Tess & libre

année 41, saison intermédiaire, soirée 91

  it's not my home anymore

J'aurais très bien pu rester calmement chez moi, reposer ma cheville mais avec la béquille que j'avais réussi et le repos précédent, j'avais l'impression que mes déplacements étaient moins pénibles. En plus, rien ne m'obligeait de participer aux combats dont j'avais entendu parler, rester dans le public et vivre l'ambiance que tout le monde annonçait comme exceptionnelle me suffirait amplement, je n'étais pas du genre à m'afficher de toute manière. J'écoutais donc les conseils de la sous-infirmière, me balader avec la béquille pour ne pas trop en demander à ma cheville et ne pas exagérer d'une façon ou d'une autre. Je ne devais même pas passer par le centre neutre, les frontières communes entre nos territoires étaient ouvertes. C'était pour le bien de l'alliance, qu'ils disaient. Moi, c'était plus une première approche, l'idée de redécouvrir un clan qui m'avait rejetée en tuant mes parents. Je voulais me faire ma propre opinion maintenant que deux femmes intelligentes et prudentes semblaient se tenir aux têtes de nos deux clans. Avec Annabella, ça n'aurait pas pu être possible. Elle était différente de lui, mais elle ne valait pas beaucoup mieux que Joshua à mes yeux.

J'avais à peine mis mes pieds dans le quartier des jeux que je sentais une véritable différence. On ne se cachait pas, on rigolait, on parlait bruyamment et on réconfortait les blessés qui étaient coincés. Les rues n'avaient plus rien de cette ancienne terreur du sud. C'était bon à savoir. Ca ne signifiait pas que je laissais la muraille que j'avais construite pendant tant d'années se briser si facilement. Je n'avais rien de la personne courageuse, j'avais trop peur d'être poignardée dans le dos. Alors, je restais un peu en retrait, les observant sans un mot, la béquille à la main, n'osant pas franchir le pas de l'alcool. Avec ma cheville et ma tête en compote, je devais encore plus être vigilante. Je n'étais pas prête à subir les conséquences d'un comportement trop léger, encore moins si c'était pour me faire taper sur les doigts par Théa ou, pire, par James. J'avais parfois l'impression de reconnaître des visages mais sans aucune certitude. Raison pour laquelle je fixais quelqu'un à ce moment, jusqu'à ce que nos regards se croisent et que je me rétracte.

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Malgré la situation et cette épaule qui lui en faisant voir de toutes les couleurs, il aurait difficile de ne pas tout oublier grâce à l'énergie qui grouillait dans les rues. Le sourire lui venait facilement au naturel, mais il était lumineux ce soir, papillonnant d'une personne à l'autre comme il aimait tant le faire. Les lieux avaient toujours eu une place spéciale dans son cœur et la réouverture le réchauffait, lui laissant cette impression d'être réellement vivant pour la première fois depuis deux saisons. Presque trois ans après sa soumission, c'était ici qu'il s'était pour la première fois sentit réellement Jaguar et il associait les rues bondées et l'amusement à cette maison proverbiale que tout le monde recherchait. Il se sentait chez lui, pleinement maître d'un domaine partagé avec tant d'autres. Cela aurait été encore mieux si il avait pu s'adonner pleinement à ses activités, monter son petit stand pour amuser les nouveaux venus avec quelques jeux trop souvent pipés, mais il prenait ce que la vie lui donnait. Pour aujourd'hui, c'était de bonnes discussions, de l'alcool modérément consommé pour éviter les accidents qui auraient pu aggraver son cas, et découvrir des têtes fraîchement débarquées de chez les Vipères. En se sentant observé, il était d'ailleurs tombé les yeux dans les yeux avec l'une d'elles, son sourire grandissant alors qu'il la saluait d'un signe du menton, mais elle s'était détournée trop vite. Avec le naturel d'un chat curieux, il avait abandonné la discussion actuelle pour rejoindre le côté de la mystérieuse blonde.

- Première fois ici ?

