Penelope & Basile

année 41 ; saison intermédiaire ; après-midi 84

  l'aide providentielle

Je hurlais depuis le couloir, les poings préparés. Je n'étais pas exactement en colère, juste blasée qu'il ait cherché à me duper suite à ce pari que j'avais dûment gagné. Il avait misé sur le mauvais gars dans la salle d'entraînement, il me devait une partie de ses rations, c'était le deal mais ce n'était pas le premier à regretter et à s'enfuir comme une mauviette. A croire qu'ils étaient tous les mêmes, ceux avec qui je jouais, des ratés qui ne s'assumaient pas et qui espéraient me semer. Il n'avait pas conscience à ce moment-là que je connaissais plus réticent que lui et que malgré tout, je tenais un lion en cage depuis plusieurs saisons. Si j'avais pu faire fléchir un Ancien, l'un des pires de sa race, ce n'était pas cet avorton de Zach qui allait me faire renoncer. C'était mal me connaître que de croire que la pitié marchait sur moi. Je n'avais jamais réussi à m'attacher à Iggy, je n'allais pas soudainement me ramollir pour un petit nouveau qui n'était pas capable de retenir ses ardeurs quand il le fallait. J'étais prête à tout pour gagner, connaître les éléments forts des différentes fournées était une astuce qui m'assurait de m'assurer une meilleure entrée de rations et, malheureusement pour lui, ce n'était pas interdit tant que les deux partis acceptaient au départ.

« ZACH ! » J'avais foutu un pied dehors à cause de ses conneries alors que je n'étais pas habillée en conséquence et le froid piquait mes yeux, le reste de mon visage mais également mes mains. Ma gorge aussi. Il avait trébuché au pied de ce que je devinais être un Aigle. Il était encore moins bien habillé qu'un Soumis et il semblait un peu perdu dans les alentours du quartier général. « Hé, toi, l'Aigle, tu peux me choper ce qui traîne misérablement à tes pieds, s'il te plaît ? Il s'échappe avec ma cagnotte. » Un peu d'aide n'aurait pas dérangé mon ego dans ces conditions. Tant que je pouvais m'éviter de geler trop longtemps dehors. En même temps, il était hors de question que ce petit fumier m'échappe. Je misais donc beaucoup sur l'aide de cet inconnu. Avec un peu de chance, il n'oserait pas refuser quoi que ce soit à mes poings serrés et à mon visage tendu, s'il comprenait le signal. En plus, j'avais fait un effort, je m'étais montrée polie.

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Les occasions de sortir, de se déplacer, de vivre tout simplement, se multipliaient, et il ne pouvait pas nier que c'était pour le mieux. De cette façon, il n'avait que peu de moments durant lesquels laisser son esprit divaguer. Le résonnement s'appliquait d'autant plus après cette période étrange passée sur le territoire des Vipères. Il avait été heureux de revoir les membres manquants de sa famille, mais quelques instants avaient suffit à révéler ce qu'il craignait : ils avaient tous changés. L'attaque avait laissé une marque indélébile et il n'était pas certain de ce que l'avenir leur réservait. La différence la plus flagrante avait été vécue avec Lydie, que le système matriarcal semblait faire briller. Elle était heureuse là-bas, c'était indéniable. Heureuse et enfin en paix. Aujourd'hui, il avait donc sauté sur la première occasion venue pour rejoindre Mackenzie. Elle avait toujours quelque chose à lui apprendre, une anecdote à lui raconter, et il s'abreuvait avec plaisir de son existence vécue dans un clan qu'il n'avait découvert que très tardivement. Mais son chaperon avait sa propre vie à mener et il s'était vite retrouvé seul après qu'elle ait pris son tour de garde. Les alentours du QG avaient beau être pleins d'animation, il ne s'y sentait toujours pas très à l'aise, clairement pas à sa place. Pour preuve, il n'avait pu réprimer un sursaut de culpabilité en entendant les échos d'une embrouille. Embrouille qui s'était rapidement approchée de lui, jusqu'à ce qu'il se retrouve à contempler un Membre vautré juste devant lui. Difficile de dire qui était le plus malchanceux ici. Il allait lui offrir une main pour l'aider à se relever lorsqu'une voix sévère l'intercepta. S'il s'agissait d'une question, il la perçu plutôt comme un ordre et s'y plia directement. Pas qu'il ait réellement besoin de ça pour filer un coup de main à cette fille alors qu'on tentait de la dépouiller. Il referma le poing sur le col du pull du fuyard et le maintint comme il le pouvait jusqu'à ce qu'elle les rejoigne. Une affaire pas exactement facile au vu de ses muscles fondus comme neige au soleil.

