Gaëlle & Willow
A41 SI J83 (journée)

lucky you

L'erreur la plus souvent commise lorsque l'on me jugeait était de penser que je ne faisais jamais attention à ce qui m'entourait. Certains se persuadaient que je ne les écoutais pas juste parce que je ne leur offrais aucune réponse, ce qui était totalement faux. Cela avait déjà créé des situations qui auraient pu être particulièrement gênantes où l'on se posait à mes côtés pendant que je travaillais pour avoir une discussion, voire un monologue, comme si je n'étais pas présente. Un détail pour moi, je savais comment filtrer les informations. Cela s'avérait bien pratique avec Sasha et les sous-armurières en général. Tout ça pour dire qu'un duo particulièrement bavard était venu se poser à proximité de l'endroit où je faisais une sieste, appuyée contre mon sac, le bonnet bas sur mes yeux. Je n'étais pas certaine de ce qui avait déclenché tout ça, mais, au milieu de leurs jacassements, elles avaient commencé à parler d'une ramasseuse et je n'avais pas pu m'empêcher d'ouvrir un œil, après avoir relevé légèrement le chapeau, pour voir vers qui leur attention était dirigée. Il aurait dû être plus simple de faire appel à des Vipères, mais les filles envoyées étaient profondément antipathiques et gardaient une rancœur envers moi pour une vieille bêtise. Autant dire qu'elles n'étaient pas idéales pour la petite affaire privée qui m'intéressait. Je gardais donc bien en tête le visage de la fameuse ramasseuse, notant au passage son nom. Les informations ne se rendirent utiles que plus tard, en plein milieu des ruines que l'on traversait alors que l'on relayait l'information que la prochaine pause ne tarderait pas. Je m'étais dépêchée de rallier le côté de Willow, la main accrochée à l'une des lanières de son sac pour éviter toute tentative de fuite.

- Hé, la ramasseuse. J'ai besoin d'un coup de main de la part de quelqu'un qui s'y connait et paraît que t'es une ancienne Libre. J'te payerais grassement si tu m'aides.

Cela ne sautait peut-être pas aux yeux, mais je faisais des efforts en communiquant de la sorte avec elle. J'avais tourné la chose pour que cela ne rassemble pas trop à un ordre, mais plus à une demande. Paraissait que c'était mieux lorsque l'on s'adressait aux étrangers.

Willow & Gaëlle

année 41, saison intermédiaire, jour 83

  lucky you

La veille, tout s'était précipité dans ma vie plus personnelle et, depuis, j'étais dans un état second. Ce que j'avais dit à Sawyer, sa réaction, tout était nouveau et Roxanne serait bien embêtée d'apprendre que tout s'était accéléré à cause d'elle. Elle espérait m'éloigner de la Dragonne et elle n'avait réussi qu'à me pousser dans mes retranchements, me faisant progresser à ma façon. J'aimais beaucoup cette ironie du sort mais je n'étais pas stupide au point d'aller lui répéter tout ça par pur esprit de provocation, je connaissais les limites à ne pas franchir et quand il s'agissait de mes proches, je prenais le dessus sur cette petite voix qui me poussait à en faire toujours plus. Pourtant, ce n'était pas l'envie qui me manquait, je voulais éviter un désastre inévitable. Notre ancienne fine lame n'avait pas la même notion des limites à ne pas dépasser et des limites de la vie privée des Membres. C'était à se demander ce que Noâ, qui prenait de bonnes décisions la plupart du temps, avait pu lui trouver en tant que Seconde. Elle était parfaite pour son ancien rôle, pas pour celui-là. Elle sapait tous les efforts fournis par notre chef.

J'étais peut-être trop tranquille pour ma propre sécurité. A force de tourner tout ça dans ma tête, jetant un regard à Sawyer, puis à Roxanne et puis droit devant moi, je ne l'avais pas vue venir, l'intruse. Je m'étais fait avoir comme une bleue, alors que je connaissais les règles de survie, en tant qu'ancienne Libre. Je me débattais vivement alors qu'elle essayait d'en placer une. « Hé, la ramasseuse. J'ai besoin d'un coup de main de la part de quelqu'un qui s'y connait et paraît que t'es une ancienne Libre. J'te payerais grassement si tu m'aides. » Qu'elle ait autant d'informations à mon sujet me déplaisait énormément. Sans parler de sa façon de m'interpeller. Non, à vrai dire, je m'en moquais un peu. Je me le répétais depuis le début du voyage que les Jaguars, trop bavards, donnaient des informations à tort et à travers au sujet des siens mais j'avais oublié la nécessité de rester sur mes gardes à cause des récents événements. Je pris une bonne inspiration avant de me calmer et d'arrêter de gigoter, le tout en la regardant, les sourcils froncés. Je me méfiais naturellement, je ne la connaissais pas et je ne savais pas dans quel bordel elle voulait me foutre. « Ton histoire, elle est dangereuse ou t'as juste besoin d'une paire de mains supplémentaire ? Ça me dérange pas de fâcher les Dragons, les Vipères ou même les Jaguars mais j'aime pas l'idée de crever pour quelqu'un que je connais pas. Et lâche-moi, si tu veux bien. Je suis pas... tactile. » On ne décelait aucune agressivité dans ma voix mais j'y allais cash, comme elle. Apparemment, c'était comme ça qu'elle fonctionnait, autant ne pas lui faire l'affront de la traiter comme d'autres pleurnicheurs.