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C'était foutu. Il m'avait remarqué. Le problème, c'était que quand j'avais osé regarder à nouveau en direction de la place qu'il occupait juste avant, je l'avais perdu de vue. C'était peut-être, même sûrement, stupide mais j'étais un peu déstabilisée; retrouver un endroit qu'on pensait connaître, l'endroit de son traumatisme avait l'art de faire perdre tous ses moyens. J'aurais dû savoir que c'était une mauvaise idée, j'aurais dû faire demi-tour avant de m'embarquer dans un tel bordel. « Première fois ici ? » Erreur de bleue. Je n'avais pas surveiller mes arrières et il était à côté de moi. Trop près. Beaucoup trop près. Je ne pouvais pas lui en vouloir, il ne me connaissait pas et je n'avais pas envoyé le bon signal.

Il m'avait fallu du temps pour retomber, métaphoriquement, sur terre. Mon coeur s'était emballé et je m'étais rattrapée de justesse. Je me sentais encore plus idiote que quelques minutes avant. J'affichais un sourire maladroit pour ne pas le froisser mais il devait avoir remarqué que je n'étais pas très à l'aise. Il dégageait quelque chose qui me perturbait beaucoup trop. Comme s'il était capable de lire entre les lignes, de deviner un secret trop bien gardé. Personne chez les Vipères ne savait pour mes parents. Je n'étais pas courageuse, pas besoin d'en rajouter des couches. « Au quartier des jeux, oui. » Réponse très courte qui, avec un peu de chance, lui ferait comprendre que je n'étais pas de bonne compagnie. Qu'il avait mieux à faire ailleurs. Avec quelqu'un de plus bavard. Avec quelqu'un qui n'aurait rien à y perdre d'être sur le territoire des Jaguars.

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A la voir, elle ne paraissait pas si satisfaite que ça par son approche, mais il ne faisait pas que côtoyer les plus extravertis du clan, bien au contraire. Il avait dans ses relations plus d'un calme ou d'un timide et il lui en fallait beaucoup pour qu'il lâche l'affaire. Ou qu'on lui fasse clairement comprendre que sa présence n'était pas voulue, ce qu'elle n'avait pas fait, même si elle avait pu lui répondre simplement par politesse ou pour s'éviter un potentiel problème, elle ne pouvait pas savoir qu'il n'était pas du genre à s'offusquer si on le snobait. Seulement, il lui était difficile de s'envisager réellement comme une nuisance lorsqu'elle se montrait sincère. Le sous-entendu n'était pas vraiment subtil vu qu'il n'y avait que cette partie du territoire qui se montrait aussi accueillant. Fondamentalement, elle aurait aussi pu être Messagère, sauf qu'il connaissait la tête de celle assignée à leur clan, il avait donc vite chassé l'hypothèse. Il ne restait donc qu'une explication logique et elle était de celles qu'on inventait pas.

- Ouais, les gamins ne traînent pas vraiment dans le coin.

En tant qu'ancien Libre, il aurait bien été le dernier qui aurait pu juger les transfuges. Il n'avait vécu le règne de Joshua que pendant deux ans, mais c'était largement assez pour comprendre qu'on ait envie d'aller voir ailleurs si l'existence n'était pas plus douce.

- On a fait pire comme endroit, pourtant. Tu peux oublier ce qu'il se passe ailleurs et c'est comme si le temps passait à une vitesse différente. Une gorgée ?

Il lui avait tendu son gobelet sans plus de réflexion, il n'était pas si rat, malgré ses activités plus ou moins douteuses.

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« Ouais, les gamins ne traînent pas vraiment dans le coin. » J'aurais certainement mieux fait de mentir ou de fermer ma gueule. Il avait répondu par un sous-entendu au mien et j'avais le sentiment d'avoir été prise la main dans le sac. J'étais une piètre menteuse, je ne l'ignorais pas depuis de trop nombreuses années, malgré toute la bonne volonté du monde, j'en étais totalement incapable. C'était con. Je regrettais encore plus d'avoir mis les pieds chez les Jaguars parce que je n'étais pas suffisamment courageuse pour tenir longtemps dans les rues du Sud, même si l'ambiance avait changé. Un événement aussi traumatisant, ça laisse de belles marques dans la tête et un rien me rendait nerveuse. J'avais entendu pour la rébellion, tous ceux qui avaient été de son côté étaient considérés comme morts mais certains pouvaient cacher leur jeu. Oui mais ce n'était pas que ça. C'était mon esprit qui s'affolait et qui voyait le mal partout, même quand rien ne me rappelait l'atrocité. Hormis les lieux. Regarder par-delà son épaule était certainement la solution la moins risquée à ce stade.