- Je ne suis pas sûr d'avoir tout suivi. Il t'a piqué quoi ?

Tout en luttant un peu, la voix saccadée par l'effort, il n'avait pas pu s'empêcher de laisser sa curiosité s'exprimer. Tant qu'à faire, il préférait savoir à quoi il avait participé.

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La chance avait encore une fois tourné en ma faveur, au grand malheur de ce pauvre Zach qui allait vite comprendre qu'on ne se moquait pas de moi. Ce pari, je l'avais gagné à la loyale, c'était son problème s'il avait voulu jouer sans connaître les forces et les faiblesses de celle avec qui il avait joué justement. Il n'était pas question de pitié ou de changement de jugement de ma part, je tenais à ma cagnotte, coûte que coûte. Il allait apprendre qu'on ne me roulait pas. Heureusement pour lui, l'ancien Aigle avait accepté de m'aider, ce qui m'éviterait de courir encore longtemps et de me sentir me crisper de plus en plus, ce qui m'aurait fait perdre le peu de patience que j'avais quand on cherchait à me flouer de la sorte.

« Je ne suis pas sûr d'avoir tout suivi. Il t'a piqué quoi ? » Je m'étais rapprochée et profitais de l'aide tombée du ciel pour reprendre ce qui m'appartenait depuis le pari, soit une partie de sa ration, avant de lui glisser quelques mots, en guise de menace. C'était important qu'il retienne la leçon. Je ne comptais pas recommencer ce petit jeu éternellement. Je lui fis signe de partir avant de soutenir l'inconnu qui aurait pu s'écrouler vu la force et la rapidité avec laquelle le fuyard avait pris ses jambes à son cou. « Cet abruti que tu vois détaler a perdu un pari dans la salle d'entraînement et refusait de me donner ce que j'avais gagné. » Je soupirai un bon coup avant de reprendre. « A m'entendre, on peut croire que je suis insensible, mais c'est les règles des paris et c'est pas nouveau ici. En plus, je ne parie jamais énormément, surtout pas avec les petits jeunes. » Les Aigles n'avaient pas exactement la réputation de s'amuser de la même façon que nous. « Si t'as jamais squatté le quartier des jeux, tu comprendras en intégrant progressivement le territoire. » Je pris un temps pour l'observer, le soutenant toujours un peu. Je ne voulais pas le materner mais vu qu'il avait fait un effort, je pouvais en faire un à mon tour. « Au fait, moi, c'est Penelope. Je peux connaître le nom de celui qui m'a aidée ? Histoire que je ne me rappelle pas juste de toi comme l'ancien Aigle. »

