Petra & ?

année 41 ; saison intermédiaire ; journée 87

  comme une tortue sur le dos

La veille, j'étais rentrée en fin de journée et si je comptais aller montrer mon état au Labo, j'avais préféré attendre encore une nuit. Je ne saignais pas, je savais me déplacer même si c'était extrêmement douloureux mais depuis mon retour sur le territoire, je n'avais entendu que ça : Charlotte et les sous-infirmières étaient surchargées et elles étaient certainement occupées avec les priorités. De mon côté, je pouvais tenir, question d'expérience. Si j'avais suspecté quelque chose de sérieux, j'aurais été les déranger pour le principe. Rentrer chez moi fut digne d'un véritable périple, j'avais l'impression d'avoir dépassé mes limites depuis beaucoup trop longtemps pour un trajet qui ne me posait pas de problème en temps normal. Je n'avais pas été gâtée même si ça ne se voyait pas et même si ça ne semblait pas mortel comme une plaie trop profonde. Je n'étais pas certaine de trouver ça si salvateur mais je n'avais pas d'autre choix que de faire avec ça au moins jusqu'au moment de l'examen.

Le Labo était encore bondé. Je me demandais comment elles faisaient pour tenir. Elles devaient être épuisées, sous-infirmières, Infirmière et soigneuses. Et c'était sans même imaginé qu'elles aient pu elles-mêmes être touchées. J'étais décidée à prendre mon mal en patience quand on me bouscula sans ménagement. Une fille en larmes. Je n'avais eu le temps de voir que ce détail, sans parler des cris avant de tomber et de lâcher un merde de douleur. Ce n'était pas personnel, je ne lui en voulais pas vraiment mais tomber était une horreur, sans parler de l'épreuve que représentait le fait de devoir se relever. Elle était belle la messagère. Je n'avais plus qu'à prier pour une âme charitable ou une force soudaine et suffisante pour me redresser toute seule, qu'importe que ce soit à bout d'insultes ou non.

Sidonie & Petra
A41 SI J87

comme une tortue sur le dos

Après le départ de Nadya, elle avait eu bien du mal à résister à la tentation de se terrer chez elle comme elle avait eu tendance à le faire ces dernières semaines. Seulement, faire le strict minimum n'était acceptable qu'en temps normal. Ne pas participer à l'effort collectif pour se relever après la tempête était nettement plus difficile à avaler et elle avait préféré se forcer plutôt que d'avoir à se bagarrer avec une nouvelle source culpabilité plus tard. En plus, elle pourrait de cette façon s'assurer que sa binôme n'en faisait pas trop à la première occasion venue. Elle n'était pas certaine de pouvoir traîner trop souvent autour d'elle, mais garder un œil dessus lors de ses passages au Labo paraissait être un obstacle plus aisé à passer. Depuis le lever du soleil, elle aidait donc comme elle le pouvait, allant d'une corvée à une autre, et tentant de mettre ses connaissances aux services des autres, le tout dans un silence généralement poli. Après avoir passé tant de temps comme une recluse, l'idée de bavarder n'était pas si tentante. Elle en était à transporter du matériel pour l'infirmerie lorsque que des cris et des bruits de chute attirèrent son attention et la forcèrent à jeter un œil derrière la pile de caisses dans ses bras. Fort heureusement, elle n'était pas la coupable dans l'histoire. Elle avait à peine eu l'occasion d'esquiver la Membre qui lui avait foncé dessus comme une balle.

- Fais gaffe.

Elle n'avait qu'eu le temps de grommeler ça, trop occupée à tenter de rétablir l'équilibre de son chargement. Un long soupir de soulagement lui échappa lorsque les caisses cessèrent de bouger. Et, pendant ce temps là, la fille au sol n'avait toujours pas bougé. Mauvais signe ça. Elle s'empressa de poser son bazar au sol et continua vers elle.

- On dirait que t'as pas eu autant de bol que moi.

Sans la chute de cette fille, elle serait sans doute par terre aussi et elle se serait fait taper sur les doigts si le matériel avait été endommagé. La remettre debout était donc le minimum. Elle lui tendit la main avant de la retirer aussitôt, les sourcils froncés. Elle n'avait vraiment pas l'air bien. A la place, elle préféra s'agenouiller à ses côtés, tentant de comprendre quel était le vrai problème ici.