« On a fait pire comme endroit, pourtant. Tu peux oublier ce qu'il se passe ailleurs et c'est comme si le temps passait à une vitesse différente. Une gorgée ? » Il ne renvoyait clairement pas l'image d'un gars mal intentionné. Ca ne signifiait pas que j'allais laissé tomber la muraille, que j'allais sortir de cette bulle protectrice, tout au plus j'allais tenter de diminuer l'intensité de cette voix qui me criait danger à tort et à travers. Mes jambes étaient prêtes à me permettre de fuir mais je ne devais pas trop le montrer. On devait prouver que nous étions capables de sympathiser avec les Jaguars. C'était la règle. Nous ne devions pas créer de bagarres inutiles. Et je n'avais clairement pas envie de me ramasser la colère de James. Elle me foutait la trouille. J'avais pris le gobelet et sans m'en rendre compte, j'avais bu ce qu'il lui restait d'alcool. Avant de tousser sec. Quelle fille pathétique. Je lui tendis à mon tour le récipient, embêtée plus que jamais. Je me foirais tout le temps.

« Je suis désolée. Je vais te recherche un verre. Je suis pas pauvre en rations. Enfin, je suis pas riche non plus. Mais tu vois. Je vais te chercher ça tout de suite. » J'avais beau précisé le tout de suite, j'étais comme clouée au sol, complètement pétrifiée. J'avais merdé et mon corps réagissait comme si j'allais être menacée de mort quelques instants après cet acte maladroit.

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Il aurait sans doute dû la prévenir que l'alcool dans son verre n'était pas pour les débutants et qu'il valait mieux y aller doucement, mais il ne s'était pas non plus attendu à ce qu'une gorgée se transforme en ça. Elle lui avait siphonné son verre et la réaction ne se fit pas attendre. Il lui aurait bien tapoté le dos pour aider à faire passer la toux, seulement elle ne semblait pas ouverte à l'idée. Il n'aurait pas fallu qu'il aggrave encore plus la situation parce qu'elle s'était trop tendue à son contact. Par la suite, avec son gobelet dans la main, et l'autre bras immobilisé, il se retrouva à manquer d'options. Leurs échanges jusqu'ici n'avaient pas été très glorieux, mais ils allaient en s'empirant sans qu'il n'y puisse rien. Cette fille était mal, c'était clair, et il n'avait aucune idée de comment s'y prendre.

- C'est bon, t'en fais pas, l'alcool est compris dans mes rations.

Cela ne changeait pas grand chose dans l'histoire, il ne voulait simplement pas qu'elle se sente obligée de lui rembourser quoi que ce soit. Il avait offert de bon cœur et il s'en fichait pas mal d'être à sec. C'était même sans doute une bonne chose, il n'était pas censé trop abuser à cause de son épaule. Il n'aurait pas fallu qu'il perde ses réflexes ou qu'il se retrouve pris dans un accident idiot qui l'aurait contraint à une convalescence plus longue encore.

- T'es sûr que c'est une bonne idée d'être ici ?

Il ne savait pas trop dans quoi il se lançait, mais il avait toujours été plutôt direct et il pouvait se vanter de ne pas être trop mauvais lorsqu'il fallait se faire une idée sur les autres. Tout semblait aller vers le fait que cette Vipère subissait trop de stress en traînant ici.

- Je sais que c'est un truc politique et que ça fait bien que les Vipères soient là, mais je pense pas que ça vaille la peine que tu te mettes mal comme ça. Faire des efforts et passer au-dessus de trucs qui te mettent mal à l'aise, c'est bien, mais faut pas trop en faire non plus. C'est un peu contre-productif à force, si tu veux mon avis.