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La réponse ne vint pas immédiatement, mais il n'allait pas la blâmer de vouloir récupérer son bien rapidement. Il n'aurait plus manqué que le type fasse une nouvelle tentative, il n'aurait clairement pas eu la force de le retenir s'il luttait réellement. Pour autant, la scène restait étrange et il n'osa pas ciller alors qu'elle s'empressait de fouiller pour dénicher ce qui a vue d’œil avait tout l'air d'être le contenu d'une ration. Cela n'arrangea en rien sa confusion, l'aura de cette fille ne lui donnant aucune envie de reposer la question. Elle dégageait comme une mise en garde, quelque chose qui vous faisait comprendre qu'il valait mieux éviter de jouer avec ses pieds, ce que l'autre Jaguar avait eu l'idiotie de faire. Sans doute n'avait-il pas été très réceptif car il voyait difficilement comment on pouvait passer à côté. Pour autant, il avait compris son erreur et il ne lui fallut qu'un instant pour disparaître, laissant dans son sillage un Basile qui avait failli perdre l'équilibre mais avait été stabilisé tout aussi vite par la brune. Elle était décidément pleine de jugeote et d'efficacité.

- Merci.

Un pari, donc. Il prit soin de reculer d'un pas ou deux pour ne pas rester trop longtemps dans son espace, mais il restait attentif. Il savait que la culture Jaguar tournait fortement autour de jeux amicaux et de paris, mais il n'avait pas pensé que tout ça continuerait avec le Quartier des jeux toujours fermé. Bêtement, il avait aussi cru que la période n'était pas favorable à ce genre de jeux, mais il était normal que la vie continue. Il devait sans doute être d'autant plus important de s'amuser. Même si, à la voir, il se demandait si toute cette histoire n'était pas bien plus sérieuse qu'il ne puisse le penser.

- Basile.

C'était la première fois qu'il avait pu en placer une, chaque occasion précédente ayant été tuée par plus de mots de la part de la dénommée Penelope. Elle n'était pas exactement bavarde, elle contrôlait plutôt la conversation.

- Et je comprends. Ce n'est pas comme si tu l'avais forcé à participer. C'est normal de faire en sorte que les autres tiennent leur parole. Avec un peu de chance, il en tirera une bonne leçon.

Faire un pari, c'était prendre un risque. Si le bougre n'était pas fichu de le comprendre, le problème était chez lui, pas chez elle. La différence d'âge évidente entre les deux aurait dû lui mettre la puce à l'oreille quant à sa chance de perdre.

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« Merci. » Je ne m'étais pas concentrée sur ces remerciements parce que ce n'était qu'un geste normal et banal. Je n'allais pas le laisser s'écrouler alors que j'étais à son côté. Surtout qu'il m'avait aidée. Je ne pouvais pas cracher sur un peu d'aide et mon ego pouvait facilement admettre que ça m'avait drôlement facilité les choses. Je n'étais pas mauvaise à ce point et je n'avais de préjugés sur personne, ou en tout cas, pas exactement. Iggy, par exemple, c'était à cause du comportement de notre père qui s'y prenait beaucoup trop maladroitement. Quant aux Aigles, je leur laissais leur chance mais je n'allais pas me montrer plus patiente avec eux qu'avec les Jaguars. Il n'y avait aucune raison de leur faire une fleur parce qu'ils avaient survécu. Tout le monde devait faire ses preuves et personne, au sein de Paris, n'avait pas une vie simple et sans difficultés.

En prenant ses distances, il grimpait un peu dans mon estime. Il n'était donc pas de ceux qui empiétaient dans votre espace vital, vous forçant à gérer avec cette oppression que ça pouvait représenter. « Basile. » Ça faisait tellement plaisir de parler à quelqu'un qui n'en faisait pas des caisses et qui ne se faisait pas sur lui parce que j'étais parfois trop franche et trop brutale. Me fatiguer à prendre des gants avec tout le monde ne me ressemblait pas. C'était pour ça que je faisais une bonne patronne. En tout cas, c'était ce qu'on me répétait à longueur de temps. Je ne le cachais pas, j'étais stricte, forte et parfois un brin autoritaire mais jamais je ne me prenais de haut. Je tempérais mes mauvais côtés quand je faisais face aux gradés. Question de survie et de bonne éducation.

