voir. Je te retiendrai pas. » Je n'avais même pas réussi à lui parler normalement. Violette n'avait sûrement pas tort dans le fond. Samuel aussi m'avait trouvé insupportable au début. « Je voulais juste te remercier. Tu sais. La tempête. L'aide. » Nerveusement, j'avais posé ma main sur ma blessure, la frottant. Je me voyais engueuler tous ceux qui chipotaient à leurs plaies et je jouais les hypocrites, là, non loin de l'infirmerie. Connerie encore.