Nana & Zayne

année 41 ; deuxième saison tempérée ; après-midi 93

 mismatched pair

J'étais littéralement sur un petit nuage alors que je me dirigeais vers les cellules avec, à l'esprit les instructions de Noâ. Tout ce qui s'était passé en peu de temps tenait du miracle mais ça suffisait à me rendre heureuse parce que je n'aurais jamais espéré tout ça, même dans mes rêves les plus fous. Si les Membres me connaissait de nature joyeuse et solaire, certains me jetaient des regards interrogateurs. Je n'étais pas exactement la plus discrète mais je ne cherchais pas non plus à l'être. J'avais des années à rattraper depuis la mort de Joshua et j'avais comme règle de ne jamais plus me contenir, ne jamais plus mentir à qui que ce soit au sujet de quoi que ce soit. Dans l'absolu, c'était beau, dans la réalité, c'était autre chose mais vivre dans ma bulle m'aidait pas mal. Avec un peu de chance, cette fois, si Zeke me trouvait dans cet état, il ferait des liens et comprendrait un peu mieux ce qui se passait sous ses yeux.

Quand j'étais enfin arrivée dans les caves, à hauteur des cellules plus précisément, je découvris un Zayne de mauvaise humeur et un peu surpris par la tournure des événements. De mon côté, je l'avais accueilli avec le même et éternel sourire, celui qui ne me quittait jamais, pas même en sa présence. Comme Noâ, Rey et beaucoup d'autres ronchons, j'avais réussi à l'apprivoiser et nous avions une amitié un peu particulière. Quelque chose que personne ne comprenait, mises à part quelques rares exceptions. On ne s'habituait que rarement. « T'es pas vraiment qui j'attendais. » Il avait toujours une façon bien à lui d'accueillir les gens, ça ne me posait pas de problèmes, ça faisait partie du personnage, il fallait l'accepter comme ça.

« Moi aussi je suis contente de te voir, Zayne. » Avais-je ajouté dans un sourire toujours plus grand. Il avait appris avec les années que je ne me moquais pas mais que j'aimais bien les taquiner un peu. Je le faisais moins franchement qu'avec Noâ et dans un contexte plus privé mais je ne pouvais pas devenir quelqu'un que je n'étais pas tout d'un coup. « Je viens te libérer. C'est pas génial ? Noâ s'est dit que ça se passerait mieux avec une fille que tu as dans les pattes depuis l'adolescence. » Rien n'arriverait à me faire retomber de mon état d'euphorie dans tous les cas. Si Noâ n'avait pas complètement réussi à me casser, il n'y arriverait pas non plus.

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« C'est pas trop tôt. C'est même plus un doute, elle m'a oublié dans ce trou à rats. » Je connaissais son air grognon par cœur et son agacement était à l'image de mon optimisme, sans faille. C'était d'ailleurs pour cette raison que sa réflexion m'était passée au-dessus de la tête et que j'avais souri encore et toujours. Quand on apprenait à connaître Zayne, on savait que c'était sa seconde nature et on l'acceptait comme tel, c'était la meilleure solution, on ne le changerait jamais, un peu comme on ne me changerait jamais. Nous avions tous les deux notre petite, plutôt grande, réputation.

« C'est quoi cette tronche ? T'es pire que d'habitude. » J'étais cependant vachement contente de l'entendre poser cette question. Malheureusement pour lui, il avait lancé la machine et je le savais d'avance, il allait le regretter et râler à tort et à travers. Je savais aussi qu'il trouverait tous les moyens de m'arrêter mais j'étais de trop bonne humeur. Encore plus que d'habitude, il n'avait pas tort du tout.

« Héhé ! Tu l'as remarqué. T'es trop fort ! » A sourire comme ça, j'aurais facilement pu me déboîter la mâchoire mais ce n'était qu'un détail. On aurait même pu croire que je bondissais tellement j'étais énergique. « J'ai été au bar à drogue avec une personne que je n'avais plus vue depuis la fin de son service. On était toutes les deux Tireuses d'Elite. C'était devenu compliqué quand elle a dû prendre sa retraite. » Laisser un peu de mystère ne ferait pas de mal. Même si, des mystères, il n'en restait pas beaucoup mais je comptais sur lui pour ne pas s'en soucier et avec un peu de chance, ça marcherait.

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« Ca devrait pas m'étonner que tu traînes avec des gens d'autres clans. » Quand je jetais des regards dans sa direction, je voyais bien qu'il n'était toujours pas plus emballé mais il m'avait lancé sur le sujet, de mon côté, c'était normal de participer à la conversation dans ce cas précis. Dans tous les cas, il était assez grand que pour me virer ou me demander de me taire, Zayne était réputé pour ça dans tout le clan et c'était vrai dans la plupart des situations.

« C'est vrai. J'ai des potes chez les Vipères aussi, après tout. » C'était sorti naturellement, ne prenant pas du tout en compte le fait que je balançais indirectement le fait que la fameuse Tireuse d'Elite était une Dragonne. Ca me passait au-dessus de la tête en ce moment.

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« T'es plus suicidaire que je ne le pensais. » On ne pensait pas ça de moi la première fois qu'on me voyait, on m'imaginait tout au plus un peu insouciante, un peu trop folle sûrement trop enthousiaste mais il n'avait pas tort. J'avais été beaucoup trop suicidaire à l'époque mais si je n'avais pas fait sa rencontre, leur rencontre, j'aurais été malheureuse. Sans aucun doute. Le destin avait bien fait les choses. J'avais souri à pleine dent en me tournant vers lui et avais haussé les épaules, mettant de côté tout ce côté trop sérieux. Je ne voulais pas penser à ce qui aurait pu se passer, j'avais frôlé le soleil une fois, c'était déjà bien assez. Cette partie de l'histoire, il ne devait pas la connaître.