« Et je comprends. Ce n'est pas comme si tu l'avais forcé à participer. C'est normal de faire en sorte que les autres tiennent leur parole. Avec un peu de chance, il en tirera une bonne leçon. » Cette vision des choses me plaisait beaucoup. Ce Basile avait tout pour me plaire. S'il continuait dans ce sens et si on me demandait mon avis plus tard, il serait positif, sans aucune hésitation. Pour le moment, mon jugement n'était pas arrêté mais ça se déroulait sans accroc. « Il en faudrait plus, des éléments comme toi. » Je pris une pause, faussement sérieuse. « Quoi que, s'il n'y avait que des éléments aussi matures, j'y perdrais sur le long terme. Mouais, je suis mitigée. » Pour ne pas le perdre, je me laissai aller au rire. Ils n'étaient pas nombreux ceux qui faisait ressortir cette facette de ma personnalité.

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Qu'il ait la discussion facile avec quelqu'un n'avait rien de nouveau. A l'exception des passages plus sombres de sa vie, il avait toujours été ouvert et naturellement enclin à communiquer simplement avec les autres. C'était quelque chose qu'il avait en lui, un atout presque familial, même s'il avait toujours été plus conscient des limites que son cadet. Presque de la même façon, il n'avait jamais réellement été considéré comme un mauvais élément, mais plus comme une bonne pâte, un gars travailleur sur lequel on pouvait compter. Il le prit donc avec un sourire, léger, pas réellement dépaysé, mais sans se sentir gonfler les chevilles. Il acceptait les commentaires pour ce qu'ils étaient, mais son attitude restait naturelle à ses yeux, normale.

- S'ils sont matures, mais aussi peu joueurs que moi, tu n'y perdrais pas tant que ça. Je ne doute pas du fait que tu pourrais me rouler avec les yeux fermés.

Il s'était pris à rire avec elle, étrangement à l'aise. Il la trouvait plus facile à côtoyer que d'autres car elle ne savait rien de lui et ne prenait pas de pincettes. C'était rafraîchissant pour une fois. Il appréciait réellement la franchise dont elle faisait preuve, cela annonçait moins de mauvaises surprises. Elle abordait aussi la vie d'une façon qu'il connaissait assez peu au final, laissant entrevoir un peu plus cette vie Jaguar qui semblait se tenir au loin, toujours un peu inaccessible, mais vers laquelle il progressait.

- Faudra que tu m'apprennes. Si j'ai des rations un jour, ce serait dommage que je les perde aussitôt.

Il n'avait jamais eu l'occasion de se pencher sur ce genre de jeux, mais l'occasion semblait bonne d'essayer de nouvelles choses. Tant qu'à avoir dû voir sa vie partir littéralement en fumée, autant explorer d'autres voies auxquelles il n'aurait jamais pensé par le passé.

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« S'ils sont matures, mais aussi peu joueurs que moi, tu n'y perdrais pas tant que ça. Je ne doute pas du fait que tu pourrais me rouler avec les yeux fermés. » A croire qu'il savait comment s'y prendre avec moi, ce qui n'était pas fréquent, les trois quarts se plantaient la première fois mais pas lui. J'avais fait mine de réfléchir avant de sourire, victorieuse et convaincue par son argument. Je gardais les pieds sur terre mais ça faisait toujours du bien d'entendre que je pouvais rouler des gens, surtout quand ils le disaient eux-mêmes, preuve que je n'étais plus une bleue dans les affaires. Qu'il rigole et ne se vexe pas me confortait dans mon idée, c'était un bon élément et il trouverait certainement sa place chez les Jaguars, je lui espérais de ne pas croiser Joshua, pour son propre bien.