- Elle t'a pas cassé un truc j'espère ? Tu respires fort quand même.

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  comme une tortue sur le dos

« On dirait que t'as pas eu autant de bol que moi. » Cette voix était peut-être celle de ma sauveuse du moment. Je l'accueillis avec un grand sourire, bien qu'un peu crispé et tendu mais, à en croire sa façon d'aborder les choses, elle comprendrait que ce n'était pas personnel. Elle avait l'air de réagir d'une façon plus qu'agréable, surtout en de pareilles circonstances. Je pouvais évidemment tout à fait me tromper mais elle n'avait pas l'air d'être une Membre fatiguée à l'avance de passer du temps avec quelqu'un en mauvais état. De mon côté, je n'avais pas de problèmes d'ego.

Le fait qu'elle me tende la main me réconforta dans l'idée qu'elle n'était pas de ces filles précieuses ou trop égoïstes. Certaines n'étaient tout simplement pas à l'aise, mais je ne pensais même pas à ces filles là. C'était encore une autre histoire et la vie m'avait appris à ne plus commettre l'erreur de mettre tout le monde dans un même paquet de rations. Elle avait reculé sa main pour ensuite s'agenouiller, ce qui n'était pas une mauvaise idée, ça me faciliterait même carrément la vie, m'évitant un vertige éventuel ou un mal de nuque. « Elle t'a pas cassé un truc j'espère ? Tu respires fort quand même. » La chance m'avait vraiment souri. Comme quoi, on pouvait être invisible pour certaines et tomber sur quelqu'un qui se souciait beaucoup plus de l'autre la seconde d'après.

« Je ne pense pas. Le problème date de la tempête. Une cohue, même chez les Jaguars, ça peut être dangereux. » J'avais envie de détendre l'ambiance, une méthode comme une autre pour relativiser et pour la rassurer. Ce n'était pas la première fois qu'une tempête me mettait dans un sale état, ni la première fois que j'avais ce genre de douleur. La patience, c'était à peu près tout ce que j'avais comme solution. Avec un peu de chance, elle comprendrait que mon intention n'était pas de minimiser les choses mais de prendre un peu de recul. « Je ne lui en veux même pas. Elle était peut-être inquiète. On sait jamais ce qui se passe dans la tête des autres. Mais clairement, c'est pas la position la plus confortable au monde. » J'avais regretté à la seconde même où j'avais commencé à rire. Réflexe stupide.

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Pour quelqu'un qui s'était fait tacler par une furie au point de se retrouver au sol, elle la trouva drôlement souriante. Un tel degré de positivité la dépassait un peu, mais elle l'accueillit d'un léger étirement de lèvres. Il disparu bien vite, au vu de la situation, mais ce n'était qu'un détail. Faire l'effort avait tout d'un pas dans la bonne direction. Ce n'était même pas particulièrement difficile, cette fille dégageait quelque chose d'accessible et de facile. Elle n'avait pas non plus de problème de sincérité. Cela faisait peut-être beaucoup de détails, mais son bavardage ne la dérangeait pas. Qu'elle ait été chez les Jaguars durant la tempête lui fit tout de même naître quelques questions. Si elle était Espionne, elle se montrait drôlement sincère. Ce n'était pas les seules options, néanmoins, et elle était obligée de reconnaître qu'elle n'avait pas fait beaucoup d'efforts pour mémoriser les nouvelles gradées après la réussite de son Test. Juste le minimum et les noms et visages de celles qui auraient pu lui faire des misères si elle ne les respectait pas assez. On ne pouvait pas parler d'un réel manque de respect, elle se désintéressait simplement trop vite de certains détails. Elle n'était pas d'une ambition débordante et se limitait à faire son job, tous ces grades et ces histoires politiques changeaient donc peu son quotidien. Dans la réalité, rien n'était si manichéen, elle subissait comme tous le monde les effets des changements et des décisions, mais elle préférait ne pas s'attarder sur ce qui était incontrôlable pour le rouage dans la machine qu'elle représentait.

- Je ne peux pas me plaindre que tu te retrouves dans cette position, je me serais vautrée si ta chute ne m'avait pas avertie. Sans mauvaise pensée. Je te l'aurais pas souhaité, bien sûr.