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« C'est bon, t'en fais pas, l'alcool est compris dans mes rations. » Dans le fond, je savais bien qu'il existait de bons Jaguars, je n'avais pas été la seule à souffrir pendant les années de règne de Joshua mais après des années à mettre de la distance entre mon clan de naissance et celui de cette nouvelle vie, je ne savais plus comment m'y prendre avec ceux qui avaient survécu à tout ça en restant sur le territoire. Le nettoyage suite à la rébellion n'était pas un secret mais, encore une fois, le traumatisme ne me permettait pas forcément d'y voir clair. Mon regard était biaisé. A ce point, j'étais simplement contente d'être tombée sur quelqu'un d'aussi compréhensif et pas totalement effrayée par l'idée qu'il ait pu comprendre certaines choses. Un peu mais pas totalement.

« T'es sûr que c'est une bonne idée d'être ici ? » Encore une fois, je m'étais perdue dans ma tête, bouffée par mes craintes et il avait eu le temps d'enchaîner sans que je ne puisse réagir. La question était légitime, j'étais aussi à l'aise qu'un rat coincé entre de nombreux chasseurs, alors que personne ne me connaissait, ou on m'avait oubliée depuis les années. Ceux qui avaient servi sous Joshua de plein gré n'était même plus là. Mon cœur battait néanmoins à vive allure.

J'avais cette fois tenté d'en placer une mais il avait été plus rapide et je n'avais pas la foi de le casser dans sa théorie. « Je sais que c'est un truc politique et que ça fait bien que les Vipères soient là, mais je pense pas que ça vaille la peine que tu te mettes mal comme ça. Faire des efforts et passer au-dessus de trucs qui te mettent mal à l'aise, c'est bien, mais faut pas trop en faire non plus. C'est un peu contre-productif à force, si tu veux mon avis. » Ce n'était pas plaisant que quelqu'un lise si facilement entre les lignes, surtout quand il n'y avait pas de lieu sûr mais force était de constater qu'il ne cherchait pas volontairement à me déstabiliser et, au contraire, il voulait me rappeler de prendre soin de moi, de ne pas penser qu'à la bonne impression qu'une Vipère pouvait laisser en restant au quartier des jeux.

« Je vois bien que c'est pas comme à l'époque mais c'est con, j'ai quand même encore un peu la trouille. Je suis pas la plus courageuse. » Parce que j'avais eu peur d'Annabella. Que j'avais parfois encore un peu peur de ses suiveuses qui avaient senti le filon et qui ne se gênaient pas pour me rappeler que je n'étais qu'une patrouilleuse, de ces éléments pas si importants, tout juste capables de dialoguer à tort et à travers et qui croyaient qu'on pouvait s'entendre avec tout le monde. Comme si les patrouilleurs se limitaient à ça. Et le pire dans tout ça, c'était qu'il n'en avait sûrement rien à faire des vieilles histoires d'une fille paumée.

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A partir de là, plusieurs chemins s'offraient. Elle pouvait l'abandonner là sans un mot de plus, l'envoyer chier, lui mettre un coup, rester silencieuse, ou, et cela s'accompagnait encore d'autres possibilités, lui parler. Clairement, il préférait cette option là à pratiquement toutes les autres. D'autant plus après qu'il l'ait un peu bousculé avec cet avis que personne ne lui avait demandé de donner.

- T'en as eu du courage, pourtant, pour venir ici. T'aurais pu trouver une excuse ou juste faire semblant et te barrer dès que personne regardait. A la place, t'es là et tu parles à un Jaguar.

Tant qu'il en était à dire ce qu'il pensait, il pouvait bien continuer. Si elle ne s'était pas encore débarrassé de lui, c'était que sa présence devait être tolérable, idem pour ses commentaires.

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« T'en as eu du courage, pourtant, pour venir ici. T'aurais pu trouver une excuse ou juste faire semblant et te barrer dès que personne regardait. A la place, t'es là et tu parles à un Jaguar. » J'étais tentée de lui répondre qu'il se trompait sur toute la ligne, que je n'étais pas courageuse, qu'il voyait des signes de courage là où il n'y avait que la peur d'être réprimandée ou jugée parce que je n'avais pas tenté une approche sur le territoire quand nous étions invitée à faire ce geste mais malheureusement, j'avais le sentiment qu'il était têtu. En plus d'avoir de bons arguments, si j'étais vraiment honnête. J'aurais pu mettre un pied et à la première occasion me défiler. C'était nouveau comme sentiment, nouveau d'accepter presque trop facilement quand on me collait des qualités à la peau.