« Faudra que tu m'apprennes. Si j'ai des rations un jour, ce serait dommage que je les perde aussitôt. » J'avais presque envie de l'avertir que ce n'était pas toujours bon de traîner avec moi parce que je n'avais pas la réputation d'être une fille à fréquenter mais pour des raisons beaucoup moins discutables que celles de Thiago. Je n'étais pas une paria, j'étais juste trop maligne pour certains et ça ne plaisait à personne de se faire pigeonner. « Je peux t'apprendre tout ce que tu veux au sujet des Jaguars mais je te préviens, ce n'est pas de tout repos que de traîner avec moi. J'suis pas une mauvais Jaguar mais j'suis pas une sainte non plus. » Oui, finalement, j'avais décidé de le mettre en garde. J'évitais d'évoquer Joshua, je le surveillerais de loin.

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Elle avait le mérite d'être directe et d'assumer ce qu'elle était. Le tout sans le faire d'une façon agressive, comme certains Aigles. C'était une bonne forme de changement. Ses proches avaient toujours été plus rangés et sages, clairement à l'aise avec le règne en place sans pour autant se plier à toutes ses idées. Son père avait toujours été attaché aux traditions et désirait plus que tout engendrer de bons Membres, mais, pour le reste, il avait su ne pas les étouffer. Pour peu qu'il ait eu ce qu'il voulait, naturellement. Le début de l'adolescence avait été plus difficile parce qu'il n'avait pas voulu suivre la même voie, mais, lorsqu'il était rentré dans le rang, il avait eu la paix. Même leur vie familiale était plus simple que dans d'autres foyers et il avait toujours été évident que la personne à craindre à la maison était leur mère. Elle avait clairement eu l'occasion de se faire la main avec autant de fils. Axel était sans doute celui qui avait toujours été le plus en marge et se plaisait à essayer de voir plus loin. Il l'avait toujours cru, tout du moins.

- Peut-être que c'est ce qu'il me faut.

Mackenzie le lui avait souvent répété : il devait apprendre à penser plus à lui et à faire ce que lui voulait et non ce qui était le mieux pour les autres. Parfois, pour parvenir à changer, il fallait passer un petit peu dans une autre extrême.

- Montre-moi ta vision des Jaguars. Je tâcherais de me rendre utile en échange.

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« Peut-être que c'est ce qu'il me faut. » Ce Basile me surprenait un peu plus à chaque fois qu'il me répondait. Dans un premier temps, il ne semblait pas choqué que j'apprécie le jeu et les paris, ce qui n'était pas particulièrement surprenant quand on était Jaguar de naissance mais je n'imaginais pas ça chez les Aigles, ils cherchaient un genre de perfection rétrograde, complètement vieux jeu et débile. Là, il acceptait carrément la proposition un peu douteuse que je lui avais faite, comme s'il était prêt à s'aventurer sur un terrain glissant sans même savoir en quoi il était réellement glissant. J'espérais au fond de moi qu'il n'était pas suicidaire. Je me disais gentille mais il n'en avait aucune preuve. Au moins, à mes côtés, il avait peu de chance de tomber sur la perche beaucoup plus toxique que moi.

« Montre-moi ta vision des Jaguars. Je tâcherais de me rendre utile en échange. » Il comptait donc se rendre utile en échange. J'allais peut-être bien finir par l'apprécier s'il continuait sur cette lancée. Au moins, ce n'était pas un Aigle apeuré. J'espérais que ce qui pourrait ressembler à des tendances suicidaires n'était rien d'autre qu'une envie de devenir progressivement un véritable Jaguar. Il aurait plus de chance de se faire sa place parmi les Jaguars avec une telle mentalité. « J'te prends au mot, Basile. Première règle, si un certain Joshua vient te parler, tu m'le dis directement. Il n'est bon qu'à attirer les emmerdes. » Je ne pouvais pas lui en dire plus, j'avais mon propre secret à préserver mais Joshua avait l'art de s'acharner sur les Aigles en ce moment.

