Scylla & Korra

année 41 ; seconde saison tempérée ; après-midi 91

  sauvée de l'ennui

Je tournais en rond, proche de la folie, à force d'être cloîtrée chez moi, dans une maison soudainement beaucoup trop petite même pour deux personnes, dont une petite Syn qui était malheureusement en âge de gigoter et de s'inquiéter pour moi. J'en oubliais presque que ça faisait cinq ans que je l'avais adopté à la ferme de bébé et qu'elle faisait partie de mon quotidien, cette petite terreur courte sur pattes. Si quelqu'un m'entendait penser à cet instant, je passerais pour une mère indigne, incapable d'amour mais c'était tout le contraire. Je ne lui répétais jamais ça, je gardais ça pour moi et c'était une façon particulière de râler pour le principe, sans qu'elle ne soit réellement concernée. Pour elle, je devais me lever tous les jours, je devais préparer à manger mais même aller chercher notre caisse de rations, c'était un effort surhumain. A son âge, c'était impensable de la faire courir seule sur le territoire et elle n'avait pas la force pour porter le chargement, quoi qu'elle en dise. Elle voulait m'aider mais je devais lui répéter plusieurs fois chaque jour que c'était gentil de sa part, même adorable mais qu'elle ne pouvait pas me remplacer. Pas encore. J'entendais déjà mes parents, si j'existais encore à leurs yeux ; c'est une enfant, elle doit faire sa part, si elle est capable de s'inquiéter, elle est capable de faire quelque chose dans la maison. Ou pire. Si j'avais trouvé un homme, un vrai, j'aurais pu me charger de l'entretien de la maison et de Syn pendant que ce brave alpha mâle allait chercher les provisions. Mentalité de déglingués. Si par hasard j'avais fait partie de ces femmes Membres, j'étais certaine que même dans mon état j'aurais été priée de bouger mes fesses. Pas un jour ne passait sans que je ne me rende compte que j'avais fait le bon choix, celui de la vie et non de la survie.

Au lieu de l'embêter avec mes tracas, j'avais proposé à cette boule d'énergie d'aller rejoindre des amis du quartier. Quand elle était en chemin pour la maison voisine, tandis que je traînais pitoyablement mon corps pour m'assurer qu'elle ne m'entourloupait pas, ma sauveuse arriva. Korra arrivait trop franchement dans ma direction pour que ce soit l'idée d'une pauvre retraitée en manque de mouvement. Plus les jours avançaient, plus j'avais l'impression de la retrouver, la vraie Korra. On sentait bien que quelque chose la marquait toujours mais elle était presque plus joyeuse et pétillante encore qu'elle ne l'avait plus été depuis trop longtemps. « Korra ! » J'avais lancé un regard qui en disait long à la gamine beaucoup trop excitée pour le bien des autres. En temps normal, c'était parfois compliqué mais là, c'était inimaginable. Elle s'était retenue de justesse et s'était accrochée au manteau de Korra pour avoir le dernier mot. « Mieux. » Marchant comme une mamy, j'avais laissé la Messagère et la chose qui se collait à elle rentrer. Elle avait décidé de ne pas partir tout de suite en fin de compte. « Je t'offre quelque chose à boire ? » Une fois la porte fermée je me concentrai sur mon invitée et levai le sourcil droit en direction de Syn. « Si tu veux rester, tu sais quelles sont les règles. N'oppresse pas notre invitée. » Elle avait fait mine d'être l'enfant la plus martyrisée du monde avant de finir par la lâcher, guettant le moindre geste de la Membre, prête à s'installer à son côté. Dans ces cas-là, je ne comptais pas beaucoup.

Scylla & Korra

année 41 ; seconde saison tempérée ; après-midi 91

  sauvée de l'ennui

« Peut-être que je pourrais nous servir quelque chose pendant que tu restes assise ? Je suis sûre que Syn ne serait pas contre de me filer un coup de main. » J'aurais dû le voir venir, les Vipères m'avaient habitué à un train de vie beaucoup plus respectueux mais les vieilles habitudes avaient la vie dure, surtout quand on venait de chez les Dragons et ce n'était pas quelque chose que j'apprendrais à Korra. Je savais bien qu'elle ne calculait pas son coup, ce n'était pas son genre, elle me proposait sincèrement son aide mais je me sentais encore plus inutile et diminuée. Des soucis d'images pas toujours exactement réglés depuis que j'étais chez les Vipères. Même à mon âge, on devait encore apprendre certaines choses, la différence c'était qu'on était parfois encore plus butés. Ou c'était juste moi. J'étais pas un élément particulièrement facile. J'avais soupiré avant de m'installer dans un fauteuil non sans un juron pour moi-même parce que je détestais cette situation et parce que ça continuait de lancer. Essentiellement les côtes.

« Tu gagnes cette bataille mais à charge de revanche. » Je n'étais qu'à moitié sérieuse, elle commençait à avoir l'habitude, je n'avais pas besoin de prendre de pincettes avec elle, pas à ce sujet en tout cas. D'autres sujets étaient plus sensibles mais ce n'était pas la question. « J'ai l'impression que tu vas beaucoup mieux. Quelque chose a aidé ? Il y a quelques rumeurs qui circulent, tu sais bien, les curieuses parlent entre elles. » Parce que les signes étaient remarqués par les filles beaucoup trop observatrices, elles n'avaient aucune chance que ça passe inaperçu après autant de temps. Mon sourire en disait long, un sourire amusé, celui de la victoire. Mais elle connaissait les règles de la maison. On ne force personne.