« Au fond, je crois que je devrais presque le remercier. S'il n'avait pas vu ce potentiel, j'aurais peut-être été plus triste ou, pire, je t'aurais embêté toi. Tu devrais aussi être reconnaissant, mon petit Zayne. » J'avais préféré éviter de prononcer le nom du monstre parce que tout le monde ne supportait pas de l'entendre. Si je voulais mettre de la distance et me moquer de lui, je devais être attentive de ne pas heurter les autres Jaguars. J'avais souligné mes propos en lui offrant une tape dans le dos. C'était toujours plaisant de le taquiner un peu, lui rappeler que j'étais son aînée. « Et puis, je ne t'apprends rien. Qu'est-ce que la vie sans jouer avec le feu ? »

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« Tu serais morte si tu avais essayé. » J'avais souri de plus belle parce que je l'aurais parié, qu'il réagirait de la sorte. Je connaissais Zayne par cœur. Il faut dire que sa panoplie de réactions étant ce qu'elle était, on ne pouvait pas s'attendre à grand-chose de sa part. Si tout le monde voyait la bête féroce en lui, j'avais appris à découvrir des aspects plus humains et plus paternels même chez lui, à force de lui rendre visite quand il avait lui-même des poussins à garder et élever. Il n'aimait pas que j'utilise spécifiquement ces termes quand je parlais de lui et des enfants dont il avait eu la charge mais il ne me changerait pas non plus. Personne n'y était arrivé jusqu'à présent.

En l'entendant grogner, j'avais prétendu être désolée. Au fond de moi, j'étais partiellement désolée parce que ça ne m'amusait pas plus que ça de blesser les autres mais je savais qu'il avait de quoi résister à ça, qu'il avait connu pire et que ça lui ferait mal d'admettre que ça le dérangeait. Parce que c'était un fier soldat de l'époque de Joshua. Fier soldat qui s'était déridé, quoi qu'il en dise. Fier soldat qui n'avait pas que du mauvais en lui. Pour l'instant, j'allais l'épargner à ce sujet, je ne pouvais pas le blesser deux fois en si peu de temps, je risquerais de déclencher une guerre. « Te voilà à malmener un blessé, certains de nos anciens camarades auraient été ravis de le voir. » J'avais haussé les épaules non sans me plaindre un petit peu au passage. Les contusions disséminées sur mon corps se rappelaient à moi. Heureusement, les anciens camarades dont il parlait étaient morts et pour certains, dans d'atroces souffrances. Ils avaient eu ce qu'ils méritaient. Même si, d'une certaine manière, j'étais étonnée que personne ne m'ait jamais réellement associée au règne de ce monstre mais je gardais ça soigneusement pour moi.

« Un ennui mortel. Tu peux ajouter une petite barre dans ta liste de ces fois où j'ai été d'accord avec toi. » J'avais souri telle l'enfant que j'étais encore intérieurement. Une autre petite victoire. Ce n'était pas tant qu'on était d'accord sur un sujet de plus mais qu'il l'ait avoué délibérément. C'était un exploit avec un bougre dans son genre. A être trop sérieux, on pourrait facilement croire qu'il était mon aîné. A moins que ce ne soit moi qui jouais encore trop à mon âge. Je préférais imaginer que c'était un mélange des deux.

« Franchement, Zayne, si je n'avais pas eu ma Dragonne, je me serais bien vue terminer mes jours avec toi et nos petits poussins respectifs. » Une petite pique pour le plaisir, juste pour le voir réagir. Je devais bien l'embêter un peu puisqu'il s'était retrouvé dans les cachots. Noâ me dirait que ce n'était pas nécessaire, qu'il avait eu sa punition et que ça valait pour tous ceux qui croupissaient un temps dans les caves mais Zayne avait le don de vous tenter dans ces cas-là.

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J'avais ri de bon cœur en voyant cette grimace apparaître sur son visage alors que je guettais le moindre signe de sa part. Je le connaissais comme si je lui avais donné la vie, le bougre, il réagissait toujours de la meilleure des façons. Une part de moi ne pouvait pas s'empêcher de se dire que Rey avait dû penser de cette façon à une époque et c'était drôle de remarquer à quel point ils pouvaient se ressembler sur un certain nombre d'aspects. « Quel cauchemar. Je préférerais plutôt charger les Dragons à mains nues avec mon bras amoché. » J'avais ri une seconde fois. Sa remarque allait au moins dans le sens de son langage non verbal. Je me demandais ce qu'il serait devenu si nous n'avions pas eu le règne de Joshua.

« Et arrête de les traiter de poussins. Mes élèves sont des Membres talentueuses. » Zayne était prévisible. Terriblement prévisible. Il ne dérogeait jamais à la règle. Plus il râlait, plus c'était tentant de lui lancer une pique et encore une autre. Ce qui était encore plus drôle dans tout ce bordel, c'était qu'il prétendait être radicalement différent de moi mais il était attaché à celles qu'il avait élevées sur une plus ou moins longue durée de temps, comme je l'étais avec mes poussins. Seul le nom que nous leur donnions différait mais il prenait naturellement des nouvelles d'Asha et d'April, on ne me le cachait pas.

Puisqu'il avait décidé de me cogner, j'en avais fait de même, le sourire aux lèvres. « Un petit mentor gâteux. Si je n'étais pas insensible, je te prendrais dans mes bras pour rendre ce moment encore plus mémorable. » Ce sourire amusé ne se défaisait pas. J'avais même levé les bras, les paumes de mains vers le haut. Pour beaucoup, c'était prendre des risques inconsidérés mais pour moi, c'était une partie de jeu.