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Un large sourire était apparu sur ses lèvres lorsqu'elle avait accepté, quelque chose de bien plus grand et lumineux que ceux qu'il avait réussi à esquisser depuis la chute du clan. En sortant de sa zone de confort, il se sentait redevenir un peu plus lui. C'était curieux, mais il n'était pas prêt de laisser cette sensation s'échapper. Toute sa vie, il s'était plié à presque toutes les règles, parfois sans même s'en rendre compte, il avait fait ce que l'on attendait de lui, et on voyait où cela l'avait mené. Autant tenter de prendre un autre chemin en acceptant le risque. Peut-être la chute serait-elle ainsi moins douloureuse.

- Joshua ?

Il n'avait pas pu s'empêcher de répéter, un peu bêtement. Le nom lui évoquait vaguement quelque chose, mais il aurait été incapable de dire pourquoi. Ce n'était pas réellement un souvenir, il avait simplement l'impression d'en avoir déjà entendu parler et ce n'était pas en bien. Il semblait évident qu'elle ne voulait pas en dire plus sur le sujet, il évita donc de pousser plus loin.

- Je garderais ça en tête.

Et peut-être poserait-il aussi une ou deux questions autour de lui. Son frère en saurait peut-être plus. Il n'était pas question de commencer une enquête, il n'aurait pas voulu attirer l'attention de l'homme en question sans savoir. Inutile en plus de donner une sale impression à une Jaguar qui avait accepté de lui apprendre les ficelles de son clan.

- Je suppose que tu as des trucs à faire ? Je ne voudrais pas te retenir bêtement dans le froid.

Ses projets à lui n'étaient pas bien folichons, mais il supposait qu'il fallait bien qu'il rentre auprès des Aigles à un moment ou à un autre.

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J'avais l'impression de lui offrir un cadeau incroyable tant il avait souri quand j'avais accepté de lui faire découvrir ma vision de la vie chez les Jaguars. Peut-être qu'en effet, il n'attendait que ça, de vivre un peu en dehors des règles établies, dans l'action des paris, pour se sentir plus libre. Je ne connaissais rien de son passé mais il me donnait l'impression d'avoir vécu presque enfermé pendant un bon paquet d'années. En même temps, les Aigles ne donnaient pas l'image d'un clan très ouvert et très dynamique. On entendait rarement parler d'eux autrement qu'en chevaliers un peu archaïques. Je n'allais pas le lui balancer en pleine figure parce que, même si ça ne servait à rien de prendre des pincettes pour des morts, je ne voulais pas le blesser, lui qui était vivant et rescapé.

« Joshua ? » C'était tentant de lui balancer que c'était un gars complètement tordu mais m'étaler ne nous avancerait pas. En plus, je risquais de devoir donner des détails et je préférais garder certains secrets pour moi - et cette perche -. Que son image à mon sujet change, ce n'était pas la fin du monde mais je ne le connaissais pas assez pour lui faire confiance. Il valait donc mieux ne pas en rajouter au sujet de Josh. Tant qu'il connaissait son nom, c'était suffisant. S'il était intelligent, il m'écouterait.

« Je garderais ça en tête. » J'étais soulagée qu'il ne pose pas de question. J'étais rassurée qu'il puisse lire entre les lignes. Avec un peu de chance, il allait pouvoir utiliser ce don en sa faveur s'il décidait de jouer aux mêmes petits jeux que moi. Il en roulerait plus d'un. En tout cas, ça lui permettrait de vivre plus longtemps s'il en était capable dans toutes les situations.

« Je suppose que tu as des trucs à faire ? Je ne voudrais pas te retenir bêtement dans le froid. » J'avais complètement oublié que j'étais occupée initialement, il ne s'agissait pas que de Zach, même s'il avait réussi à me perturber. J'avais hoché de la tête. « Oui, je dois y aller mais on se retrouvera. Je ne reviens jamais sur une parole. Tiens-toi prêt, Basile. » Un dernier sourire amusé dans sa direction et je partais de mon côté. J'avais hâte de pouvoir le voir faire ses premiers pas dans tout ce bordel qui pouvait être drôlement chouette.