« Je suppose que de tomber sur un Jaguar comme toi, ça aide ? » Ce qui était encore incroyable dans ce bordel, c'était que je n'affirmais pas ce que je pensais. Je n'étais pas nette. C'était le moins qu'on puisse dire. « Si je t'avais rencontré avant, je suis certaine que tu aurais pu me convaincre de rester sur le territoire. T'as quelque chose de magique en toi. Oui, quelque chose comme ça. » Il allait sûrement me fuir après cette réflexion à voix haute mais je n'étais pas à ça près. Au pire, ça me conforterait dans l'idée que je n'étais pas douée avec les Jaguars. Ni tout court.

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Un Jaguar comme lui. Il n'allait pas prétendre que les félins de sa trempe n'étaient pas nombreux, mais cela aurait été dénier sa propre individualité. Il était à l'aise avec les autres, personne ne dirait le contraire, il avait aussi l'art de les aider à se détendre. Le compliment fut donc pris sans broncher avec un petit sourire au coin des lèvres qui tenait presque de la satisfaction. Elle en rajoutait une couche qui ne pouvait que lui faire plaisir et il n'allait ni le nier, ni en rougir. Cela faisait du bien en ces temps de merde de se faire flatter l'ego.

- Magique. Va falloir que je le ressorte cet adjectif là. Première fois qu'on me décrit de la sorte.

Malgré tout, s'imaginer une telle efficacité était un peu exagéré, sans même parler du fait qu'il n'avait pas été un Jaguar à l'époque et qu'il aurait été bien loin de conseiller ce clan à qui que ce soit pour des raisons évidentes. Il était arrivé au Sud deux ans avant que les choses ne commencent à changer pour un bien et cela lui avait suffi. Il n'avait jamais regretté son choix, mais, comme pratiquement tout le monde dans ce clan, il se serait bien passé de cette période sombre.

- J'pense que t'es exactement là où tu dois être. La vie a ses détours pour nous mettre aux bons endroits même si c'est pas toujours facile à voir ou à avaler.

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Il avait souri sans plus de cérémonie, premier bon signe. Je pouvais être rassurée, je ne l'avais pas encore dérangé. « Magique. Va falloir que je le ressorte cet adjectif là. Première fois qu'on me décrit de la sorte. » Je n'étais pas habituée à ce genre de réactions, ce qui n'était pas surprenant puisque j'avais peur de tout dans les vies, surtout de la réaction des autres, ce qui me poussait en temps normal à travailler et retourner dans ma tanière. Ce n'était pas une vie pleinement remplie, ni une vie palpitante mais j'étais certaine de rester en vie un jour de plus. Il m'arracha un rire, un exploit incroyable dont peu de personnes étaient capables depuis que les malheurs s'étaient enchaînés.

« J'pense que t'es exactement là où tu dois être. La vie a ses détours pour nous mettre aux bons endroits même si c'est pas toujours facile à voir ou à avaler. » Je n'étais pas certaine d'adhérer à cette philosophie, j'étais plutôt convaincue d'avoir fui à chaque fois qu'une situation m'angoissait, ce qui n'était pas digne d'une brave Membre mais je ne pouvais pas nier qu'il était bienveillant et c'était probablement le premier à respecter ce que j'étais dans son intégralité. Il ne me connaissait pas bien mais il choisissait soigneusement ses mots et ne cherchait pas à me convaincre que j'aurais dû rester chez les Jaguars ou à me brosser dans le sens du poil de peur de me froisser. C'était agréable comme sensation.

« J'avais jamais vu les choses de cette façon. Merci. » Les mots n'exprimaient pas correctement ce que je pensais à propos de lui et à propos de cette discussion sortie de nulle part mais je n'étais jamais très douée avec les autres. Une part de moi se rassurait en se disant qu'il comprendrait au-delà des mots ou un délire du genre. Il était sensible.