Elle s'emballait un chouia, mais l'idée de passer pour une garce auprès d'une fille aussi lumineuse avait quelque chose de dérangeant. Les enchaînements avaient clairement servis ses intérêts et ceux de l'infirmerie, mais elle aimait peu qu'on se désintéresse des dégâts collatéraux. Même si elle n'était pas la mieux placée pour parler de ça, elle parvenait à peine à les esquiver.

- Bon, comment on fait ça ? Je te tire d'un coup et on espère que tu ne me tombes pas dans les bras en t'évanouissant ou on y va progressivement en faisant des pauses ?

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  comme une tortue sur le dos

Je n'aurais pas réussi à dire si elle était embêtée ou si elle souriait simplement moins que d'autres. L'essentiel dans cette histoire c'était qu'elle était restée à mon côté pendant que j'avais l'air d'un animal empoté. Elle aurait pu continuer son chemin, surtout si elle avait des ordres. « Je ne peux pas me plaindre que tu te retrouves dans cette position, je me serais vautrée si ta chute ne m'avait pas avertie. Sans mauvaise pensée. Je te l'aurais pas souhaité, bien sûr. » C'était un peu maladroit mais je comprenais l'idée globale, c'était d'autant plus facile qu'elle ne dégageait pas l'aura d'une personne froide ou insensible. Les événements n'arrangeaient pas les contacts sociaux, c'était le rush un peu partout sur le territoire, même le lendemain de la fin de cette tempête monstrueuse.

« Bon, comment on fait ça ? Je te tire d'un coup et on espère que tu ne me tombes pas dans les bras en t'évanouissant ou on y va progressivement en faisant des pauses ? » L'idée des pauses ne me plaisait pas beaucoup, ça me renvoyait à l'image d'une Infirmière qui traînerait des heures avec l'alcool sur une plaie. Quitte à avoir mal, je préférais avoir mal un bon coup et de pouvoir passer rapidement à autre chose. Ça ne voulait pas dire que je me souciais peu de mes réactions mais généralement, je me remettais rapidement, plus que mon cousin. « La première solution. Promis, je te tomberai pas dans les bras. J'aurai mal mais je prendrai sur moi. » Il n'y avait plus qu'à espérer que cette solution lui convienne. Je ne voulais pas qu'elle soit mal à l'aise non plus.

Sidonie & Petra
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comme une tortue sur le dos

Dans un coin de sa tête, elle ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'elle avait tout intérêt à ne pas casser l'une des Messagères du clan ou elle risquait d'attirer l'attention des gradées, et pas de la meilleure des façons. Elle n'avait pas réellement de but pour sa carrière, ne s'intéressait pas non plus à une quelconque illusion de succès, mais elle tenait à vivre tranquillement. Pour se faire, il n'y avait rien de mieux que de rester sous le radar.

- Force pas pour moi, je suis solide.

Après avoir réaffirmé sa position, elle attrapa le bras de la jeune femme et la tira à sa suite en se relevant. Une fois à la verticale, elle tenta de la stabiliser d'une main posée sur l'épaule, l'autre restant accrochée à son avant-bras.

- Tu supportes ? Pas trop envie de mourir ?

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année 41 ; saison intermédiaire ; journée 87

  comme une tortue sur le dos

« Force pas pour moi, je suis solide. » Je ne pus m'empêcher de sourire et de rire avant de râler de douleur. C'était frustrant de ne pas pouvoir simplement rire quand on le voulait à cause de ces côtes bêtement touchées lors de la tempête. On ne se rendait pas compte à quel point ça pouvait impacter, d'autant plus que c'était une blessure invisible à l’œil nu. J'aurais presque voulu qu'on m'arrache cette cage thoracique. Presque était le détail important. Je n'étais pas complètement masochiste, ni totalement désespérée.

Le mouvement, ce changement de position m'arracha un énorme cri, la douleur était impressionnante et j'avais l'impression d'étouffer mais j'étais toujours en un seul morceau et bien vivante. Sans même parler de ces vertiges, certainement liés à l'intensité de la douleur. « Tu supportes ? Pas trop envie de mourir ? » Elle était presque cruelle. Mais surtout humaine et elle avait bien compris que l'humour était important dans ce genre de situations. « A peu de choses près... » Je pris une pause. « Quelques vertiges, donc ton soutien n'est pas de trop, pour le moment. Désolée. » Je ne pouvais pas m'empêcher de m'excuser, l'impression d'être un poids pour elle, même si ce n'était que momentané.